Le recrutement
La tâche que recouvre la recherche et la sélection d’un nouveau collaborateur est cruciale pour la viabilité et la stabilité de l’entreprise (Girard et Fallery, 2001, p. 144 ; Buyens, De Schamphelaere, Verbrigghe et Verhaeghe, 2012, p. 6). Toutefois, cette fonction centrale, tout comme l’ensemble des fonctions RH, est en pleine mutation (Dessler, 2005, p. 10). Sous la pression de la globalisation des marchés économiques, des évolutions technologiques, de la nature changeante du travail – de plus en plus flexible – les professionnels doivent sans cesse évoluer et se renouveler s’ils veulent continuer à fournir un travail de qualité et à valeur ajoutée (Ibid., pp. 10-12). Le marché du travail actuel est également caractérisé par des évolutions démographiques importantes. La population active est vieillissante et les représentants d’une nouvelle génération marquée par les technologies arrivent en masse sur le marché du travail (Ibid., p. 13). Une autre caractéristique de ce marché du travail est la pénurie, parfois endémique, qui rend le recrutement de certaines fonctions particulièrement difficile (Ibid., p. 157). Le contexte dans lequel évoluent les professionnels du recrutement étant maintenant clarifié, nous pouvons nous attacher à développer le processus de recrutement. Bien sûr, comme nous le confirment Cadin, Guérin et Pigeyre (2002), il n’y a pas de « one-best-way » dans la façon de mener son recrutement (p. 240). La stratégie va principalement dépendre de la taille de l’entreprise, du secteur d’activité, de la compétitivité qui y règne, et des responsables RH eux-mêmes (Ibid.). Le développement des débats entourant les meilleurs processus de recrutement à mettre en place n’est pas l’objectif de ce mémoire. Nous n’allons dès lors pas nous attacher à réaliser une étude comparative des différentes théories et opinions sur le sujet. Nous nous réfèrerons ici au livre de Grasser et Noël (2012), afin d’expliquer un processus de recrutement en cinq étapes (p. 171). Comme le montre le schéma ci-dessous (Figure 1), la première étape consiste à, dès le départ, « définir la stratégie de recrutement » qui va dicter les pratiques à suivre. Cette stratégie est propre à chaque entreprise et variera par exemple selon son contexte social et économique (p. 172).
Le recrutement et les médias sociaux
Avant de parler de la place des médias sociaux dans le recrutement à l’heure actuelle, il est important de différencier « utilisation des médias sociaux dans les processus de recrutement » et « e-recruitment ». En effet, l’e-recruitment, qui suit le mouvement de l’ « e-GRH4 » correspond à l’application des technologies de l’information et de la communication dans les pratiques de recrutement (Dhamija, 2012, p. 36). De plus en plus de candidats vont sur internet pour chercher un emploi. Etre online est donc une réelle nécessité pour les recruteurs (Dessler, 2005, p. 175). De plus, selon Ruël, Bondarouk et Looise (2004), l’intégration d’internet dans les moyens de recrutement permet d’améliorer la mondialisation de l’entreprise, tant en terme d’image que de process. Elle place la stratégie au cœur du rôle RH, offre un meilleur support tant en interne (les employés) qu’en externe (les candidats) et réduit les coûts tout en augmentant l’efficacité (p. 374). L’informatisation des moyens de recrutement se fait dès les années 90, avec notamment l’avènement des Systèmes d’Information RH (SIRH) (Girard, Fallery et Rodhain, 2015, 2ème page). Selon Holm (2012), l’e-recruitment permet surtout le « tracking » du candidat, c’est-à-dire le fait de pouvoir faire ressortir des datas – des données – qui montrent le comportement des candidats, les canaux qu’ils utilisent, les heures auxquelles ils sont le plus actifs, etc. (p. 245). Les principaux outils d’-erecruitment sont alors les sites emplois – tels que les jobboards et les sites d’agences d’emploi -, les sites carrières des entreprises et les outils de management des candidatures (Dhamija, 2012, pp. 37-38). C’est dans les années 2010, suite à l’importance prise par les médias sociaux dans la société, que les responsables RH vont réellement commencer à s’intéresser à ceux-ci comme potentiels outils de recrutement (Girard, Fallery et Rodhain, 2015, 2ème page). Le recrutement par les médias sociaux représente donc une pratique d’e-recruitment à laquelle les mêmes fonctionnalités, comme le tracking, vont pouvoir être associées, grâce à leur caractère technologique. Il y a 15 ans, Cullen (2001) écrivait que les outils technologiques ne pouvaient être traités comme des outils à part entière mais devaient plutôt être intégrés à la stratégie générale de recrutement (cité par Dhamija, 2012, p. 37). Aujourd’hui, ces outils ne sont plus considérés par les recruteurs comme « juste des outils complémentaires » mais comme étant de plus en plus importants pour attirer les talents (Girard, Fallery et Rodhain, 2013, p. 110). Dans ces stratégies d’e-recruitment, les médias sociaux prennent une importance toute particulière, si bien que le terme « social recruiting » est entré dans le langage courant pour définir le fait d’utiliser « les médias sociaux pour communiquer, engager, informer et recruter [le] futur talent 6 » (Jacobs, 2009, cité par Vicknair, Elkersh, Yancey et Budden, 2010, p. 7). Comme l’écrivent Baillette, Fallery et Girard (2013), les sites carrières et les jobboards sont toujours considérés comme centraux, toutefois, « la plupart [des experts interrogés] considèrent les médias sociaux comme des outils plus dynamiques, permettant d’élargir le sourcing et de développer une approche plus relationnelle. » (p. 13). Girard et Fallery (2011) citent les blogs, les réseaux sociaux en ligne, les plateformes de mondes virtuels, les sites de cooptation, les sites de management de l’identité, les flux RSS et enfin les plateformes vidéos comme supports technologiques représentatifs de ce Web 2.0 utilisés à des fins de recrutement (pp. 147-148).
L’employer branding et l’image de l’entreprise
D’après Buyens, De Schamphelaere, Verbrigghe, et Verhaeghe, (2012), les « concepts marketing » sont de plus en plus utilisés à des fins de recrutement, notamment à travers l’employer branding (p. 33). La Pinta et Berthelot (2015) avancent qu’étant donné la « logique concurrentielle » prévalant sur le marché de l’emploi aujourd’hui, le candidat doit être considéré comme « un consommateur d’emploi » qu’il faut « séduire et convaincre » (p. 122). Ce nouveau marketing impose aux gestionnaires RH de mettre en place de nouvelles stratégies qui définissent des objectifs et des cibles (Ibid., p. 123). Selon Girard, Fallery et Rodhain (2011), cette stratégie doit s’inscrire dans la durée et se développer « au fur et à mesure » (p. 7). Toutefois, comme le confirment les auteurs, cette stratégie, quand elle existe, n’est que trop peu réfléchie, le concept d’employer branding n’étant pas encore considéré à sa juste valeur (La Pinta et Berthelot, 2015, p. 151). Dans ce sens, les fonctionnalités offertes par les outils Web 2.0 sont très intéressantes pour développer l’employer branding et travailler sur la réputation de l’entreprise afin d’attirer les meilleurs candidats (Girard et Fallery, 2011, p. 150). En effet, pour Buyens, De Schamphelaere, Verbrigghe, et Verhaeghe (2012), communiquer sur les médias sociaux est une bonne occasion de parler de façon « authentique » aux candidats en faisant appel aux employés pour apporter du poids à cette authenticité (p. 10). Les médias sociaux permettent aussi une meilleure visibilité des entreprises, en diffusant les messages à un public plus vaste et plus jeune, la génération Y y étant surreprésentée (Girard, Fallery et Rodhain, 2011, p. 4). Ces plateformes sont ainsi utilisées pour « améliorer la visibilité de la politique RH, de la marque employeur, afin de développer […] l’attractivité de l’entreprise » (Girard, Fallery et Rodhain, 2011, p. 11). Cette attractivité est très importante quand on sait que les candidatures spontanées restent le premier canal d’approvisionnement en CVs (Marchal et Rieucau, 2010, p. 10). De plus, les responsables RH étaient, il y a encore quelques années, la seule porte d’entrée vers l’entreprise pour un candidat potentiel qui voulait plus d’informations sur l’entreprise. Aujourd’hui, les candidats peuvent trouver « à la source » toute l’information qu’ils souhaitent sans passer par un représentant RH. Il est donc primordial pour les responsables du recrutement d’investir ces médias pour communiquer avec les candidats à propos de l’entreprise (La Pinta et Berthelot, 2015, pp. 163-164). Réfléchir à la façon de procéder est essentiel, car comme nous l’expliquent Buyens, De Schamphelaere, Verbrigghe, et Verhaeghe, (2012), une mauvaise communication sur l’entreprise et ce qu’elle offre peut dissuader un candidat de la rejoindre (p. 16). L’impact est donc bien réel
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Table des matières
Introduction
Section I : Cadre et Concepts
1. Le recrutement
2. Les médias sociaux
3. Le recrutement et les médias sociaux
3.1. La réduction du bruit
3.2 . Attirer les candidats : employer branding et sourcing
3.2.1. L’employer branding et l’image de l’entreprise
3.2.2. Le sourcing
3.3. Sélectionner les candidats : vérification des compétences ou violation de la vie privée?
3.4. Médias sociaux et stratégie
3.5. Médias sociaux et recrutement en Belgique : quelques chiffres
4. La notion de réseau
4.1. La théorie de Granovetter
4.2. Réseau et recrutement
4.3. Liens faibles et médias sociaux
5. Le socio-constructivisme des technologies et la théorie de la structuration
5.1. La flexibilité interprétative appliquée à l’utilisation des médias sociaux à des fins de recrutement
Section II : La méthodologie
1. La question de départ
2. La phase exploratoire
3. La problématique
4. Construction du modèle d’analyse et hypothèses
5. Méthodologie de la phase d’observation
5.1. Constitution de l’échantillon
5.2. Les entretiens et les questionnaires
6. Méthodologie d’analyse des informations
Section III. Présentation des résultats
1. Médias sociaux et processus de recrutement
1.1. Sourcing
1.1.1. Le sourcing « direct »
1.1.2. L’employer branding : le sourcing par la visibilité
1.1.3. Candidats passifs
1.2. Sélection
1.3. Stratégie
1.4. Limites
2. Médias sociaux et réseaux
2.1. Le réseautage par les recruteurs
2.2. L’implication des employés
3. Médias sociaux et interprétation flexible
3.1. Différents médias sociaux pour différents types de recruteurs
3.1.1. Perceptions et différences entre les catégories
3.1.2. Différences intra catégories
3.2. Différents médias sociaux pour différents profils
3.3. Influence des structures sur l’utilisation des médias sociaux
3.4. Influence des médias sociaux sur l’organisation et les agents
3.4.1. Influence sur les structures : les liens entre les services
3.4.2. Influence sur les agents : la conciliation vie privée – vie professionnelle
4. Changements dans les mentalités et dans les pratiques
Section IV : Discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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