Mécanisme de l’électrotransfert à l’échelle de la cellule

Mécanisme de l’électrotransfert à l’échelle de la cellule

Depuis les années 80, la technique d’électroporation est utilisée pour le transfert d’acides nucléiques bien que le mécanisme exact ne soit pas totalement élucidé. Nous nous consacrerons essentiellement dans ce paragraphe aux études du mécanisme de l’électrotransfert d’ADN menées à l’échelle de la cellule. Nous verrons que deux phénomènes essentiels interviennent : (1) la perméabilisation de la cellule aux petites molécules indiquant une déstabilisation de la membrane et (2) le transport de l’ADN par électrophorèse.

Perméabilisation
Les conséquences de l’exposition d’une cellule à des impulsions électriques ont été largement étudiées. La bicouche lipidique de la membrane plasmique est faiblement conductrice et sépare deux solutions ayant une très forte conductivité ionique, le cytoplasme d’une part et le milieu extracellulaire d’autre part. La membrane se comporte électriquement comme un diélectrique et l’ensemble, milieu externe, membrane isolante, cytoplasme, se comporte comme un condensateur .

La différence de potentiel entre la membrane externe et la membrane interne d’une cellule ∆Ψ0 est de l’ordre de 70mV. Lorsqu’un champ électrique externe est appliqué à une cellule, le courant résultant induit une accumulation de charges électriques sur la membrane cellulaire et module ainsi le potentiel transmembranaire de la cellule. Si le potentiel transmembranaire dépasse une valeur seuil, la membrane cellulaire se désorganise et des changements structuraux apparaissent.

La différence de potentiel transmembranaire ∆Ψi induite par un champ électrique est décrite par l’équation de Schwann :

∆Ψi = F.g(λ).r.E. cos θ.(1 − exp(−t/τ )) (1)

où F est un facteur dépendant de la forme de la cellule, g(λ) un paramètre dépendant de la conductivité λ de la membrane, r le rayon de la cellule, E le champ appliqué, θ l’angle entre la direction du champ et la normale à la tangente au point considéré sur la membrane, t la durée d’application du champ électrique et τ le temps de charge de la cellule. Si on considère que la membrane est un diélectrique pur, alors le terme g(λ) devient égal à 1. Dans les conditions utilisées pour l’électroperméabilisation des cellules, la durée des impulsions est grande (de plusieurs centaines de microsecondes à quelques millisecondes) devant le temps de charge de la cellule qui est de l’ordre de quelques microsecondes. L’équation peut alors être simplifiée :

∆Ψi = F.r.E. cos θ (2)

Donc ∆Ψi n’est pas uniforme à la surface de la cellule : le potentiel transmembranaire induit est maximum aux points de la cellule face aux électrodes (θ= 0 et π). Ce phénomène a été observé expérimentalement par vidéomicroscopie.

Lorsque la valeur du champ électrique seuil est dépassée, plus la différence entre la valeur seuil et la valeur appliquée est grande, plus la surface perméabilisée est étendue. En effet  l’équation 2 montre que pour un champ électrique donné, la différence de potentiel transmembranaire induite varie en fonction du point considéré sur la membrane. Plus l’angle formé entre la direction du champ et la direction perpendiculaire à la tangente au point considéré augmente, plus le potentiel transmembranaire induit diminue. Au delà d’un angle donné, ∆Ψi devient inférieur à la valeur seuil permettant la perméabilisation. La relation entre le champ électrique appliqué et la surface perméabilisée a été mise en évidence in vitro par marquage fluorescent des zones perméabilisées de la cellule [68]. Ces travaux ont aussi montré que c’est d’abord la face de la cellule du côté anode qui est perméabilisée, le potentiel de membrane négatif de la cellule s’ajoutant à celui créé.

Transfert d’ADN

Les mécanismes moléculaires du transfert d’ADN lors de l’électroperméabilisation sont encore mal élucidés. Différents modèles ont été proposés : Un modèle suggère que l’électroperméabilisation conduit à la formation d’«électropores» relativement stables [64,69]. L’ADN plasmidique pourrait éventuellement passer la membrane après une étape de liaison à la surface de la cellule puis par diffusion. Cependant ces pores n’ont jamais pu être visualisés. Une autre théorie suggère que l’ADN plasmidique passe la membrane pendant l’application des impulsions électriques, et ceci grâce à des forces électrophorétiques associées au champ électrique. Cet effet électrophorétique a été montré lors de différentes études : Klenchin et al. ont démontré la nécessité de la présence de l’ADN au moment de l’application du champ électrique [70]. De plus ils ont montré que l’efficacité de transfection dépendait de la polarité du champ électrique. Sukharev et al. ont également montré que des impulsions de courte durée à haut voltage (HV) induisaient une perméabilisation de la membrane mais pas de transfection, des impulsions de longue durée à bas voltage (LV) n’induisaient également aucune transfection par contre la séquence HV puis LV permettait d’obtenir une transfection. Une hypothèse proposée était que la transfection des cellules perméabilisées par HV n’était possible que si on induisait une électrophorèse de l’ADN avec LV [71]. Une étude par microscopie de fluorescence à l’échelle de la cellule [72] a révélé que des impulsions électriques de l’ordre de la milliseconde induisaient une interaction entre la membrane électroperméabilisée et l’ADN. Une accumulation de plasmide fluorescent a été observée au contact de la membrane cellulaire côté cathode sans pour autant immédiatement se déplacer dans le cytosol. Ainsi l’ADN doit être présent pendant les impulsions et l’électrophorèse induite par le champ favorise son insertion dans la membrane, mais l’ADN ne franchit la membrane électroperméabilisée que dans la minute suivante [73]. Le même groupe a récemment démontré la relation directe entre l’interaction ADN/membrane et l’efficacité de transfection : une augmentation de la surface de contact entre l’ADN et la membrane conduit à une plus forte expression [74].

Mécanisme de l’électrotransfert in vivo

Ce n’est qu’au début des années 90 que les premières études d’électroporation in vivo apparaissent. Elles concernent tout d’abord le transfert de molécules chimiques et non d’ADN. La première réelle démonstration de l’électroperméabilisation sur des cellules d’un tissu in vivo, fut réalisée sur des tumeurs après injection de bléomycine [75] et application d’impulsions électriques. La bléomycine est un agent anticancéreux qui provoque des cassures simple et double-brin de l’ADN entraînant une toxicité cellulaire. L’efficacité de la bléomycine dépend de sa concentration intracellulaire mais cette drogue pénètre mal dans les cellules. Il a donc été observé une meilleure pénétration de la bléomycine après application d’impulsions électriques aux tumeurs, conduisant à une plus forte toxicité. Depuis cette technique a été développée sous le nom d’électrochimiothérapie [75,76]. On peut citer par exemple l’utilisation du cisplatine, un autre agent anticancéreux, pour un essai clinique sur des mélanomes malins de la peau [77] ou pour un usage vétérinaire sur des chevaux [78]. A la fin des années 90, l’électrotransfert in vivo voit le jour en parallèle de cette technique d’électrochimiothérapie. Cette technique efficace de transfert de gène consiste à injecter une solution d’ADN dans le tissu cible et à appliquer une série d’impulsions électriques sur ce même tissu. De la même façon que pour les études in vitro, le mécanisme de l’électrotransfert d’ADN in vivo n’est pas complètement élucidé. La plupart des études tendent à montrer que le mécanisme de l’électrotransfert in vivo est comparable au mécanisme in vitro décrit précédemment et étendu à l’ensemble du tissu : la perméabilisation est atteinte au delà d’une valeur seuil de champ local, et l’électrotransfert est un mécanisme faisant intervenir plusieurs étapes. En 1999, Mir et al. ont montré que des impulsions électriques permettaient d’augmenter le transfert de gène dans le muscle squelettique non seulement par un effet de perméabilisation de la cellule mais également par un effet direct sur l’ADN permettant sa migration et son entrée dans la cellule [76]. Ils ont étudié d’une part l’incorporation du 51Cr-EDTA radioactif, comme marqueur de la perméabilisation des fibres musculaires, et d’autre part l’expression du transgène, comme preuve de l’entrée d’ADN. Ils ont montré que l’ajout de 51Cr EDTA peu de temps après les impulsions électriques permettait la pénétration du marqueur radioactif alors que l’ajout d’ADN après les impulsions électriques ne permettait plus l’entrée de l’ADN. Bureau et al. ont également montré que l’électrotransfert était la combinaison de deux phénomènes : un effet électroperméabilisant sur la cellule et électrophorétique sur l’ADN [79]. Pour montrer cela ils ont étudié le transfert de gène sur le muscle squelettique de souris en combinant d’une part des impulsions électriques de faible voltage (LV, non perméabilisantes) mais de longue durée (effet électrophorétique) et d’autre part des impulsions électriques de haut voltage mais de courte durée (HV, perméabilisantes). Seule la combinaison d’une impulsion HV (800V/cm ; 0,1ms) suivie d’une impulsion LV (80V/cm, 80ms) a conduit à un transfert de gène élevé. Une étude plus récente a confirmé que le rôle des impulsions HV est limité à la perméabilisation de la cellule, alors que celui des impulsions LV est limité à l’effet électrophorétique sur l’ADN [80]. De façon plus précise, une étude par imagerie par RMN a montré que lorsque le muscle est soumis à une série d’impulsions électriques efficaces pour le transfert de gène, la zone de perméabilisation (visualisée par un complexe au gadolinium Gd DTPA, un agent de contraste) était superposable à la zone d’expression d’un plasmide codant la β-galactosidase [81]. Il faut noter que dans toutes ces expériences, ce qui est mesurée est une perméabilisation à de petites molécules et non à l’ADN. Il est donc peut-être plus pertinent de parler de déstabilisation de la membrane cellulaire. La déstabilisation de la membrane cellulaire et l’effet électrophorétique sur l’ADN ne sont sans doute pas les seuls mécanismes contribuant au transfert de l’ADN dans la cellule. Par exemple, Rols et al. ont évoqué l’importance de métabolismes énergétiques (ADP et ATP) pour le passage de l’ADN à travers la membrane et sa migration jusqu’au noyau [82]. Satkauskas et al. ont également proposé un mécanisme de transport de l’ADN par endocytose médié par un récepteur, mais ce mécanisme ne peut pas expliquer l’électrotransfert [83]. Dans cette même étude, ils ont montré que le niveau d’expression du gène d’intérêt était maintenu en appliquant les impulsions jusqu’à 4 heures après l’injection d’ADN, bien que d’autres études aient montré que la plupart de l’ADN injecté est éliminé au bout de 4 heures [84].

Il a été confirmé au laboratoire qu’après une injection intramusculaire, la majeure partie de l’ADN est rapidement dégradée et éliminée. Une infime partie de l’ADN est préservée et constituerait un réservoir d’ADN électrotransférable et stable [85]. Les mécanismes moléculaires de l’électrotransfert d’ADN in vivo sont encore à l’heure actuelle en cours d’investigation. C’est très vraisemblablement un mécanisme multi étapes faisant intervenir suite à l’injection d’ADN : distribution de l’ADN, perméabilisation de la cellule, transfert d’ADN facilité par un effet électrophorétique. Cependant il est encore nécessaire de comprendre les détails et les contributions de chaque étape pour développer des stratégies d’électrotransfert plus efficaces.

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Table des matières

Introduction
1 Introduction au transfert de gène
1.1 Principe
1.2 Les stratégies
1.3 Les cellules cibles
1.4 Les barrières au transfert de gène
1.5 Les vecteurs viraux
1.6 Les vecteurs non viraux
2 Electrotransfert
2.1 Historique
2.2 Mécanisme de l’électrotransfert à l’échelle de la cellule
2.3 Mécanisme de l’électrotransfert in vivo
2.4 Réalisation pratique
2.5 Tissus cibles
3 Applications thérapeutiques de l’électrotransfert
3.1 Sécrétion ectopique de protéines
3.2 Maladies musculaires
3.3 Production d’anticorps par immunisation génétique
3.4 Cancers
3.5 Electrotransfert comme un outil
4 Régulation temporelle de l’expression des gènes
4.1 Une large étendue d’applications
4.2 Stratégies de régulation de l’expression d’un gène
4.3 Régulation par neutralisation du gène ou de son ARN messager
4.4 Régulation par un contrôle de l’initiation de la transcription
5 Description du projet de thèse
1 Vecteurs plasmidiques
1.1 Plasmides courants
1.2 Plasmides pour la construction du système de régulation
1.3 Plasmides utilisés pour l’imagerie
1.4 Plasmides pour l’obtention d’antiserum
1.5 Purification des plasmides
2 Microbiologie
2.1 Génotypes et caractéristiques des souches d’E. coli
2.2 Milieux de culture
2.3 Préparation de bactéries compétentes
2.4 Transformation de bactéries compétentes par choc thermique
2.5 Transformation de bactéries compétentes par électroporation
3 Biologie moléculaire
3.1 Electrophorèse analytique et préparative des acides nucléiques
3.2 Extraction d’ADN
3.3 Extraction d’ARN
3.4 Traitement à la DNAse des ARN
3.5 Quantification de l’ARN et de l’ADN
3.6 Réaction de polymérisation en chaîne (PCR)
3.7 RT-PCR
3.8 PCR en temps réel
3.9 Traitement au bisulfite
3.10 PCR nichée après traitement au bisulfite
3.11 RAIC PCR (Repeat-Anchored Integration Capture)
3.12 Séquençage
4 Biologie cellulaire
4.1 Culture cellulaire
4.2 Transfection in vitro
5 Biochimie
5.1 Dosages biochimiques
5.2 Dosages ELISA (Enzyme Linked-Immuno-Sorbent Assay)
5.3 Immunofluorescence
5.4 Western-Blot
6 Expérimentation animale
6.1 Animaux
6.2 Anesthésie
6.3 Transfert de gènes in vivo dans le muscle squelettique de souris
6.4 Transfert de gènes in vivo en intradermique chez la souris
6.5 Transfert de gènes in vivo dans le muscle chez le lapin
6.6 Prélèvements
6.7 Histologie
6.8 Test de neutralisation
7 Imagerie du petit animal
7.1 Préparation de l’animal
7.2 Caméra CCD
8 Statistiques
Résultats
Chapitre 1 Suivi du transfert de gène par imagerie optique
1.1 Introduction
1.2 Contexte
1.3 Système de détection
1.4 Signaux optiques
1.4.1 Bioluminescence
1.4.2 Fluorescence
1.4.3 Avantages et inconvénients
1.5 Exemples d’application
1.5.1 Electrotransfert intramusculaire
1.5.2 Suivi de l’expression de la GFP à long terme
1.6 Première mise au point : effet de la hyaluronidase
1.6.1 Intérêt de la hyaluronidase
1.6.2 Mise en oeuvre
1.7 Deuxième mise au point : électrotransfert intradermique
1.7.1 La peau : cible de choix
1.7.2 Mise en oeuvre
1.8 Conclusion et perspectives
Chapitre 2 Système de régulation de l’expression de gène par stratégie antisens
2.1 Introduction
2.2 Choix de la stratégie
2.2.1 Choix du système Tet-Off
2.2.2 Choix d’une stratégie antisens
2.3 Description du système de régulation
2.4 Constructions plasmidiques
2.5 Stratégie antisens
2.5.1 Inhibition in vitro de l’expression d’un gène par un ARN antisens
2.5.2 Spécificité de l’antisens in vitro
2.5.3 Inhibition in vivo de l’expression d’un gène par un ARN antisens
2.6 Système de régulation par un antisens conditionnel
2.6.1 Evaluation du système de régulation in vitro
2.6.2 Régulation à long terme de l’expression de la hSeAP in vivo avec un système à trois plasmides
2.6.3 Régulation à long terme de l’expression de la hSeAP in vivo avec un système à deux plasmides
2.6.4 Régulation à long terme de l’expression de l’Epo in vivo
2.6.5 Remarque : étude de l’effet d’un ARN double brin dans une cellule
2.7 Conclusions et Perspectives
Chapitre 3 Obtention d’antisérums antitoxines botuliques
3.1 Les toxines botuliques
3.1.1 Organisation fonctionnelle
3.1.2 Mécanisme d’action
3.1.3 Le botulisme
3.1.4 Applications thérapeutiques
3.1.5 Bio-terrorisme
3.1.6 Stratégies actuelles anti-toxines
3.2 Procédés d’obtentions d’antisérums anti-BoNT
3.3 Fragment immunogène
3.4 Mécanisme de l’immunisation par ADN
3.5 Description du projet
3.6 Première évaluation : antisérums anti-BoNTA
3.6.1 Construction et validation du matériel génétique de départ
3.6.2 Première évaluation in vivo : preuve du concept
3.6.3 Test de neutralisation
3.7 Optimisation du fragment immunogène
3.7.1 Optimisation des codons
3.7.2 Ajout d’un signal de sécrétion
3.7.3 Constructions des vecteurs optimisés
3.7.4 Validation des vecteurs optimisés
3.7.5 Electrotransfert in vivo des différentes constructions
3.8 Optimisation du protocole
3.8.1 Effet de la hyaluronidase
3.8.2 Electrotransfert intradermique
3.8.3 Injections multiples
3.9 Caractérisation des antisérums
3.10 Antisérums anti-BoNTB et anti-BoNTE
3.10.1 Construction et validation du matériel génétique de départ
3.10.2 Etude in vivo
3.11 Sérums multivalents
3.12 Application de la technique au lapin
3.12.1 Choix du protocole
3.12.2 Réalisation
3.13 Conclusion et Perspectives
3.13.1 Remarques générales
3.13.2 Bilan
3.13.3 Perspectives
Conclusion

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