Manifestations oculaires de la maladie de Marfan

Rappel embryologique

     L’épiblaste est à l’origine de l’appareil dioptrique de l’œil: cristallin et la cornée. Le cristallin apparaît individualisé sous la forme d’une vésicule creuse vers la sixième semaine de la vie embryonnaire. La paroi de cette vésicule est faite d’une seule couche de cellules cylindriques. Vers la huitième semaine, les cellules de la paroi postérieure vont s’allonger et combler la cavité. Ces cellules devenues ainsi filiformes sont désignées sous le nom de « fibres cristalliniennes primaires ». Elles sont antéropostérieures. Le noyau cristallinien embryonnaire est ainsi formé. La couche la plus périphérique et équatoriale des cellules primaires s’allonge et se courbe pour envelopper les précédentes, formant ce que l’on appelle les « fibres secondaires ». Dès la fin du premier trimestre, ces fibres se réunissent aux deux pôles, antérieur et postérieur, en dessinant les sutures, visibles sous la forme de « Y ». Les fibres cristalliniennes continuent d’être formées dans la région équatoriale, refoulant vers le centre les fibres les plus anciennes. Ce processus de croissance cristallinienne est très rapide en période fœtale et dans les premières années de la vie, mais s’il ralentit par la suite, il ne s’interrompt pas et se poursuit jusqu’à la fin de la vie. Durant la période fœtale, la tunique vasculaire qui entoure le cristallin atteint son développement maximal ; elle va ensuite connaître une involution progressive pour disparaître à la naissance. La zonule apparaît au 2e trimestre dans la zone annulaire située entre le corps ciliaire et l’équateur du cristallin et est appelée zonule vitréenne ou faisceau isthmique. Au 4e mois de vie intra-utérine, cette zone est encore occupée par du vitré primitif refoulé par le développement du vitré définitif. Durant les 4e et 5e mois, la zonule vitréenne est envahie par des fibrilles produites par l’épithélium ciliaire. Ces fibrilles s’organisent en fibres qui s’attachent sur la capsule cristallinienne pour former la zonule définitive.

Les rapports antérieurs

      Le cristallin répond par sa face antérieure à la face postérieure de l’iris qui présente un orifice central, la pupille. Ainsi, trois zones concentriques peuvent être définies sur sa face antérieure :
– une calotte centrée sur son pôle antérieur et située en regard de la pupille: son diamètre varie avec le degré de dilatation pupillaire de 2 à 10 mm et elle est séparée de la cornée par l’humeur aqueuse qui remplit la chambre antérieure. La distance séparant la face postérieure de la cornée de la face antérieure du cristallin dans cette région est de l’ordre de 4 à 5 mm et représente la profondeur de la chambre antérieure;
– un anneau correspondant à la partie moyenne de sa face antérieure où l’iris est en relation très étroite avec le cristallin ;
– une couronne périphérique où le cristallin s’écarte progressivement de l’iris pour former la chambre postérieure dont les limites externes sont constituées par l’angle iridociliaire et la face antérieure de la zone ciliaire.

Rôle des fibrillines

      Les fibres élastiques sont des macroagrégats extracellulaires des tissus normalement soumis aux forces de tiraillement. Elles sont constituées d’un noyau entouré de microfibrilles d’élastine. La Fibrilline 1 (FBN1) représente le principal composant structurel de ces microfibrilles. La maladie de Marfan résulte d’une anomalie de production des microfibrilles. Une large diffusion de la fibrilline dans les tissus conjonctifs oculaires a été retrouvée, y compris la capsule du cristallin, la zonule, l’iris, l’épithélium de la cornée, la membrane de Bowman, et la conjonctive. Elle a également été retrouvée dans la sclérotique, la choroïde, la membrane de Bruch, et la lame criblée. Cette distribution pourrait expliquer certaines anomalies oculaires au cours de la maladie de Marfan. La pathogénie des anomalies oculaires au cours de la maladie de Marfan reste mal élucidée vu qu’il y a eu peu d’études sur la répartition de la fibrilline dans les tissus oculaires normaux et pathologiques. L’ectopie cristallinienne pourrait être causée par un déficit structurel de la FBN1, qui influence négativement l’assemblage des microfibrilles, empêchant ainsi l’élastogenèse normale de la zonule.

L’ectopie cristallinienne

    L’ectopie cristallinienne est un déplacement congénital du cristallin, dû à une anomalie de la zonule avec plan zonulaire intact. Sa prévalence est comprise entre 60 et 87 % dans la maladie de Marfan et elle constitue le signe ophtalmologique majeur. Elle est due à un vice embryologique, qui fait que classiquement le cristallin se développe d’emblée dans un siège anormal. C’est une malposition du cristallin qui est en général bilatérale et symétrique. Elle est à différencier de la subluxation cristallinienne où les fibres zonulaires sont rompues par endroits, et de la luxation cristallinienne où la zonule est rompue sur toute la circonférence, entrainant un déplacement du cristallin dans la chambre antérieure ou un déplacement postérieur dans le vitré. L’examen de la zonule au plus fort grossissement révèle sa constitution intime. Elle est formée de fibres rigides qui partent des procès et s’implantent tangentiellement sur le cristallin. A ce niveau les fibrilles se devisent en fibrilles secondaires qui s’écartent en éventail et finissent sur une lamelle dite zonulaire qui couvre la cristalloïde en périphérie. Le diamètre des fibres de la zonule est compris entre 20 et 30 microns. Vers la zone d’implantation, les fibres s’amincissent et deviennent triangulaires. Le système ainsi constitué est très solide et toute traction sur les fibres fera détacher la lamelle zonulaire. Dans le Marfan, la lésion semble résider justement au niveau de ces fibrilles secondaires. Leur étalement est moindre sur la lame zonulaire entraînent ainsi une faiblesse dans le système de suspension. De même, toute modification dans la constitution de ces mêmes fibres entraînerait une diminution de leur résistance et aboutirait à un déplacement, le plus souvent supéro-temporal. Dans la plupart des cas, c’est une mauvaise acuité visuelle découverte à l’âge scolaire qui conduit l’enfant à consulter. La cause de cette acuité visuelle déficiente est d’abord le vice de réfraction. L’ectopie fruste peut facilement passer inaperçue. C’est le stade de  diagnostic difficile, d’où l’intérêt d’une dilatation pupillaire maximale avec examen minutieux à la recherche d’une malposition minime. L’ectopie importante est par contre facile à reconnaitre, la position du cristallin est telle que l’aire pupillaire est coupée par l’équateur de la lentille. L’examen ophtalmologique doit être complet (lampe à fente et fond d’œil). La recherche systématique d’une ectopie du cristallin peut être accompagnée d’une échographie oculaire avec mesure de la longueur axiale, et d’une kératométrie. La position anormale du cristallin entraine un astigmatisme majeur, souvent évolutif et difficilement compensé par une correction optique. Il existe souvent un iridodonésis bilatéral, mis en évidence en éclairant de façon tangentielle l’œil et en demandant au patient de déplacer rapidement ses yeux. On observe un tremblement particulier de l’iris.

Anomalies de l’uvée

       Il s’agit essentiellement de l’atrophie du dilatateur irien ce qui induit un myosis et des difficultés à obtenir une mydriase lors de l’examen du fond d’œil. Un corps ciliaire peu développé, un iris inséré trop en arrière et un sousdéveloppement de l’iris et de ses muscles, sont les causes de la pupille de faible diamètre et de la transparence de l’iris. La luxation du cristallin peut causer un flottement de l’iris. Certaines des anomalies choroïdiennes sont acquises, comme l’atrophie dans les myopies fortes tandis que d’autres sont congénitales, à savoir le colobome choroïdien, la persistance de l’artère hyaloïde, l’allongement des procès ciliaires et l’élargissement de la base du vitré.

La dilatation aortique

       La dilatation de l’aorte ascendante représente le plus souvent la forme de début de la maladie [31] et peut revêtir divers aspects. la susceptibilité de cette portion à se dilater est due à la fois à des facteurs hémodynamiques locaux et structuraux. Plusieurs raisons sont avancées. En premier lieu, il a été démontré que la partie ascendante contient plus de fibres élastiques que les autres régions de l’arbre artériel et on sait parallèlement que la maladie de Marfan affecte l’intégrité des fibres élastiques. En second et dernier lieu, l’aorte ascendante est la partie aortique qui est en premier soumise au stress répétitif de l’éjection de sang par le ventricule gauche [32]. Elle se dilate, typiquement en « bulbe d’oignon ». Cette dilatation peut débuter in utero et sa progression est très difficile à prévoir. Deux complications sont à craindre. Tout d’abord, une fuite aortique peut résulter de la modification de la position des feuillets valvulaires (du fait de la dilatation), et dépend donc directement du degré de dilatation de l’aorte ascendante. Ensuite et surtout, le risque de dissection ou de rupture aortique.

Diagnostic positif

      Depuis sa description en 1896, le diagnostic de la MDM reposait sur l’association d’une histoire familiale et de signes squelettiques. Avec l’apparition de nouvelles technologies telle que l’échographie cardiaque, les critères diagnostiques de la MDM ont été élaborés à Berlin en 1986 puis révisés à Ghent en 1996 (Tableau I). Pour poser le diagnostic, en l’absence de critère familial ou génétique, il fallait une atteinte de trois systèmes parmi les suivants: le cœur, l’œil, le squelette, la peau, les poumons et le système nerveux central, dont au moins deux avec des signes majeurs. Le sujet avec un parent atteint ou porteur lui-même d’une mutation dans le gène FBN1 devait avoir un signe majeur et un signe mineur dans deux systèmes différents. Certaines limites des critères de Ghent sont vite apparues : complexité d’utilisation pour le praticien et inadaptation aux situations pédiatriques. Aussi, de nouveaux critères ont été établis en 2010 (tableau II). Dans cette nouvelle classification, un poids plus important est donné à deux signes : la dilatation ou la dissection aortique et l’ectopie du cristallin, la dilatation aortique en raison de sa gravité potentielle et l’ectopie du cristallin en raison de sa grande spécificité. Dans ces nouveaux critères, la recherche d’une mutation dans le gène FBN1, mais aussi dans d’autres gènes comme TGFBR1 et TGFBR2 revêt également une importance accrue. Chez les patients âgés de moins de 20 ans et ne remplissant pas les  critères, le terme de « Marfan potentiel » est proposé. Cette nouvelle classification est plus simple d’utilisation pour les praticiens qui ne seraient pas  spécialistes de la MDM et permettra donc probablement un meilleur dépistage.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. RAPPELS 
1.1.Rappel embryologique
1.2.Rappel anatomique
1.2.1. Le globe oculaire
1.2.2. Cristallin
1.2.3. Zonule ciliaire ou zonula de zinn
1.3.Rappel physiologique
1.3.1. Les constantes optiques du cristallin
1.3.2. Rôle du cristallin
1.3.3. Métabolisme du cristallin
2. MALADIE DE MARFAN 
2.1.Généralités
2.1.1. Définition
2.1.2. Historique
2.1.3. Epidémiologie
2.1.4. Génétique
2.1.5. Pathogénie
2.2.Les manifestations cliniques de la maladie de Marfan
2.2.1. Manifestations oculaires
2.2.2. Manifestations extra-oculaires
2.2.3. Marfan et grossesse
2.3.Diagnostic
2.3.1. Diagnostic positif
2.3.2. Diagnostic différentiel
3. TRAITEMENT DES MANIFESTATIONS OCULAIRES 
3.1.Buts
3.2.Moyens
3.2.1. Moyens médicaux
3.2.2. Moyens chirurgicaux
3.2.3. Moyens optiques et orthoptiques
3.2.4. Moyens physiques
3.3.Indications
3.3.1. L’ectopie du cristallin
3.3.2. La cataracte
3.3.3. La myopie
3.3.4. Le décollement de la rétine
3.3.5. Le glaucome
3.3.6. L’amblyopie
DEUXIEME PARTIE
1. OBSERVATIONS 
1.1.Observation no 1
1.2.Observation no 2
1.3.Observation n°3
1.4.Observation no 4
1.5.Observation no 5
1.6.Observation no 6
1.7.Observation no 7
2. DISCUSSION 
2.1.Aspects épidémiologiques
2.1.1. Fréquence
2.1.2. Age
2.1.3. Sexe
2.2.Données anamnestiques
2.2.1. Antécédents familiaux
2.2.2. Motif de consultation
2.2.3. Délai de consultation et de prise en charge
2.3.Aspects cliniques ophtalmologiques
2.3.1. L’ectopie cristallinienne
2.3.2. La microsphérophakie
2.3.3. La cataracte
2.3.4. La myopie
2.3.5. Le décollement de rétine
2.3.6. Les anomalies de courbure cornéenne
2.3.7. Le strabisme
2.4.Aspects thérapeutiques
2.4.1. Prise en charge
2.4.2. Evolution
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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