MALADIE PARODONTALE CHEZ LA FEMME ENCEINTE ET FAIBLE POIDS DU NOUVEAU NE

Changements de la flore buccale

       Certains auteurs rapportent que la flore sous gingivale évolue, en parallèle avec l’évolution de la grossesse, vers une flore plus anaérobie. Au cours de cette période, il y a une augmentation d’environ 55 fois le nombre de certains parodontopathogènes, notamment Prevotella intermedia, entre le 3ème et le 4ème mois de gestation [50]. Les hormones sexuelles stéroïdiennes agiraient comme facteur de croissance, en facilitant l’apport de naphtoquinone pour les bactéries [65]. Cette augmentation semble associée à l’élévation systémique du taux d’œstradiol et de progestérone [55].

La gingivite

    Le sillon gingival d’une gencive histologiquement saine, se caractérise par une flore microbienne composée majoritairement de microorganismes à Gram positif facultatifs et des espèces du genre Actinomyces [106]. Les espèces à gram négatif comprennent notamment Capnocytophaga ochracea, Fusobacterium nucleatum subsp. nucleatum et Prevotella intermedia [56]. Des anticorps dirigés contre les microorganismes sont retrouvés dans le liquide créviculaire ce qui suggère une faible stimulation antigénique en réponse à la plaque dans une gencive saine. Une gencive cliniquement saine présente toujours des signes histologiques d’une inflammation. On retrouve donc, en faible concentration, un infiltrat de cellules inflammatoires chroniques, généralement des lymphocytes. Les neutrophiles sont aussi présents au niveau de la jonction épithéliale et du sulcus gingival. Cette infiltration est une réponse à la plaque bactérienne et augure les mécanismes de défense de l’hôte qui, chez un individu sain, sont aptes à contrôler l’agression bactérienne [56].

Classification des parodontites

      Au cours des vingt dernières années, plusieurs classifications des différentes manifestations cliniques des parodontites ont été présentées puis adoptées à la suite des consensus scientifiques en Amérique du Nord en 1989 et en Europe en 1993 [83]. Toutefois, des recherches cliniques dans de nombreux pays sur les formes de ces maladies ont montré que plusieurs caractéristiques de la maladie ne répondaient plus à des critères scientifiques. En particulier cette classification était principalement basée sur l’âge des patients lors du diagnostic, il manquait des évidences pour faire une distinction claire entre la parodontite de l’adulte, la parodontite réfractaire et les différentes formes de parodontite précoces. Il a été observé qu’en présence d’une parodontite chronique, la destruction des tissus de soutien provoquée par l’accumulation de facteurs locaux tels que la plaque et le tartre, pouvait survenir bien avant l’âge de trente cinq ans. Parfois, les formes progressive de la maladie apparaissent chez des personnes de plus de trente cinq ans, et suivaient une distribution familiale. Enfin l’académie américaine de parodontologie définie les parodontites réfractaires chez les patients qui ne présentent pas une amélioration aux traitements entrepris quelles que soient la fréquence et la minutie [27, 54, 113, 83]. Suite à ces considérations l’ « International Workshop for a Classification of Periodontal Diseases and Conditions », a proposé en 1999 une nouvelle définition et classification des maladies parodontales. Depuis nous distinguons la parodontite chronique, la parodontite agressive, la parodontite secondaire aux désordres systémiques, la parodontite nécrotique, les abcès parodontaux et les lésions endo-parodontales [3].

Mécanismes de l’infection bactérienne

      Quatre propriétés ont été attribuées aux microorganismes pour être considérés comme pathogènes : avoir la capacité de coloniser, de se multiplier dans l’environnement en utilisant les sources nutritionnelles disponibles, de contourner les mécanismes de défense de l’hôte et de produire des substances qui peuvent contribuer à la destruction tissulaire. Les bactéries à Gram négatif possèdent de nombreux facteurs de virulence : des adhésines, des protéases, des toxines et des vésicules de la membrane bactérienne externe [43, 70]. Actuellement P. gingivalis, A. actinomycetemcomitans et T. forshythia sont reconnus comme étant les parodontopathogènes majeurs et possède la propriété d’adhérer et d’envahir l’épithélium buccal [51]. A. actinomycetemcomitans possède la caractéristique de transmigrer à travers l’épithélium de jonction pour envahir le tissu conjonctif sous-jacent, alors que P. gingivalis peut envahir et persister dans les cellules épithéliales [44, 58]. P. gingivalis, notamment, est considéré comme un pathogène important dans la colonisation des sites gingivaux et ses capacités d’adhérence représentent une étape critique dans le processus pathologique. L’hémagglutinine, un des nombreux facteurs de virulence de P. gingvalis, agit comme facteur d’adhérence cellulaire pour pénétrer les cellules épithéliales, favorise l’agglutination des érythrocytes et provoque leur lyse afin de faciliter l’utilisation de l’hémine, un élément indispensable à la croissance de la bactérie [17, 51]. Parmi ses autres facteurs de virulence, nous pouvons également citer les Fimbriae ou les molécules de types adhésines qui favorisent l’adhérence aux tissus ou aux autres bactéries [30]. Cette propriété d’adhérence joue un rôle clé dans la variation des espèces bactériennes qui constituent la plaque dentaire. Cependant la croissance bactérienne reste l’élément essentiel qui gouverne la relative abondance des différentes espèces bactériennes [22]. La présence d’une capsule polysaccharidiques chez P. gingivalis, par exemple, accentue sa virulence car elle fournit un moyen d’éviter les défenses de l’hôte (anticorps et complément). Certaines bactéries, notamment A. actinomycetemcomitans, produisent des facteurs qui répriment la réponse immunitaire dirigée contre eux ou contre d’autres bactéries. Ainsi Aggregatibacter actinomycetemcomitans et C. rectus secrètent une leucotoxine qui tue les neutrophiles directement et perturbe la ligne de défense constituée par les PMNs [35, 114]. Porphyromonas gingivalis produit des enzymes protéolytiques qui dégradent directement les anticorps et les composantes du complément ce qui prévient l’accumulation de ces molécules à sa surface et son opsonisation [21, 98]. Ces mécanismes permettent à plusieurs bactéries d’envahir les tissus et d’éviter le contact avec les neutrophiles et les molécules du système immunitaire [104]. Les bactéries peuvent également endommager les tissus de manière directe ou indirecte, Porphyromanas gingivalis, par exemple, est connu pour sa capacité à produire plusieurs enzymes protéolytiques (des protéases, des collagénases, la phospholipase A2) qui dégradent directement les tissus environnants. Les produits issus du métabolisme bactérien tels que le H2S, le NH3 ou encore les acides gras sont également toxiques pour les tissus environnants. Le lipopolysaccharide (LPS) est responsable de la sécrétion de plusieurs médiateurs de l’inflammation qui participent au processus de destruction tissulaire [30, 44].

Caractéristiques socio–démographiques

       Beaucoup d’études ont pris en compte les facteurs socio-démographiques dans la survenue du faible poids à la naissance. L’âge de la mère notamment le jeune âge (<18 ans) peut affecter la croissance intra utérine du fœtus [118]. Dans notre étude la moyenne d’âge des mères chez les cas était moins élevée que celle des témoins (tableau I). Cet âge était significativement lié au faible poids (tableau IV). Cependant cette association reste marginale après ajustement sur l’IMC et les paramètres parodontaux (tableau VIII). Khader et al [53] avaient trouvé une association entre âge et faible poids (0,045). L’indice de masse corporelle est un standard permettant d’évaluer des risques liés au surpoids chez l’adulte. Il est défini par le rapport du poids en kg divisé par le carré de la taille en m. Son interprétation se fait suivant des intervalles qui caractérisent la corpulence. L’intervalle [18,5 – 24,9] est considéré comme normal. Dans cette étude, les mères des enfants de faible poids avaient un IMC moyen de 25, 9 ± 7,11 (tableau III). L’IMC était significativement lié au faible poids même après ajustement sur l’âge et les paramètres parodontaux. (tableau VIII). L’étude cas témoins réalisée par Ndiaye et al en 2006 [81] au Sénégal n’avait pas mis en évidence une relation entre l’IMC et le faible poids. Cette étude portait sur 88 cas et 97 témoins. L’absence de liaison pourrait s’expliquer par la faible taille des échantillons des cas et des témoins dans cette étude. Aussi bien dans la population des cas que dans celle des témoins, la parité moyenne était égale à 2 + 1. Elle n’était pas liée au faible poids à la naissance contrairement à l’étude rétrospective de Bobossi-Seringbe [12] en Centrafrique qui trouvait une association statistiquement significative (p=0,01). Cette association pourrait s’expliquer par l’absence d’ajustement sur certains facteurs qui n’étaient pas recueillis du fait du caractère rétrospectif de l’étude. En ce qui concerne le revenu des couples, il était plus souvent inférieur à 100.000 fcfa par mois (tableau III). Cela est conforté par les conditions de vie dans la banlieue dakaroise ou la promiscuité et la pauvreté sont relativement fréquentes. Nos résultats n’avaient pas pourtant fait état de liaison entre revenu et le faible poids (tableau IV). Camara et al [17] concluaient sur une relation statistiquement significative contrairement à nos résultats. Ces disparités seraient dues à la difficulté de trouver un indicateur fiable. Pitiphat et al en 2008 aux USA, à travers une étude prospective sur une cohorte de 1635 femmes avaient noté l’absence de relation entre revenu et issue de la grossesse. Il n’était pas aisé dans le contexte de l’étude de déterminer le degré de consanguinité en traçant l’arbre généalogique. Nous n’avions pas mis en évidence une influence de cette consanguinité sur le petit poids. Cependant Wharton [116] rapporte une fréquence de 17% d’hypotrophe chez les bébés nés d’un mariage entre cousins germains dans une population pakistanaise.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LA GROSSESSE ET LE FAIBLE POIDS A LA NAISSANCE ET LES MALADIES PARODONTALES
I. LA GROSSESSE
I.1. Définition
I.2. Modifications physiologiques maternelles
I.2.1. Modifications fonctionnelles
I.2.2. Modifications parodontales
I.2.2.1. Implications cliniques et paracliniques
I.2.2.2. Changements de la flore buccale
I.2.2.3. Changements de la concentration hormonale
I.2.2.4. Changements de la réponse immunitaire
II. LE FAIBLE POIDS A LA NAISSANCE
II.1. Définition
II.2. Epidémiologie du faible poids à la naissance
II.3. Facteurs associés
II.4. Conséquences sur la santé générale
III- LES MALADIES PARODONTALES
III.1. La gingivite
III.1.1. Définition de la gingivite
III.1.2. Anatomopathologie de La gingivite chronique
III.1.2.1. lésion initiale
III.1.2.2. lésion précoce
III.1.2.3. lésion établie
III.2. Les parodontites
III.2.1. Définition
III.2.2. Classification des parodontites
III.2.3. La pathogenèse de la parodontite
III.2.4. Microbiologie des maladies parodontales
III.2.5. Mécanismes de l’infection bactérienne
III.2.6. Réaction inflammatoire et réponse immunitaire
IV- MECANISMES POTENTIELS ASSOCIANT LES MALADIES PARODONTALES ET L’ISSUE DE LA GROSSESSE
IV.1. Etudes animales
IV.2. Etudes chez la femme
I. PROBLEMATIQUE ET JUSTIFICATION
II.1- Objectif général
II.2- Objectifs spécifiques
III.- METHODOLOGIE
III.1- Cadre d’étude
III.2- Type d’étude
III.3- Population d’étude
III.3.1- Critères d’inclusion
III.3.1.1- Définition des cas
III.3.1.2- Définition des témoins
III.3.2- Critères de non inclusion
III.3.3- Appariement
III.4- Taille de l’échantillon
III.5- Procédure de collecte et variables étudiées
III.5.1- Observation clinique et évaluation des données parodontales
III.5.2- Mesure de l’exposition
III.5.3- Mesure de l’outcome ou du devenir
III.6- Stratégie d’analyse des données
IV- RESULTATS
IV.1- Description des caractéristiques socio-démographiques, des habitudes de vie, des antécédents médicaux et d’issue de la grossesse
IV.2- Relation entre caractéristiques générales des mères et faible poids de naissance après régression logistique simple
IV.3- Caractéristiques parodontales des mères
IV.4- Relation entre caractéristiques parodontales des mères et faible poids de naissance après régression logistique simple
IV.5- Interactions entre parodontite et autres variables
IV.6-facteur associés au faible poids de naissance après ajustement
V- DISCUSSION
V.1- Limite de l’étude
V.2- Caractéristiques socio–démographiques
V.3- Habitudes de vie des mères
V.4- Antécédents médicaux et issue de la grossesse
V.5- Les paramètres parodontaux
VI- RECOMMANDATIONS ET PERSPECTIVES
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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