Maladie de Kikuchi Fujimoto

La maladie de Kikuchi-Fujimoto (MKF) ou lymphadénite histiocytaire nécrosante subaiguë est une maladie rare habituellement bénigne [1]. Décrite pour la première fois en 1972 au Japon simultanément par deux anatomopathologistes Kikuchi [1] et Fujimoto [2]. Elle a été décrite initialement chez les asiatiques, Là où la fréquence de la maladie s’avère la plus élevée, cette entité peut toucher toutes les ethnies : européennes, nord-africaines et américaines [3]. Le premier cas nord-africain a été rapporté en 2000 [4]. Les différentes études épidémiologiques réalisées n’ont pas permis d’identifier des facteurs étiologiques [4,5]. L’étiopathogénie de la maladie de Kikuchi-Fujimoto demeure encore incertaine et sa physiopathologie reste à discuter. Nombreuses ont été les hypothèses avancées dans la littérature incriminant une étiologie infectieuse ou autoimmune [4], une susceptibilité génétique a également été évoquée [6]. Cette affection atteint le plus souvent la femme jeune [7,8], avec des extrêmes allant d’un mois à 75 ans et une médiane à l’âge de 25 ans [9,10]. Ces principales manifestations sont peu caractéristiques, le plus souvent représentées par des adénopathies localisées (souvent cervicales) fréquemment accompagnées par des signes généraux à type de fièvre, amaigrissement, sueurs, troubles digestifs et arthro- myalgie [7].

Généralités

Historique

La maladie de Kikuchi-Fujimoto(MK) ou lymphadénite histiocytaire nécrosante (LHN) est une entité anatomo-clinique rare, de description récente, initialement rapportée dans la population japonaise[1]. Kikuchi en 1972 [1], avait décrit une lymphadénite avec une hyperplasie focale des cellules réticulaires, des débris nucléaires et une phagocytose. Fujimoto [2] à la même année, avait parlé de lymphadénite subaiguë cervicale. En fait, dès la fin des années 60, « une forme inhabituelle de Lymphadénite nécrosante » a été signalée par le comité américain d’études des lymphomes malins qui était chargé d’effectuer des contrôles en vue de confirmer le diagnostic de lymphome chez un échantillon de 108 malades [13]. En 1973, et à la lumière des découvertes de Kikuchi et de Fujimoto, certains de ces patients ont été reconnus comme atteints d’une maladie de Kikuchi et non d’un lymphome.

Depuis, plusieurs cas ont été rapportés dans la littérature japonaise sous différentes appellations : lymphadénite nécrosante histiocytaire (Shimamine 1974), lymphadénite nécrosante histiocytaire focale (Kikuchi 1978), lymphadénite nécrosante histiocytaire sans infiltration granulomatose (Pileri1982) ou encore hyperplasie pseudo lymphomateuse (Michalek et Henzon1983) [14]. Cette entité est rare, un millier de cas a été publié jusqu’à nos jours [3].

Rappel théorique concernant l’architecture normale du ganglion

Structure normale d’un ganglion 

Les ganglions lymphatiques sont des organes encapsulés qui ponctuent le réseau lymphoïde et qui contiennent des agrégats de lymphocytes et de cellules présentant l’antigène. Ils sont placés de façon stratégique afin d’intercepter les antigènes provenant de la périphérie. Leur fonction principale est d’arrêter, de neutraliser et d’éliminer le matériel antigénique et les micro-organismes qui ont pénétré dans l’organisme et ont été drainés par les vaisseaux lymphatiques afférents vers ces ganglions.

Deux régions principales sont distinguées : corticale et médullaire.

A. La région corticale : structuralement organisée en deux zones :
➤ Le cortex superficiel ou zone marginale : est la partie la plus externe du ganglion et contient essentiellement des cellules B. Cette région contient essentiellement :

● Les follicules Lymphoïdes : sont des agrégats de lymphocytes et de cellules présentatrices d’antigènes très entassés. Les ganglions non stimulés contiennent des follicules primaires qui se différencient en follicules secondaires plus volumineux après une stimulation antigénique.
● Les centres germinatifs : sont des zones formées de cellules en prolifération rapide et que l’on trouve dans le centre de certains follicules secondaires. Les centres germinatifs contiennent de grosses et petites cellules lymphocytaires (centroblastes et centrocytes), quelques cellules TCD4+ et des cellules dendritiques folliculaires, qui sont très importantes pour le développement des cellules B mémoires.
● La zone para corticale ou cortex profond : contient essentiellement des cellules T, entrelacées avec des cellules inter digitées exprimant fortement les antigènes de classe II du HLA. Ces dernières ont pour rôle de présenter l’antigène aux cellules T.

B. La région médullaire : Contient relativement peu de lymphocytes B et T. Mais un plus grand nombre de macrophages et de plasmocytes matures que les autres zones.

Les populations cellulaires

Les populations lymphocytaires

Différentiation et maturation des lymphocytes 

Les lymphocytes T et B proviennent des cellules souches lymphoïdes qui sont issues des cellules souches multipotentes présentes dans la moelle osseuse. Les cellules souches lymphoïdes colonisent les organes lymphoïdes primaires (thymus pour les T et moelle osseuse pour les B) où elles prolifèrent avant de subir un phénomène de sélection. Les cellules qui échappent à la sélection passent dans la circulation et colonisent les organes lymphoïdes la majorité des cellules ne seront pas activées par l’antigène spécifiques vont mourir sur place. La durée de vie des lymphocytes B est de quelques jours à quelques mois, alors que celle des T est de quelques années. Les cellules T quittent le thymus en périphérie au stade de thymocyte mature, leur phénotype étant simple positif (CD4 ou CD8+), ils expriment fortement le TCR et CD3. Par contre, les lymphocytes B quittent la moelle osseuse au stade de lymphocyte B immature, à ce stade la cellule passe au niveau des organes et tissus lymphoïdes où elle se transforme en LB mature puis, sous l’influence de l’antigène, cette cellule s’active en lymphoblaste avant de se transformer en plasmocyte ou en LB mémoire.

Marqueurs de surface des lymphocytes T et B 

Les différentes populations et sous-population lymphocytaires peuvent être distinguées grâce à certaines protéines de surface faisant office de marqueurs : classe de différentiation ou CD.

⇒ Les marqueurs T : (Tableau I) :
Les principaux marqueurs sont :
CD1 : Présent uniquement sur les thymocytes corticaux.
CD2 : Présent sur tous les thymocytes et les lymphocytes T périphériques. La molécule CD2 participe à l’activation T.
CD3 : Présent sur les thymocytes médullaires et tous les T périphériques, c’est le marqueur de maturité des T. Le CD3 est toujours associé au récepteur pour l’antigène des lymphocytes T, il traduit un signal d’activation de l’antigène à l’intérieur de la cellule.
CD4 : Cette molécule est présente sur les thymocytes corticaux et médullaires et sur 60 à 70 % des LT circulants. Elle conduit à l’adhésion des T helper aux cellules présentant l’antigène en stabilisant le complexe TCR/HLA classe II.
CD5 : 10 à 50% des thymocytes et tous les T périphériques possèdent ce marqueur. Il traduit un signal d’activation à l’intérieur de la cellule.
CD8 : Est un marqueur présent sur les thymocytes corticaux et 25 à 30 % des LT circulants.
CD25 : C’est là sous unité α du récepteur de l’IL2. Elle est induite après activation cellulaire pour constituer avec les chaînes β et γ un récepteur de forte affinité.
CD40L: Est induit transitoirement sur les cellules T activées et a pour ligand la molécule CD40 présente sur les lymphocytes B.

⇒ Les marqueurs B :(Tableau II)
En plus des immunoglobulines de surface, les lymphocytes B possèdent plusieurs autres marqueurs de surface :
CD10 : Est présent sur les cellules pro-B et certaines cellules de leucémie aiguë.
CD 19 et 20 : Ils sont exprimés tout au long de la différenciation des cellules B à l’exception stade des cellules plasmatiques. Ces marqueurs sont les plus couramment utilisés pour distinguer les tumeurs de cellules B d’autres hémopathies malignes
CD 21 : Est présent sur les lymphocytes B et joue le rôle de récepteur pour le complément (CR2).
CD 22 : Il s’exprime à la surface des cellules B activées et participe à leur prolifération.
CD 38 : Il est exprimé lors des stades précoces de maturation B et sur les plasmocytes.
CD 40 : Est une molécule importante à la surface des B, elle joue un rôle dans l’interaction des B avec les T.

Les monocytes plasmocytoїdes 

Ce sont des éléments qui sont aujourd’hui considérés comme appartenant au système des macrophages et qui ont été longtemps pris pour des lymphocytes. Ces cellules à l’étude ultra structurales sont montré un réticulum endoplasmique rugueux très développé, un important appareil de Golgi, exprimaient certain antigène T comme le CD4 (ce qui a fait proposer une origine t de ces cellules) mais surtout la présence prédominante d’antigène myélomonocytaires à l’étude immunophénotypiques extensives.

Le système phagocytaire

Le système des phagocytes mononuclées (tableau III) est formé par les monocytes circulants du sang, les macrophages des tissus ainsi que les phagocytes spécialisés du foie (cellules de Kupffer) et du cerveau (cellules micro-gliales). Au sein des tissus les monocytes se différencient en macrophages et acquièrent une forte capacité de phagocytose. Les macrophages restent toute leur vie dans les tissus (jusqu’à plusieurs années). Leur capacité de secréter certaines cytokines (IL-1, TNFα) et des prostaglandines confère un caractère pro-inflammatoire aux monocytes. Les monocytes se servent de leur récepteur pour le complément et la partie Fc des immunoglobulines afin de phagocyter et de présenter des antigènes. L’opsonisation, c’est-à-dire chargement de l’antigène par un complément ou par un anticorps accroît la phagocytose de cet antigène et sa dégradation. La lyse des micro-organismes se fait à l’aide des dérivés actifs de l’oxygène, de lysozymes et d’hydrolases.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. Généralités
1.1. Historique
1.2. Rappel Théorique Concernant L’architecture Normale Du Ganglion
1.2.1. Structure Normale D’un Ganglion
1.2.2. Les Populations Cellulaires
1.2.2.1. Les populations lymphocytaires
1.2.2.1.1. Différentiation et maturation des lymphocytes
1.2.2.1.2. Marqueurs de surface des lymphocytes T et B
1.2.2.2. Les Monocytes Plasmocytoїdes
1.2.2.3. Le Système Phagocytaire
2. Epidémiologie
2.1. Fréquence et incidence
2.2. Répartition géographique et race
2.3. Age
2.4. Sexe
2.5. Influence Saisonnière
2.6. Particularistes Chez La Femme Enceinte
3. Physiopathologie
3.1. Rôle des stimuli exogènes et endogènes
3.2. Rôle joué par l’apoptose
3.3. Rôle des lymphokines
3.4. Place Des Monocytes Plasmocytoïdes
3.5. Signification des différentes variétés histologiques
3.6. Liens Physiopathologiques Entre Maladie De Kikuchi Et Lupus Erythémateux Systémique
4. Diagnostic
4.1. Diagnostic Positive
4.1.1 Clinique
4.1.1.1. Circonstances De Découverte
4.1.1.2. Les Signes généraux
4.1.1.2.1. La fièvre
4.1.1.2.2. L’altération de l’état général
4.1.1.3. Les Signes fonctionnels
4.1.1.3.1. Les arthro-myalgies
4.1.1.3.2. Les signes respiratoires
4.1.1.3.3. Les signes gastro-intestinaux
4.1.1.3.4. Autres signes
4.1.1.4. Signes physiques
4.1.1.4.1. Les adénopathies
4.1.1.4.2. La Splénomégalie
4.1.1.4.3. L’hépatomégalie
4.1.1.4.4. Atteinte des glandes salivaires
4.1.1.4.5. Les manifestations cutanées
4.1.1.4.6. Les manifestations ophtalmologiques
4.1.1.4.7. Les manifestations neurologiques
4.1.1.4.8. Manifestations cardio-vasculaires
4.1.2. Paraclinique
4.1.2.1. Biologie
4.1.2.1.1. Un syndrome inflammatoire biologique non spécifique est très fréquent
4.1.2.1.2. Hémogramme est variable, elle est le plus souvent normale
4.1.2.1.3. Autre examens biologiques
4.1.2.2. Etude Cytologique Et Anatomo-pathologique Du Ganglion
4.1.2.2.1. La Cytoponction Ganglionnaire
4.1.2.2.2. Etude Anatomo-pathologique Et Immunohistochimique
4.1.2.2.2.1. Aspect Macroscopique
4.1.2.2.2.2. Etude Microscopique
4.1.2.2.2.3. Etude Immunohistochimique
4.1.2.2.3. Aspects anatomo-pathologiques des adénopathies au cours de maladie de kikuchi fujimoto
4.1.2.3. Radiologie
4.2. Diagnostic Différentiel
4.2.1. Les Pathologies Malignes
4.2.1.1. Lymphome
4.2.1.1.1. Lymphome non hodgkinien
4.2.1.1.2. La maladie de hodgkin
4.2.1.2. Les métastase
4.2.2. Les Maladies Infectieuses
4.2.2.1. La tuberculose ganglionnaire
4.2.2.2. Autres maladies infectieuses
4.2.3. Les Maladies dysimmunitaires
4.2.3.1. Les : Lupus Erythémateux Systémiques
4.2.3.2. Autres Maladies Dysimmunitaires
4.2.4. La Maladie De Rosai-Dorfman-Destombes
4.2.5. La Lymphadénite Angio-Immunoblastique (LAI)
4.2.6. L’infarctus Ganglionnaire
4.3. Diagnostic Etiologique
4.3.1. Hypothèses etiopathogenique
4.3.1.1. La Réaction Hyper-immune
4.3.1.1.1. Les Virus
4.3.1.1.2. Les bactéries et parasites
4.3.1.2. Hypothèse auto-immune
4.3.2. Facteurs etiologiques
4.3.3. Terrain génétique
4.4. Diagnostic D’associations
4.4.1. Association De La MKF aux Maladies auto immuns
4.4.1.1. Association D’une MK A Un Lupus Erythémateux Systémique
4.4.1.2. Association De La MK Avec La maladie de Still de l’adulte (MSA)
4.4.1.3. Association De La MK Avec Les Thyroïdites
4.4.1.4. Association De La MK Avec Le Syndrome Des Anticorps Anti phospholipides
4.4.1.5. Association D’une MKF A D’autres Maladies Auto Immuns
4.4.2. Association De La MKF Avec Le Syndrome Hémophagocytaire (SAM)
4.4.3. Association de la MK à une pathologie Néoplasique
CONCLUSION

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