Les lymphomes malins regroupent d’une part, la maladie de Hodgkin (MDH) ou lymphomes hodgkiniens et d’autre part, un ensemble polymorphe d’affections dénommé lymphomes malins non hodgkiniens (LNH). Ces affections qui se rapprochent par leur nature (prolifération d’éléments lymphoïdes), représentent les cancers les plus fréquents chez l’enfant en Afrique. La MDH est une prolifération maligne du système lymphatique observée surtout chez l’adulte jeune, l’adolescent et le grand enfant. Cette affection évoquée devant des ganglions suspects est confirmée par les examens d’imagerie médicale, la biologie et l’histopathologie. L’évaluation de l’extension de la maladie est la base de la classification d’Ann Arbor qui permet de préciser les indications thérapeutiques. Plus de 90% des enfants pris en charge par une équipe d’oncologie pédiatrique ont une évolution favorable de leur maladie. Ces résultats encourageants ont été obtenus grâce à la radio chimiothérapie, qui a transformé l’évolution de cette maladie de façon parallèle chez l’adulte et l’enfant. En Afrique, la prise en charge reste insuffisante et mal organisée. Cela est dû en partie à la difficulté d’accès à des techniques modernes d’irradiations, mais aussi à l’indisponibilité de drogues de chimiothérapie dans certains centres. Au Sénégal, un protocole de traitement de la MDH par chimiothérapie seule, basé sur les recommandations du Groupe Franco-Africain d’Oncologie Pédiatrique (GFAOP), a été mis en place depuis 2005.
Généralités
Définition
La maladie de Hodgkin est une hémopathie maligne clonale caractérisée par une atteinte du tissu des ganglions lymphatiques dont les spécificités histopathologiques incluent un remaniement partiel ou total de l’architecture nodulaire par un fond inflammatoire cellulaire contenant les cellules de Reed-Sternberg (RS) ou leurs variantes. Les cellules de RS sont des cellules géantes binucléées ou multinucléées avec un nucléole proéminent et un cytoplasme abondant [3]. Selon la nouvelle classification de l’OMS 2001, le LH regroupe deux entités distinctes : la MDH classique et le lymphome hodgkinien nodulaire à prédominance lymphocytaire antérieurement appelé paragranulome de Poppema et Lennert. Ces deux types sont différents l’un de l’autre par leurs aspects épidémiologiques, cliniques, immunohistochimiques et génétiques.
Historique
La maladie a été décrite pour la première fois par Thomas Hodgkin en 1832 [2], et un demi-siècle plus tard Wilms propose l’appellation maladie de Hodgkin [4]. Jusqu’en 1955, aucun progrès notable ne permet de comprendre cette mystérieuse maladie au sombre pronostic. Au début des années 1960, le mode d’extension de la maladie et sa classification en stades permettent d’envisager puis de définir des méthodes thérapeutiques que sont d’abord la radiothérapie, puis l’association chimiothérapie et radiothérapie [59, 35]. Les progrès sont rapides, et bientôt, la guérison d’un nombre croissant d’enfants présentant une maladie de Hodgkin fut observée .
Les progrès actuels de la radiothérapie et surtout les protocoles modernes de poly-chimiothérapie en ont fait une maladie de bon pronostic avec des taux de survie globale supérieurs à 80 %.
Epidémiologie
Epidémiologie descriptive
Les lymphomes hodgkiniens représentent environ 5% des cancers de l’enfant. Le taux d’incidence standardisée sur la population mondiale est de 5,3 par million d’habitants, par an. Le sex-ratio est de 1,8. Il existe cependant des variations géographiques et, particulièrement, des variations selon le niveau socio-économique des différents pays dans le monde [102]. Dans les pays industrialisés, il est observé une distribution bimodale en fonction de l’âge : un premier pic intéresse l’adolescent et l’adulte jeune (18-25 ans) et un deuxième pic concerne l’adulte âgé (60-65 ans). Elle est relativement rare chez l’enfant de moins de 15 ans, représentant 5 à 10% des cas, et reste exceptionnelle avant l’âge de 2 ans [62, 47]. Le nombre de nouveaux cas de MDH en France chez les sujets âgés de moins de 20 ans, rapporté en 2003 est de 12,1 par million d’habitants. Le taux d’incidence de la MDH selon les résultats des registres français est 2,4 pour 100 000 cas par an ; ainsi en 2000, 1400 nouveaux cas et 200 décès ont été rapportés [18]. Chaque année en Suisse, de 1980 à 1992, en moyenne 144 enfants âgés de moins de 15 ans sur un million ont développé un nouveau cancer, dont 78 garçons et 66 filles. L’incidence de la maladie de Hodgkin en Suisse était de 4,8%, 4 garçons et 3 filles développant une nouvelle MDH chaque année [132]. Avec une incidence annuelle qui tourne autour de 0,5 cas pour 100 000 enfants aux Etats Unis [12], la MDH représente 5 à 6% des cancers de l’enfant et est le 6ème cancer le plus fréquent après les leucémies, les tumeurs cérébrales, le neuroblastome, le néphroblastome, et les rhabdomyosarcomes. Aux Etats unis la MDH représente 4,3% de tous les lymphomes des enfants âgés de 0 à 14 ans mais il est plus répandu chez les jeunes de 15 à 19ans [62]. Dans les pays en développement et dans les pays tropicaux, le pic de fréquence le plus précoce s’observe entre 5 et 15 ans [62]. Les lymphomes y sont relativement fréquents et la MDH est le 4ème cancer le plus fréquent après les leucémies, lestumeurs cérébrales, et les lymphomes malins non hodgkiniens [13].Dans les différents pays d’Amérique Latine l’incidence se situe entre 1 et 1,5 pour 100 000 enfants [13]. Au Maroc, la MDH représente 8% des tumeurs malignes de l’enfant admis au service d’hémato-oncologie pédiatrique à Casablanca. Au service d’hémato-oncologie pédiatrique du CHU Ibnou Rochd à Casablanca, 11 cas parmi 115 enfants suivis pour MDH diagnostiqués entre 1980 et 1991 avaient un âge inférieur à 4 ans, le plus jeune patient était âgé de 29 mois et la moyenne d’âge était de 2 ans et 11 mois. Durant la même période 104 enfants dont l’âge était compris entre 4 et 15 ans ont été diagnostiqués. Le sex-ratio était de 3,9 avec une nette prédominance masculine [85, 79]. En Inde, la MDH est le 4ème cancer le plus fréquent après la leucémie lymphoïde aigue, le cancer du cerveau et le rétinoblastome. Il existe une prédominance masculine significative par rapport aux autres types de cancers de l’enfant. Par exemple, une étude de 7 ans portant sur 617 cas de cancers infantiles enregistrés à Bangalore a montré un sex-ratio de 1,8/1 ; alors que les 54 cas de MDH de l’enfant avaient un sex-ratio de 7,8/1 [18]. De même, l’analyse des données des cancers de l’enfant enregistrées dans tous les instituts des sciences médicales de l’Inde pendant une durée de 5 ans avait montré un sex-ratio de 7,4/1 dans la MDH, contre un sexratio dans d’autres cancers entre 2/1 (neuroblastomes et rétinoblastomes) et 4,0/1 (leucémie myéloïde aigue). De façon similaire à Bombay, le sex-ratio de la MDH de l’enfant est de 6/1 [19]. L’écart de la répartition selon le sexe dans la MDH entre les différents pays n’est pas encore totalement compris. Dans le cas de l’Inde cela pourrait être due à la difficulté d’accès aux soins des femmes pauvres, ce qui reflète le désintérêt culturel pour l’enfant de sexe féminin.
Par ailleurs, la répartition géographique des différents types histologiques est différente : il y’a une fréquence des formes à prédominance lymphocytaire et scléronodulaire dans les pays industrialisés alors que dans les pays en voie de développement, les formes à cellularité mixte et à déplétion lymphocytaire sont prédominantes [85].
Epidémiologie analytique
La cause de la MDH reste inconnue. Cependant plusieurs facteurs environnementaux, génétiques, ou viraux sont incriminés notamment le virus de l’Epstein Baar(EBV).
Facteurs génétiques
➨ Cas familiaux
Le risque de développer une MDH est trois à sept fois plus élevé chez les parents et dans la fratrie du sujet atteint. Il est multiplié par cent chez les jumeaux monozygotes [17, 132, 81]. Marx et coll. ont étudié 179 paires de jumeaux monozygotes et 187 paires de jumeaux dizygotes. Parmi les jumeaux monozygotes, 10 paires étaient atteints de MDH et chez les jumeaux dizygotes aucun cas de MDH n’a été signalé. Le risque est donc nettement plus élevé chez les jumeaux monozygotes [117]. L’existence d’un gène spécifique, à transmission récessive liée à un groupe HLA préférentiel, est suggérée dans certaines familles dont plusieurs membres sont atteints. Néanmoins, aucune prédisposition liée à un groupe HLA spécifique ou à un éventuel gène n’a pu être mis en évidence [59].
➨ Syndrome de cassure chromosomique
Plusieurs observations de maladie de Hodgkin sont rapportées chez des patients atteints d’ataxie-télangiectasie [59, 81] qui est une maladie génétique autosomique récessive appartenant au groupe des phacomatoses. La cytogénétique de l’ataxie-télangiectasie est caractéristique de cette maladie avec de nombreuses cassures chromosomiques équilibrées, deux tiers de ces remaniements n’impliquant que les chromosomes 7 et/ou 14.
➨ Déficit immunitaire
En règle générale, dans la maladie de Hodgkin, l’immunité humorale est normale. Une hypogammaglobulinémie profonde ou variable est cependant parfois rapportée. Le déficit immunitaire est essentiellement T- cellulaire [59, 132] : diminution des lymphocytes CD4+, anomalies de l’activation non spécifique des lymphocytes T (intradermoréaction à la phytohèmaglutinine et prolifération in vitro en présence de mitogènes). Ces anomalies semblent préexistantes à la survenue de la maladie et sont retrouvées après la guérison [1].
L’immunodépression en général et l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine en particulier, accroissent le risque du développement d’une MDH [81, 59]. Les premiers cas de MDH associés à l’infection par le VIH ont été rapportés chez l’adulte en 1984. Un registre de tumeurs associées au VIH établi en 1987 fait état d’un nombre croissant de MDH, 46 cas ont été répertoriés entre 1987 et 1990 chez le jeune adulte en France.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LITTÉRATURE
1. Généralités
1.1. Définition
1.2. Historique
2. Epidémiologie
2.1. Epidémiologie descriptive
2.2. Epidémiologie analytique
2. 2. 1. Facteurs génétiques
2 .2 .2 . Facteurs environnementaux
3. Physiopathogénie de la maladie de hodgkin
3.1. Origine de la cellule de hodgkin
3.2. Rôle des cytokines
3.3. Mode d’extension
4. Symptomatologie
4.1. Tableau typique
4.2 Formes cliniques
5. Diagnostic anatomopathologique
5.1. Les cellules de la maladie de Hodgkin
5.2. Classification histopathologique
6. Bilan d’extension
6.1. Clinique
6.2. Les examens biologiques
6.3. Les examens radiologiques
6.4. Biopsie médullaire
7. Classification selon l’extension
7.1. La classification de Ann Arbor
7.2. La classification de Cots Wolds
8. Traitement
8.1. Principes du traitement
8.2. Moyens
8.2.1. 8.2.1. Chirurgie
8.2.2. 8.2.2. Radiothérapie
8.2.3. Chimiothérapie
8.2.3.1. Les différents protocoles utilisés chez les enfants
8.2.3.2. Traitement adjuvant
8.2.3.3. Les complications de la chimiothérapie
8.3. Les indications du traitement
8.3.1. Traitement des formes localisées
8.3.2. Traitement des formes étendues
8.3.3. Traitement des rechutes
8.3.3.1. Rechute après traitement des formes localisées
8.3.3.2. Rechute après traitement des formes étendues
8.4. Evolution et pronostic
8.4.1. Surveillance pendant le traitement
8.4.2. Surveillance après le traitement
8.4.3. Facteurs pronostiques
8.4.4. Résultats
8.5. Perspectives thérapeutiques
DEUXIÈME PARTIE :TRAVAIL PERSONNEL
1. Patients et méthodes
1.1. Objectifs spécifiques de l’étude
1.2. Cadre de l’étude
1.3. Patients
1.3.1. Critères d’inclusion
1.3.2. Critères d’exclusion
1.4. Méthodes
1.4.1. Type d’étude
1.4.2. Le protocole COOP/ABV
2. Résultats
2.1. Aspects épidémiologiques
2.1.1. Répartition selon l’année du diagnostic
2.1.2. Répartition selon l’âge
2.1.3. Répartition selon le sexe
2.1.4. Répartition selon le niveau socio-économique
2.2. Aspects cliniques
2.2.1. Antécédents médico-chirurgicaux
2.2.2. Motif de consultation
2.2.3. Signes physiques
2.3. Aspects biologiques
2.4. Diagnostic
2.5. Bilan d’extension
2.6. Classification anatomo-clinique d’Ann Arbor
2.7. Traitement
2.7.1. Répartition selon le groupe pronostique
2.7.2. Résultats de la chimiothérapie
2.7.3. Surveillance et dernières nouvelles
2.7.4. Complications liées au traitement
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
3. Discussion
3.1. Epidémiologie
3.1.1. Age-sexe
3.1.2. Origine et niveau socio-économique
3.2. Diagnostic
3.2.1. Clinique
3.2.2. Diagnostic positif
3.3. Classification d’Ann Arbor
3.4. Traitement
CONCLUSION
Bibliographie
ANNEXES