Les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) sont des pathologies particulièrement fréquentes en Europe du Nord et aux Etats-Unis qui touchent principalement les jeunes adultes en âge de procréer. Aujourd’hui, on estime à plus de 2,5 millions de personnes atteintes de MICI en Europe et plus de 200 000 en France .
Lors d’un suivi de grossesse, il n’est pas rare de prendre en charge des femmes atteintes de MICI d’autant plus, que 25% d’entre elles concevront après la réalisation du diagnostic [2] . Ces pathologies sont encore mal connues par de nombreux professionnels de santé y compris les sages-femmes. Les MICI sont des pathologies souvent mal vécues car elles touchent la sphère des fonctions d’élimination dont il est difficile de parler. La relation de couple peut d’ailleurs s’en trouver altérée et venir perturber un projet de grossesse.
Les Maladies Inflammatoires Chroniques Intestinales (MICI)
Définition
Les MICI regroupent deux pathologies : la rectocolite hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn (MC). Elles se caractérisent par une inflammation d’une partie du tube digestif liée à une hyperactivité du système immunitaire. Décrite pour la première fois en 1932 par un médecin Américain Burril B Crohn, la MC se différencie de la RCH par le fait que les poussées inflammatoires peuvent survenir simultanément ou successivement sur un ou plusieurs segments du tube digestif allant de la bouche à l’anus. Il existe trois localisations particulièrement fréquentes des poussées inflammatoires : sur la partie terminale de l’intestin grêle dans 25% des cas, sur l’iléon et le caecum également dans 25% des cas et sur le côlon dans 35% des cas [1] . La RCH est caractérisée par des poussées inflammatoires n’intéressant que le rectum et/ou le colon. Contrairement à la MC, les autres segments du tube digestif ne sont jamais touchés. Selon l’extension de la maladie, il existe trois formes de RCH : la forme distale quand l’inflammation ne touche que le rectum et le sigmoïde, la forme pancolique quand elle touche le rectum ainsi que le côlon, et la forme intermédiaire quand l’inflammation ne dépasse pas l’angle colique gauche [1] . Ces pathologies évoluent selon des phases de poussées d’intensité et de durée variables quand la maladie est active, et des phases de rémission plus ou moins longues quand la maladie est quiescente.
Epidémiologie
En France, d’après les résultats de 2007 du registre EPIMAD (étude prospective d’incidence des MICI dans le Nord-Ouest de la France), la MC est plus fréquente que la RCH. En effet, l’incidence de la MC est de 5,7 pour 100 000 habitants/an en France ce qui représente plus de 120 000 personnes atteintes, alors que celle de la RCH est de 3,5 pour 100 000 habitants/an en France soit environ 80 000 personnes atteintes [1,3,4] . L’âge moyen du diagnostic est de 20 à 30 ans pour la MC [5] et de 15 à 35 ans pour la RCH [6] . On constate une prévalence plus élevée chez les femmes que chez les hommes dans la MC avec un sexe ratio de 1,3. A l’inverse, la RCH est plus fréquente chez les hommes avec un sex-ratio de 0,8 .
Mécanismes étiologiques
Les mécanismes étiologiques des MICI restent encore inconnus, mais il semblerait que l’origine soit multifactorielle incluant des composantes génétiques, environnementales et immunitaires [3] . D’une part, l’histoire familiale est le principal facteur de risque de développer une MICI et le taux de transmission est d’autant plus élevé qu’il y a de personnes malades dans la famille. Lorsque l’un des deux parents est atteint, le risque de transmission est de 5% dans la MC et de 1,6% dans la RCH. Si les deux parents sont atteints, ce risque s’élève à 36% [2] . Il existe donc une prédisposition génétique de la maladie chez les sujets portant des gènes de susceptibilité et en particulier ceux liés au gène Nod2/CARD15 situé sur le chromosome 16 [3,4] . Ce risque est souvent source d’angoisse pour le couple et il est important de rassurer les parents lorsqu’un projet de grossesse est envisagé. D’autre part, l’environnement joue également un rôle sur l’expression de la maladie, comme le tabac qui est un facteur protecteur dans la RCH, mais un facteur favorisant dans la MC. L’implication de différents facteurs comme le stress, l’infection, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’alimentation a été démontrée dans une étude Chinoise publiée en 2014 [7] . Enfin, le développement de la maladie serait lié à un dysfonctionnement immunitaire entrainant une perturbation à trois niveaux : une atteinte de la barrière muqueuse et une dérégulation des réponses immunitaires innée et spécifique. Cette dysrégulation immunitaire est à l’origine d’un phénomène de dysbiose entraînant alors un déséquilibre en faveur des bactéries pathogènes invasives responsables de lésions inflammatoires.
Le diagnostic
Le diagnostic des MICI repose sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques. Il est généralement établi lors des périodes de poussées. Les MICI retrouvent des symptômes digestifs identiques dans les deux maladies :
– des diarrhées (diurnes et très souvent nocturnes) avec présence ou non de glaires et de sang allant de 4 à 20 selles par jour selon l’étendue de l’inflammation
– une impériosité des selles
– des douleurs abdominales inexpliquées
– des nausées et des vomissements fréquents .
Ces symptômes digestifs s’accompagnent parfois de signes cliniques généraux comme la fièvre, un manque d’appétit, un amaigrissement et une anémie. Des manifestations extra-digestives telles que des atteintes oculaires, articulaires et cutanées peuvent y être associées. Pour chacune des deux pathologies, il existe des signes cliniques spécifiques et caractéristiques permettant d’orienter le diagnostic.
MC
• Syndrome de Koëning
• Syndrome occlusif
• Syndrome pseudo-appendiculaire
• Lésion ano-périnéales (LAP)
• Hémorragies .
RCH
• Rectorragies
• Ténesme
• Anémie marquée
• Risque de déshydratation .
Très souvent, un retard de diagnostic est constaté car il n’existe pas de présentation clinique classique et les symptômes sont variables en fonction de la localisation, de la sévérité, et du mode évolutif de la maladie. Ainsi, les MICI peuvent rester silencieuses des années avant de s’aggraver, mais il est important de ne pas confondre MICI et maladie psychosomatique. Deux autres arguments permettent d’affiner le diagnostic :
– la présence d’un syndrome inflammatoire
– la mise en évidence d’auto-anticorps tels que les ACSA caractéristiques de la MC et les pANCA retrouvés chez plus de 65% des patients atteints de RCH.
Sur signes d’appel cliniques, l’imagerie est l’élément clef permettant d’affirmer le diagnostic. En première intention, il est recommandé de réaliser un bilan endoscopique complet avec des biopsies étagées en zones saines et en zones malades. Cette technique consiste à visualiser l’intérieur du tube digestif afin de mettre en évidence les zones de muqueuse inflammée ainsi que les complications ou les récidives de poussées .
Dans la RCH, la distribution des lésions est continue sans intervalle de muqueuse saine depuis le haut du canal anal jusqu’à une limite supérieure. Dans la MC, l’extension de l’inflammation est segmentaire et multifocale avec présence d’intervalle de muqueuse saine entre les lésions. A l’examen microscopique des biopsies, on peut mettre en évidence différents éléments résultants de l’inflammation de la muqueuse digestive comme : des pertes de substances muqueuses, des granulomes gigantocellulaires et epithélioïdes, des infiltrations lympho-plasmocytaires et des LAP typiques. La présence d’un ou de plusieurs de ces éléments confirme le diagnostic de la maladie .
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Les MICI
1.1. Définition
1.2. Epidémiologie
1.3. Mécanismes étiologiques
1.4. Diagnostic
1.5. Complications
1.6. Prise en charge des MICI
2. L’influence de la grossesse sur la maladie
3. L’influence de la maladie sur la grossesse
4. La prise en charge thérapeutique
5. La voie d’accouchement
6. Les données sur le Post-partum
MATERIEL ET METHODES
1. Type d’étude
2. Objectifs
3. Outils
4. Critères d’inclusion et d’exclusion
5. Modalités de réalisation
6. Les variables étudiées du recueil de données
7. Analyse statistique
RESULTATS
1. Profil des femmes enceintes atteintes de MICI au CHU de Caen
2. Evolution des MICI durant la grossesse
3. Pronostic obstétrical et néonatal des grossesses MICI
4. Etude du post-partum
ANALYSE ET DISCUSSION
1. Forces et limites de l’étude
2. Caractéristiques maternelles
3. Suivi et prise en charge thérapeutique des grossesses MICI
4. Evolution des MICI durant la grossesse
5. Pronostic obstétrical et néonatal des grossesses de femmes MICI…
5.1. Complications obstétricales
5.2. Voie d’accouchement et complications du travail
5.3. Complications néonatales
6. Risque de rechute des MICI en post-partum
6.1. Le post-partum : une période plus à risque de rechute ?
6.2. Existe t-il des facteurs de risque de rechute en post-partum? post-partum?
7. Impact psychologique des MICI sur la relation mère-enfant
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES