Manifestations biologiques rénales
Lupus systémique
Dans ce chapitre nous allons détailler les aspects épidémiologiques, clinco-biologiques et évolutifs du lupus systémique cité précédemment.
Epidémiologie
Age
L’âge moyen d’apparition des lésions était de 35,46 ans avec des extrêmes de 5 ans et 66 ans.
Sexe
Nous avons colligé 12 patients de sexe féminin et un homme, soit un sex-ratio femme/homme de 12.
Antécédents
·Un retard staturo-pondéral a été noté chez un enfant âgé de 5 ans ;
·Cet enfant a été suivi pour une insuffisance cardiaque depuis un an;
·Une femme avait présenté des lésions cutanées un mois après la prise de β bloquant (métoprolol);
·Deux femmes utilisaient de la contraception orale oestroprogestative pendant 3 et 12 ans ;
·Deux morts foetales in utero ont été notées chez une femme ;
·Un avortement précoce a été noté chez une femme ;
·Deux femmes étaient ménopausées ;
·Aucun cas similaire familial n’a été noté.
Motif de consultation
Le motif de consultation était l’atteinte cutanée dans tous les cas.
Durée d’évolution
Elle variait de 2 mois à 10 ans avec une moyenne de 2,41 ans.
Manifestations cliniques
Tous les patients avaient une atteinte cutanée évocatrice du lupus : le lupus discoïde a été noté dans 7 cas, le lupus aigu dans deux cas de même que les lupus bulleux et subaigu (figure 14). La photosensibilité a été notée dans 69 % des cas. Les ulcérations buccales ont été notées dans 31 % des cas.
Les atteintes viscérales étaient représentées par une atteinte cardiaque dans deux cas (un cas de péricardite et un cas d’hypertension artérielle pulmonaire) et une atteinte neuropsychiatrique (des convulsions tonico-cloniques généralisées et un délire) dans un cas. Dans 10 cas le diagnostic de lupus systémique a été retenu sur la présence de 4 critères de l’ACR : il s’agissait d’anomalies biologiques surtout hématologiques et immunologiques (tableau 19) et d’atteintes cutanées surtout la photosensibilité et le lupus discoïde (tableau 18 et figure 14).
Etude biologique
La numération formule sanguine avait révélé une anémie dans 62 % des cas, une lymphopénie dans 62 % des cas, une leucopénie dans 77 % des cas une thrombopénie dans 23 % des cas. La vitesse de sédimentation était accélérée dans 85 % des cas.
Sur le plan rénal, la protéinurie était positive dans 31 % des cas, ses valeurs étaient comprises entre 0,17 et 0,30. L’urée et la créatinine sanguines étaient normales dans tous les cas.
Sur le plan immunologique, les anticorps anti-nucléaires étaient positifs dans 55 % des cas, les anticorps anti-DNA natifs étaient positifs dans 10 % des cas. Les anticorps anticardiolipines étaient positifs chez deux patientes ayant comme antécédent respectivement une fausse couche et une mort foetale in utero. Une fausse sérologie syphilitique a été notée dans un seul cas (tableau 19).
Aspects évolutifs
Deux patients ont présenté des complications aux traitements : le premier a présenté, après cinq mois de traitement, une rétinopathie suite aux APS et une tuberculose pulmonaire à microscopie positive après trois mois de corticothérapie générale. Alors que le deuxième a présenté une tuberculose pleurale après deux mois de corticothérapie générale.
Les manifestations neuropsychiatriques ont bien répondu au bolus de corticothérapie, aux anticonvulsivants et aux neuroleptiques.
La péricardite a bien répondu à la corticothérapie générale.
Le patient atteint d’hypertension artérielle pulmonaire a été suivi dans le service de cardiologie.
(N* : nombre de patients positifs pour le test. N** : nombre de patients testés)
Association lupus-autres affections
Le tableau 20 représente les différentes affections associées au lupus érythémateux dans
notre série.
Syndrome de Gougerot -Sjögren secondaire
Le syndrome de Gougerot –Sjögren a été noté dans 3 cas (7 %). Les patients avaient des atteintes de lupus tumidus, de panniculite lupique et de lupus subaigu. Les trois patients ont présenté un syndrome sec subjectif (oculaire et buccal). Le test de Schirmer était positif dans les 3 cas, la biopsie des glandes salivaires accessoires a montré une sialadénite chronique stade 3 de Chisholm et Masson dans deux cas et sialadénite non spécifique dans un seul cas. Les anticorps anti SSA étaient négatifs dans 2 cas et positifs dans un seul cas. Les anticorps anti SSB étaient négatifs dans les 3 cas. Des arthralgies inflammatoires ont été notées chez deux patientes.
La chronicité de la symptomatologie respiratoire (toux sèche) et la mise en évidence des anomalies radiologiques évocatrices d’une dilatation de branches chez une patiente ont suscité à faire une TDM thoracique montrant alors une dilatation de branches diffuse.
Polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde a été notée chez deux patients (5 %). Chez le premier, le diagnostic a été retenu sur l’existence d’une oligoarthrite des mains bilatérale et symétrique, une raideur matinale, une déminéralisation en bande à la radiographie des mains et un sérologie rhumatoïde positive. Les anticorps antinucléaires, anti DNA natif, anti SSA et anti SSB étaient négatifs. Chez le second, le diagnostic a été retenu sur l’existence d’une arthrite déformante des mains, une arthrite érosive à la radiographie des mains et une sérologie rhumatoïde positive. Les anticorps antinucléaires, anti DNA natif étaient négatifs. Les patients avaient des atteintes de lupus aigu et de lupus discoïde.
Syndrome des anticorps antiphospholipides secondaire (SAPL)
Trois patientes ont présenté un SAPL. Le diagnostic a été retenu sur la présence des anticorps antiphospholipides dans le sérum des patientes. Les trois patientes avaient des antécédents de fausse couche et de mort foetale in utero. Les atteintes cutanées ont été représentées par le lupus subaigu dans deux cas et le lupus discoïde dans un cas. Le lupus systémique a été noté chez deux patientes.
Hépatite auto-immune
L’hépatite auto-immune était découverte lors d’une échographie abdominale (hépatobiliaire et pancréatique) qui a trouvé une hypertension portale et un foie hétérogène, les transaminases étaient élevées deux fois la normale. La recherche d’une hépatite infectieuse était négative, le taux de prothrombine était normal. La fibroscopie digestive haute a mis en évidence des varices oesophagiennes stade 2. Sur le plan immunologique les anticorps anti-nucléaires, les anticorps anti DNA natifs, les anti Sm et les anti RNP étaient négatifs. Les anticorps anti muscle lisse, anti LKM-1 et anti mitochondrie n’ont pas été faits.
Les causes habituelles d’hépatite ont été exclues, le recours à une biopsie hépatique a conclu à une hépatopathie chronique d’allure auto-immune.
Hépatite chronique
L’hépatite chronique a été notée dans un seul cas. Diagnostiquée à la découverte d’une splénomégalie, l’échographie abdominale a montré un foie hétérogène d’aspect micronodulaire et une hypertension portale. La fibroscopie digestive haute a montré des varices oesophagienne stade 1. Les transaminases était élevées1,5 fois la normale, le taux de prothrombine était normal, la recherche d’hépatite virale était négative. Sur le plan immunologique les anticorps anti-nucléaires, les anticorps anti DNA natifs étaient négatifs. Les anticorps anti LKM-1 et anti mitochondrie ont été également négatifs.
Historique
Le terme de lupus est utilisé depuis des siècles pour décrire des lésions cutanées mutilantes du visage de causes variées, son emploi est trouvé pour la première fois dans une bibliographie de Saint-Martin au Xème siècle (3).
Laurent-Théodore Biett (1781–1840), d’origine suisse, a décrit le premier une dermatose localisée à la face comme un érythème centrifuge, mais il ne l’a pas publiée. Ce sont ses élèves, P.L.A. Cazenave et H.E. Schédel qui, à partir de 1828, ont publié ses leçons dans un abrégé pratique des maladies de la peau.
Pierre-Louis-Alphée Cazenave (1802–1877), le 4 juin 1851, après avoir présenté lors d’une conférence quatre malades atteints de la même affection, rappelle surtout l’attention sur le fait que « cette maladie, que Biett avait signalée le premier sous le nom d’érythème centrifuge, est une variété de lupus ». Il propose d’appeler cette variété « lupus érythémateux ». C’est Cazenave qui a ainsi introduit cette nouvelle notion sémantique.
Ferdinand von Hebra (1816–1880), fondateur de l’école dermatologique autrichienne, adécrit en 1845 une semblable dermatose localisée à la face, dans son « Systema morborum cutaneorum secundum » et l’a dénommée « seborrhea congestiva ».
Moritz Kohn-Kaposi (1837–1902) a introduit en 1869 le terme latin de « lupus erythematosus » et a surtout fait la première description clinique de la variante systémique (4).
La suite de l’histoire est mieux connue : l’aspect des glomérules en « wire loop » est mentionné pour la première fois par Baehr en 1935; découverte des cellules dites de Hargraves en 1948 et du « facteur de Haserick » en 1949, qui ont donné au lupus érythémateux systémique ses premiers critères biologiques; la présence d’anticoagulant circulant est signalée en 1952 par Conley; les anticorps antinucléaires découverts par Miescher et Fanconi en 1954 et étudiés par Seligmann en France en 1957; ouvrages clés proposant les premières grandes synthèses : « Les maladies-vedettes » de F. Siguier en 1957, la première édition de « Lupus erythematosus » de E.L. Dubois en 1966 (3,4).
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Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
RESULTATS
I. Description clinique de la maladie lupique
II. Lupus érythémateux chronique
1- Epidémiologie
2- Aspects cutanés
3- Manifestations extracutanées
4- Etude histologique
5- Etude biologique
6- Association au lupus systémique
7- Modalités thérapeutiques
8- Aspects évolutifs
III. Lupus érythémateux subaigu
1- Epidémiologie
2- Aspects cutanés
3- Manifestations extracutanées
4- Etude histologique
5- Etude biologique
6- Association au lupus systémique
7- Modalités thérapeutiques
V. Lupus érythémateux aigu
1- Epidémiologie
2- Aspects cutanés
3- Manifestations extracutanées
4- Etude histologique
5- Etude biologique
6- Association au lupus systémique
7- Modalités thérapeutiques
8- Aspects évolutifs
V. Lupus bulleux
1- Epidémiologie
2- Aspects cutanés
3- Manifestations extracutanées
4- Etude histologique
5- Etude biologique
6- Association au lupus systémique
7- Modalités thérapeutiques
8- Aspects évolutifs
VI. Lupus systémique
1- Epidémiologie
2- Manifestations cliniques
3- Etude biologique
4- Aspects évolutifs
VII. Association lupus-autres affections
1- Syndrome de Gougerot -Sjögren secondaire
2- Polyarthrite rhumatoïde
3- Syndrome des anticorps antiphospholipides secondaire
4- Hépatite auto-immune
5- Hépatite chronique
6- Vitiligo
7- Tuberculose ganglionnaire
DISCUSSION
I. Historique
II. Physiopathologie
1- Facteurs génétiques
2- Facteurs hormonaux
3- Facteurs d’environnement et facteurs infectieux
III. Spectre cutané de la maladie lupique
IV. Lésions lupiques
1. Lupus érythémateux chronique
2- Lupus érythémateux subaigu
3- Lupus érythémateux aigu
V. Lésions non spécifiques de lupus
VII. Lésions histopathologiques
1- Lupus discoïde
2- Lupus tumidus
3- Panniculite lupique
4- Lupus subaigu
5- Lupus aigu
VIII. Profil biologique
1- Lupus érythémateux chronique
2- Lupus érythémateux subaigu
3- Manifestations biologiques rénales
IX. Situations particulières
1- Lupus et grossesse
2- Lupus érythémateux de l’enfant
3- Lupus et autres connectivites
4- Syndrome des antiphospholipides secondaire
X. Modalités thérapeutiques
1- Outils thérapeutiques
2- Stratégie thérapeutique
XI. Evolution et pronostic
1- Evolution
2- Valeur pronostique de l’étude des signes cutanés
3- Complications infectieuses
4- Surveillance
CONCLUSION
ICONOGRAPHIE
ANNEXES
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE
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