Maturation et trafic intracellulaire du transporteur biliaire ABCB4

Rôles physiologiques de la bile

   Au niveau digestif, le rôle prépondérant de la bile est l’assimilation des graisses alimentaires et des vitamines liposolubles. L’émulsion des graisses est obtenue par l’action détergente des sels biliaires présents dans la bile. Les graisses émulsionnées peuvent alors être attaquées par les lipases pancréatiques et intestinales pour être transformées en de microscopiques « micelles » absorbables par la muqueuse intestinale. La structure tridimensionnelle des sels biliaires est particulièrement favorable à leur fonction d’émulsifiant : ils sont amphiphiles, pourvus d’une tête hydrophile et d’un large côté hydrophobe. C’est ce caractère polaire/apolaire qui leur donne la propriété de former des micelles (figure 1) (Ninomiya, Matsuoka and Moroi 2003). La deuxième fonction importante de la bile est d’éliminer de l’organisme une grande variété de produits (fonction de détoxication). Le flux biliaire permet d’éliminer dans les fèces l’excès de cholestérol, des catabolites (bilirubine), des ions inorganiques (fer, cuivre) ainsi que certains xénobiotiques et médicaments. Le flux biliaire est un processus osmotique engendré à la fois par la sécrétion des acides biliaires (appelé le flux dépendant de la fraction en acides biliaires, ou BADFc) et par d’autres molécules osmotiquement actives (appelé le flux indépendant de la fraction en acides biliaires ou BAIFc), comme le glutathion (Ballatori and Truong 1992, Esteller 2008). Les mouvements de l’eau et des électrolytes se font essentiellement par voie paracellulaire, à travers les jonctions serrées intercellulaires. La sécrétion moyenne de bile chez l’homme est de 620 ml par jour (Esteller 2008).

Composition de la bile

  La bile primaire élaborée par les hépatocytes est une solution aqueuse iso-osmotique composée d’environ 84 % d’eau, 11.5 % d’acides biliaires, 3 % de phospholipides, 0.5 % de cholestérol et de seulement 1 % d’autres composés (Holzbach et al. 1973). Elle contient des électrolytes à des concentrations équivalentes à celles du plasma (sodium, potassium, calcium, magnésium) et d’autres à des concentrations variables (chlore, bicarbonates), tableau I. Les principales molécules organiques présentes sont les sels biliaires, le cholestérol, les phospholipides (sous forme de phosphatidylcholine), des protéines et des peptides (glutathion), les pigments biliaires et d’autres anions organiques (figure 4). Les protéines incluent les protéines plasmatiques qui traversent les hépatocytes par transcytose (albumine, IgA) et les protéines hépatiques (5’-nucléotidase, enzymes lysosomales etc.). Les acides biliaires sont majoritaires avec une concentration située entre 2 et 45 mM. Le principal pigment biliaire est la bilirubine (50 à 200 mg/100 ml) qui provient de la dégradation de l’hémoglobine. La bile humaine est très riche en lipides. La concentration en phospholipides varie de 25 à 810 mg/100ml et celle du cholestérol de 60 à 320 mg/100ml avec un ratio phospholipides/acides biliaires de 0,3 et cholestérol/acides biliaires de 0,07 (Esteller 2008). En progressant dans les canaux biliaires, la bile subit des modifications. Les cholangiocytes réabsorbent et sécrètent des substances qui vont diluer et alcaliniser la bile. Ils sécrètent de l’eau, du bicarbonate, du chlore, des IgA et réabsorbent du glucose, des acides biliaires, de la bilirubine conjuguée et des acides aminés. Ces processus sont régulés par le système nerveux et les hormones (Strazzabosco 1997a, Esteller 2008). Par exemple, la sécrétine régule l’expression membranaire de plusieurs transporteurs (AE2/SLC4A2, ABCC7/CFTR et l’aquaporine-1/AQ1) à partir d’un réservoir intracellulaire, via une augmentation intracellulaire d’AMPc (Tietz et al. 2003). La bile est stockée et concentrée cinq à dix fois dans la vésicule biliaire par absorption d’eau et d’électrolytes. Elle y subit quelques dernières modifications : addition de mucines, actions enzymatiques etc. (Coleman 1987).

Le diagramme d’Admirand et Small

   La bile est une solution constituée essentiellement d’eau (80 à 90 %) dans laquelle des lipides biliaires se trouvent en solution sursaturée, en particulier au niveau de la vésicule biliaire où se concentre la bile hépatique. Ces lipides biliaires sont constitués principalement d’un mélange ternaire de sels biliaires, de phospholipides (>96 % diacylphosphatidylcholine) et de cholestérol non-estérifié. Les phospholipides et le cholestérol sont insolubles en solution aqueuse. Ils forment avec les sels biliaires des micelles ou des vésicules mixtes et stables à la seule condition que la quantité de chacun de ces composants soit respectée. La bilirubine conjuguée entre aussi dans la composition de ces micelles (Wang, Cohen and Carey 2009). La proportion entre les trois constituants principaux de la bile a été clairement établie par des études menées dans les années 1960 (Admirand and Small 1968). La bile d’une cohorte de patients a été prélevée. Certains patients souffraient de calculs biliaires et les autres n’avaient pas de problème de tractus biliaire. Le taux de sels biliaires, de phosphatidylcholine (lécithine) et de cholestérol a été déterminé et rapporté sur des coordonnées triangulaires. La figure 5A montre que la bile « normale » contient en moyenne 80 % de sels biliaires, 15 % de phosphatidylcholine et 5 % de cholestérol. En rapportant sur ce triangle le taux moyen des trois constituants pour les patients souffrant de calculs biliaires, les auteurs ont déterminé trois zones où l’état physique de la bile diffère (figure 5B). Une augmentation de la quantité relative de cholestérol par rapport aux sels biliaires et à la phosphatidylcholine explique ainsi l’apparition de calculs de cholestérol. L’index lithogénique de la bile peut ainsi être calculé. Chaque côté du triangle correspond au pourcentage de sels biliaires, de phosphatidylcholine et de cholestérol. La bile normale contient 80 % de sels biliaires, 15 % de phosphatidylcholine et 5 % de cholestérol. (B) Diagramme des trois phases. Le tétraèdre en haut à droite montre les états physiques possibles des différentes combinaisons de sels biliaires, de lécithine, de cholestérol et d’eau. La section représentée est prise à 90 % d’eau et 10 % de solides (concentration moyenne des 91 biles étudiées). Les cercles vides représentent la zone formée de deux ou trois phases (liquides, cristaux, cristaux liquides), les cercles pleins représentent la zone formée d’une seule phase liquide (Admirand and Small 1968). Les études menées in vitro par ces auteurs confirment que la formation de cristaux de cholestérol est liée à une répartition déséquilibrée des trois constituants majeurs de la bile. L’état physique de la bile est donc déterminé par les concentrations relatives en sels biliaires, phosphatidylcholine et cholestérol. Les autres constituants de la bile ne semblent pas avoir d’effets significatifs sur la solubilisation du cholestérol. Le système modèle d’Admirand et Small montre la zone de solubilisation maximale du cholestérol, correspondant à la phase liquide (figure 5B, zone inférieure gauche du triangle). En dehors de cette zone, la bile est sursaturée en cholestérol et devient lithogène : le cholestérol précipite et forme des cristaux. La lithiase biliaire est à l’origine de diverses pathologies (irritations du tractus biliaire avec cholangites, cholestase chronique et cirrhoses biliaires). Les acides biliaires, les phospholipides et le cholestérol s’associent dans la bile sous forme de micelles mixtes et de vésicules unilamellaires pour être maintenus en solution. L’effet détergent de telles associations sur les membranes cellulaires est moindre que celui des micelles simples qui se forment lorsque la concentration en sels biliaires excède la concentration micellaire critique. Les micelles simples sont petites (≈ 3 nm de diamètre) et peuvent solubiliser de petites quantités de cholestérol. Les micelles mixtes sont plus larges (≈ 4 à 8 nm de diamètre) et sont capables de solubiliser de grandes quantités de cholestérol. Les vésicules sont des structures sphériques (40 à 100 nm de diamètre) composées de phospholipides unilamellaires et de cholestérol mais de peu de sels biliaires (figure 6). Les cristaux liquides (> 500 nm de diamètre), mentionnés en figure 5B, sont des vésicules multilamellaires résultant de la fusion de vésicules unilamellaires. Ils se trouvent principalement dans la vésicule biliaire (Wang et al. 2009).

Une structure adaptée à la fonction de transport

   Les transporteurs ABC forment une grande famille de protéines transmembranaires très difficile à cristalliser pour des analyses structurales aux rayons-X. Ce problème a d’abord été résolu pour un transporteur ABC de la bactérie Escherichia coli, le MsbA. Celui-ci forme un homodimère et est homologue des MDRs. Il est impliqué dans le transport de la partie lipidique des lipopolysaccharides au niveau de la membrane externe. Les domaines transmembranaires ont chacun 6 segments en hélices-α qui traversent la bicouche lipidique et les deux NBDs forment une interface homodimérique dans le cytoplasme. La distribution asymétrique des résidus chargés forme une sorte de « poche » ou « cavité interne » qui suggère implicitement le mécanisme général de translocation du substrat des transporteurs ABC de catégorie MDR (Chang and Roth 2001). Plus récemment, la structure de la P-gP de souris (qui partage 87 % d’identité de séquence avec la P-gP humaine et qui est aussi très proche d’ABCB4) a été obtenue aux rayons-X avec une résolution bien meilleure que les précédentes déjà réalisées au microscope électronique. La P-gP adopte une structure symétrique. La large cavité interne, qui accueille le substrat, s’ouvre depuis le cytoplasme jusqu’au feuillet interne de la membrane plasmique (figure 14). La conformation structurale de la P-gP a aussi été étudiée en interaction avec des drogues. Il a été démontré l’existence de sites distincts pour la fixation des drogues au niveau de la cavité interne. La fixation des drogues est basée sur une stéréo-sélectivité qui met en jeux des interactions avec les résidus hydrophobes et aromatiques qui tapissent une cavité interne d’un volume de 6000 Å3. Plusieurs de ces résidus sont très conservés, ce qui suggère un mécanisme commun de reconnaissance « multi-drogue » (Aller et al. 2009, Lee et al. 2002). Les deux NBDs sont séparés d’environ 30 Å : cette interface suffit à la fixation de deux molécules d’ATP.

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Table des matières

-INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE-
CHAPITRE I La sécrétion biliaire : une fonction digestive et d’évacuation de métabolites 
I-1. Rôles physiologiques de la bile
I-2. Le foie et les voies biliaires
I-3. Les substances sécrétées dans la bile
I-3-1. Composition de la bile
I-3-2. Les sels biliaires, les phospholipides et le cholestérol
I-3-3-1. Le diagramme d’Admirand et Small
I-3-2-2. Le cholestérol
I-3-2-3. Les acides biliaires : synthèse et cycle entéro-hépatique
I-3-2-4. La phosphatidylcholine hépatique
I-3-3. La régulation des principaux constituants biliaires
I-3-3-1. Régulation coordonnée de la synthèse des acides biliaires et du catabolisme du cholestérol
I-3-3-2. Régulation de la synthèse de la phosphatidylcholine
I-4. Les transporteurs impliqués dans la sécrétion biliaire
CHAPITRE II Les transporteurs ABC liés aux fonctions hépatobiliaires
II-1. La super-famille des transporteurs ABC
II-1-2. La sous-famille ABCB (ou MDR/TAP)
II-1-3. La sous-famille ABCC (ou CFTR/MRP)
II-1-4. La sous-famille ABCG (ou White)
II-2. Topologie des transporteurs ABC
II-2-1. Une organisation en domaines
II-2-2. Une structure adaptée à la fonction de transport
II-2-3. Modifications co- et post-traductionnelles des transporteurs ABC
II-2-3-1. Ajout de chaînes glycosylées
II-2-3-2. Formation de ponts disulfures
II-2-3-3. Rôle de la phosphorylation
II-3. Le transporteur ABCB4/MDR3 : du gène à la protéine
II-3-1. La « résistance multi-drogues » (MDR)
II-3-1-1. Découverte de la P-gP
II-3-1-2. La petite famille mdr : des gènes fortement liés
II-3-1-3. Les gènes mdr codent les P-gP
II-3-1-4. Les P-gP sont fortement homologues entre elles
II-3-2. MDR3 : une protéine peu adaptée à la résistance aux drogues
II-3-2-1. Distribution tissulaire et cellulaire d’ABCB4
II-3-2-2. Un épissage alternatif à l’origine de trois isoformes
II-3-2-3. Une fonction de « floppase » de phospholipides
CHAPITRE III Biosynthèse et trafic intracellulaire d’ABCB4
III-1. Régulation de l’expression d’ABCB4 : un contrôle transcriptionnel
III-2. Biosynthèse de la chaîne polypeptidique et N-glycosylation
III-3. Repliement et contrôle qualité
III-3-1. Les protéines chaperonnes
III-3-1-1. Les protéines chaperonnes résidentes du RE
III-3-1-2. Les protéines chaperonnes cytosoliques
III-3-2. Anomalie de repliement des protéines mutées
III-4. Trafic intracellulaire d’ABCB4 dans les hépatocytes
III-4-1. Un ciblage polarisé
III-4-2. Stabilité membranaire, recyclage et réservoir intracellulaire
III-4-3. Les protéines partenaires du trafic intracellulaire
III-5. Les voies de dégradation des transporteurs ABC
III-5-1. Le protéasome
III-5-2. Le système lysosomal
CHAPITRE IV Les pathologies liées à des défauts d’ABCB4
IV-1. Des mutations d’ABCB4 sont à l’origine de plusieurs pathologies
IV-1-1. La PFIC3: Progressive Familial Intrahepatic Cholestasis type 3
IV-1-2. Le syndrome LPAC: Low Phospholipid Associated Cholelithiasis
IV-1-3. La cholestase gravidique ou ICP (Intrahepatic Cholestasis of Pregnancy)
IV-1-4. Autres pathologies associées à ABCB4
IV-2. Les mutations d’ABCB4 identifiées chez les patients
IV-2-1. Mutations et corrélation génotype/phénotype
IV-2-2. Les mutations identifiées touchent généralement des motifs conservés
IV-2-3. Effets des mutations sur le transporteur
IV-3. Les approches thérapeutiques ciblant les effets d’un défaut d’ABCB4
IV-3-1. Les thérapies actuelles : l’UDCA et la transplantation hépatique
IV-3-2. Développement de thérapies alternatives
IV-3-2-1. Cibler les récepteurs nucléaires
IV-3-2-2. Les « suppresseurs » de codons-stop
IV-3-2-3. Les chaperonnes pharmacologiques
IV-3-2-4. La modulation des chaperonnes cellulaires
IV-3-2-5. La transplantation d’hépatocytes
IV-3-2-6. La thérapie génique
-OBJECTIF DES TRAVAUX DE THESE
-RESULTATS-
PREMIERE PARTIE :Effet de la mutation
Article I: Delaunay, 2009
Article II: Gautherot, 2012
Résultats complémentaires des articles présentés
-Materiels et Méthodes-
-Résultats-
DEUXIEME PARTIE : Etude du domaine N-terminal d’ABCB4
Introduction
Matériels et Méthodes
Résultats
-DISCUSSION-
La mutation I541F entraîne un défaut de repliement du domaine NBD1
La modulation de la calnexine et d’Hsc/Hsp70 ne permet pas de rétablir le trafic du mutant I541F
Les chaperonnes pharmacologiques sont une voie prometteuse pour rétablir le trafic du mutant I541F
Le domaine N-terminal d’ABCB4 est nécessaire à sa sortie du réticulum endoplasmique
Le domaine N-terminal d’ABCB4 joue un rôle dans la fonction de transport de PC
-CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

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