Manipulation et défense de l’identité les perspectives critiques de l’impérialisme culturel

Manipulation et défense de l’identité: les perspectives critiques de l’impérialisme culturel

C’est au cours des années 70, à la suite de l’expansion grandissante de l’industrie publicitaire américaine, qu’un certain nombre de chercheurs se sont concentrés sur l’examen des enjeux économiques, politiques et culturels de la publicité transnationale. Il s’agit d’un corpus de recherches appartenant à l’ensemble multiforme de la pensée critique et, tout particulièrement, aux études critiques sur la communication internationale et sur l’impérialisme culturel, parfois regroupés sous l’enseigne de media imperialism. La plupart de ces travaux procèdent des thèses sur le « néo-impérialisme » qui se sont affirmées dans le cadre des recherches sur l’économie du développement pendant les années 60 et 70. Les perspectives théoriques qui ont inspiré les études critiques sur la communication internationale sont liées notamment au paradigme de la dépendance. Cette théorie, élaborée par des auteurs tels que Paul Baran, Paul Sweezy, Arghiri Emmanuel, André Gounder Frank, dénonçait la décolonisation comme un processus purement formel et affirmait que l’impérialisme était toujours au centre des relations économiques mondiales. De cette approche, les analyses critiques de la communication internationale ont hérité l’hypothèse selon laquelle le système capitaliste entretient et développe des rapports d’interdépendance asymétrique entre les pays industrialisés et les autres parties du monde. Dans cette perspective, le développement du centre et le sous-développement de la périphérie du système sont deux éléments complémentaires et indissociables d’un même processus. Car le sous-développement de l’ensemble des pays dominés est conçu comme la conséquence directe de l’exploitation de ces derniers par les pays industrialisés dominants. Les analyses critiques de la communication internationale se rattachent également à la théorie du système-monde, développée par l’historien et sociologue américain Immanuel Wallerstein sur la base du concept d’espace-monde élaboré par Fernand Braudel. Selon cette approche, la tendance principale qui anime l’économie-monde capitaliste est l’incorporation de nouvelles aires géographiques au sein du système, processus qui permet d’accroître périodiquement le niveau de la demande et de rendre disponibles de nouveaux produits, des matières premières et de la main d’œuvre à bas prix.

Conflits et négociations au carrefour des cultures: la recherche sur la communication interculturelle

A partir des années 50, des chercheurs américains issus de plusieurs disciplines se sont attachés à analyser les pratiques de communication interculturelle faisant référence à un ensemble hétérogène d’hypothèses, à caractère principalement psychologique, sociologique, anthropologique et linguistique. Ce courant d’études interdisciplinaires – appelé recherche sur la communication internationale ou interculturelle (Intercultural Communication Research) – a désigné comme son propre objet d’étude les phénomènes communicationnels verbaux et non verbaux qui ont lieu directement et indirectement entre des individus ou des groupes de cultures différentes. L’intérêt a été focalisé sur une question centrale: comment établir une communication claire et efficace entre des interlocuteurs ne relevant pas de la même culture, ou, en d’autres termes, comment la communication interculturelle peut surmonter l’altérité et la différence.
L’émergence de ce nouveau champ d’étude est étroitement liée aux questions posées par la propagande politique et militaire pendant la Seconde Guerre Mondiale et au cours de la Guerre Froide. Initialement, comme le remarque Armand Mattelart, les hypothèses qui émanent de l’International Communication Research « sont d’autant plus marquées par le manichéisme que nombre de leurs protagonistes sont des chercheurs que pendant la seconde guerre mondiale, ont servi en tant qu’experts en guerre psychologique auprès de l’OSS et de l’OWI ». L’attention vers la communication interculturelle relève également des intérêts économiques internationaux des entreprises américaines. En effet, l’augmentation des relations internationales faisait de la capacité d’établir un échange communicationnel avec des individus et des groupes de cultures différentes, un enjeu essentiel pour des praticiens venant d’horizons très divers. Reliant deux champs d’études que la recherche américaine gardait distincts, à savoir, la recherche en communication et les études sur la culture, ce courant a abordé les problèmes multiples soulevés par les pratiques de communication interculturelle. L’attention a été portée notamment sur des difficultés d’ordre pragmatique, plus spécialement sur les comportements dans des situations où des membres de cultures différentes entrent en contact (par exemple, relations diplomatiques, commerciales, tourisme, études à l’étranger, etc.).

L’universel et le singulier: les orientations actuelles de la recherche critique

Au cours des deux dernières décennies, bien que le thème de la mondialisation soit devenu très actuel, les analyses des chercheurs en communication se sont concentrées principalement sur les domaines de l’audiovisuel, de la presse et des télécommunications. En dépit du fait qu’il s’agisse d’un terrain de recherche fécond pour l’étude des processus de globalisation, et malgré l’influence du développement de ce secteur sur le futur des médias transnationaux, jusqu’à aujourd’hui, les chercheurs en communication ont peu souvent abordé la problématique de la publicité transnationale.
Les études menées au cours des dernières années par l’australien John Sinclair, le français Armand Mattelart et le canadien Stephen Kline constituent des exceptions. Au-delà de leurs différents parcours de recherche et de la diversité des objets spécifiques de leurs analyses, ces auteurs partagent une attitude critique qui les a amenés à s’interroger sur les liens entre la communication publicitaire et les intérêts des pouvoirs économiques et politiques et sur les effets que les stratégies de promotion des biens de consommation produisent sur le plan culturel et idéologique.
De ce point de vue, la problématique des études critiques sur la communication internationale est encore présente dans les travaux de Sinclair, Mattelart et Kline. Mais, les recherches de ces auteurs complètent et précisent les analyses des années 70, en faisant appel à d’autres perspectives théoriques. En prenant en compte les apports d’autres disciplines, notamment la sociologie et l’anthropologie culturelle, ces auteurs récusent les visions linéaires proposées, nous l’avons vu, par certaines lectures de l’impérialisme culturel. Les recherches menées par Sinclair, Mattelart et Kline remettent en cause la représentation unidirectionnelle des processus de mondialisation et insistent sur la diversité des réponses élaborées par les différents contextes territoriaux. Ainsi, ces travaux sont particulièrement attentifs aux logiques de reterritorialisation ou de relocalisation, c’est-à-dire à « l’ensemble des processus de médiations et de négociations qui se jouent entre le singulier et l’universel, entre la pluralité des cultures et les forces centrifuges du marché monde, mais aussi entre des visions différentes de concevoir l’universel ».

La place du transnational dans la recomposition des territoires

Les dernières décennies ont connu un changement profond des interdépendances entre les divers territoires. La physionomie nationale des cultures et des identités, liée à la formation des bourgeoisies et des marchés nationaux au cours du XIXe siècle a été affaiblie par la mondialisation des échanges et par le développement de forces d’intégration économique et culturelle agissant au niveau global. Pourtant, la globalisation n’a pas entraîné une disparition complète des spécificités nationales des marchés et des cultures. Les tendances homogénéisantes s’accompagnent dans certains cas d’une consolidation des cultures nationales et locales. Comme il a été souvent remarqué, les dynamiques globales coexistent avec une quête des origines, avec une valorisation de l’identité territoriale, avec le renforcement des fragmentations et de vieux ou nouveaux séparatismes. Ce qui se trouve au centre de l’actuelle restructuration économique, politique et culturelle, ce sont donc des processus de redéfinition radicale de la territorialité. De façon générale, deux tendances semblent s’imposer: une crise de l’Etat-nation dans sa conformation traditionnelle et le renforcement d’autres formes de territorialité à la fois à l’échelle locale et à l’échelle transnationale.
Ces évolutions touchent directement les médias, dont on sait qu’ils participent étroitement aux mouvements des territoires90. Comme plusieurs chercheurs l’ont relevé, l’extension des marchés entraînée par des politiques de déréglementation et l’émergence des nouvelles techniques de l’information et de la communication affaiblit le pouvoir et l’autonomie de la souveraineté nationale. On sait qu’en Europe les politiques de dérèglementation ont bouleversé les systèmes publics radio-télévisuels centrés sur les espaces nationaux. De plus, la dimension nationale des médias se présente en voie de transformation aussi à la suite d’un double phénomène: l’internationalisation des produits audiovisuels et la localisation de l’information.

Les relations entre publicité et territoires

L’émergence de formes de regroupement culturel qui dépassent les frontières administratives et politiques de l’Etat-nation pose de nouveau les interrogations concernant les rapports qui s’instaurent entre communication publicitaire et territoires. Il s’agit d’un vieille et épineuse question, qui touche les relations entre publicité et identité collective, entre valeurs marchandes et réalité sociale. A ce propos, les interprétations sont contradictoires.
D’aucuns partent du principe que la publicité participe activement à la formation des territoires. L’action exercée par la publicité dans la production territoriale a été relevée tout d’abord dans la sphère commerciale. De ce point de vue, la publicité est d’un apport déterminant dans la construction des espaces commerciaux. Nombre d’historiens de la publicité ont remarqué que, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, dans les grands pays industriels, la publicité a eu une influence considérable dans la définition des contours des marchés nationaux. En particulier, James D. Norris, spécialiste de l’histoire de la publicité américaine, a montré que, en favorisant la distribution des biens de grande consommation à l’échelon national, la diffusion des messages publicitaires, de la côte atlantique à la côte pacifique, a été l’un des facteurs décisifs dans l’unification du marché des Etats-Unis.
La définition des territoires de distribution et de consommation est devenue encore plus incisive avec le développement des médias audio-visuels et notamment, en Europe, à la suite de la dérèglementation. Concernant la situation italienne, Giuseppe Richeri remarque que depuis le début des années 80: « c’est le domaine économique qui donne la mesure du territoire que les médias doivent occuper, et ce sont les médias qui donnent le périmètre du marché des produits; c’est-à-dire qu’il y a maintenant des stations ou des chaînes de télévision ou de radio qui construisent les territoires de consommation de certains produits.

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Table des matières

Introduction 
Première partie : La publicité transnationale comme objet d’étude: questions théoriques et méthodologiques
I.1. La publicité transnationale dans la recherche sociale et communicationnelle 
I.1.1. Manipulation et défense de l’identité: les perspectives critiques de l’impérialisme culturel
I.1.2. Conflits et négociations au carrefour des cultures: la recherche sur la communication interculturelle
I.1.3. Apports et limites de la Cross-cultural Advertising Research
I.1.4. L’universel et le singulier: les orientations actuelles de la recherche critique
I.2. Territoires et médiations: la publicité transnationale comme construit négocié 
I.2.1. La place du transnational dans la recomposition des territoires
I.2.2. Les relations entre publicité et territoires
I.2.3. La publicité transnationale dans une « territorialité en mouvement »: hypothèses et pistes de recherche
I.3. Repères méthodologiques
I.3.1. Modalités, outils et sources de l’analyse historique
I.3.2. Raisons et méthodes de l’analyse comparative
I.3.3. L’examen du transfert des messages publicitaires: échantillon et grille d’analyse
Deuxième partie : Jalons pour une histoire de la publicité transnationale
II.1. Jeux de l’échange et perméabilité des frontières: les origines de la publicité transnationale
II.1.1. La communication commerciale » trans-frontières » à l’époque pré-industrielle
II.1.2. Les Expositions Universelles entre universalisme et nationalismes
II.1.3. La publicité, instrument moderne de médiation entre production et consommation
II.1.4. Les régies d’annonces, premiers acteurs de la publicité transnationale
II.1.5. La vocation transnationale des stratégies publicitaires et le caractère nationale des « styles »
II.2. Les premières étapes de l’expansion publicitaire 
II.2.1. L’émergence des agences de publicité internationales
II.2.2. L’expansion américaine: trajectoires et stratégies
II.2.3. Les interactions entre l’industrie publicitaire américaine et les marchés nationaux
II.2.4. Le rapport du milieu professionnel français et italien avec le modèle américain
II.3. Elargissement et interconnexion des marchés, recomposition des territoires 
II.3.1. L’internationalisation et la consolidation des acteurs nationaux
II.3.2. L’industrie publicitaire mondiale à l’épreuve des logiques de localisation
II.3.3. Des réponses singulières: l’industrie de la publicité en France et en Italie à l’heure de la globalisation
II.4. Du standard aux différences. Evolution des théories et des techniques de la publicité transnationale 
II.4.1. La publicité dans le village global: le mirage de la standardisation
II.4.2. Le poids des différences et les avantages de la diversification
II.4.3. Entre la standardisation et la diversification: les théories des réponses flexibles
II.4.4. Le débat théorique en France et en Italie
II.4.5. Les perspectives actuelles: du global au « glocal »
Troisième partie : Les formes de la publicité sans frontières: une analyse comparative de spots transnationaux en France et en Italie
III.1. La France et l’Italie, deux paysages publicitaires bien particuliers 
III.1.1. L’évolution des dépenses publicitaires en France et en Italie
III.1.2. La tradition du film publicitaire en France et en Italie
III.1.3. La publicité transnationale sur les chaînes françaises et sur celles italiennes: contraintes juridiques
III.2. Les spots publicitaires transnationaux: des solutions à géométrie variable 
III.2.1. Les campagnes transnationales: caractéristiques de l’échantillon
III.2.2. Modes et enjeux des spots transnationaux: l’analyse du corpus
− La bande vidéo: de l’universalité des images publicitaires
− La bande son: les enjeux de la traduction et du doublage
− Les ajustements du commentaire final
− Homogénéité des stratégies discursives et des genres publicitaires
− D’autres modalités de l’adaptation: le produit, l’environnement, les sujets, l’intertextualité
III.3. Les logiques à l’œuvre dans les campagnes transnationales
III.3.1. Les campagnes « globales » entre uniformité et adaptation
III.3.2 Des stratégies nuancées: les campagnes « multi-locales »
III.3.3. Les campagnes « locales » et le choix de la différenciation
Conclusion
Bibliographie 

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