Malformations congénitales dans le service de néonatologie

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit les malformations congénitales (MC), comme des anomalies morphologiques et fonctionnelles, présentes à la naissance et quitrouvent leur origine dans la constitution génétique de l’embryon ou dans un défaut extrinsèque de son développement in utero. Elles sont induites par des causes infectieuses, métaboliques, médicamenteuses, les radiations ionisantes et les toxiques [1,2].

Les malformations congénitales constituent l’une des principales causes de morbidité et de mortalité néonatale dans le monde, après la prématurité, l’asphyxie périnatale et les infections néonatales [3]. En effet, en 2014, l’OMS estimait que chaque année, plus de 7,9 millions d’enfants, soit 6%du nombre total de naissances dans le monde, avaient une malformation congénitale. Par ailleurs, environ 7% de tous les décès néonataux dans le monde étaient dus à des anomalies congénitales et trois quart d’entre eux survenaient au cours de la première semaine de vie [4]. Enfin, elles sont responsables d’handicaps à long terme et constituent un lourd fardeau pour les enfants touchés, leurs familles, la société et les systèmes de santé [5].

La plupart de ces malformations congénitales sont détectées, par des moyens diagnostiques (conseil génétique, diagnostic prénatal, échographie obstétricale), et des moyens médicamenteux (prise d’acide folique). Leur pronostic dépend de la précocité du diagnostic et de la prise en charge [1, 3]. En effet, les progrès de l’imagerie ont considérablement accru les possibilités de détection anténatale et amélioré la qualité de l’analyse postnatale de certaines malformations. Les progrès de la génétique, et notamment la description des gènes homéotiques électivement impliqués dans la différentiation de l’embryon, ouvrent la voie à une meilleure compréhension de la physiopathologie des malformations congénitales [6].

La prévalence à la naissance des malformations congénitales varie d’un pays à un autre. En Europe, depuis plus d’une trentaine d’années, les malformations congénitales sont répertoriées et font l’objet d’une surveillance épidémiologique étroite en vue de prévenir la résurgence des tragédies comme celle de la thalidomide [7]. Cependant, dans les pays en développement, cette prévalence est sousestimée en raison du diagnostic tardif, du manque de données statistiques et de l’absence de déclaration des malformations congénitales [4, 8]. En effet, selon Lubala, l’absence de registre des malformations congénitales dans les pays en développement, expliquerait en partie le fait qu’elles ne soient pas une priorité dans leur politique de santé, ce qui est responsable des difficultés de diagnostic et de prise en charge, avec une augmentation des taux de mortalité et de morbidité [9].

En outre, il existe très peu d’études réalisées sur le sujet dans les pays en développement. Une prévalence de 4% a été rapportée dans une étude menée par Bayoumi au Maroc [10]. Les quelques données trouvées en Côte d’Ivoire et en république du Congo attribuent aux malformations congénitales une fréquence hospitalière de 5% [11,12]. A Kinshasa (République Démocratique du Congo), une étude prospective des cliniques universitaires a trouvé une incidence de 2,5% de naissances vivantes et une autre étude multicentrique menée en 2004 a suggéré une incidence de 0,57% [9,13]. La même année, à Lubumbashi, une étude rétrospective de cinq ans menée dans les principales unités médicales de la ville, a rapporté 166 cas de malformations congénitales sur un total de 22.538 naissances, soit une prévalence de 0,74% [14]. Au Sénégal, à l’instar des autres pays en développement, il existe très peu d’études qui ont évoqué ce sujet. Par ailleurs ces études sont centrées sur quelques malformations congénitales précises et sont pour la plupart rétrospectives.

DISCUSSION

Limite de l’étude 

Cette étude, prospective, hospitalière et uni-centrique a connu quelques insuffisances, notamment au niveau du diagnostic étiologique des MC. En effet, l’insuffisance de plateau technique et le manque de moyens financiers de la majorité des parents, n’avaient pas permis de réaliser des examens complémentaires à visée étiologique (caryotypes, biologie moléculaire, FISH). Malgré ces limites, cette étude avait permis d’apporter des informations importantes sur le profil épidémiologique et clinique des MC dans le service de néonatologie du CNHEAR.

Malformations congénitales et fréquence hospitalière 

La fréquence hospitalière des MC dans notre étude était de 18,3%. Cette fréquence est largement supérieure à celle retrouvée par Nguefack au Cameroun, et par Kamgaing au Gabon, où elles étaient respectivement de 1,63% et 2,29% [15,16]. Cependant, elle tend à se rapprocher de celle retrouvée  par l’Agence de santé publique du Canada en 2012, où elle était de 23,30% [17]. Par ailleurs, elle est inférieure à celle retrouvée par Honein aux Etats-Unis (34%) [18]. Cette différence entre la fréquence observée dans notre étude et celle des autres pays pourrait s’expliquer par :
– L’effectif restreint de notre étude
– La durée de notre étude
– Les critères de sélection des cas variables d’une étude à l’autre
– La variation de la prévalence des MC d’un pays à un autre en fonction des facteurs environnementaux, génétiques, nutritionnels
– La disponibilité et la vulgarisation des examens paracliniques susceptibles de poser un diagnostic précis de MC.

Cependant, nos chiffres ne pourraient être représentatifs des MC dans la population sénégalaise, car il s’agit d’une part de statistique hospitalière et nous savons que la majorité des patients n’arrivent pas au CNHEAR, soit parce qu’ils consultent dans d’autres hôpitaux, soit parce qu’ils sont référés directement dans un service de chirurgie pédiatrique. D’autre part, la plupart des enfants décèdent avant, des complications de leur MC.

Malformations congénitales et caractéristiques sociodémographiques et épidémiologiques familiales

➤ Age
Dans notre étude, la majorité des mères des enfants porteurs d’une MC avait moins de 35 ans, avec une moyenne d’âge de 28 ans et des extrêmes de 15 et 44 ans. Cette situation a été aussi décrite par Fiogbe (28 ± 7.54) [19], Sabiri(27.2 ± 5) [20],Kamla(27.2 ± 5) [21] et Mashako[22]chez qui les MC étaient plus observées dans le groupe d’âge de 19 à 35 ans. Cependant il est établie que l’âge inférieur à 18 ans et supérieur à 35 ans constituent des facteurs de risques à la survenue des MC [4]. Par ailleurs, cette observation n’était pas partagée par tous. En effet, d’autres études ne trouvaient pas de lien entre la survenue des MC et l’âge maternel [23,24]. Par ailleurs, l’âge moyen des pères était de 39 ans avec des extrêmes de 25 ans et 58 ans. Cet âge se rapproche de celui retrouvé par Kamgaing au Gabon (32 ± 5), par Sabiri au Maroc (35,1 ± 6) et par Kamla au Cameroun (34 ±7,2) [16, 20, 21].Dans nos sociétés, les maris sont en général plus âgés que leurs épouses ce qui pourrait expliquer cette différence d’âge observée entre les pères et les mères des enfants malformés. Cependant, certaines études associent l’âge paternel avancé (45 ans) à la survenue de certaines MC [25, 26].

➤ Ethnie
Il ressort de notre étude que l’ethnie wolof était la plus représentée chez les parents des enfants présentant une MC, suivie de l’ethnie Peuhls. Cette observation a aussi été faite par Diop en 2003 [27]. Ces chiffres se rapprochent de ceux publiés après le recensement de 2018 sur la proportion des groupes ethniques au Sénégal où sur les 20 ethnies représentées, les wolofs étaient les majoritaires, suivie de peuhls et des sérères [28]. Cependant il existe peu de corrélation entre l’ethnie et la survenue de MC. La fréquence élevée des MC observée dans certains groupes ethniques serait plus corrélée aux traditions de mariage consanguin, à l’âge de mariage précoce ou tardif et aux facteurs environnementaux [9,29, 30].

➤ Niveau d’instruction, profession et niveau socio-économique Dans notre étude, la majorité des parents (père et mère) des enfants étaient non scolarisés. Plus de la moitié des mères (n=49) étaient ménagères (femmes au foyer) et n’exerçaient aucune activité génératrice de revenu, tandis que près de la majorité des pères (n=36) travaillaient à leur propre compte, dans l’informel. Ce constat pourrait être le reflet de la situation socio-économique au Sénégal [28]. La profession permet d’améliorer la situation économique des parents, assurant ainsi un bon suivi des grossesses. Cependant, des études ont permis de trouver un lien significatif entre certaines professions des parents et la survenue de malformations dans leur progéniture ou de suspecter fortement ce lien. C’est le cas de la manufacture du cuir et des chaussures, de l’industrie textile et de l’extraction de certains minerais tels que le cuivre, le cobalt [9, 31].

➤ Antécédents médicaux
Aucune des mères de notre étude ne présentait de pathologie médicale décrite dans la littérature comme à risque de survenue de MC. Par contre, chez les pères, on notait certaines pathologies telles que l’HTA (n=4), le diabète (n=4) et la drépanocytose (n=1). Il est connu que la fréquence des malformations congéniales est élevée chez les femmes porteuses de pathologie chronique notamment le diabète, surtout s’il est préexistant à la grossesse [20]. Cependant aucune étude ne montrait la survenue de MC en rapport avec une pathologie chronique du père.

➤ Gestité et parité
La gestité moyenne des mères incluses dans notre étude était de 3,11 avec des extrêmes de 1 et 10 ; tandis que leur parité moyenne était de 2,87 avec des extrêmes de 1 et 9. Ces résultats concordent avec ceux observés par Kamla au Cameroun où la majorité des mères était paucigeste et paucipare [21]. Par ailleurs, Anyanwu au Nigéria retrouvait plutôt une prédominance de survenue de MC parmi les enfants issus de mères multigestes et multipares [32]. Il n’existerait pas de relation statistiquement significative entre la parité et la survenue chez un enfant d’une MC. Dans la littérature, les auteurs ne s’accordent pas sur le sujet [10, 12, 20].

➤ Antécédents de fausses couches et de MFIU
Notre étude retrouvait chez les mères 1 cas d’ATCD de MFIU et 15 cas de fausses couches. Ces ATCD étaient aussi retrouvés dans plusieurs études comme au Cameroun avec Kamla, au Maroc avec Bayoumi et en RDC avec Milongu [10, 21, 33].

La survenue de fausses couches et de MFIU chez les mères des enfants ayant une MC n’est pas un phénomène rare [4]. Ceci pourrait probablement être dû à des anomalies sévères de développement incompatibles avec la vie. En effet, la fréquence élevée d’anomalie dans les produits d’avortement et chez les mort-nés n’est plus à démontrer.

➤ Suivi prénatal
Dans notre étude la majorité des mères, soit un peu plus de la moitié (n=43), avait réalisé plus de 3 CPN. Cette situation avait été aussi observée dans l’étude de  Kabore [34]. Par contre, Milongu rapportait que près de la moitié des mères n’avaient pas fait leurs CPN [35]. Cette disparité pourrait s’expliquer par l’accès aux mères dans les centres dédiés aux soins prénatals. En effet, au Sénégal, il a été constatée depuis cinq (05) ans environ que près de six femmes sur dix ont effectué au moins quatre (04) visites prénatales et dans 64% des cas, la première visite a eu lieu avant le quatrième mois de grossesse [28].

En ce qui concerne le bilan prénatal, vingt-sept mères (33,8%) n’avaient pas réalisé les sérologies TORCH et aucune sérologie TORCH positive ou une séroconversion n’était retrouvée chez les mères ayant réalisés ces analyses. Ces résultats ne concordaient pas avec ceux de Nguefack et Kamgaing qui avaient retrouvé des sérologies positives à la syphilis, la rubéole, l’hépatite virale B et la toxoplasmose [15, 16].Cette disparité avec nos résultats pourrait s’expliquer par la petite taille de notre échantillon. Cependant, qu’il s’agisse de notre étude ou de ceux de Nguefack et Kamgaing, aucune des mères n’avait réalisé les sérologies au Cytomégalovirus (CMV) et à l’herpès [15,16]. Cela s’expliquerait d’une part par le fait que la réalisation de ces sérologies ne se fait pas systématiquement dans nos contrées, d’autre part, ces sérologies ne sont souvent pas accessibles aux mères du fait de leur prix qui est souvent élevé.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. OBJECTIFS
3. MATERIELS ET METHODES
3.1. Cadre d’étude
3.2. Méthodologie
3.2.1. Type et période d’étude
3.2.2. Population d’étude
3.2.3. Techniques et outils de collecte des données
3.2.4. Analyse des données
3.3. Aspects éthiques
3.4. Déroulement pratique de l’étude
4. RESULTATS
4.1. Données sociodémographiques et épidémiologiques
4.1.1. Fréquence hospitalière des malformations congénitales
4.1.2. Caractéristiques des mères et suivi prénatal
4.1.2.1. Age
4.1.2.2. Ethnie
4.1.2.3. Le niveau d’instruction
4.1.2.4. La profession
4.1.2.5. La gestité et la parité
4.1.2.6. Le suivi prénatal
4.1.3. Caractéristiques des pères
4.1.3.1. Age
4.1.3.2. L’ethnie
4.1.3.3. Le niveau d’instruction
4.1.3.4. La profession
4.1.3.5. Les antécédents médicaux personnels
4.1.4. Niveau socio-économique de la famille
4.2. Antécédents familiaux et données anamnestiques
4.2.1. La consanguinité
4.2.2. Antécédents de fausses couches et de morts fœtales in-utéro (MFIU)
4.2.3. Tares familiales
4.2.4. Antécédents de malformations congénitales
4.2.5. Décès dans la fratrie
4.2.6. Utilisation d’insecticides ou d’herbicides
4.2.7. Provenance des enfants
4.3. Caractéristiques des enfants
4.3.1. Age au diagnostic
4.3.2. Sexe
4.3.3. Terme de naissance
4.3.4. Mode d’accouchement
4.3.5. Adaptation à la naissance
4.3.6. Paramètres anthropométriques à la naissance
4.3.7. Trophicité
4.4. Etude descriptive des malformations congénitales
4.4.1. Synthèse des malformations congénitales
4.4.2. Malformations du crâne
4.4.3. Malformations de la face et du cou
4.4.4. Malformations du système nerveux
4.4.5. Malformations respiratoires
4.4.6. Malformations cardio-vasculaires
4.4.7. Malformations digestives
4.4.8. Malformations de la paroi abdominale
4.4.9. Malformations uro-génitales et rénales
4.4.10. Malformations ostéo-articulaires (MOA)
4.4.11. Malformations cutanéo-phanériennes
4.4.12. Polymalformations
4.5. Données paracliniques
4.5.1. Bilan sanguin
4.5.2. Bilan morphologique
4.5.3. Anatomopathologie
4.6. Prise en charge des malformations congénitales
4.6.1. Prise en charge curative
4.6.2. Prise en charge palliative
4.6.3. Prise en charge psychosociale
4.6.4. Conseil génétique
4.7. Pronostic des enfants
5. DISCUSSION
5.1. Limite de l’étude
5.2. Malformations congénitales et fréquence hospitalière
5.3. Malformations congénitales et caractéristiques sociodémographiques et épidémiologiques familiales
5.4. Malformations congénitales et caractéristiques des enfants
5.5. Malformations congénitales : différents types et diagnostic
5.5.1. Prévalence spécifique des différents types de malformations congénitales
5.5.2. Diagnostic des malformations congénitales
5.6. Malformations congénitales et prise en charge
5.7. Malformations congénitales et pronostic
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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