MANIFESTATIONS CARDIAQUES ET EXTRACARDIAQUES
La Covid-19 se caractérise par une période d’incubation de 3 à 14 jours et par une infection qui peut être asymptomatique ou qui s’accompagne de diverses manifestations cliniques. Le SARS-CoV-2 affecte surtout les voies respiratoires et les premières manifestations cliniques sont principalement la fièvre, la toux sèche, la fatigue et la respiration sifflante. Dans les cas graves, on peut observer une évolution vers une pneumonie sévère (jusqu’à 15 % des patients infectés), un Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë (SDRA) et une défaillance multisystémique [25].
Récepteur ACE2 et Covid-19
L’Enzyme de Conversion de l’Angiotensine 2 (ACE2) liée à la membrane cellulaire joue un rôle vital dans les systèmes cardiovasculaire et immunitaire. L’ACE2 est intrinsèquement impliquée dans la physiologie de la fonction cardiaque et dans le développement de l’hypertension et du diabète. Cette enzyme a été identifiée comme un récepteur fonctionnel des coronavirus, le SARS-CoV-1 et le SARS-CoV-2 y compris. En effet, il a été démontré [28] que le SARSCoV-2 s’installe chez l’hôte en utilisant l’ACE2 comme récepteur cellulaire (Fig. 4). L’ACE2 est une mono-carboxy peptidase liée à la membrane présente de manière omniprésente chez l’homme et exprimée principalement dans les cellules cardiaques, intestinales, rénales et pulmonaires alvéolaires. L’entrée du SARSCoV-2 dans les cellules humaines est facilitée par l’interaction d’une protéine de la pointe virale avec ce récepteur ACE2. L’angiotensine II est catalysée par l’ACE2 en angiotensine qui exerce des effets vasodilatateurs, antiinflammatoires, antifibrotiques et anti-croissance, possiblement responsable de l’orage cytokinique retrouvé chez certains patients atteints par le SARS-CoV-2. Ainsi, les symptômes plus graves observés chez les patients atteints de maladies cardiovasculaires pourraient être associé à une augmentation de la sécrétion d’ACE2 chez ces patients par rapport aux individus sains.
Paradoxalement, si l’expression tissulaire d’ACE2 permet la pénétration du virus dans la cellule, la forme soluble d’ACE2 pourrait être un facteur protecteur du Covid-19 [29]. L’activité d’ACE2 circulante est effectivement faible chez les patients en surpoids ou hypertendus alors qu’elle est plus forte chez les enfants et qu’elle est corrélée positivement à l’expression d’œstrogènes. Ceci explique, pour certains auteurs, la relative protection des enfants par rapport aux adultes et des femmes par rapport aux hommes dans la Covid-19 [30].
Manifestations cardiovasculaires
Les mécanismes des lésions cardiaques sont multiples. D’une part, une atteinte myocardique directe du SARS-CoV-2 via les récepteurs à l’ACE2 est responsable de myocardite expliquant des tableaux de dysfonction ventriculaire gauche aiguë; d’autre part, une atteinte secondaire à l’état d’inflammation systémique exacerbé et à l’hypoxémie peut entraîner une souffrance myocardique [28]. Aussi, il a été démontré que certains patients atteints de maladies cardiovasculaires sousjacentes pouvaient développer plus facilement l’infection et avoir un risque accru de décès [24].
Atteinte myocardique directe :
Via le récepteur de l’ACE2 exprimé de manière importante par les myocytes. Cela pourrait être à l’origine de véritables myocardites ; l’ARN viral du SARS-CoV-2 a été détecté dans 35 % des cœurs des patients atteints de Covid-19 [26].
Atteinte myocardique indirecte par infarctus :
Atteinte myocardique indirecte par infarctus de type 1 (rupture de plaque d’athérome favorisée par l’infection) ou de type 2 (secondaire à une inadéquation de la demande et des apports myocardiques en oxygène secondaire à l’insuffisance respiratoire et à l’orage cytokinique) [26].
Lésion myocardique aiguë :
Un certain nombre de malades admis pour une pneumopathie hypoxémiante et/ou un SDRA dans le cadre de la Covid-19 développeront des lésions myocardiques aiguës définies par une augmentation et/ou une baisse de la troponinémie associée à une atteinte myocardique. Des différences significatives en ce qui concerne les taux de la troponine ont été notées entre les patients guéris et ceux décédés. L’élévation de la troponine est plus importante dans les formes graves de la Covid-19 et s’associe à un pronostic péjoratif [26].
Myocardite :
Sur une série de 150 cas de Covid-19, 68 décès ont été répertoriés avec 27 cas de myocardite dont 5 dites fulminantes [25]. D’autres auteurs ont décrit des décès sur des formes fulminantes avec des résultats d’autopsie montrant un infiltrat mononucléaire dans le tissu myocardique [26].
Arythmie cardiaque :
La prévalence des palpitations et des arythmies cardiaques est élevée et peut être expliquée par les troubles métaboliques, par l’hypoxie et par le stress neurohormonal et inflammatoire dans le contexte du SDRA. Les myocardites fulminantes entraînent une diminution très rapide de l’amplitude du QRS [26].
Cardiomyopathie et insuffisance cardiaque :
L’insuffisance cardiaque, avec mortalité importante, a été observée chez 23 % des patients présentant une Covid-19 en rapport surtout avec une décompensation d’une dysfonction ventriculaire gauche préexistante. La poussée d’insuffisance cardiaque sur cardiopathie pose également un problème de diagnostic initial et peu retarder le diagnostic de la Covid-19 et augmenter la contagiosité, élément important à prendre en considération en cas de suspicion de l’infection à coronavirus chez un patient cardiaque. Un tableau d’insuffisance cardiaque droite avec hypertension pulmonaire a été observé surtout dans un contexte de SDRA.
Maladie thromboembolique veineuse :
La Covid-19 est associée à un risque thromboembolique élevé. Plusieurs facteurs sont incriminés : une immobilisation prolongée (confinement, quarantaine), l’inflammation responsable d’un état d’hypercoagulabilité et de dysfonction endothéliale. Entre autres des taux élevés de D-dimères D (> 1 g/L) sont fortement corrélés à une mortalité intra-hospitalière élevée [26].
Pathologies cardiaques pré-existantes :
Selon les dernières données de mortalité publiées [9, 57], 35 % des patients atteints de Covid-19 avaient des antécédents d’hypertension artérielle et 17 % avaient des antécédents de maladies coronaires. Il faut, cependant, noter que cette proportion est plus élevée dans les formes de Covid-19 les plus sévères, avec une prévalence de 50,3 % pour l’hypertension artérielle, 22,2 % pour le diabète, 25 % pour la maladie cardiaque, et 16,7 % pour la maladie cérébrovasculaire. Bien que le taux de mortalité réel lié à cette infection reste encore à préciser (1-14 %), il pourrait être plus élevé chez les patients âgés de plus de 60 ans ou ayant une de ces comorbidités. Il apparaît même que la surmortalité est plus marquée dans le groupe de patients ayant un antécédent cardiovasculaire comparativement aux patients ayant une pathologie respiratoire chronique sous-jacente. Les patients atteints du syndrome coronarien chronique (SCC) qui sont atteints par la Covid-19 ont souvent un mauvais pronostic. Chez ces patients, la réserve fonctionnelle cardiaque peut être réduite en raison d’une ischémie myocardique ou d’une nécrose. Lorsque le patient est infecté, une insuffisance cardiaque est, par conséquent, plus susceptible de se produire, entraînant une détérioration soudaine de l’état clinique. Pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque qui ont une maladie cardiaque sous-jacente, l’infection par la Covid-19 pourrait agir comme un facteur déclenchant d’aggravation de l’état clinique et entraîner la mort. Les atteintes cardiaques secondaires aux traitement antiviraux ou immunomodulateurs sont d’autant plus une préoccupation qu’il existe des antécédents cardiovasculaires. Par conséquent, l’ionogramme (risque d’hypokaliémie), la fonction cardiaque (échographie) ou les anomalies de l’électrocardiogramme (allongement du QT en cas d’utilisation d’hydroxychloroquine, Plaquénil®) doivent être étroitement surveillés en fonction du type de traitement envisagé [24].
Manifestations extra-cardiaques
Tropisme respiratoire et lésions pulmonaires
Le SARS-CoV-2, principalement transmis via les gouttelettes respiratoires, peut infecter les pneumocytes qui expriment l’ACE2 et peut provoquer une réaction inflammatoire se traduisant par une détresse respiratoire de gravité variable, pouvant aboutir dans sa forme la plus grave à un SDRA [21].
Tropisme et lésions du tube digestif
L’ACE2 est fortement exprimé dans le tube digestif, et le virus est détecté plus longuement dans les selles que sur les écouvillons naso-pharyngés. De plus, il a été démontré que le SARS-CoV-2 était capable d’infecter les entérocytes humains [21].
Neuro-invasion et lésions neurologiques
L’ACE2 est faiblement exprimé dans le tissu cérébral, mais les particules virales de SARS-CoV-1 avaient été détectées dans l’encéphale de patients décédés du SRAS, et localisées particulièrement dans le tronc cérébral, l’hypothalamus et le cortex. Ceci suggère l’existence de récepteurs cellulaire autre qu’ACE2. Pour certains auteurs, le récepteur nicotinique à l’acétylcholine pourrait être impliqué dans la neuro-invasion, expliquant la faible représentation des fumeurs dans les études cliniques, mais cette hypothèse reste à démontrer [21].
Tropisme rénal et néphropathie
L’ACE2 est exprimé dans tous les segments tubulaires et, dans une moindre mesure, par le glomérule. Une insuffisance rénale aiguë est fréquemment rapportée (5 à 20 % des patients infectés) et constitue un facteur de risque indépendant de mortalité. Une hématurie ou une protéinurie sont aussi fréquentes (36 à44 % des patients) [21].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. RAPPELS
I.1. Rappel épidémiologique
I.2. Rappel chronologique
I.3. Rappel virologique
II.MANIFESTATIONS CARDIAQUES ET EXTRA-CARDIAQUES
II.1. Manifestations cardiovasculaires
II.2. Manifestations extra-cardiaques
III. DIAGNOSTIC
III.1. Outils diagnostiques
III.2. Forme de l’adulte
III.3. Forme de l’enfant
IV.PREVENTION
IV.1. Prévention primaire
IV.2. Prévention secondaire
IV.3. Prévention tertiaire des atteintes cardiovasculaires
V. TRAITEMENT
V.1. Mesures générales
V.2. Mesures spécifiques
VI. CONSÉQUENCES DE LA PANDÉMIE
VI.1. Conséquences économiques
VI.2. Conséquences sociales
VI.3. Conséquences psychologiques sur les orofessionnels de la santé
VI.4. Conséquences sanitaires
DEUXIEME PARTIE
I. METHODOLOGIE
I.1. Evaluation de l’impact de la pandémie Covid-19 sur la prise en charge des cardiopathies au niveau des Structures Sanitaires de Cardiologie
I.1.1. Cadre de l’étude
I.1.2. Méthode
I.1.3. Procédure
I.1.4. Variables étudiées
I.1.5. Présentation et analyse des résultats
I.2. Evaluation cardiologique des patients atteints de Covid-19 au CHU Fann
I.2.1. Cadre de l’étude
I.2.2. Patients et Méthode
I.2.3. Procédure
I.2.4. Variables étudiées
I.2.5. Présentation des résultats
II. RESULTATS
II.1. Résultats de l’évaluation de l’impact de la pandémie Covid-19 sur la prise en charge des cardiopathies au niveau des Structures Sanitaires de Cardiologie
II.1.1. Répartition régionale, sectorielle et fonction des participants
II.1.2. Répartition selon l’impact sur les structures sanitaires
II.1.3. Répartition selon l’impact sur le personnel de Cardiologie
II.1.4. Répartition selon l’impact du confinement sur les patients de Cardiologie
II.2. Résultats de l’évaluation cardiologique des patients atteints de Covid19 au CHU Fann
II.3. Aspects épidémiologiques
II.4. Aspects paracliniques
III. DISCUSSION
III.1. Les limites
III.2. Evaluation de l’impact de la pandémie Covid-19 sur la prise en charge des cardiopathies au niveau des Structures Sanitaires de Cardiologie
III.2.1. Répartition régionale, sectorielle et fonction des participants
III.2.2. Impact sur les structures sanitaires
III.2.3. Impact sur le personnel de Cardiologie
III.2.4. Impact sur les patients de Cardiologie
III.3. Evaluation cardiologique des patients atteints de Covid-19 au CHU Fann
III.3.1. Données épidémiologiques
III.3.2. Données paracliniques
III.3.3. Aspects évolutifs
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES