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Insuffisance hépatique aigüe
Tumeurs malignes primitives
Le score de Milan a été publié en 1996 et recommandait les indications chirurgicales, dont la TH, selon : les caractéristiques tumorales (un nodule de moins de 5cm de diamètre ou maximum 3 nodules de diamètre inférieur à 3cm), la fonction hépatique (compensée) et l’hypertension portale. En appliquant ce score, la survie de ces patients était de 70% à 5 ans, comme l’a démontré Mazzaferro et al (16).
Néanmoins, en 2010, ce score est jugé trop restrictif et l’Agence de la Biomédecine a alors adopté un nouveau score pronostique, développé par le groupe d’étude français de la TH pour CHC. Depuis 2013, compte tenu de la pénurie d’organes, et le risque de récidive tumorale après la greffe, les indications de TH pour CHC font l’objet d’un nouvel algorithme décisionnel précis en fonction du score AFP, qui intègre le nombre et la taille de nodules mais également le taux d’alpha foetoprotéine, marqueur tumoral du CHC.
Les tumeurs neuroendocrines ont en effet une croissante lente, et plusieurs études ont démontré que la transplantation hépatique était associée à une survie globale prolongée chez des patients présentant des métastases hépatiques non résécables. L’étude de Mazzaferro et al. a d’ailleurs prouvé ce bénéfice avec une survie globale après TH estimée à 97% à 5 ans et 89% à 10 ans (21). C’est une indication à la greffe, qui fait exception au MELD, selon les critères suivants (22) :
– Tumeur primitive réséquée
– Tumeur de bas grade (Ki67 < 10%)
– Maladie symptomatique sans hépatomégalie massive
– Stabilisation des métastases
– Absence de métastases extra-hépatiques
Concernant les cancers colorectaux métastatiques exclusivement au niveau hépatique, la survie globale à 5 ans après transplantation hépatique semble encourageante. Les facteurs associés à la survie mis en évidence sont le diamètre de la plus grosse métastase, le délai entre la résection de la tumeur primitive et la TH, le taux d’ACE ainsi que l’évolution des métastases au cours du temps (23). Cependant, la survie sans récidive reste faible, et son indication ne peut encore être élargie à l’heure actuelle (24).
Tout d’abord, il existe une limite d’âge maximal pour bénéficier d’une greffe : elle est traditionnellement fixée à 65 ans, à modérer en fonction des comorbidités du patient. C’est avant tout l’âge physiologique qui doit être pris en compte. Une étude a dans ce sens démontré que le succès de la transplantation hépatique en terme de survie, chez des patients de 70 ans, n’était retrouvé qu’en cas de faible risque de complications cardiovasculaires (25).
L’EASL a recommandé en 2017 la réalisation précise d’un bilan pré-transplantation hépatique afin d’en dépister les contre-indications (26) :
– Explorations cardiologiques :
o ECG, ETT.
o +/- test d’effort si le patient présente des facteurs de risques cardio-vasculaires et/ou âge > 50 ans.
– Explorations respiratoires :
o Radiographie thoracique, EFR.
o 10 à 17% des patients cirrhotiques présentant un syndrome hépato-pulmonaire, secondaire à une vasodilatation pulmonaire des bases. L’hypoxémie est le symptôme principal, conduisant à la mise en place d’une oxygénothérapie longue durée. La TH représente le seul traitement curatif. Le diagnostic repose sur la réalisation d’une échographie cardiaque de contraste, afin de mesurer le gradient alvéolo-artériel. Si la PaO2 est < 50mmHg sans réversibilité avec l’oxygénothérapie, il y a alors une augmentation du risque de défaillance pulmonaire post-opératoire persistante, associée à une augmentation de la mortalité per-opératoire (27).
o L’hypertension porto-pulmonaire atteint 2 à 8% des patients cirrhotiques. Elle est suspectée quand la PAP est > 30mmHg à l’ETT, confirmée par un cathétérisme cardiaque droit (MPAP > ou égale 35mmHg). L’hypertension est dite sévère si la PAP est > ou égale à 45mmHg, responsable d’une mortalité post-transplantation plus accrue (28). L’initiation de traitement médical par les vasodilatateurs pulmonaires, et leur efficacité (objectif MPAP < 35mmHg), conditionnent la transplantation hépatique.
– Evaluation de la fonction rénale :
o Le patient cirrhotique présentant une défaillance rénale a un risque de mortalité 7 fois plus important, avec une mortalité estimée à 50% en un mois (29).
o Le syndrome hépato-rénal est réversible dans la majorité des cas, il n’est pas une contre-indication à la transplantation hépatique.
o L’IRA est définie comme une majoration de la créatininémie de +0,3mg/dl ou 1,5 x la créatininémie de base. L’IRC est définie comme un DFG < 60ml/min en MDRD pendant plus de 3 mois.
o Il existe des indications à une transplantation double foie-rein si : DFG inférieur à 30ml/min, syndrome hépato-rénal nécessitant une épuration extra-rénale pendant plus de 8 semaines, présence de fibrose rénale représentant plus de 30% du parenchyme (prouvée histologiquement), et/ou glomérulosclérose (30).
– Evaluation nutritionnelle et osseuse :
o Le lien entre cirrhose et malnutrition est établi dans plusieurs études, puisque la cachexie est présente chez 70% des patients ayant une maladie très avancée (31). Celle-ci est associée à un taux de survie plus faible en post-transplantation (IMC < 18,5 essentiellement).
o Les paramètres classiques pour évaluer l’état nutritionnel sont difficilement applicables en cas d’insuffisance hépatique sévère (hypoalbuminémie).
L’évaluation de la sarcopénie en TDM, en mesurant l’épaisseur du muscle psoas, a prouvé son impact sur la morbi-mortalité post-greffe (32).
o L’ostéoporose est également fréquente, surtout chez les patients présentant une cholestase chronique. Les facteurs de risque de fracture reconnus chez le cirrhotique sont : le sexe féminin, l’IMC bas, et le tabagisme. S’ils sont présents, il y a indication à réaliser une ostéodensitométrie osseuse en pré-thérapeutique.
– Recherche de pathologies infectieuses latentes :
o Le patient cirrhotique est particulièrement sensible au sepsis, entraînant au maximum une défaillance multiviscérale et un décès. Il est alors important de dépister une infection latente afin de la traiter avant la TH, d’autant plus que le risque infectieux augmente en post-transplantation, lié à la prise d’immunosuppresseurs.
o Pour tous les patients, il faut réaliser le bilan suivant : sérologies VIH, VHB, VHC, VHA, CMV, radiographie thoracique (33).
o Pour ceux éligibles à une transplantation, à l’inscription : IDR/quantiféron, sérologies EBV, HHV-8, VZV, HSV 1 et 2, VDRL, ECBU, EPS, écouvillon nasal (staphylocoque doré) et panoramique dentaire.
o Pour les patients à risque, ou provenant d’une zone endémique : à personnaliser en fonction de l’anamnèse, des comorbidités et de l’épidémiologie du pays originaire.
o Recherche d’immunisation et mise à jour du calendrier vaccinal concernant : VHA, VHB, VZV, pneumocoque, haemophilus influenzae et tétanos.
o Indication à traiter une infection tuberculeuse latente à base d’isoniazide.
o Lorsqu’une bactériémie est présente chez le patient cirrhotique, qu’elle soit spontanée ou secondaire à un sepsis d’origine cutané/pulmonaire/urinaire, l’attente sur liste de greffes passe en « contre-indication temporaire », le temps du traitement. A noter qu’il est plus à risque de contracter une bactériémie d’origine pulmonaire que dans la population générale (surtout à pneumocoque, d’où la vaccination) (34).
o La candidémie est surtout présente chez les patients présentant une maladie hépatique chronique d’origine biliaire (comme la CSP). L’aspergillose est une contre-indication à la réalisation d’une TH.
o L’infection par le VIH était une contre-indication jusqu’à la mise sur le marché des traitements antirétroviraux, améliorant significativement le pronostic de ces patients. Ils sont donc éligibles à une transplantation hépatique si l’infection est contrôlée, soit avec taux de CD4 > 100/mm3.
– Réalisation d’un bilan anatomique pré-chirurgical, à la recherche de shunts porto-caves et variantes anatomiques de l’artère hépatique. Auparavant, la thrombose portale était considérée comme une contre-indication formelle à la TH ; de nombreux essais ont démontré que les techniques de désobstruction (thrombectomie chirurgicale ou endovasculaire par radiologie interventionnelle) permettent une recanalisation satisfaisante du tronc porte. L’anticoagulation curative permet de limiter l’extension de cette thrombose. Cependant, lorsque la thrombose s’étend au réseau porte élargi (veine mésentérique supérieure, veine splénique), celle-ci contre indique la TH. L’arbre biliaire et ses variantes anatomiques sont également analysés avant d’envisager la TH, généralement par IRM.
– Recherche de néoplasie sous-jacente :
o En cas d’antécédent de maladie néoplasique, on envisage une TH si on estime que le risque encouru de récidive, lié principalement aux immunosuppresseurs, est inférieur à 10%. On considère généralement un délai de rémission supérieur
à 5 ans, bien que ce délai peut être discutable en fonction du primitif oncologique.
o Recherche systématique de cancer colorectal à partir de 50 ans chez le patient candidat à la greffe, par coloscopie totale sous anesthésie générale (ou colo-
scanner si le risque anesthésique est important).
o Recherche de néoplasie pulmonaire, ORL, oesophagienne et vésicale en cas d’intoxication éthylo-tabagique.
o Suivi gynécologique régulier nécessaire et recherche de pathologie prostatique si patient à risque et/ou symptomatique.
o Examen dermatologique recommandé (les néoplasies non mélaniques ne représentent pas de contre-indication à la TH).
o En cas d’indication de greffe pour tumeur maligne hépatique : réalisation d’une scintigraphie osseuse et d’un scanner thoracique. Le PET-TDM semble être également très utile pour détecter les localisations secondaires (35).
– Evaluation psychologique et addictologique nécessaires afin d’évaluer l’adhérence du patient au suivi et contraintes post-TH.
o En cas d’encéphalopathie hépatique, cette évaluation est altérée. La réalisation d’une imagerie (TDM ou IRM) ainsi qu’un électroencéphalogramme, peuvent aider à déterminer la réversibilité des troubles neuro-psychologiques.
o L’usage actif de drogue est une contre-indication à la TH, compte tenu du risque de récidive et de mauvaise compliance aux soins, tandis que les patients anciens toxicomanes, même substitués, peuvent en bénéficier.
o Le sevrage tabagique est un déterminant majeur de l’évolution post-greffe, puisque le tabagisme actif augmente la morbi-mortalité d’origine cardio-vasculaire, la survenue de thrombose de l’artère hépatique et le risque de cancer au niveau ORL (36,37).
C’est le score MELD, algorithme basé sur des mesures objectives comprenant INR, créatininémie et bilirubine, qui joue le rôle le plus important dans l’attribution des greffons depuis 2007 (39,40). Il a pour principal avantage de ne pas se baser sur des variables subjectives (comme l’ascite ou l’encéphalopathie du score Child-Pugh) et permet de prioriser les patients les plus graves et à risque de mortalité à court terme, et donc ceux qui ont un score plus élevé.
Ainsi, les patients ayant un score MELD > ou = à 15 sont greffés plus rapidement. Ceux dont le MELD est > 30 présente un risque de complications très important en post-greffe associé à une durée d’hospitalisation plus longue, bien que la survie à un an ne soit pas différente des patients transplantés avec un score moins important (41).
Depuis 2004 en France, l’ABM placée sous la tutelle du Ministère de la Santé, coordonne les prélèvements et greffes d’organes. C’est également elle qui gère la liste nationale des malades en attente de greffe. Bien qu’ils soient inscrits sur liste d’attente, ces patients peuvent à tout moment être classés en CIT si un évènement aigu empêche de manière transitoire la greffe, par exemple une infection ou une suspicion de néoplasie extra-hépatique. 60% d’entre eux le restent néanmoins plus d’un an, principalement pour « bilan pré-greffe en cours » (23%), « tumeur inactive » (12%) et « amélioration » (10%).
Depuis 2014, le carcinome hépatocellulaire est devenu la principale indication de greffe hépatique, devant la cirrhose éthylique, et atteint 32% des inscrits en 2018. La retransplantation élective arrive en 3ème position et représente 5,4% des inscrits, suivie par l’hépatite fulminante dont l’indication a progressé de 40% en 1 an. Enfin, la NASH et l’hépatite alcoolique aigüe deviennent des indications de plus en plus fréquentes. On estimait en 2015 que 75% des patients inscrits pour la première fois sur liste d’attente de greffe hépatique, étaient transplantés à 36 mois (Rapport national de l’ABM, 2018).
L’attribution des greffons grâce au score MELD mise en place en 2007 a évolué et plusieurs composantes sont venues s’ajouter et ont permis la création du « Score Foie » : l’existence d’un carcinome hépatocellulaire, la maladie métabolique, la retransplantation, la durée d’attente et la distance géographique entre le donneur et le receveur. Ce score permet ainsi de réduire le délai d’attente en donnant la priorité aux patients les plus graves, et égalise les chances d’accès à la greffe.
Parfois, le score MELD ne reflète pas toujours la gravité de la maladie et il faut alors avoir recours à une composante « experts » qui juge de l’urgence à être greffé, principalement dans la cadre d’une ascite réfractaire, d’encéphalopathie hépatique chronique, de syndrome hépato-pulmonaire ou angiocholite récidivante. Cette commission attribue des points supplémentaires aux patients et a été bénéfique pour 429 d’entre eux sur l’année 2018, dont le MELD maximal était de 11 (Rapport national de l’ABM, 2018).
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Table des matières
I. Introduction
1. Histoire de la transplantation hépatique
2. Indications de transplantation hépatique
a. Hépatopathies chroniques
b. Insuffisance hépatique aigüe
c. Tumeurs malignes primitives
d. Tumeurs malignes secondaires
3. Limites de la transplantation hépatique
4. Management de la transplantation hépatique en France
5. Survie post-transplantation hépatique
6. Complications précoces et tardives
7. Organisation nationale de l’activité de greffe hépatique
8. Collaboration régionale Nord-Ouest
II. Objectif de l’étude
III. Matériel et Méthodes
1. Population étudiée
2. Éléments d’évaluation
3. Analyses statistiques
IV. Résultats
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