Depuis la nuit des temps, l’enfant est victime de sa condition d’adulte en devenir, vulnérable face à ceux détenant sur lui autorité, pouvoir ou force. Ce rapport de force entre l’enfant et son environnement jalonne l’histoire de l’humanité au travers des âges et constitue l’un des rares phénomènes de société ayant perduré depuis les premiers balbutiements de notre espèce jusqu’à notre époque. D’abord considéré pendant des siècles, voire des millénaires, comme naturel que l’enfant soit à la merci et victime du bon vouloir de ses parents et de son entourage, il aura fallu attendre le siècle des lumières pour améliorer la situation. Cette époque et les idées qui y ont été développées ont été le terreau nécessaire à la prise de conscience du caractère primordial de préserver au mieux les générations futures, là où auparavant un père de famille possédait le droit de vie ou de mort sur quiconque vivait sous son toit. Les conséquences de maltraitance à un jeune âge ont un impact majeur sur l’individu à l’âge adulte. De nombreuses études ont été menées et ont permis de mettre en lumière le large panel d’affections physiques et psychologiques qui peuvent en découler. Si la reconnaissance sociétale de ce mal est désormais acquise, cela ne s’est pas fait en un jour et nombre d’obstacles continuent de se présenter quotidiennement à ceux qui le combattent. La route est encore longue, ardue et sinueuse pour assurer à nos enfants sécurité et protection sans distinction de classes sociales ou de moyens. La maltraitance infantile (qui englobe les aspects physiques, mentaux et sexuels) reste un phénomène majeur d’actualité et est omniprésente autour du globe, y compris en France. Au 31 décembre 2020, le nombre de mineurs suivis en protection de l’enfance sur la France entière (hors Mayotte) est estimé par l’Observatoire National de la Protection de l’Enfance (ONPE) à 308 000 mineurs, soit 21,4‰ d’entre eux (1). Ce nombre croit toujours d’année en année et il est estimé une augmentation totale de 18% entre 2007 et 2019.
Maltraitance infantile : facteurs de risque et conséquences
Facteurs de risques identifiés
Aucun facteur de risque pris seul n’est pathognomonique de maltraitance infantile. Ce diagnostic se base toujours sur des faisceaux d’argument pluri-factoriels et est le résultat de la convergence de plusieurs facteurs de risque différents se cumulant à un instant précis dans la vie de l’enfant. Une étude réalisée à Grenoble en 2020 (23) auprès d’experts a tenté de pondérer ces différents facteurs de risque, qu’ils soient déjà scientifiquement reconnus ou non, afin de dégager ceux les plus fréquemment associés à la maltraitance infantile. S’étaient ainsi démarqués du lot parmi 25 facteurs de risque évalués : les violences conjugales, les troubles de l’attachement parents-enfant, les antécédents de maltraitance de l’enfant/dans la fratrie/des parents et les troubles addictologiques des parents. Un grand nombre d’études (24-27) valident non seulement ces facteurs de risques mais aussi d’autres encore, souvent reconnus par ailleurs dans la littérature scientifique. Ils sont ainsi souvent découpés selon qu’ils soient intrinsèques à l’enfant ou à son entourage.
1. Les facteurs de risque liés à l’enfant :
– le jeune âge
– antécédent de prématurité ou petit poids de naissance avec besoins importants dans les premiers mois de vie
– le handicap, qu’il se traduise par des troubles du comportement, un retard mental, des troubles de l’apprentissage ou des caractéristiques physiques jugées négativement par les parents
– cadres familiaux avec accouchements multiples dépassant les capacités d’adaptation des parents
– enfant non désiré ou issu d’une première union du conjoint ou du parent lui même.
2. Les facteurs de risque liés aux parents :
– violences conjugales
– jeune âge maternel
– troubles psychiatriques, mentaux ou déficience intellectuelle
– isolement social
– antécédents de maltraitance
– méconnaissance des besoins d’un enfant
– approbation des châtiments corporels dans le cadre éducatif
– difficultés relationnelles dans le couple .
3. Les situations et périodes de vie critiques .
Une étude réalisée à Grenoble en 2012 (24) proposait en sus des facteurs liés à l’enfant ou à ses parents, des facteurs notamment liés à des situations et périodes de vie plus à même de voir émerger une maltraitance de l’enfant.
Elles comprenaient notamment :
– un changement de statut matrimonial
– changement de domicile (d’autant plus si changements fréquents)
– retour en famille d’un ou plusieurs enfants placés
– perte d’emploi
– trouble psychiatrique aigu de l’enfant ou de l’un des parents .
Conséquences sur l’enfant
Tout autant que l’ont été les facteurs de risque, la communauté scientifique mondiale a eu tout le temps de rechercher et d’établir les différentes conséquences possibles de la maltraitance sur un enfant et sa santé. Lorsque ces conséquences sont d’ordre psychologique ou comportemental, c’est dans l’immense majorité des cas à l’adolescence ou à l’entrée dans l’âge adulte qu’elles se manifestent et viennent entraver le bon fonctionnement social de l’individu. Ces conséquences sont réparties en plusieurs catégories.
1. Les conséquences physiques :
– décès pur et simple, de façon directe par homicide volontaire ou non, tout comme indirecte par les lésions provoquées
– retard cognitif et psychomoteur
– crises d’épilepsie
– troubles visuels graves, notamment dans le syndrome du bébé secoué
– troubles neurodéveloppementaux
2. Les conséquences psychologiques :
– impulsivité
– trouble des conduites sociales (d’ordre sexuels tout comme hétéro-agressifs)
– troubles du comportement
– conduites addictives et usage de substances nocives
– perturbation de l’image de soi
– troubles psychiatriques avec notamment des troubles anxieux, troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité, trouble stress post-traumatique, trouble de la personnalité, etc…
La sphère administrative
Les recours du médecin généraliste
Le signalement judiciaire
Le signalement judiciaire est celui des deux qui revêt le caractère le plus urgent. Il se fait directement auprès du Procureur de la République ou bien de son substitut. Il doit être réalisé dans les plus brefs délais lorsque le médecin ou professionnel de santé estime l’enfant dans une situation de danger immédiat avec risque imminent quant à son intégrité physique ou psychique. C’est pour cette raison qu’il peut être fait par téléphone au vu de l’urgence de la situation, avant d’être suivi par un signalement écrit adressé lui aussi au Parquet mais sans oublier d’en adresser une copie à la CRIP. C’est seulement depuis 2020 et la crise sanitaire du CoViD-19 que ce signalement peut être réalisé par courrier électronique et non plus papier uniquement et adressé en lettre recommandée… Sur le papier et les informations qu’il contient, ce signalement ne diffère pas de l’Information Préoccupante (IP), aussi appelée signalement administratif. Il doit contenir l’identité précise de l’enfant, ses coordonnées ainsi que celles de ses parents ou ayantsdroits, les constatations médicales retrouvées à l’examen et surtout les déclarations de l’enfant et du/des accompagnateurs le cas échéant, sans interprétation de la part du médecin.
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Table des matières
I. Introduction
I. 1. Définitions et contexte légal
I. 1. 1. Définitions et notions
I. 1. 2. Législation
I. 1. 3. Déontologie médicale
I. 2. Maltraitance infantile : facteurs de risques et conséquences
I. 2. 1. Facteurs de risques identifiés
I. 2. 1. 1. Les facteurs de risques liés à l’enfant
I. 2. 1. 2. Les facteurs de risques liés aux parents
I. 2. 1. 3. Les situations et périodes de vie critiques
I. 2. 2. Conséquences sur l’enfant
I. 2. 2. 1. Les conséquences physiques
I. 2. 2. 2. Les conséquences psychologiques
I. 3. La sphère administrative
I. 3. 1. Les recours du médecin généraliste
I. 3. 1. 1. Le signalement judiciaire
I. 3. 1. 2. L’information préoccupante
I. 3. 2. Les organismes
I. 3. 2. 1. Organismes judiciaires
I. 3. 2. 2. Organismes administratifs
I. 3. 3. Les solutions possibles
I. 3. 3. 1. Décisions judiciaires
I. 3. 3. 2. Décisions administratives
I. 4. Quid de la CoViD-19 ?
I. 4. 1. Une majoration du problème de la maltraitance infantile et une paralysie des services
I. 4. 2. Les adaptations
II. Matériel et méthode
II. 1. Type d’étude
II. 2. Population étudiée
II. 3. Questionnaire
II. 4. Analyse statistique
III. Résultats
III. 1. Caractéristiques des médecins interrogés
III. 2. Prévalence de la maltraitance infantile dans la pratique des médecins
III. 3. Le ressenti des médecins sur leur formation
IV. Discussion
IV. 1. Forces et faiblesses de l’étude
IV. 2. Principaux résultats, interprétations et comparaisons
IV. 2. 1. Expérience professionnelle individuelle de la maltraitance infantile
IV. 2. 2. Connaissance des procédures et réseaux de signalement
IV. 2. 3. Freins au signalement
IV. 2. 4. Formation des médecins et propositions d’amélioration
V. Conclusion
Bibliographie
Annexes