La présence de défauts dans les structures affaiblit leur résistance mécanique, peut entraîner leur ruine, et être à l’origine de catastrophes graves. Afin d’éviter celles-ci, ingénieurs et scientifiques doivent donc être capable de prédire le comportement des structures fissurées, et d’en garantir l’intégrité. Selon les cas, la présence de fissures peut être constatée lors d’inspection si le composant est accessible au contrôle, ou supposée lorsque l’on souhaite évaluer la sûreté d’un composant. La mécanique de la rupture est la science qui étudie le comportement des structures fissurées. Elle fournit les outils nécessaires pour l’analyse de l’intégrité de structures. Il s’agit d’un domaine scientifique relativement récent puisqu’il est apparu après la première guerre mondiale, notamment avec les études de Griffith en 1920 [1] et d’Irwin en 1957 [2]. La mécanique de la rupture couvre des phénomènes physiques variés. La rupture fragile est une rupture brutale, qui se produit alors que la structure est globalement élastique. A l’opposé, la déchirure ductile caractérise une progression stable de la fissure pour des niveaux de chargement et de plasticité élevés. La fissuration par fatigue se produit sous des conditions de chargement cyclique. Enfin, le fluage décrit les phénomènes de fissuration pour lesquels les déformations viscoplastiques interviennent. La mécanique de la rupture trouve notamment ses applications dans les domaines aéronautiques, de construction naval, de génie civil, et dans les activités nucléaires… Dans le domaine nucléaire, la sûreté des installations est un enjeu de premier plan. C’est pourquoi, les études réalisées envisagent les scénarii les plus pessimistes de dégradations des structures, et les sollicitations les plus pénalisantes. Par exemple, le cas de l’Accident par Perte de Réfrigérant Primaire envisage la rupture du circuit primaire de refroidissement. Dans ce cas, il est prévu d’injecter de l’eau froide (à une température de l’ordre d’une dizaine de degrés) dans le coeur du réacteur. La paroi interne de la cuve du réacteur chute alors brutalement de 300°C à environ 10°C. Ce violent gradient thermique produit des contraintes de traction sur la paroi interne de la cuve. Dan
Mécanique de la rupture en statique
Rappel de mécanique de la rupture en statique
Cas d’un matériau élastique linéaire
Historiquement, c’est dès 1920 que Griffith [1] fit le lien entre la perte d’énergie du système et l’avancée de fissure en élasticité linéaire. Le taux de restitution d’énergie (noté G) quantifie l’énergie dépensée par la structure pour permettre l’accroissement de la surface fissurée .
Modèles d’amorçage de fissure en clivage
On propose dans ce paragraphe une brève revue des principaux modèles d’amorçage de fissure de clivage utilisés en mécanique de la rupture quasi-statique, pour traiter le cas des aciers ferritiques de type 16MND5. Cela nous permet de poser les bases nécessaires à l’introduction des modèles de propagation de fissure en dynamique.
Approches globales
L’approche globale déterministe utilise la notion de facteur d’intensité des contrainte critique. Lorsque la plasticité est confinée à la pointe de fissure , le facteur d’intensité des contraintes constitue un paramètre permettant de caractériser à lui seul l’état de sollicitation en pointe de fissure.
Deux principales critiques de ce modèle peuvent être avancées. D’abord, le facteur d’intensité des contraintes ne permet pas de prendre en compte des effets particuliers, comme le préchargement à chaud (Warm Pre-Stressing) [15] ou la présence d’un petit défaut. Ensuite, ce critère basé sur la mécanique linéaire de la rupture est déterministe et ne peut donc pas prendre en compte la dispersion que l’on observe sur les valeurs de ténacités.
Afin de permettre de représenter la dispersion de la ténacité, certains auteurs comme Wallin [16] proposent de remplacer la courbe de transition présentée ci-dessus par la « Master Curve ». Cette approche relie la probabilité de rupture p à l’intensité des champs en fonction de la température T .
Approches locales
Plutôt que de considérer des paramètres globaux comme le facteur d’intensité des contraintes, les approches locales considèrent les champs mécaniques à proximité du front de fissure. Introduit historiquement par Ritchie, Knott et Rice [19], le modèle RKR suppose que la rupture par clivage se produit lorsque la contrainte σ₂₂ atteint une valeur critique à une distance donnée de la pointe de fissure . Cette distance est reliée par ces auteurs à une caractéristique microstructurale du matériau qui est généralement prise comme étant environ deux fois la taille d’un grain.
Essais de propagation dynamique et d’arrêt de fissure
Essais définissant une température d’arrêt
Essai Robertson
Développé par Robertson en 1953 [62], cet essai consiste à mettre en traction une plaque refroidie. La fissure s’amorce à partir d’une entaille lorsque l’on impacte un bord de l’éprouvette . La température d’arrêt est alors définie comme la température la plus basse pour laquelle on observe l’arrêt.
Essai Pellini
Un cordon de soudure est déposé sur une plaque rectangulaire, puis est entaillé . Un projectile vient impacter la plaque du coté opposé à la soudure la mettant en flexion, et ouvrant par conséquent l’entaille. On définit la Nil Ductility Transition Temperature (NDTT) comme étant la température maximale pour laquelle le cordon est complètement traversé par la fissure amorcée dans l’entaille. Ce type d’essai est recommandé dans [63] pour caractériser l’arrêt de fissure.
Éprouvettes dérivées de la CT (Compact Tension)
Éprouvette Compact Crack Arrest
Il s’agit d’un essai isotherme préconisé par la norme ASTM E-1221 [64] pour caractériser la ténacité à l’arrêt. Il consiste à ouvrir un trou (« contre-coin ») entaillé à l’aide d’un cône (« coin ») jusqu’à atteindre la propagation et l’arrêt de la fissure . Ensuite en se basant sur une analyse statique, on détermine la facteur d’intensité des contraintes à l’arrêt depuis l’écartement à l’amorçage et la longueur à l’arrêt. Comme pour l’étude de l’amorçage, des spécifications géométriques sont nécessaires pour vérifier l’hypothèse de plasticité confinée. Néanmoins la présence d’un cordon de soudure en fond d’entaille ajoute d’autres conditions à respecter.
Les conditions aux limites sont mal maîtrisées pour ce type de géométrie, car elles dépendent de la précision du coin et du contact entre l’éprouvette et le support qui doit générer le moins de frottement possible.
Éprouvette Double Cantilever Beam (DCB)
Cette géométrie fut à l’honneur d’un nombre d’articles relativement importants : La configuration expérimentale , et consistait à imposer un déplacement à une éprouvette rectangulaire entaillée. La mesure de l’avancée de fissure avec le temps peut être réalisée à l’aide de jauges à brins disposées sur le trajet de la fissure. Le modèle théorique repose sur la résolution de l’équation du mouvement d’une poutre. Celle-ci repose sur des fondations élastiques , qui se rompent à mesure que la fissure avance. Les conclusions mettent en évidence la défaillance des analyses statiques ou pseudodynamiques (ne prenant en compte que la dynamique du chargement et pas l’avancée de fissure).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I. Étude bibliographique
I.1. Introduction
I.2. Mécanique de la rupture en statique
I.2.1. Rappel de mécanique de la rupture en statique
I.2.2. Modèles d’amorçage de fissure en clivage
I.2.3. Remarque sur les analyses statiques pour traiter de l’arrêt de fissure
I.3. Propagation dynamique de fissure
I.3.1. Champs asymptotiques en dynamique
I.3.2. Bilan énergétique
I.3.3. Solutions analytiques de problèmes de propagation de fissure
I.3.4. Analyse élasto-dynamique d’essai de rupture fragile
I.3.5. Analyse élasto-viscoplastique d’essais de rupture fragile
I.4. Essais de propagation dynamique et d’arrêt de fissure
I.4.1. Essais définissant une température d’arrêt
I.4.2. Éprouvettes dérivées de la CT (Compact Tension)
I.4.3. Éprouvettes chargées dynamiquement
I.4.4. Éprouvettes annulaires et choc thermique
I.5. Méthodes numériques pour simuler la propagation de fissure
I.5.1. Méthodes « classiques » basées sur les éléments finis
I.5.2. Méthodes non basées sur les éléments finis
I.5.3. Méthodes basées sur la partition de l’unité
I.6. Conclusion de l’étude bibliographique
Chapitre II. La méthode des éléments finis étendus (X-FEM) en dynamique non-linéaire
II.1. Introduction
II.2. État de l’art
II.2.1. Généralités sur la méthode des fonctions de niveau (Level set method)
II.2.2. Méthode des éléments finis étendus (X-FEM)
II.2.3. Conclusions
II.3. Actualisation des fonctions de niveau sur une grille auxiliaire
II.3.1. Principe de la méthode
II.3.2. Algorithme pour la propagation de fissures
II.4. Prise en compte des non linéarités matériau
II.4.1. Remarques générales
II.4.2. Technique d’intégration
II.4.3. Conservation de l’énergie en dynamique non linéaire
II.5. Exemples d’application
II.5.1. Translation d’une bulle de gaz
II.5.2. Cas de Broberg
II.5.3. Expérience de Kalthoff
II.5.4. Plaque trouée impactée
II.6. Conclusion
Chapitre III. Essais de propagation et d’arrêt de fissure sur un acier 16MND5
III.1. Introduction
III.2. Présentation du matériau
III.2.1. Caractéristiques générales
III.2.2. Effet de la vitesse de déformation sur le comportement
III.3. Protocole expérimental
III.3.1. Généralités
III.3.2. Mesure de la vitesse de propagation de fissure
III.4. Essais sur CT
III.4.1. Géométrie de l’éprouvette
III.4.2. Données de préfissuration et d’amorçage
III.4.3. Vitesse de propagation
III.5. Essais sur anneau
III.5.1. Géométrie de l’éprouvette
III.5.2. Données de préfissuration et d’amorçage
III.5.3. Étude de la propagation
III.6. Analyse du faciès de rupture
III.6.1. Objectifs des observations
III.6.2. Observations
III.7. Conclusions
Chapitre IV. Modélisation de la propagation de fissure de clivage
Conclusion générale