Trouver une alternative aux produits d’origine pétrolière et utiliser des techniques de synthèse respectueuses de l’environnement sont deux des défis majeurs qui guident actuellement le développement des matériaux polymères. L’intérêt pour les ressources naturelles et le développement de procédés rapides, simples et sans solvant s’est donc fortement accru au cours de ces dernières années. C’est ainsi que les huiles végétales constituent aujourd’hui une matière première naturelle et renouvelable intéressante pour la synthèse de polymères. Si la littérature fait état de nombreux travaux proposant des monomères développés à partir d’acides gras issus de la dégradation chimique des triglycérides présents dans les huiles, les matériaux obtenus sans destruction du squelette triester de ces molécules restent très limités et, la plupart du temps, nécessitent au préalable une ou plusieurs étapes de modification chimique pour rendre ces triglycérides réactifs.
Matériaux à base d’huile végétale obtenus sous rayonnement UV
Les huiles végétales
Les huiles végétales sont composées de triesters entre le glycérol et différents acides gras. La formule générale des triglycérides où R1, R2 et R3 sont les chaînes d’acide gras dont le nombre d’atomes de carbone varie généralement entre 14 et 22 (le plus souvent C18) et le nombre de doubles liaisons éthyléniques est le plus souvent compris entre 0 et 3 . A température ambiante, la plupart des doubles liaisons des acides gras naturels adoptent une configuration cis (Z).
La composition en acides gras d’une huile végétale détermine son utilisation . Par exemple, l’huile de coco et l’huile de palme ont retenu l’attention de l’industrie des détergents car elles contiennent majoritairement des chaînes de longueur moyenne (entre 12 à 18 carbones). Les huiles de palme, de maïs, de tournesol et de ricin sont les plus intéressantes pour préparer les précurseurs de polymères et des lubrifiants. Elles contiennent majoritairement des acides gras à chaînes longues (C18).
Selon la nature des acides gras constituant les triglycérides, plusieurs sites réactifs sont susceptibles de modification chimique : a) la double liaison éthylénique, b) le site allylique, c) la fonction ester, d) la position en α de l’ester, et dans certains cas, e) un hydroxyle ou f) un cycle oxyrane. La diversité de ces sites permet une grande variété de modifications possibles de ces molécules en vue de les rendre réactives via des procédés photochimiques.
Matériaux obtenus par addition thiol-ène photoamorcée
Le principe de cette chimie sera développé dans la partie suivante mais on peut d’ores et déjà noter que la littérature fait état de très peu de travaux portant sur les matériaux à base de triglycérides obtenus par réaction thiol-ène sous UV.
En 2009, Black et al se sont intéressés à la préparation de précurseurs biosourcés pour la réaction thiol-ène. L’huile de ricin a été utilisée comme matière première. Des dérivés allyliques, acrylates et vinyl éthers ont été obtenus par estérification de la fonction hydroxyle de la chaîne d’acide ricinoléique. Ces monomères ont été ensuite polymérisés avec un tri-thiol (triméthylolpropane tris(3-mercaptopropionate)) afin de préparer des revêtements photoréticulés. Le suivi de la réaction par spectroscopie IR-TF a permis de montrer que la double liaison de l’huile de ricin a été copolymérisée avec celle de l’acrylate. Les films obtenus renferment 40% d’huile végétale, sont durs et résistants aux solvants.
Luo et al, pour leur part, ont développé des matériaux hybrides photoréticulables à base d’huile de ricin acrylatée et d’un oligomère polyhédrique de type silsesquioxane qui porte des fonctions thiols . Ce système montre une vitesse de réticulation plus rapide que les systèmes classiques (huile acrylatée et thiol). Les films obtenus sont transparents à la lumière visible et possèdent une température de dégradation entre 250 et 300°C, ce qui est un peu plus élevé que les films photoréticulés généralement obtenus à partir d’huile de ricin acrylatée et de thiol.
En 2013, Chang et al ont décrit la préparation d’un revêtement à partir d’huile de lin. Dans un premier temps, l’huile de lin a été modifiée par transestérification avec la glycérine. La deuxième étape a consisté à préparer un pré-polymère de type polyuréthane acrylate selon la même stratégie que Li et al . Ce pré-polymère a ensuite été neutralisé par la triéthylamine afin de former une dispersion aqueuse de polyuréthane. Les films ont ensuite été préparés par différentes méthodes : 1) réticulation sous UV, 2) séchage à l’air pendant 12 jours puis réticulation sous UV, 3) séchage seul à l’air. Pour ce faire, 3% en masse d’Irgacure ® 2959 ont été ajoutés dans les échantillons réticulés sous UV, et 0,3% en masse de siccatifs métalliques ont été introduits dans tous les échantillons. Les films sont obtenus plus rapidement avec la seconde méthode et présentent alors une meilleure adhésion et durabilité dans le temps.
Bexell et al, quant à eux, ont préparé un revêtement d’aluminium à base d’huile de lin par voie photochimique. Dans ce cas, les doubles liaisons de l’huile de lin réagissent avec l’aluminium greffé avec des mercaptosilanes.
Les réactions thiol-ène et thiol-époxy photoamorcées
Etat de l’art sur les réactions thiol-ène sous UV
Mécanisme général
En raison de sa faible énergie de dissociation, la liaison S-H peut être facilement coupée par photo- ou thermolyse. Le radical thiyl (RS•) ainsi obtenu peut ensuite facilement s’additionner sur les composés insaturés.
Le mécanisme de la réaction thiol-ène photoamorcée a été largement décrit dans la littérature . Cette réaction est amorcée par des radicaux libres, eux-mêmes issus d’une coupure homolytique par absorption de photons . L’addition du radical thiyl photogénéré sur les doubles liaisons insaturées forme un radical intermédiaire de type thioéther qui permet de régénérer les radicaux thiyl . C’est un processus réversible qui se traduit par une réaction d’addition thiol-ène et, en même temps, une isomérisation cis-trans des doubles liaisons . Le produit obtenu suit la loi antiMarkovnikov.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Bibliographie
Introduction
I. Matériaux à base d’huile végétale obtenus sous rayonnement UV
I.1. Les huiles végétales
I.2. Matériaux obtenus par photopolymérisation cationique
I.2.1. Principe
I.2.2. Matériaux à base d’huiles époxydées
I.3. Matériaux obtenus par photopolymérisation radicalaire
I.3.1. Principe
I.3.2. Matériaux à base d’huiles végétales (méth)acrylées
I.3.2.1. Acylation sur fonction hydroxyle/hydroxylation puis acrylation
I.3.2.2. Epoxydation puis acrylation
I.3.2.3. Oxydation puis acrylation
I.3.2.4. Bromo-acrylation
I.3.2.5. Acrylation sur des fonctions isocyanate
I.3.2.6. Maléinisation puis acrylation
I.3.2.7. Cycloaddition de Diels-Alder puis acrylation
I.4. Matériaux obtenus par addition thiol-ène photoamorcée
II. Les réactions thiol-ène et thiol-époxy photoamorcées
II.1. Etat de l’art sur les réactions thiol-ène sous UV
II.1.1. Mécanisme général
II.1.2. Influence de la nature du monomère ène
II.1.3. Influence de la nature du thiol
II.1.4. Avantages de la réaction thiol-ène photoamorcée
II.1.4.1. Insensibilité à l’oxygène
II.1.4.2. Autres avantages
II.1.5. La réaction thiol-ène sous UV et les dérivés d’acides gras
II.2. Etat de l’art sur les réactions thiol-époxy sous UV
II.2.1. Mécanisme général
II.2.2. Les matériaux polymères et la réaction thiol-époxy photoamorcée
Conclusion
Chapitre 2 : Elaboration de revêtements à base d’huile de lin par chimie thiol-ène sous UV
Introduction
I. Choix des réactifs et méthode de suivi de la réaction
I.1. Caractérisation des huiles de lin native et standolisées
I.1.1. Par RMN 1H
I.1.2. Par spectroscopie IR-TF
I.1.3. Par chromatographie d’exclusion stérique
I.1.4. Par spectrométrie UV-visible
I.2. Autres réactifs
I.3. Méthode de suivi de la réaction photoamorcée
II. Optimisation des conditions opératoires de la réaction thiol-ène
II.1. Composition de la formulation
II.1.1. Influence du photoamorceur
II.1.2. Influence de la quantité et de la nature du thiol
II.1.3. Influence du degré de standolisation de l’huile
II.2. Influence des conditions d’irradiation
II.2.1. Influence de la nature du rayonnement
II.2.2. Influence de l’intensité du rayonnement UV
II.2.3. Influence du temps d’irradiation
II.2.4. Conclusion
III. Caractérisation des revêtements obtenus
III.1. Aspect visuel
III.2. Spectre IR-TF
III.3. Propriétés thermiques
III.4. Dureté pendulaire des matériaux
III.5. Propriétés de surface
III.6. Extractibles
III.7. Absorption UV
Conclusion
Chapitre 3 : Réactions thiol-ène et d’oxydation sous UV sur des esters gras modèles
Introduction
I. Généralités sur l’oxydation des acides gras
I.1. Auto-oxydation en présence d’oxygène
I.1.1. Peroxydation des alcènes monoinsaturés
I.1.2. Peroxydation des alcènes diinsaturés
I.2. Photo-oxydation en présence d’oxygène et d’UV
I.3. Ozonolyse
I.4. Conclusion
II. Méthodes d’analyse et molécules modèles
II.1. Méthodes d’analyse par spectrométrie de masse
II.2. Molécules modèles
II.2.1. Caractérisation par spectroscopie IR-TF
II.2.2. Caractérisation par RMN 1H
II.2.3. Caractérisation par spectrométrie de masse
III. Etude de la réaction de photo-oxydation des esters gras
III.1. Suivi cinétique de la réaction par spectroscopie IR-TF
III.1.1. Etude de l’échantillon A (non préalablement oxydé)
III.1.2. Etude de l’échantillon B (préalablement oxydé)
III.2. Caractérisation des produits d’oxydation par spectrométrie de masse
III.2.1 Préambule
III.2.2. Etude des esters d’acides gras insaturés (ME et MO/MLn)
III.2.2.1. Etude MS2 de l’ion à m/z 335
III.2.2.2. Etude MS2 de l’ion à m/z 351
III.2.2.3. Etude MS2 de l’ion à m/z 505
III.3. Conclusion sur la photo-oxydation des molécules modèles
IV. Etude de la réaction thiol-ène photoamorcée sous air
IV.1. Suivi cinétique de la réaction par spectroscopies IR-TF et RMN 1H
IV.1.1. Réactivité comparée de l’oléate et de l’élaïdate de méthyle non oxydés dans la réaction thiol-ène photoamorcée
IV.1.2. Réactivité comparée de l’oléate de méthyle non oxydé et oxydé dans la réaction thiol-ène photoamorcée
IV.2. Caractérisation des produits par spectrométrie de masse
IV.2.1. Etude du stéarate de méthyle (MS)
IV.2.2. Etude des esters d’acides gras insaturés (ME et MO/MLn)
IV.2.2.1. Etude MS2 de l’ion à m/z 505
IV.2.2.2. Etude MS2 de l’ion à m/z 521
IV.2.2.3. Etude MS2 de l’ion à m/z 737
Conclusion
Conclusion générale