Lésions viscérales profondes
Les lésions viscérales profondes [19], après les lésions crânio-cérébrales, représentent la deuxième cause de décès chez l’enfant maltraité [16, 20]. On peut trouver des contusions thoraciques avec hémothorax ou pneumothorax, traumatisme abdominal avec rupture du foie ou de la rate, déchirure du mésentère, lésions pancréatiques. Elles sont très rares et dénotent d’une très importante violence.
Troubles psychosomatiques
Les troubles psychosomatiques prédominent chez le jeune enfant qui n’a pas encore acquis le langage, et persistent chez les plus grands. Il peut s’agir de troubles du sommeil. Les cris de l’enfant insomniaque deviennent des points de fixation de l’agressivité des parents. Chez les plus grands, l’insomnie s’accompagne de phobies et de vérifications obsessionnelles. Les cauchemars sont fréquents surtout dans l’aprèscoup d’un traumatisme sexuel, ils sont retrouvés à l’identique chez les adultes. L’énurésie et l’encoprésie, persistantes chez l’enfant après 3 ans ou d’apparition brutale quand la propreté est déjà acquise peuvent aussi être une régression chez des préadolescents ou des adolescents confrontés à la peur d’être détruits lors d’une agression violente. L’anorexie du jeune enfant met sa vie en danger. Boulimie et anorexie existent aussi plus tardivement et persistent souvent chez l’adulte. Les vomissements, les crachements réitérés peuvent indiquer l’existence d’une agression sexuelle orogénitale récente, ils s’accompagnent de lavages répétés du corps ressenti comme souillé. Les manifestations dermatologiques telles que l’eczéma, le psoriasis sont fréquemment retrouvés et apparaissent dans des moments de stress et de dépression. L’automutilation les projections de la tête contre un mur chez l’enfant, les scarifications chez les adolescents peuvent être considérées comme le besoin de ressentir l’existence de leur corps.
Entretien (terme préférable à celui d’interrogatoire)
Le médecin n’a pas à fournir les preuves d’une maltraitance, mais il doit être capable de la suspecter et d’étayer cette suspicion. L’entretien avec l’enfant et sa famille est le premier pas important [35]. Il est souhaitable que, à un moment de la consultation, l’enfant puisse être vu sans ses parents. Le praticien doit connaître les stades de développement de l’enfant, et s’adapter à son niveau de compréhension et de langage : jusqu’à 5 ou 6 ans, un enfant est généralement incapable de fournir des données chronologiques, même concernant un passé récent ; un petit enfant ne perçoit pas le temps comme linéaire, il fait plutôt des associations avec des événements de sa vie : Noël, anniversaire, vacances par exemple. Les phrases doivent être courtes, simples, et proposer plusieurs réponses possibles aux questions. Le mot « pourquoi ? » doit être évité : un jeune enfant ne peut répondre à des questions telles que « pourquoi penses-tu que maman a fait cela ? », ou « pourquoi penses-tu que tu ne dors pas bien ces derniers temps ? ». On ne doit jamais être accusateur envers les parents, d’une part parce que l’enfant est en général très loyal envers eux, d’autre part parce que les jeunes enfants pensent souvent qu’ils sont responsables des mauvais traitements : « papa ou maman me frappe parce que je suis méchant. » Lors de l’entretien avec les parents, le médecin doit être objectif et professionnel. Il ne doit pas être accusateur envers eux, mais plutôt essayer de leur faire comprendre qu’ils n’arrivent pas à protéger leur enfant et qu’ils ont besoin d’aide pour cela. Qu’il s’agisse de l’enfant ou des parents ou de l’entourage, les mots doivent être immédiatement écrits, tels qu’ils ont été dits, de façon à pouvoir les citer exactement. Le premier entretien est essentiel, car il est souvent le plus fiable. Dans les cas d’allégations d’abus, même ce premier entretien est souvent faussé par les questions que le parent, inquiet, a posées à son enfant ; il importe alors de demander quelles questions ont été posées. Le comportement de l’enfant peut apporter des éléments diagnostiques.
Les types de maltraitance et les lésions retrouvées
Ils sont souvent intriqués. Les sévices à enfants s’exercent essentiellement sous la forme de coups sans ou avec objet quel que soit l’agresseur. Aucun syndrome de Münchhausen n’a été répertorié lors de notre étude. Ses manifestations sont particulièrement difficiles à discerner car le parent maltraitant (la mère de façon quasi-exclusive) accompagne généralement l’enfant en consultation et adopte une attitude aimante et dévouée dans un contexte de préoccupation constante de la santé de l’enfant (mais pas de la gravité et du caractère invasif des actes médicaux mis en œuvre), qui se présentent de plus de façon non significative (absence d’hématomes ou d’autres lésions de maltraitance) sous la forme de symptômes induits [24,45]. Dans moins de 5% des cas, nous n’avons pas pu obtenir la nature exacte des sévices perpétrés. L’anamnèse seule a fréquemment permis d’établir quel type de maltraitance avait subie l’enfant. Les autres types de maltraitance se répartissent de façon assez homogène entre morsures, griffures, brûlures, strangulation, arrachage des cheveux… Les victimes de leur belle-mère, des membres de la famille élargie et des professionnels d’institution sont très majoritairement de genre féminin. La belle-mère, lorsqu’elle est mise en cause s’associe au père pour perpétrer les sévices dans près de la moitié des cas. Il résulte de ces différents types de maltraitance des lésions attendues telles que les hématomes/ecchymoses, excoriations, cicatrices anciennes, fractures, brûlures, plaies provoquées par l’objet ayant servi à frapper la victime, etc. dans des proportions en accord avec celles des sévices infligés. Concernant plus particulièrement les hématomes, la plupart d’entre eux étaient multiples et d’âges différents. Nous n’avons donc pas différencié ceux dont la localisation était « typique », éloignés des proéminences osseuses, localisés à la face, dans le dos, sur l’abdomen, les bras, les oreilles, les mains, les fesses, multiples hématomes en grappe ou de forme homogène [35] de ceux moins typiques mais présents lors de l’examen d’enfants maltraités. Il nous a semblé important de recenser également les dossiers dans lesquels l’enfant présentait une hygiène défectueuse ou des signes de malnutrition. Ce type de maltraitance et ces lésions qui en découlent se retrouvent exclusivement lorsqu’un des deux parents, voire les deux, ou le beau-père, souvent en association avec la mère, sont désignés comme maltraitants, en d’autres termes, et pour des raisons évidentes, lorsque ce sont les adultes responsables de l’enfant qui sont mis en cause. Par ailleurs, on constate que plus du tiers des examens cliniques ont permis de mettre en évidence des lésions multiples, d’âges souvent différents et près de 20% des cicatrices anciennes, témoins de sévices répétés, ces lésions étant réparties harmonieusement au sein des dossiers de « famille maltraitante » (parents, beauxparents, famille élargie) et absents en cas de sévices par un ami de la famille ou un professionnel d’institution. L’entourage proche côtoyant l’enfant très régulièrement semble donc le plus enclin à la maltraitance répétée [44].
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I.1. Historique
I.2. Définitions
I.3. Épidémiologie
I.4. Signes cliniques révélateurs
I.5. Psychopathologie de la maltraitance
I.6. Qui sont les parents ?
I.7. Évaluation
I.8. Obligations légales
I.9. Prévention
II. DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
II.1. METHODES
II.1.1. Cadre de l’étude
II.1.2. Type d’étude
II.1.3. Période d’étude
II.1.4. Population d’étude
II.1.5. Echantillonnage
II.1.6. Variables étudiées
II.1.5. Mode de collecte des données
II.1.8. Analyse statistique
II.1.9. Considérations éthiques
II.1.10. Limites de l’étude
II.2. RESULTATS
II.2.1. Les enfants victimes de coups et blessures volontaires
II.2.2. Les enfants victimes d’abus sexuel
III. TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
III.1. COUPS ET BLESSURES VOLONTAIRES
III.2. ABUS SEXUELS
III.3. PREVENTION DE LA MALTRAITANCE DES ENFANTS
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Télécharger le rapport complet