Problématiques pendant l’exploitation et après l’abandon des cavités
Plusieurs problèmes se posent pendant l’exploitation des cavités salines et après leur abandon. Les problèmes suivants sont parmi les plus importants :
– Le risque de rupture ou de perte excessive du volume de la caverne est considérable quand la caverne est profonde et que sa pression est très basse. Pour diminuer ce risque, on limite la pression à une pression minimale admissible. La pression minimale admissible est déterminée par les résultats d’essais mécaniques au laboratoire.
– Le risque de micro-fracturation dans une cavité en gaz est vraisemblable quand la pression dans la caverne est élevée. On limite le risque de micro-fracturation en respectant une borne supérieure pour la pression dans la caverne. La pression maximale admissible est souvent déterminée à partir des résultats de l’essai de fracturation hydraulique.
– Le risque de fuite à travers la cimentation autour du puits est possible en particulier suite à une mise en pression dans la caverne. La fuite est estimée par un essai d’étanchéité sur place. En général, il est suggéré que la fuite soit inférieure à 160 m3/an (débit compté dans les condition de fond).
– Le risque de fracturation dans une cavité abandonnée est très élevé quand la pression dans la caverne monte jusqu’à la pression géostatique. En réalisant un essai d’abandon, on peut estimer la pression ultime qui serait atteinte dans la caverne fermée.
Ainsi l’interprétation des essais in situ présente-t-elle un importance considérable. On peut prévoir que le rôle du comportement transitoire des cavernes dans cette interprétation soit significatif. De nombreux auteurs de la littérature ont étudié le comportement transitoire des éprouvettes de laboratoire ou le comportement des cavités avec pression interne constante ou cyclique. Un moins grand nombre d’auteurs se sont intéressés au comportement transitoire des cavernes, en particulier pendant les essais in situ. Il faut remarquer deux points importants dans l’analogie entre caverne et éprouvette :
– Le comportement mécanique différé d’une caverne, dans le cas non linéaire, fait apparaître des effets que le comportement d’une éprouvette du sel ne laisse pas prévoir.
– Hormis les phénomènes mécaniques, des phénomènes thermiques, hydrauliques et chimiques contribuent au comportement transitoire d’une caverne fermée pleine de saumure.
Comportement transitoire et rupture
Le transitoire mécanique peut avoir des conséquences sur la fracturation et la rupture dans une caverne. En général, la rupture d’une caverne est un phénomène complexe qui dépend de la taille de la cavité, de sa forme, de la distribution des insolubles dans la roche, etc. Souvent dans des grandes cavernes peu profondes créées pour la production de la saumure, le toit ne peut pas supporter la surcharge ; par exemple Buffet (1998)[1] décrit le cas d’une cavité dont la stabilité à long terme ne pouvait pas être assurée et qui a donc été soumise à un effondrement volontaire en mettant une pompe immergé au fond de la caverne pour en faire chuter la pression intérieure. Un autre cas a été cité par Jeanneau (2005) [2]. La rupture d’une caverne est favorisée quand la pression dans la caverne est très petite devant la pression géostatique (une situation vraisemblable dans une cavité de stockage de gaz). Une chute rapide de pression peut aggraver la situation. Dans ce cas, des contraintes de traction peuvent apparaître à la paroi de cavité si la pression est très basse et que le toit est plat ou que la forme de cavité est irrégulière. De plus le critère de dilatance peut être dépassé à la paroi de la caverne (Spiers et al., 1988 [3] ; Ratigan et al., 1991 [4] ; Hunsche, 1993 [5] ; Hatzer et Heyman, 1997 [6]). En revanche, quand une cavité est soumise à une pression plus élevée que la pression géostatique, la pression est plus grande que la contrainte la moins compressive à la paroi et la fracturation peut survenir accompagnée ou précédée par l’accroissement significatif de la perméabilité au voisinage de la caverne (Fokker et al., 1993 [7] ; Rummel et al., 1996 [22] ; Rokahr et al., 2000 [23] ; Bérest et al., 2001 [8]).
Les preuves in situ
Y a-t-il un fluage inverse à l’échelle d’une caverne ? On cite dans la suite quelques essais in situ qui peuvent répondre à cette question. Deux essais d’expulsion d’hydrocarbures et un essai cyclique d’injection de gaz mettent en évidence qu’à la suite d’une mise en pression, le volume de la cavité s’accroît pendant une petite période et ensuite diminue. La difficulté qui existe dans l’interprétation des essais in situ est le fait qu’il peut y avoir d’autres phénomènes transitoires, suite à tout changement de pression qui contribue à la variation de la pression dans une cavité fermée ou bien au débit expulsé d’une cavité ouverte. Ces phénomènes, qui jouent un rôle important notamment dans l’interprétation des essais d’étanchéité, sont discutés plus en détail dans le Chapitre 3. D’après le principe de Le Chatelier, les phénomènes induits par l’essai tentent de restaurer la pression préexistante. Autrement dit, suite à la mise en pression dans une cavité fermée, ces phénomènes contribuent à faire chuter la nouvelle pression. Les phénomènes autres que mécanique sont les suivants :
Dissolution complémentaire : tout changement de la pression de la caverne implique le changement de la concentration de saturation de la saumure ; ce qui va déclencher une dissolution ou une cristallisation complémentaire. Ce phénomène est accompagné de la variation du volume de la caverne et de la saumure. Suite à une pressurisation de p, le volume de la caverne augmente lentement, en suivant la cinétique de la dissolution, et par conséquent la pression diminue jusqu’à l’équilibre chimique entre le sel en paroi et la saumure dans la caverne (d’environ 0, 043p). La durée de la phase de dissolution est de l’ordre de quelques jours.
Perméation transitoire : la perméation de la saumure à travers les parois de la cavité saline est prise en compte en faisant des hypothèses difficiles à valider sur la perméabilité, la porosité, l’enmagasinement et le coefficient de Biot du sel. Pourtant, l’importance du phénomène notamment dans les petites cavités et dans les formations plus perméables (K = 10−19 m2) nous amènent à faire des modèles même grossiers du phénomène.
Compression adiabatique : une montée rapide en pression augmente la température du fluide dans la cavité. Quand la cavité est pleine de saumure, l’accroissement de la température est ΔT(◦C)=0, 029p (MPa). A la suite de ce réchauffement rapide, la saumure se refroidit dans une phase transitoire. Le refroidissement de la saumure dans une cavité fermée implique la diminution de la pression.
Essai d’Hugout Hugout (1988) [15] a décrit un essai dit « fioul » réalisé sur une cavité (EZ53) de 7500 m3 à 950 m de profondeur. La cavité était ouverte en tête de puits et il s’agissait de mesurer le débit de liquide naturellement expulsé. A cette profondeur la température géothermique est TR = 45◦C. A la fin du lessivage la température moyenne de la saumure, estimée par les mesures ultérieures, était T0i = 26, 5◦C. Après le lessivage, la saumure dans la caverne se réchauffe progressivement. Typiquement la température mesurée 94 jours après la fin du lessivage était 35, 22◦C. Le réchauffement résulte en une dilatation et une expulsion de la saumure en tête de puits. Il a d’abord été réalisé un essai à pression halmostatique (le tube central plein de saumure est ouvert, donc soumis à la pression atmosphérique en tête) en l’occurrence 11,4 MPa. L’annulaire quant à lui était rempli de fioul, d’où une pression en tête de ce coté de 3,4 MPa. Le débit expulsé du tube central a ainsi été mesuré pendant 93 jours puis le niveau de saumure dans le tube a été descendu de 283 mètres de façon à ramener à zéro la pression du fioul du coté de l’annulaire. Ainsi, comme illustré sur la figure 2.7, la pression d’essai dans la caverne était désormais déterminée par le poids de la colonne de fioul, soit 8 MPa (Extrait de Brouard, 1998 [16]). Brouard (1998) a remarqué que « une telle opération est intéressante car pour descendre l’interface à une telle profondeur, ce n’est pas seulement la hauteur (283 m) multipliée par la section (2,5.10−2 m2) c’est-à-dire 7 m3 qu’il faut soutirer, mais en raison de la compressibilité de la caverne, il faut soutirer en plus la compressibilité apparente βV (≈ 4.10−10Pa−1 × 8000 m3) fois la variation de pression dans la caverne (11,4-8=3,4 MPa), c’est-à-dire 10 m3 de plus ». L’essai à pression réduite a duré 160 jours (du jour 94 au jour 254) pendant lesquels on a mesuré le débit de fioul expulsé de l’annulaire. Pendant les 12 premiers jours le débit de fioul expulsé est très élevé. Ceci démontre l’importance des effets transitoires dans la caverne. Après cette période initiale, le débit se stabilise à une valeur moins élevée mais plus grande que le débit d’expulsion avant l’essai, ce qui est un signe d’un fluage plus rapide à basse pression dans la caverne.
Effet du fluage sur la fracturation
Wawersik et Stone (1989) [20] ont remarqué que l’état de contrainte au voisinage d’un puits peut être complexe, rendant difficile l’interprétation d’un essai de fracturation. En effet, la transition de la réponse élastique à la réponse viscoplastique stationnaire est le problème qui se pose lors d’interprétation de l’essai de facturation hydraulique dans les puits réalisé dans le sel (avant création d’une cavité). Dans les matériaux ordinaires (élastiques) on admet en général que la fracturation survient quand la pression du liquide dans le puits dépasse la pression géostatique d’une petite quantité (T = 2 à 3 MPa par exemple). Ce type d’interprétation est également souvent accepté dans le sel d’après Rummel et al. (1996) [22] et Durup (1990) [21]. En effet, si le puits est laissé au repos à la pression halmostatique pendant un temps suffisant, on doit avoir une distribution de contrainte proche du régime permanent (steady-state) en symétrie cylindrique. En particulier la contrainte tangentielle de régime permanent devient plus proche de la contrainte radiale que ne l’est son équivalent dans la solution élastique. Lorsqu’ensuite on tente une fracturation hydraulique, la montée en pression est assez rapide (quelques heures) et la réponse en terme de variation des contraintes est pratiquement élastique. Donc, si on admet que la fracturation intervient quand la pression du liquide dans le puits dépasse la plus petite contrainte compressive plus T = 2 MPa, par exemple, la fracturation devrait intervenir beaucoup plus tôt que ne le prévoit la solution purement élastique. Autrement dit, la pression de fracturation est significativement plus petite quand on fait l’essai longtemps après avoir laissé sous la pression halmostatique. Cela peut expliquer ce qui s’est passé dans la cavité d’Etzel lors de la fracturation (voir plus loin).
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1 MÉCANIQUE DU SEL ET DES CAVITÉS SALINES
1.1 Introduction
1.2 Comportement mécanique du sel gemme
1.2.1 Etude bibliographique des lois viscoplastiques pour le sel
1.2.2 Fluage à long terme
1.2.3 Fluage transitoire
1.2.4 Une version modifiée du modèle de Munson-Dawson
1.2.5 Etude bibliographique des critères de rupture et d’endommagement du sel gemme
1.3 Comportement mécanique des cavités salines
1.3.1 Introduction
1.3.2 Comparaison éprouvette/caverne
1.3.3 Intérêt de l’étude analytique
1.3.4 Cas d’une cavité sphérique
1.3.5 Endommagement du sel autour d’une caverne
1.3.6 Stabilité d’une cavité de stockage
2 COMPORTEMENT MÉCANIQUE TRANSITOIRE DES CAVITÉS
2.1 Introduction
2.1.1 Transitoire géometrique et rhéologique
2.1.2 Fluage transitoire inverse
2.1.3 Comportement transitoire et rupture
2.2 Existence d’un régime permanent
2.3 Transitoire géométrique et rhéologique
2.4 Expansion différée d’une caverne (fluage inverse)
2.4.1 Les preuves au laboratoire
2.4.2 Les preuves in situ
2.5 Etude numérique du transitoire
2.5.1 Transitoire géométrique
2.5.2 Transitoire rhéologique
2.6 Fracturation hydraulique et transitoire géométrique
2.6.1 Introduction
2.6.2 Etat de contrainte autour d’un puits
2.6.3 Effet du fluage sur la fracturation
3 PHÉNOMÈNES TRANSITOIRES DANS LES CAVITÉS SALINES
3.1 Description des phénomènes
3.1.1 Comportement Mécanique
3.1.2 Comportement thermique
3.1.3 Comportement hydraulique
3.1.4 Comportement physico-chimique
3.2 Couplage des phénomènes
3.2.1 Introduction
3.2.2 Essai d’étanchéité
3.2.3 Modélisation de l’essai d’étanchéité
4 ABANDON DES CAVITÉS SALINES
4.1 Evolution d’une cavité pleine de saumure
4.1.1 Introduction
4.1.2 Phénomènes contribuant au changement de pression
4.1.3 Evolution de la pression dans une caverne fermée
4.2 Evolution d’une cavité contenant du gaz
4.2.1 Introduction
4.2.2 Evolution de la pression dans une cavité fermée
4.3 L’essai d’abandon sur la caverne SPR2
4.3.1 Introduction
4.3.2 Les cavités de Carresse
4.3.3 Caractéristiques de la cavité SPR2
4.3.4 Evolution de la pression pendant l’essai
4.3.5 Evolution de la temperature
4.3.6 Convergence viscoplastique
4.3.7 Fuite
4.3.8 Perméation dans le sel
4.3.9 Evolution de la pression
4.3.10 Les effets atmosphériques
4.3.11 Simulation numérique
4.4 Essai d’abandon sur la caverne EZ53
4.4.1 Introduction
4.4.2 Expansion thermique de la saumure
4.4.3 Fluage du sel
4.4.4 Perméation de la saumure
4.4.5 Fuite
4.4.6 Résultats de l’essai
– ANNEXES –
A TRAITEMENT NUMÉRIQUE DU COMPORTEMENT DES CAVITÉS SALINES
A.1 Formulation numérique des équations du comportement
A.1.1 Introduction
A.1.2 Comportement élastique couplé du massif
A.1.3 Convergence viscoplastique de la caverne
A.1.4 Expansion thermique de la saumure dans la caverne
A.1.5 Compression adiabatique
A.1.6 Perméation de la saumure vers le massif
A.1.7 Dissolution complémentaire du sel dans la saumure
A.1.8 Fuite réelle
A.2 Topologie du domaine
A.3 Validation du code de calcul
A.3.1 Validation du modèle mécanique
A.3.2 Validation du modèle thermique
A.3.3 Validation du modèle hydraulique
A.3.4 Validation du modèle physico-chimique
B La méthode d’optimisation GBNM
B.1 Introduction
B.2 Ré-initialisation probabilisée d’une recherche locale
B.3 Algorithme de Nelder-Mead amélioré
B.3.1 Détection et traitement des dégénérescences
B.3.2 Prise en compte des bornes
B.4 Assemblage des améliorations : GBNM
C Calculs de la convection
C.1 Introduction
C.2 Cavité pleine de saumure
C.2.1 Cas n◦1
C.2.2 Cas n◦2
C.2.3 Cas n◦3
C.2.4 Cas n◦4
C.2.5 Conclusion
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
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