Lโanthropologue de la modernitรฉ, selon AUGE
ย ย ย ย ย AUGE part du constat que ยซ la circulation rapide de lโinformation a eu pour ef fet de rรฉtrรฉcir notre planรจte et de ce fait ร contribue r ร effacer la dimension mythique que portaient les ethnologues sur les sociรฉtรฉs dites exotiques ยป. En effet, si lโexotisme nโest plus de mise, si le terrain malinowskien a disparu dans les profondeurs de lโhistoire, lโaltรฉritรฉ, objet mรชme de lโanthropologie, demeure. Cependant, il perรงoit celle-ci comme ยซ relativisรฉe dans le temps et dans lโespace, et lโautre partage avec lโoccidental la mรชme histor icitรฉ et se rapproche de lui. Lโautre est devenu lโinfirmier de lโhรดpital de quartier ยป. A partir de cette assertion, nous pouvons dire que le terrain anthropologique sโest dรฉplacรฉ pour revenir lร oรน est lโanthropologue. La modernitรฉ est alors dรฉfinie ici comme le rรฉtrรฉcissement de la planรจte mais aussi comme une accรฉlรฉration de lโhistoire. Cette vision des choses peut conduire certains, comme FUKUYAMA, ร prรดner la fin de lโhistoire par lโuniformisation des rรฉgimes politiques et dโautres, comme le courant post-moderniste de lโanthropologie amรฉricaine, ร revendiquer le relativisme et ร scander que lโanthropologie nโest quโune variante de la littรฉrature. Il ne semble pas nรฉcessaire de rentrer dans une longue argumentation pour dรฉmontrer que, les uns comme les autres, baignent dans une logique marchande qui pousse toujours ร produire des rรฉsultats d’รฉtudes, qui ne diffรจrent pas bien loin finalement des grands journaux tรฉlรฉvisรฉs. AUGE se prรฉoccupe du devenir de lโanthropologie qui doit ยซ affronter un double problรจme : tout dโabord, il sโagit de rรฉexaminer de faรงon critique la discipline au regard de son accumulation de connaissance ; ensuite, la d iscipline doit prendre en compte le fait que son objet sโest vu modifiรฉ par les conditions historiques ยป. De ces faits, lโanalyse des rites est lโobjet par excellence de la nouvelle anthropologie. En effet, de par ses fonctions, lโactivitรฉ rituelle met en rapport lโidentitรฉ et lโaltรฉritรฉ. La symbolique sociale du rite use de deux langages : le langage de lโidentitรฉ est par essence ambivalent car il pose les questions en termes dโinclusion/exclusion alors que celui de lโaltรฉritรฉ est placรฉ sous le signe de lโambiguรฏtรฉ car il les pose en termes dโimplication/influence/relation. Ce langage rituel n’est plus le mรชme, ce qui est symptomatique de la crise des sociรฉtรฉs actuelles. En effet, le langage de lโidentitรฉย lโemporte sur lโautre ce qui en consรฉquence participe ร la rigidification des identitรฉs et des oppositions. Afin de mieux apprรฉhender notre prรฉsent, AUGE propose trois nouveaux objets : ยซ lโindividu, le phรฉnomรจne religieux et la ville ยป. Lโanthropologie rejoint la sociologie dans lโรฉtude des sociรฉtรฉs tout en apportant avec elle les outils et les mรฉthodes qui lui sont propres. Lโidรฉal du terrain malinowskien a disparu mais les objets dโautres terrains ne manquent pas. Ce qui est gรชnant dans cette analyse de la modernitรฉ, cโest qu’elle dรฉcrit un monde qui sโรฉcroule sous les phรฉnomรจnes dโurbanisation et dโinternationalisation des moyens de communication.
La Conscience du dรฉsordre selon BALANDIER
ย ย ย ย ย ย ย Selon les รฉconomistes, ยซ les ressources se font rares ยป. Ce qui veut dire que la production en matiรจre de satisfaction des besoins fondamentaux est problรฉmatique. A Madagascar, cette situation se remarque par le fait que les terres ne suffisent plus aux descendances pour survivre et couvrir ces besoins. Cela provient dโun processus historique, qui part dโune part de la structuration de la sociรฉtรฉ malgache, et dโautre part, des apports gรฉnรฉrรฉs par les grands courants mondiaux, ร savoir la colonisation et la mondialisation. Dans ces perspectives, les politiques nationales du dรฉveloppement ont connu des pรฉripรฉties cahoteuses. En effet, quelles que soient les stratรฉgies appliquรฉes, lโรฉcart entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser. Le nombre des pauvres augmente et les richesses sont dรฉtenues par une poignรฉe de gens. Comme toute expรฉrience humaine, la pauvretรฉ est une rรฉalitรฉ construite, et ce, autant au niveau de la notion de pauvretรฉ quโau niveau des situations de pauvretรฉ. Pour lโinstant, la dimension la plus importante pour nous est cette dimension notionnelle, qui fait que la pauvretรฉ est dโabord une catรฉgorie de connaissance. La dominance dโune catรฉgorie gรฉnรฉrale de la pauvretรฉ est quโelle renvoie globalement ร une hiรฉrarchisation du social au travail une dรฉfinition par le manque suivant des valorisations propres ร diffรฉrents milieux sociaux. En tรฉmoignent les dรฉfinitions systรฉmatiquement nรฉgatives de la pauvretรฉ dans nos sociรฉtรฉs, oรน le pauvre est celui qui nโest pas riche, celui ร qui il manque quelque chose. MAFFESOLI affirme que ยซ les menus gestes de la vie quotidienne โฆ les petits riens qui matรฉrialisent lโexistence et lโinscrivent dans un lieu, sont en fait des facteurs de socialitรฉ, โฆ au travers de leur aspect anodin ils p roduisent son intensitรฉ ยป. En milieu rural la population fonctionne ร partir de trois รฉlรฉments interdรฉpendants : la logique รฉconomique, la logique socioรฉconomique et la logique socioculturelle qui engendrent la reproduction des liens sociaux et leur rรฉinvention dans les relations dโรฉchanges รฉconomiques pour faire face aux problรจmes rencontrรฉs dans la vie. Toutes les activitรฉs รฉconomiques et les pratiques sociales vont dans le sens de pouvoir rรฉinventer les relations sociales et de reproduire les liens sociaux et familiaux afin de satisfaire les attentes et besoins de chaque mรฉnage.
Affrontement culturel entre traditionnalitรฉ et modernitรฉ
ย ย ย ย ย ย Les idรฉes de Jeffrey (D) sont tout aussi รฉclairantes ร se sujet : ยซ le sujet moderne adhรจre ร des processus de subjectivation qui lโorie ntent vers des pratiques dโaccomplissement de soi et de rรฉalisation de soi : raison autoconsciente, transparence ร soi, maรฎtrise de soi, volontarisme, autoconstructio n du destin, modelage du corps, indรฉpendance morale etcโฆ (โฆ) Il craint toutes les formes de soumission et se conรงoit comme un รชtre indรฉpendant et autonome. Il se dit en mesure de dรฉcider de sa vie et de son avenir ยป. Dans le cas de Madagascar, ce processus a รฉtรฉ initiรฉ par lโadministration coloniale avec sa politique de ยซ diviser pour rรฉgner ยป. Les relations sociales traditionnelles basรฉes sur le fihavanana ont cรฉdรฉ la place ร une politique dโassimilation aux valeurs europรฉennes louant les mรฉrites de la civilisation scientifique, lโindividuation. Dรจs lors, les pratiques traditionnelles se sont soumises, par la force, au modernisme. Depuis, la conscience collective sโest beaucoup amenuisรฉe et actuellement, un aphorisme cynique tend sโinstaller : ยซ samy mandeha, samy mitady ยป (littรฉralement, ยซ ร chacun selon son destin, ร chacun selon ses besoins ยป). Parmi les caractรฉristiques du modernisme, notons รฉgalement le scientisme, la confiance aux processus de la civilisation scientifique, ร la rationalisation. Ce que le moderne privilรฉgie, cโest un certain type de raison ร tendance calculante, car elle fait appel ร la mesure, ร la qualification, et technicienne, car elle nโa cessรฉ dโamรฉliorer la production par lโusage de procรฉdรฉs de plus en plus perfectionnรฉs. Le sujet moderne se remarque ร travers des rationalitรฉs qui lui procurent un sentiment de maรฎtre de soi et du monde, ce qui explique sa suspicion envers la religion. Bref, la modernitรฉ a dรฉdaignรฉ les pratiques traditionnelles et religieuses pour affirmer sa suprรฉmatie, son hรฉgรฉmonie et sa pertinence pour rรฉsoudre les problรจmes matรฉriels de lโhomme. Elle a mis beaucoup dโimportance sur le matรฉriel qui a รฉtรฉ tout ร fait contraire aux rituels effectuรฉs par les communautรฉs, dโoรน la non compatibilitรฉ.
Le concept de territorialitรฉ
ย ย ย ย ย ย ย La dimension territoriale est importante dans ce que sont les pratiques des acteurs. Le fokonolona rural est bien un territoire, un lieu oรน se construit lโidentitรฉ. Une identitรฉ qui nโa rien de statique et de figรฉ, mais qui sโaccommode bien de la mobilitรฉ, du mouvement, du changement. Cโest autour de ce lieu que sโarticulent les diffรฉrentes composantes รฉconomiques, sociales et culturelles de lโidentitรฉ. La terre tanindrazana joue un rรดle central dans cette articulation, et son rรดle ne se limite pas ร รชtre un simple support de lโactivitรฉ agricole. Elle est le lieu oรน se construisent et se reconstruisent les tombes familiales. Cโest autour de la terre que se construit lโidentitรฉ, notamment parce quโelle est le lieu de la mรฉmoire. Les arbres, les bosquets, les pierres, les cours dโeaux sont toujours associรฉs ร la mรฉmoire dโun ancรชtre plus ou moins lointain. Nous nageons alors ici en plein dans le symbolisme. si les paysages et l’environnement constituent en soi, des รฉlรฉments de construction et de maintient de l’identitรฉ, combien plus une colline considรฉrรฉe comme sacrรฉe le serait. Le lien social englobe ร la fois les morts et les vivants, les liens entre ceux-ci passent par la rรฉinsertion continue du souvenir (fahatsiarovana) des premiers qui leur donnent force et vitalitรฉ pour accomplir ce qui doit รชtre fait pour le bien de tous. Lโaspect symbolique est donc essentiel dans la notion de territoire. Ce dernier est bien un espace public parce quโil est le lieu de mรฉmoire collective. La hiรฉrarchie des tombes dans le territoire est le reflet de la hiรฉrarchie familiale et sociale dans le village. En mรชme temps dans lโhistoire et le prรฉsent de Madagascar, ร cause de ces aspects, le vรฉritable territoire producteur dโidentitรฉ est le territoire rural, cโest lui qui doit produire de lโidentitรฉ. Le territoire urbain gagne en importance, mais il reste quand mรชme pour la plupart un lieu de passage, avant de retourner vers le tanindrazana rural. La multifonctionnalitรฉ du tanindrazana est un รฉlรฉment majeur pour comprendre que les gens font bien la distinction entre les diffรฉrentes fonctions des diffรฉrents endroits, mais aussi que toutes les fonctions doivent รชtre rรฉunies pour dรฉfinir le sens rรฉel du tanindrazana. Les acteurs populaires ont le sens du territoire. ร partir de ces trois fonctions, le tanindrazana reprรฉsente un avenir sรปr pour les familles. Ces trois fonctions sont รฉtroitement liรฉes par le rรดle des acteurs qui mettent en valeur lโintรฉrรชt du lien social au sein du village. Au cours dโun rituel, on tue un animal (un bลuf, un mouton ou un coq), et on verse son sang et le ยซ taimboraka ยป dans un trou. On mรฉlange ces deux รฉlรฉments, et puis la viande est distribuรฉe ร lโassistance. Tout le monde doit recevoir une part. Le mรฉlange de sang et de ยซ taimboraka ยป est ensuite jetรฉ dans chaque embouchure (qui sert pour le drainage des riziรจres), ceci pour se prรฉvenir de la grรชle (ยซ ody havandra ยป) et des inondations. Pour mieux comprendre, il est intรฉressant dโapprofondir lโidรฉe du fomba : violer un fomba est un dรฉshonneur pour celui qui nโa pas suivi la tradition lorsque la violation dโun fady exige une sanction, une peine ou punition. Souvent, sont effectuรฉs des charmes auxquels sont attachรฉs des tabous : pรฉcher envers un tabou dโun charme cause une maladie et enlรจve ร celui-ci le pouvoir de protรฉger la personne qui le possรจde ou lโadore. Cette croyance est utilisรฉe par exemple, par les bandits, qui, lorsquโils veulent attaquer un village ou une propriรฉtรฉ, introduisent des charmes qui poussent les villageois ร violer leurs tabous, perdant ainsi par la suite leur pouvoir de protection. Le choix des jours favorables obtenu en lisant lโhoroscope par la divination ou le sikidy recouvre une รฉnorme importance et chaque รฉvรฉnement signifiant de la vie dโun malgache est conditionnรฉ par ce choix. Ainsi, toute la vie est rรฉglรฉe par les fady, les rรชves, le fanandroana qui varie suivant la tribu et le clan. Les enterrements, les retournements des morts ou les bains de reliques ne devraient pas รชtre faits un jour nรฉfaste. Beaucoup de gens croient que si lโon nรฉglige de suivre lโordre du mpanandro les ancรชtres seraient dรฉshonorรฉs. Les dรฉsobรฉissants serait poursuivis par leur colรจre. Pauvretรฉ, maladies ou autres malheur, mort prรฉmaturรฉe seraient les chรขtiments inรฉvitables pour ceux qui commettent une offense pareille. La superstition joue un rรดle important.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
Choix du terrain et du thรจme
Objectifs
Problรฉmatique
Hypothรจses
Mรฉthodes
Techniques
Echantillonnage
Problรจmes rencontres et limites de lโรฉtude
Plan global de ce document
PARTIE 1 : APPROCHE CONCEPTUELLE ET CONTEXTUELLE DU MODERNISME
Chapitre 1 : La modernitรฉ comme dynamique impรฉrative
1.1.- Les impรฉratifs du postmodernisme face ร lโhypermodernitรฉ
1.1.1.- Pour comprendre les changements
1.1.2.- Lโanthropologue de la modernitรฉ, selon AUGE
1.1.3.- Pragmatique anthropologique
1.1.4.- Considรฉrations synthรฉtiques
1.2.- Les impรฉratifs de la mondialisation
1.3.- La Conscience du dรฉsordre selon BALANDIER
Chapitre 2 : Affrontement entre modernisme et traditionalisme ร Madagascarย
2.1.- Pragmatique en situation interculturalitaire (interculturalitรฉ)
2.1.1.- Affrontement culturel entre traditionnalitรฉ et modernitรฉ
2.1.2.- les idรฉes postmodernes et les pratiques populaires traditionnelles
2.1.3.- survivance de la tradition et altermondialisation
2.2.- Exploration structuro fonctionnaliste ร Sabotsy Namehana
2.2.1.- La dรฉmarche structuraliste
2.2.2.- La dรฉmarche ยซ dynamiste ยป de BALANDIER
2.2.3.- Le paradigme holistique de lโidentitรฉ collective
PARTIE 2: LES LIENS SOCIAUX ENTRE LA MODERNITE ET LA TRADITIONNALITEย
Chapitre 3 : Les valeurs traditionnellesย
3.1.- prรฉรฉminence traditionnelle
3.1.1.- finalitรฉs des cรฉrรฉmonies
3.1.2.- Une profusion de confessions
3.1.2.1.- les grandes religions
3.1.2.2.- les sectes
3.1.2.3.- le langage sectaire
3.1.2.4.- lโauto-exclusion
3.3.- Le concept de territorialitรฉ
3.3.1.- La transgression du sacrรฉ
3.3.2.- Les rituels de manifestation du sacrรฉ
3.3.2.1.- Les rites (ยซ fomba ยป et les tabous (ยซ fady ยป)
3.3.2.2.- Changement social et respect des fady
Chapitre 4 : Le pouvoir de lโargentย
4.1.- La dรฉstabilisation du systรจme lignager
4.1.1.- Amalgame entre salaire et alimentation
4.2.- Les relations intragroupes
4.4.- Lโidentitรฉ et lโaltรฉritรฉ comme leitmotiv politique
4.4.1.- La participation citoyenne
4.4.2.- La curiositรฉ sociale
4.4.3.- Fihavanana et leadership
4.4.4.- Conflits de modernitรฉ et logiques de gouvernance
4.5.1.- Les alรฉas de la gouvernance
4.5.2.- Lโadhรฉsion ร la dรฉmocratie
4.5.3.- La loi du plus fort
Chapitre 5 : Le paradigme des mรฉlanges de cultureย
5.1.- Les logiques mercantilistes
5.2.- Les impacts du sacrรฉ
5.2.1.- Le sacrรฉ comme explication et fondation de la pratique sociale
5.2.2.- Le paradigme du sacrรฉ
Conclusion partielle
PARTIE 3 : PERSPECTIVE DE VALORISATION PAYSANNE DANS UN CONTEXTE POST-MODERNEย
Chapitre 6 : tentatives de reconsidรฉration des prรฉrogatives des sciences socialesย
6.1.- Lโinteraction entre les instances familiale et scolaire de socialisation
6.2.- les considรฉrations familiales
6.3.- la comprรฉhension des logiques sociales
6.4.- Familles et enfants
6.5.- Les prรฉrogatives du sociologue dans la sociรฉtรฉ de l’information
Chapitre 7 : Le phรฉnomรจne de leadershipย
7.1.- Le changement social
7.2.- Contre la logique dโassistance
Conclusion Partielle
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
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