Le paludisme est une érythrocytopathie fébrile due à des hématozoaires du genre Plasmodium et transmise par la piqure d’un moustique, l’anophèle femelle. Parmi les espèces pathogènes chez l’homme, le Plasmodium falciparum est l’agent le plus fréquent, responsable de 90% des cas en Afrique et des formes graves. Malgré les énormes progrès réalisés ces dernières années en termes de baisse de la morbi-mortalité, le paludisme reste un problème de santé publique avec plus de 3,2 milliards de personnes exposées dans le monde. Selon le Rapport 2014 du paludisme dans le monde, environ 198 millions de cas ont été enregistrés en 2013, dont 584 000 ont été mortels, les enfants représentant 78% des cas et la Région Afrique 90% [1]. Au Sénégal, l’épidémiologie du paludisme a beaucoup changé avec l’avènement des tests de diagnostic rapide (TDR) et des Combinaisons Thérapeutiques à base de dérivés d’Artémisinine (CTA). La morbidité palustre est passée de 22,25 % en 2007 à 5,74 % en 2008 et 3,07% en 2009. Le nombre de cas de paludisme est passé de 1 555 310 en 2006 à 174 890 en 2009 [2]. Les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans en ont payé le plus lourd tribut mais force est de noter que la morbidité palustre a beaucoup baissée chez ces deux groupes cibles à tel point que dans certaines zones, on parle maintenant d’objectif de pré-élimination [3 – 5]. Dans le cadre de la lutte contre le paludisme, des mesures préventives sont recommandées à savoir : la chimioprophylaxie individuelle chez la femme enceinte en zone d’endémie, chez le sujet non immun ayant séjourné en zone d’endémie et chez les enfants de moins de cinq an ; la chimioprophylaxie de masse ; l’utilisation de moustiquaire imprégnée d’insecticide à longue durée d’action (MILDA) ; la lutte anti-vectorielle et la vaccination (en cours d’essai clinique). Malgré ces avancées significatives, le paludisme tue encore et constitue de par ses formes graves une urgence médicale majeure qui reste redoutable. En tant que parasites du sang, les Plasmodium devraient induire des altérations hématologiques [6 – 8]. Ainsi il s’accompagne fréquemment d’anomalies hématologiques. Bien que certaines modifications hématologiques soient généralement reconnues, il existe des données contradictoires sur la variation de certains de ces paramètres hématologiques. Par exemple, le paludisme a été associé dans certains cas à l’anémie et dans d’autres cas, il n’y avait pas de variation du taux d’hémoglobine [7 – 10]. Concernant les plaquettes, les études sont plutôt en faveur d’une thrombocytopénie légère ou sévère [9, 11, 12]. Par contre pour ce qui est des globules blancs, leucopénie et leucocytose sont retrouvées dans des proportions quasi similaires [13 – 16]. La plupart des études récentes impliquant des changements hématologiques au cours du paludisme ont été menées surtout chez les enfants [17 – 19].
EPIDEMIOLOGIE
Dans le monde
Malgré les résultats encourageants enregistrés ces dernières années avec une baisse de l’incidence et de la mortalité, le paludisme demeure une pathologie préoccupante dans le monde. Près de la moitié de la population mondiale est exposée au risque de paludisme. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé qu’en 2013, environ 198 millions de cas de paludisme ont été enregistrés. Le risque est plus élevé de contracter la maladie dans 97 pays et territoires surtout localisés en Afrique ou l’essentiel des cas confirmés a été recensés (figure 1). Durant cette même période, 584 000 décès ont été notés. La plupart des décès ont eu lieu (90%) en Afrique subsaharienne et touchaient surtout les enfants de moins de cinq ans (78%).
En Afrique
Entre 2000 et 2012, les taux de mortalité estimés imputables au paludisme ont diminué de 45% dans le monde et de 49% dans la Région Afrique; chez les enfants de moins de cinq ans, les décès ont diminué de 51% dans le monde et de 54% dans la Région Afrique. En 2013, environ 82% des cas de paludisme et 90% des décès associés ont été enregistrés dans la région Afrique de l’OMS [1]. Le paludisme est très largement répandu dans toute l’Afrique sub-saharienne. Au sud du Sahara, la limite nord du paludisme passe en dessous du 20e degré de latitude nord, par le milieu du Mali et du Niger. La limite sud sur le continent africain est constituée par le désert du Kalahari à l’ouest et par le tropique du Capricorne à l’est; elle dépasse à peine le 30e degré de latitude nord (figure 2). Dans l’Afrique sub-saharienne coexistent P. falciparum (nettement prédominant), P. ovale et de manière plus sporadique P. malariae. P. vivax peut être retrouvé en Afrique de l’Est. Il existe une transmission, faible, en Afrique du Nord (Algérie), essentiellement due à P. vivax, ainsi qu’au Cap-Vert et à l’Ile Maurice. L’Ile de la Réunion est indemne. En revanche, la transmission est bien présente aux Comores, dont Mayotte, et à Madagascar où coexistent quatre espèces.
Au Sénégal
Au Sénégal, le paludisme est endémique tout au long de l’année avec un pic saisonnier de transmission pendant la période des pluies. L’incidence du paludisme est passée de 130 cas pour 1000 habitants en 2006 à 14 cas pour 1000 habitants en 2009. Cette faible incidence peut s’expliquer par la mise en œuvre d’une série de stratégie à efficacité prouvée et recommandations par l’OMS, et aussi par le fait que les populations ont une meilleure compréhension de la maladie. Chez les enfants de moins de cinq ans, le nombre de cas de paludisme a diminué de 408.588 cas en 2006 à 30.800 cas en 2009. Le nombre de décès dus au paludisme dans le même groupe cible est passé de 650 en 2006 à 216 en 2009. Pour les femmes enceintes, le nombre de cas de paludisme a diminué de 47.859 cas en 2006 à 6.749 en 2009. Le nombre de cas de mortalité lié au paludisme chez les femmes enceintes a chuté de 50 en 2006 à 10 en 2009 [2]. Le Programme National de Lutte contre le Paludisme a adopté un cadre stratégique 2014 – 2018 de pré-élimination du paludisme qui repose sur six principes fondamentaux constituant les piliers de l’architecture des interventions : l’équité dans l’accès aux soins de qualité pour tous, la gestion axée sur les résultats, l’amélioration de la gouvernance sanitaire, la recherche de complémentarité, la synergie avec les autres services et programmes du Ministère de la Santé et l’appui des partenaires et des autres secteurs de développement [28].
A travers ce cadre stratégique 2014-2018, le PNLP s’inscrit dans l’accélération du contrôle du paludisme en vue de l’atteinte du seuil épidémiologique de préélimination. Pour ce faire les actions de lutte vont stratégiquement s’orienter vers le ciblage des intervenions en fonction des caractéristiques épidémiologiques. Globalement, deux zones à niveaux d’endémicité différents sont identifiées : les zones nord d’endémicité faible où les objectifs visent une consolidation des acquis en vue d’atteindre la pré-élimination et le reste du pays où l’endémicité est plus importante, l’intensification de la mise à l’échelle des interventions à efficacité prouvée permettra d’assurer rapidement le contrôle de la maladie et la mise de cette partie sur le chemin de la pré-élimination. Au Sénégal les régions du Sud-est sont plus touchées avec un taux d’incidence de moins de 25 personnes par 1000 habitants, contrairement aux régions du Nord où l’incidence est de moins 5 personnes par 1000 habitants. Dans la région de Dakar on remarque une zone de prévalence élevée (Keur Massar) avec un taux d’incidence de moins de 25 personnes par 1000 habitants contrairement aux autres zones de Dakar .
PHYSIOPATHOLOGIE DU PALUDISME GRAVE
Les défaillances d’organes qui caractérisent le paludisme font intervenir à la fois le parasite et l’hôte. Les progrès récents de l’immunologie, de la biologie moléculaire et de la génétique permettent une meilleure approche physiopathologique de cet ensemble complexe et ouvrent la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques .
Rôle du parasite : phénomène de séquestration ou théorie mécanique
Le cycle de P. falciparum chez l’homme, en particulier son passage intraérythrocytaire, est responsable de la séquestration des hématies parasitées au niveau des capillaires et des veinules post-capillaires. Trois mécanismes principaux de séquestration sont aujourd’hui identifiés : la cyto-adhérence, le phénomène de «rosetting », l’auto agglutination.
➤ Cyto-adhérence érythrocytaire
L’adhésion endothéliale, ou cyto-adhérence, des hématies parasitées à l’endothélium vasculaire et aux cellules trophoblastiques placentaires est le mécanisme qui a été le mieux appréhendé ces dernières années [29]. Au niveau du globule rouge la cyto adhérence se fait par l’intermédiaire de protubérances membranaires ou « knobs » au sein desquelles des adhésines plasmodiales spécifiques ont pu être caractérisées. Parmi celles-ci, la PfEMP1 (P. falciparum érythrocyte membrane protein-1) est la mieux connue. Cette protéine très variable dans sa structure, sa fonction et son expression est composée de la succession de différents domaines de type CIDR (cysteine rich interdomain region) ou de type DBL (Duffy binding-like) [30]. Au niveau endothélial un certain nombre de récepteurs, parmi lesquels CD36 (cluster of differentiation 36), ICAM-1 (inter cellular adhesion molecule-1), sélectine E, thrombospondine, VCAM-1 (vascularcelladhesing molecular-1), PECAM-1(platelet endothélial celladhesion molecule-1), CSA (chondroïtin-4- sulfate), pour ne citer que les principaux, en ont été identifiés. Les combinaisons des domaines de PfEMP1 avec les récepteurs endothéliaux peuvent être diverses, chaque domaine se liant avec un récepteur différent mais spécifique d’un domaine. La PfEMP1 est codée par un gène de la famille var. Chaque génome parasitaire contient environ 50 à 100 copies de ce gène dont l’expression est à l’origine de la variation antigénique de la PfEMP1. L’essor ces dernières années des techniques de cyto-adhérence dynamique a permis de mieux préciser la séquence des évènements qui conduisent à la séquestration. La première étape est l’attachement des érythrocytes infectés aux cellules endothéliales, la seconde leur roulement sur la surface endothéliale, la troisième l’adhésion définitive. À l’étage capillaire, la cyto-adhérence des hématies parasitées entraîne des modifications de la transduction du signal qui pourraient être responsables de l’apoptose des cellules endothéliales constatée au cours du neuropaludisme.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. DEFINITION
II. EPIDEMIOLOGIE
1. Dans le monde
2. En Afrique
3. Au Sénégal
III. PHYSIOPATHOLOGIE DU PALUDISME GRAVE
1. Rôle du parasite : phénomène de séquestration ou théorie mécanique
2. Rôle de l’hôte : phénomènes inflammatoires ou théorie humorale
IV. CLINIQUE
1. Type de description : Le Neuropaludisme de l’enfant dans sa forme comateuse fébrile : forme cérébrale majeure
2. Formes cliniques
2.1. Formes symptomatiques
2.2. Formes selon l’âge
2.3. Formes selon le terrain
V. DIAGNOSTIC SPECIFIQUE
VI. MODIFICATIONS DES PARAMETRES HEMATOLOGIQUES ET BIOCHIMIQUES AU COURS DU PALUDIS*) GRAVE
VII. TRAITEMENT
1. Traitement curatif
1.1. Traitement étiologique
1.2. Traitement symptomatique
2. Traitement préventif
2.1. Prévention primaire
2.2. Prévention secondaire
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I. CADRE DE L’ETUDE
1. La Clinique des Maladies Infectieuses et Tropicales du CHNU de Fann
2. Le Centre de Diagnostic et d’Imagerie Médicale dénommé CDIM
II. MALADES ET METHODES
1. Type d’étude
2. La population d’étude
3. Critères d’inclusion
4. Recueil de données
5. Saisie et analyse des données
6. Considération d’ordre éthique
III. RESULTATS
1. Etude descriptive
1.1. Aspects épidémiologiques
1.1.1. Aspects socio-démographiques
1.1.2. Antécédents
1.2. Aspects cliniques et paracliniques
1.2.1. Aspects cliniques
1.2.2. Aspects paracliniques
1.3. Aspects thérapeutiques
1.4. Aspects évolutifs
2. Etude analytique
IV. DISCUSSION
1. Aspects épidémiologiques
1.1. Prévalence
1.2. Répartition des cas de paludisme grave selon le nombre de cas mensuel
1.3. Origine géographique
1.4. Sexe
1.5. Age
1.6. Antécédents et pathologies sous-jacentes
2. Aspects cliniques et paracliniques
2.1. Signes cliniques de gravité du paludisme
2.2. Signes paracliniques
3. Aspects thérapeutiques et évolutifs
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES