Mécanisme d’action des inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI)

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Mécanisme d’action des autres antirétroviraux

Les inhibiteurs de l’entrée et de la fusion empêchent l’entrée du VIH dans les cellules. Certains d’entre eux bloquent le CXCR4 et le CCR5 qui sont des corécepteurs présents sur la surface des cellules. Ils empêchent aussi le VIH de s’attacher (ou de se fusionner) à la cellule.
Les inhibiteurs de l’intégrase du VIH bloquent l’intégration de l’ADN pro-viral dans l’ADN chromosomique de la cellule infectée.
Les antagonistes du CCR5 sont des composés qui bloquent l’entrée du virus dans la cellule en empêchant sa fixation sur le corécepteur CCR5. Ce dernier est exprimé à la surface des cellules T, principales cibles du virus.
Les inhibiteurs de maturation : la maturation est la phase la plus tardive du cycle cellulaire du VIH. Les inhibiteurs agissent en bloquant la maturation des virus et l’activité est diminuée sur des virus présentant des mutations de résistance aux inhibiteurs de protéase.
Les inhibiteurs nucléotidiques de la transcriptase inverse fonctionnent de la même manière que les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) mais ils possèdent déjà une phosphorylation. Leur demi-vie intracellulaire est beaucoup plus longue que celle des INTI (8).

PHARMACOCINETIQUE DES ANTIRETROVIRAUX

Certains antirétroviraux ont des caractéristiques pharmacocinétiques intra-individuelles très variables comme les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse et les inhibiteurs de la protéase. L’exposition à des concentrations sub-optimales de médicaments peut conduire à la perte d’efficacité du traitement, parce que celles-ci favorisent le développement de résistances virales. Pour qu’un patient bénéficie durablement du traitement antiviral, il faut en effet que le virus soit constamment exposé à des concentrations suffisantes d’antiviraux. Par conséquent, il faut que les médicaments soient administrés à des doses optimales pour garantir une concentration satisfaisante, que les interactions médicamenteuses soient évitées ou prises en compte et que l’observance thérapeutique soit assurée. L’exposition à des concentrations trop élevées augmente, quant à elle, le risque de toxicité médicamenteuse.
Les inhibiteurs nucléosidiques (INTI) de la transcriptase inverse sont des “ prodrogues ”. Seuls leurs dérivés tri phosphorylés par la cellule sont actifs. La biodisponibilité des INTI est en général bonne. Ils sont peu fixés aux protéines plasmatiques et éliminés dans les urines sous forme inchangée, sauf la Zidovudine et l’Abacavir qui sont en partie glucuronoconjugués et la Didanosine éliminée en partie en hypoxanthine.
Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) ont pour principale caractéristique d’avoir une demi-vie prolongée > 30 h ; en plus, ils sont métabolisés par les cytochromes P450 hépatiques pour lesquels ils ont une forte affinité, ensuite et ils possèdent des propriétés inductrices enzymatiques leur permettant d’inhiber les IP (9).
Les inhibiteurs de protéase du VIH (IP) ont une faible demi-vie comprise entre 2h et 9h. Ils sont d’abord métabolisés dans l’intestin, ce qui explique ainsi une faible biodisponibilité pour certains d’entre eux. Ils sont ensuite métabolisés dans le foie par les cytochromes CYP3A pour lesquels ils ont une forte affinité, ce qui leur confère des propriétés inhibitrices (10).
Les caractéristiques pharmacocinétiques des INNT et des IP sont complexes ; en particulier, une non-linéarité explique que l’augmentation des concentrations ne soit pas proportionnelle à la dose administrée. Ainsi, à une faible dose d’IP, on a une augmentation de la concentration plasmatique. Donc il faut 10 à 15 jours de traitement pour atteindre l’état d’équilibre. L’IP inhibant l’autre IP associé entraîne une augmentation de la concentration plasmatique de l’IP inhibé et une diminution de la formation de métabolites (11, 12).

EFFETS THERAPEUTIQUES

Pour obtenir les effets thérapeutiques attendus, il existe de nombreuses voies de traitement visant donc à bloquer le développement du VIH en différents points de son cycle. C’est ainsi qu’on a 2 principaux volets : le traitement immédiat pour la trithérapie et le traitement des maladies opportunistes et des tumeurs. Avec la trithérapie, on traite généralement le VIH au moyen d’un traitement antirétroviral hautement actif avec une puissante combinaison d’au moins 3 médicaments. Ces antirétroviraux ralentissent la progression du VIH en s’attaquant au virus afin de réduire le plus longtemps possible la charge virale et remonter le taux de CD4 après quelques mois. L’observance du traitement est extrêmement importante car elle empêche aussi l’apparition de résistances médicamenteuses.
L’arrivée des associations de molécules a diminué l’utilisation des monothérapies d’autant plus que le traitement antirétroviral n’était plus efficace pour contrôler la maladie et induire une amélioration durable du statut immunitaire des malades et donc de leur état de santé. Des études cliniques ont montré qu’une efficacité durable et majeure ne pouvait être obtenue que par l’association d’au moins trois antirétroviraux. La comparaison d’une monothérapie à l’AZT, d’une bithérapie aux INTI et d’une trithérapie 2INTI+1IP, concernant l’augmentation du taux de CD4 et la diminution de la charge virale au cour du traitement, montre une efficacité plus importante et plus longtemps de la trithérapie. Ces améliorations biologiques obtenues sous trithérapie sont corrélées avec une amélioration de l’état de santé du patient, une régression des maladies opportunistes et une diminution de la mortalité.
Les antirétroviraux doivent avoir un effet notoire sur la charge virale et sur le taux de CD4. Sous traitement, la charge virale doit sensiblement baisser après un mois de traitement. Elle doit également devenir inférieure au seuil de détection de la charge virale qui est de 50copies /millilitre après trois mois. Une charge virale inférieure au seuil est associée à un traitement efficace de façon indéfinie tant que le traitement est suivi.
D’une façon générale, la chute de la charge virale s’accompagne d’une remontée significative du taux de CD4. Mais on peut avoir de mauvais résultats sous traitement et cela est dû le plus souvent à des erreurs de prise, des oublis de prise ou une mauvaise observance du traitement (13).

EFFETS SECONDAIRES

Les antirétroviraux ne sont pas des médicaments anodins. Ils présentent tous une certaine toxicité pour l’organisme ; ils sont responsables d’effets secondaires ou indésirables plus ou moins marqués à court, à moyen et à long termes. Ces effets secondaires sont variés, bénins ou graves et diffèrent par le moment de leur apparition et la classe ou le type de molécule utilisée. Ils peuvent justifier l’arrêt d’un des antirétroviraux de la trithérapie et son remplacement par un autre.
Certains troubles sont à court terme et cèdent sous traitement : céphalées, douleurs abdominales, diarrhée, sensation de fatigue. D’autres troubles vont persister tout au long du traitement : diarrhée, douleurs abdominales, nausées (6, 7, 8).
Des allergies cutanées peuvent se rencontrer essentiellement avec les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (Sustiva®) mais tous les médicaments inclus dans la trithérapie sont susceptibles d’entraîner des réactions allergiques.
Parmi ces allergies cutanées, on note les toxidermies médicamenteuses qui sont des éruptions cutanées médicamenteuses. Ce sont les effets secondaires les plus fréquemment observés après administration d’un traitement. Parmi ces toxidermies médicamenteuses il y a le syndrome de Steven Johnson et celui de Lyell.
Le syndrome de Stevens-Johnson (érythèmes exsudatifs multiformes) est une maladie orpheline grave, de survenue brutale et potentiellement létale (15 % des cas). C’est une maladie souvent provoquée par des médicaments touchant la peau et les muqueuses ; une expression grave d’un érythème multiforme (EM) (on l’appelle également erythema multiform major), nécessite une hospitalisation. Il est caractérisé par une pluralité de symptômes pouvant ou non être associés : de la fièvre, l’atteinte simultanée de plusieurs muqueuses (une conjonctivite purulente, des efflorescences dans la bouche, le nez, le pénis, la vulve ou l’anus, …), la destruction par nécrose de la couche superficielle de la peau, l’atteinte de certains organes internes, des myalgies, une altération de l’état général et des céphalées.
Le premier symptôme est généralement une atteinte simultanée de plusieurs muqueuses (bouche, gorge, nez, yeux, pénis, vulve et/ou anus).
Rapidement apparaissent des lésions cutanées polymorphes qui peuvent recouvrir la plus grande partie de la peau mais elles se concentrent au niveau de la paume des mains. Ces lésions commencent sous forme de macules et peuvent devenir des papules, des vésicules, des plaques d’urticaire ou des plaques purpuriqueS.
On note également des lésions bulleuses et érosives pouvant saigner et être douloureuses, des muqueuses au niveau de certains orifices naturels telles que les narines et la bouche, des muqueuses génitales et les conjonctives. Les bulles peuvent se rejoindre et ainsi causer un décollement plus ou moins étendu de la peau.
Dans le cas du syndrome de Stevens-Johnson, la surface de la peau atteinte par la maladie est inférieure à 10%. Les cas les plus extrêmes sont appelés syndrome de nécrolyse épidermique toxique ou syndrome de Lyell . Dans ces cas-là, plus de 30% de la surface de la peau est atteinte (14).
Le Syndrome de Lyell est caractérisé par des bulles qui sont des collections liquidiennes claires ou hémorragiques dont la taille est supérieure à 3-4 mm.
Sur la peau : les bulles sont parfois fugaces ; il faut savoir les reconnaître devant des lésions érosives ou croûteuses de contours arrondis, volontiers bordées par une collerette épidermique. Ailleurs, il s’agit de vastes décollements épidermiques, spontanés ou provoqués. Les bulles peuvent être surinfectées, se présentant alors comme de larges collections purulentes. Il existe un signe de Nikolsky qui est un décollement provoqué par le frottement cutané en peau saine et qui évolue vers une dermatose bulleuse intra-épidermique (syndrome de Lyell).
Sur les muqueuses : les bulles sont éphémères et doivent être reconnues devant des lésions érosives, volontiers surinfectées (odeur fétide de la bouche) (15).
Après plusieurs semaines ou plusieurs mois, peuvent apparaître des effets secondaires gênants, susceptibles d’entraîner une modification ou une interruption du traitement ; il peut s’agir:
– d’anémie sous AZT sévère
– de neuropathies périphériques avec douleurs musculaires sous Zérit® (d4T) et Videx® (ddi),
– de douleurs abdominales avec pancréatite (Videx®, Zérit®, Hivid®),
– des anomalies biologiques telles qu’une hyperglycémie, une hyperlipidémie et une tendance au diabète.
Certains médicaments anti-VIH peuvent provoquer une lipodystrophie ou redistribution des graisses dans l’organisme. On peut remarquer une augmentation de la quantité de graisse au bas de la nuque, dans la partie inférieure de l’abdomen ou au niveau des seins. On peut aussi constater une diminution de la quantité de graisse au niveau des bras et des jambes, des fesses et du visage. Cette redistribution de la graisse peut provoquer une gêne physique. Dans la mesure où la lipodystrophie modifie l’apparence du corps, elle peut aussi affecter la santé mentale. Des modifications du traitement s’avèrent parfois utiles pour ralentir ou stopper l’évolution de la lipodystrophie.
L’exercice physique régulier permet de lutter contre la prise de graisse (16).
Dans certains cas de lipodystrophie, des techniques de correction chirurgicale pourront être proposées.
Certaines personnes souffrant de lipodystrophie présentent aussi des taux élevés de certaines graisses dans le sang, comme le cholestérol et les triglycérides qui sont associés à un risque élevé de maladies cardiovasculaires. Le médecin surveillera étroitement ces taux par des analyses sanguines réalisées à intervalles réguliers (16).
Enfin, on peut noter que les effets indésirables liés à la prise de traitements antirétroviraux sont multiples, tant dans leur présentation que dans leur gravité. Tout effet secondaire grave doit impérativement faire stopper la molécule incriminée. Cela se discute beaucoup plus en cas d’effets secondaires modérés.
Néanmoins, ces effets modérés peuvent avoir un retentissement sur la vie au quotidien des patients et surtout favoriser une mauvaise compliance au traitement. Cette mauvaise compliance peut alors favoriser l’apparition de virus mutés résistants et par conséquent engendrer un échappement thérapeutique. Cet échappement représente actuellement le principal problème de la prise en charge thérapeutique des patients infectés par le VIH. Afin de favoriser cette compliance, il est parfois nécessaire de modifier une thérapeutique antirétrovirale s’accompagnant d’effets secondaires, même minimes (17).

INTERET DU SUIVI THERAPEUTIQUE

Le suivi thérapeutique est un ensemble de moyens mis en œuvre pour surveiller l’effet et la bonne tolérance d’un traitement. Il caractérise le mieux la pharmacologie clinique car il permet d’atteindre son principal objectif qui est d’optimiser le bénéfice et de minimiser le risque lié à l’usage de médicament.
D’après la société française de pharmacologie et de thérapeutique, le suivi thérapeutique est l’activité qui consiste à doser les concentrations sanguines d’un médicament pour ajuster la dose administrée à chaque individu. Ainsi, il fait appel à la chimie analytique, à la pharmacocinétique, à la connaissance des mécanismes d’actions des médicaments et à la thérapeutique (19, 20, 21).

INDICATIONS DU SUIVI THERAPEUTIQUE

Le suivi thérapeutique a été proposé pour adapter la posologie des médicaments pour lesquels la relation concentration/effet (thérapeutique ou toxique) est meilleure que la relation dose/effet. En effet, la variabilité des concentrations obtenues pour une même posologie expose au risque d’activité sous-optimale et à des effets indésirables. C’est ainsi que le suivi thérapeutique a été indiqué en cas de nouveau traitement, d’échecs thérapeutiques ou de toxicité (22, 23, 24, 25).

Suivi lors d’un nouveau traitement

Lors d’un nouveau traitement par les ARV, la réalisation d’un dosage précoce est recommandée dans un certain nombre de situations dans l’objectif d’adapter la posologie pour optimiser la réponse virologique et diminuer la toxicité :
– en cas d’interaction médicamenteuse attendue ;
– chez les malades co-infectés par le VHC (virus de l’hépatite C) ou le VHB (virus de l’hépatite B), même en l’absence d’élévation des transaminases et chez le patient atteint d’une insuffisance hépatique ;
– chez les patients ayant des poids extrêmes ;
– chez l’enfant pour les molécules hors AMM et lorsque le virus présente des mutations de résistance ;
– chez la femme enceinte dans certaines situations, en particulier lors de l’initiation du traitement pendant la grossesse et en cas d’échec thérapeutique;
– en cas de malabsorption ;
– en cas d’insuffisance rénale, de dialyse rénale (26, 27, 28).

Suivi en cas d’échecs thérapeutiques

La réalisation de dosages est recommandée en cas d’échec virologique précoce lorsque la réduction de la charge virale est insuffisante (interactions, variabilité, observance…) ou lors d’un rebond virologique après obtention d’une charge virale indétectable. Si la concentration est basse, les raisons d’un défaut d’adhésion doivent être recherchées ; en leur absence, une augmentation rapide de la posologie de l’IP, à ce stade, pourrait permettre de renforcer l’efficacité antivirale sans changer le traitement par le biais d’une augmentation de la concentration plasmatique. Cependant, la validité de cette stratégie reste à démontrer (28, 29).

Suivi en cas de toxicité

La réalisation d’un dosage est préconisée devant une toxicité dose dépendante (par exemple, troubles neuropsychiques et Efavirenz, cytolyse hépatique et IP). On ne peut pas encore établir si oui ou non des concentrations élevées sont susceptibles d’augmenter la fréquence des complications métaboliques à long terme (30). Toutefois, les risques de diminution d’activité antivirale après une réduction de dose doivent être évalués.

COMMENT FAIRE UN SUIVI THERAPEUTIQUE

Prélèvement

La mesure de la concentration résiduelle est la plus simple à réaliser et la plus facile à interpréter. Le prélèvement sanguin sera effectué le matin avant la prise, en respectant les horaires par rapport à l’intervalle habituel entre deux prises. Un prélèvement au moment du “ pic ” de concentration pourra être effectué en plus de la concentration minimale (Cmin), lors de difficultés de diagnostic entre malabsorption et problème d’adhésion. Un dosage non programmé pour contrôler l’adhésion peut être réalisé, avec l’accord du patient, au moment de la consultation, quel que soit l’horaire de la dernière prise. La posologie des médicaments antirétroviraux ainsi que les heures et dates de la dernière prise et du prélèvement doivent obligatoirement être indiquées pour assurer la meilleure interprétation.
L’interprétation sera fonction de la demi-vie de la molécule et de l’heure de la dernière prise. En début de traitement, les prélèvements doivent être réalisés à l’état d’équilibre. Lorsque la posologie d’un antirétroviral a été augmentée ou diminuée au vu des résultats de dosages plasmatiques, une mesure des concentrations à la posologie adaptée doit être effectuée pour en contrôler la validité 15 jours à un mois après (31, 32).

Dosages plasmatiques et les méthodes utilisées

Dosages plasmatiques des ARV

Les dosages des ARV sont réalisés dans le plasma (ou à défaut dans le sérum) le matin avant la prise, afin de déterminer la concentration résiduelle.
Ils sont réalisés par des techniques chromatographiques (chromatographie liquide haute performance, CLHP). La mise au point et la validation d’une technique de dosage nécessite deux pré- requis indispensables :
la fourniture de principe actif pur par les industriels. Ces produits sont fournis à titre gracieux sous formes chimiques diverses (“base ”ou sel ”).
la participation à un contrôle de qualité externe. Le dosage intracellulaire des métabolites phosphorylés des INTI est disponible dans un laboratoire à visée de recherche.
Pour de nombreux ARV, une zone de concentration plasmatique dite thérapeutique peut être définie. Des concentrations plasmatiques trop élevées sont souvent à l’ origine d’intolérance et d’apparition d’effets indésirables. A l’inverse, les concentrations plasmatiques trop faibles sont à l’origine d’apparition de mutation de résistance et d’échecs thérapeutiques. Ces dosages sont destinés à permettre au médecin prescripteur :
– d’adapter le traitement à chaque individu car il ya une grande variabilité intra et interindividuelle rendant ainsi difficile la prédiction fiable des concentrations plasmatiques qui seront obtenues avec des posologies usuelles, d’où l’importance de ces dosages.
– d’évaluer l’impact de nombreuses interactions médicamenteuses souvent complexes entre les ARV et /ou les autres médicaments. En effet, les ARV sont des inducteurs et/ ou des inhibiteurs des cytochromes P450 tout en étant des substrats à ces enzymes, ce qui leur permet de modifier leurs propres pharmacocinétiques comme celles des médicaments associés. Cela peut alors
induire un sous ou surdosage aux posologies habituellement prescrites nécessitant une adaptation de posologies individualisées. L’interprétation doit se faire au regard du taux de CD4, de la charge virale et du profit de résistance (11, 12, 33).

Méthodes de dosage

Le recours à un suivi thérapeutique par dosage sanguin nécessite de nombreuses connaissances tant dans le domaine analytique, pré analytique que dans l’intégration des données cliniques associées. Donc, ce suivi ne doit pas se concevoir comme une simple activité de dosage des médicaments, même si l’activité analytique est particulièrement importante dans ce domaine.
Un suivi thérapeutique, pour être complet, doit être toujours accompagné d’une interprétation et si possible d’une adaptation de posologie. Mais avant cela, il faut nécessairement organiser le recueil de prélèvement, rassembler les données cliniques nécessaires à l’interprétation et assurer le transport ainsi que la conservation des échantillons ; c’est la phase pré-analytique. Chaque phase est importante et ne doit pas être négligée.

Phase pré-analytique

On organise la demande de suivi thérapeutique en précisant la nature de l’échantillon à analyser, le délai entre le début du traitement et le prélèvement, le délai nécessaire entre le prélèvement et la dernière administration du médicament lorsque l’on cherche à déterminer les concentrations à un temps précis. Il faut aussi disposer des renseignements cliniques nécessaires à l’interprétation. Par ailleurs, on doit définir les conditions d’acheminement et organiser la conservation des échantillons car, exposés à l’air libre, les médicaments peuvent subir l’action des enzymes. Il faut aussi noter que la stabilité des médicaments souvent mal connue est parfois très mauvaise.

Phase analytique

Les marges de concentrations thérapeutiques dépendent des méthodes utilisées et il est nécessaire de réaliser la concentration minimale ou résiduelle. Ainsi, les progrès réalisés dans les méthodes analytiques permettent de doser la plupart des médicaments.
Toutefois, les connaissances nécessaires à leur interprétation rationnelle font encore souvent défaut. Diverses méthodes sont utilisées mais les plus récentes sont :
– Les méthodes immuno métriques qui sont de loin les plus utilisées. Parmi celles-ci, il y a le dosage par polarisation de fluorescence, le dosage enzymatique et immuno enzymatique. Ces méthodes ont été développées pour de nombreux automates et sont généralement rapides et faciles à mettre en œuvre. Leur inconvénient principal est l’existence de réactions croisées, variables selon la nature et la spécificité des anticorps.
– Les méthodes chromatographiques couplées à un détecteur par spectrométrie de masse et les méthodes chromatographiques simples
– Les méthodes radio immunologiques (RIA) qui ne concernent plus qu’un petit nombre de médicaments et tendent à être remplacées.
Ces différentes techniques se différencient notamment par leur spécificité, leur sensibilité, leur complexité, le délai d’obtention du résultat et leur tarification. Les méthodes chromatographiques couplées à une spectrométrie de masse sont
rapides, universelles et servent souvent de référence car elles sont plus spécifiques et plus sensibles que celles immunochimiques. Elles permettent un dosage simultané et indépendant de plusieurs médicaments de la même famille pharmaco thérapeutique. Ce sont des techniques flexibles permettant la mise au point de nombreuses méthodes d’analyses avec le même type d’appareillage.
Néanmoins, ces techniques imposent des contraintes de temps comme le temps de validation d’un résultat. Elles sont plus complexes à mettre en œuvre que les méthodes immunologiques car elles nécessitent la mise en place d’une technologie poussée et coûteuse (32, 33, 34, 35).

Interprétation des résultats

Le laboratoire ne peut se contenter de rendre une concentration sans interprétation. Pour ce faire, l’interprétation doit être basée sur les données cliniques, le délai entre l’administration et le prélèvement, les intervalles de référence, les limites des méthodes analytiques utilisées. Les données cliniques doivent se porter essentiellement sur l’indication pour laquelle le médicament a été administré. Il faut aussi connaître les nouveaux effets dus au traitement, les pathologies associées ainsi que le poids, l’âge et le sexe du patient.
Il faut également rappeler que la fluctuation des concentrations en cas d’oubli ou de décalage de prises sera d’autant plus importante que la demi-vie du médicament est courte par rapport à l’intervalle de temps entre deux prises.
Certaines données biologiques peuvent aussi compléter l’interprétation. Il est important de savoir aussi que la concentration sanguine est une variable qui peut changer du jour au lendemain. Par conséquent, elle nécessite, le respect des conditions de prélèvement (bons milieux biologiques, conditions de conservation du prélèvement…), la connaissance de l’heure de prélèvement et de l’heure de l’administration précédente du médicament. La concentration sanguine est facile à déterminer mais malheureusement elle n’est pas toujours prise en compte par le personnel soignant.
Si la concentration est correcte, ce n’est pas nécessaire de modifier la posologie. Un contrôle de routine sera envisagé quelques mois plus tard en cas d’augmentation significative de la charge virale, de chute des CD4 ou encore d’apparition d’effets indésirables.
Si la concentration est trop faible, il sera peut être nécessaire d’augmenter la posologie d’une partie des médicaments ARV et voir les modalités d’obtention de ces résultats.
Si la concentration est trop forte et s’il existe des effets indésirables qui résultent d’un surdosage, la réduction de la dose unitaire et le rythme d’administration des ARV pourront être proposés. Un contrôle sera effectué 15 jours plus tard (11, 12, 33).
Il est aussi indispensable pour une bonne interprétation du résultat du dosage d’un médicament que l’état d’équilibre soit atteint. Le non respect de ces conditions peut conduire à une adaptation de posologie à tort (30).
Quelques exemples pratiques de dosage de médicaments permettront de montrer clairement l’intérêt du suivi thérapeutique.

Quelques exemples pratiques

Dosage de l’éfavirenz

Prélèvement

Un prélèvement sanguin devra être effectué le matin avant la prise de médicament, en respectant les horaires par rapport à l’intervalle habituel entre deux prises et en respectant aussi les conditions de prélèvement car la qualité de ce dernier conditionne le résultat.

Méthodes analytiques de dosage

Plusieurs méthodes analytiques pour la quantification des INNTI comme l’Efavirenz et des IP ont fait l’objet de publications scientifiques. Deux procédés sont fréquemment utilisés pour doser l’éfavirenz : la chromatographie liquide à haute performance (HPLC) avec extraction liquide-liquide ou liquide-solide et détection par rayons ultraviolets (UV), et la chromatographie liquide avec détection par spectromètre de masse. Pour les deux méthodes, il est possible d’identifier de façon simultanée tous les INNTI et même les IP.
Toutefois, un programme de contrôle de la qualité inter laboratoire au niveau international a démontré que l’exactitude des mesures prises par plusieurs laboratoires est inférieure aux valeurs acceptables, soit environ 20 % de la vraie concentration plasmatique. Tout laboratoire désirant commencer un service de suivi thérapeutique des ARV devrait effectuer un contrôle de la qualité interne et participer au programme de contrôle de la qualité inter laboratoire. Idéalement, une certaine normalisation des méthodes analytiques devrait également avoir lieu entre les laboratoires (31).
On utilise aussi les dosages immunométriques (dosage immunoenzymatique EIA ; dosage par polarisation de fluorescence – FPIA).
Les méthodes chromatographiques en phase gazeuse (GC) et celles couplées à une détection par spectrométrie de masse (GC-MS) sont également utilisés.

Résultats et interprétations

L’élément le plus controversé et qui freine l’introduction du suivi thérapeutique en clinique est le manque de consensus sur les concentrations plasmatiques visées et les paramètres pharmacocinétiques à employer pour l’interprétation des résultats (32, 37).
On utilise essentiellement les paramètres d’exposition à savoir la Concentration minimale (Cmin), la Concentration maximale (Cmax) et l’Aire sous la courbe (ASC). Parmi ces paramètres indiquant l’exposition aux ARV (Cmin, Cmax et ASC), la Cmin semble être le meilleur déterminant de la réponse virologique des IP. Cela est logique puisque les ARV ne semblent pas exercer un effet post-antiviral et puisque la réplication virale est très rapide en cas d’absence des ARV. Donc, il est primordial d’exposer le virus à une Cmin d’ ARV tout au long de l’intervalle posologique.
Toutefois, la mesure exacte de la Cmin demeure difficile. Le prélèvement sanguin doit être fait juste avant la dose suivante. La présence d’une absorption tardive fera en sorte que la vraie Cmin se situera après la prise du médicament.
L’efficacité virologique est également reliée à la Cmax et à l’ASC qui se définit comme la surface délimitée par les axes et la courbe des concentrations sanguines ou plasmatiques du médicament en fonction du temps. Cependant, pour des raisons pratiques, l’ASC pour l’instant n’est réservée qu’à la recherche puisque des études pharmacocinétiques intensives (sur 8 à 12 heures) sont nécessaires pour calculer cette valeur.
La Cmax peut être utile pour faire le suivi des toxicités reliées aux ARV. Toutefois, plusieurs auteurs prendront cette mesure uniquement lorsqu’une toxicité est déjà documentée. La mesure de la Cmax est également complexe puisque le prélèvement est effectué en un temps précis (Tmax) pour atteindre la Cmax rapportée dans la littérature. Cependant, une variabilité interindividuelle du Tmax peut exister à la suite de troubles de malabsorption ou à la suite d’interactions médicamenteuses.
Pour le suivi thérapeutique de l’éfavirenz, plusieurs experts considèrent qu’un prélèvement sanguin fait au hasard est adéquat étant donné que cette molécule a une longue demi-vie d’élimination. Par conséquent, il y a moins de fluctuations des concentrations plasmatiques avec les INNTI comme l’Efavirenz comparativement aux IP.
De plus, la concentration plasmatique d’éfavirenz mesurée en moyenne 14 heures post-dose est reliée à l’efficacité virologique. Selon une étude, le taux d’échec virologique chez les sujets avec une concentration plasmatique d’éfavirenz de moins de 1 μg/mL, entre 1 et 4 μg/mL et de plus de 4 μg/mL était de 53 %, 22 % et 19 %, respectivement (33, 38).
Il existe une corrélation entre les concentrations plasmatiques des antirétroviraux et la toxicité.
Au cours des dernières années, le suivi thérapeutique des INNTI a retenu moins l’attention que celui des IP. Ce phénomène s’explique par la demi-vie d’élimination plus longue des INNTI qui engendre moins de variabilité interindividuelle. Cependant, certaines études démontrent tout de même une
variabilité importante. Par exemple, des études ont démontré que les coefficients de variation interindividuelle et intraindividuelle de la biodisponibilité de l’éfavirenz sont de 54,6 % et 26 %, respectivement.

Dosage du Nelfinavir

Prélèvement

Un prélèvement sanguin sera effectué le matin avant la prise de médicaments, en respectant les horaires par rapport à l’intervalle habituel entre deux prises et en respectant aussi les conditions de prélèvement.

Méthodes de dosages

Ce sont les mêmes méthodes que celles utilisées avec l’éfavirenz.

Résultats et Interprétations

Une étude a également démontré des associations claires entre la concentration minimale (Cmin), la concentration maximale (Cmax), l’ASC du nelfinavir et la réponse virologique chez 154 sujets recevant du nelfinavir (1 250 μg) et deux INTI. Ces paramètres pharmacocinétiques étaient plus faibles chez les sujets avec un échec virologique.
L’analyse multivariée a démontré qu’une Cmin élevée est le déterminant le plus important d’une réponse virologique favorable. Les sujets avec une charge virale non décelable (< 50 copies/mL) après trois mois de traitement avaient une Cmin médiane de nelfinavir de 1,8 μg/mL versus 0,74 μg/ml chez les sujets n’ayant pas atteint ce but thérapeutique (34).
Outre l’écart thérapeutique étroit des ARV, le suivi thérapeutique des IP comme le Nelfinavir et des INNTI est intéressant puisque l’efficacité de ces agents est reliée aux concentrations plasmatiques.
Il existe une corrélation entre les concentrations plasmatiques des antirétroviraux et la toxicité. Une étude a également démontré une corrélation entre une Cmin élevée de nelfinavir et le développement de lipodystrophie. Les sujets avec une Cmin de nelfinavir supérieure à 3,3 μg/mL avaient un taux plus élevé de lipodystrophie globale et de lipoatrophie périphérique (perte de masse
adipeuse au niveau des extrémités) versus les sujets avec une Cmin inférieure à 1,4 μg/mL. Aucune différence significative n’a été décelée pour l’accumulation de masse adipeuse au niveau abdominal. Toutefois, l’incidence et la sévérité de la diarrhée occasionnée par le nelfinavir ne semblent pas reliées à la concentration plasmatique de cet IP (35, 36).
Pour le nelfinavir, le coefficient de variation interindividuelle de la Cmin est de 153 %, tandis que le coefficient de variation intraindividuelle est plus faible, soit 45%. Cette variabilité interindividuelle s’explique par des différences dans l’absorption des IP, des interactions médicamenteuses, l’inobservance et des conditions médicales pouvant altérer la pharmacocinétique des ARV.
La grande variabilité interindividuelle est un argument puissant pour le suivi thérapeutique des IP, puisqu’elle soutient le besoin d’individualiser la posologie au lieu de prescrire la même dose à chaque patient (39,40).

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : Rappels sur la Pharmacologie des Antirétroviraux
I.CLASSIFICATION
I.1. Les trois principales classes d’ARV
I.2. Les autres classes d’ARV
II. MECANISMES D’ACTION
II.1. Mécanisme d’action des inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI)
II.2. Mécanisme d’action des inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI)
II.3. Mécanisme d’action des inhibiteurs de la protéase (IP)
II.4. Mécanisme d’action des autres antirétroviraux
III. PHARMACOCINETIQUE DES ANTIRETROVIRAUX
IV. EFFETS THERAPEUTIQUES
V. EFFETS SECONDAIRES
VI. MODE D’UTILISATION
DEUXIEME PARTIE : Suivi Thérapeutique Appliqué aux Antirétroviraux
I. INTERET DU SUIVI THERAPEUTIQUE
II. INDICATIONS DU SUIVI THERAPEUTIQUE
II.1. Suivi lors d’un nouveau traitement
II.2. Suivi en cas d’échecs thérapeutiques
II.3. Suivi en cas de toxicité
III. COMMENT FAIRE UN SUIVI THERAPEUTIQUE
III.1. Prélèvement
III.2. Dosages plasmatiques et les méthodes utilisées
III.2.1. Dosages plasmatiques des ARV
III.2.2. Méthodes de dosage
III.2.2.1. Phase pré-analytique
III.2.2.2. Phases analytiques
III.3.Interprétation des résultats
III.4. Quelques exemples pratiques
III.4.1. Dosage de l’éfavirenz
III.4.1.1. Prélèvement
III.4.1.2. Méthodes analytiques de dosage
III.4.1.3. Résultats et interprétations
III.4.2. Dosage du Nelfinavir
III.4.2.1. Prélèvement
III.4.2.2. Méthodes de dosages
III.4.2.3. Résultats et Interprétations
CONCLUSION
REFERENCES

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