Maîtrise d’Ouvrage (MOA) et Maîtrise d’Œuvre (MOE)

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Les Terrains
Aimé Cesaire
Le terrain de cette étude est le groupe scolaire Aimé Cesaire, situé au cœur de l’écoquartier de l’Île de Nantes, au sud de la ville. L’école est située près du parc des Machines de l’Île14, et plus précisément derrière l’Éléphant. Le parc appartient à l’écoquartier géré par la SAMOA – Société d’Aménagement de la Métropole Ouest Atlantique – une société publique composée en majorité d’actionnaires publics dont Nantes Métropole et la ville de Nantes. La rénovation de l’île de Nantes effectuée par l’urbaniste Alexandre Chemetof entre 2000 et 2010 a donné le ton des diverses constructions qui prennent peu à peu place dans ce quartier. Sa réhabilitation laisse une place au passé, tout en se tournant résolument vers l’avenir. L’histoire du commerce maritime, des cales et de la construction navale perdurent au milieu des îlots végétalisés, des promenades et des espaces de détentes. Les Machines qui se dressent au milieu des étendues bétonnées colorent de manière féerique l’espace ainsi redessiné.
Le groupe scolaire Aimé Césaire, bien qu’il possède sa propre identité, prend naturellement place dans cet espace, et ce, tant par sa recherche technique, il est classé BBC – Bâtiment à Basse Consommation – et HQE – Haute Qualité Environnementale – que par son design. Décrit comme un « jardin […] habité par une école »15 selon les mots des architectes, le parti pris résolument végétal du bâtiment est clairement perceptible de l’extérieur. La dimension écologique du bâtiment prédomine dans la réflexion des architectes, tant visuellement que dans le choix des matériaux et des installations. De fait, le végétal domine dans l’aspect extérieur. Les longues bandes de bois qui entourent l’école et la soustraient aux regards extérieurs, rappellent les ganivelles du bord de mer16. La végétation qui envahit les toitures sert tout à la fois de cadre de jeu pour les enfants et de protection thermique et acoustique.
Des 114 écoles de la ville, Aimé Cesaire est la plus récente et probablement la plus singulière. À la pointe en matière de technologies de construction, ce groupe scolaire est aussi le premier bâtiment de la ville à accueillir les enfants de la crèche au CM2, pendant tous les temps de la journée. Il comprend une crèche, une école primaire, un accueil périscolaire, un restaurant scolaire et un centre de loisir. L’optimisation de son fonctionnement permet de mutualiser de nombreux espaces tout en respectant les besoins de chacune des entités du bâtiment. Les enjeux fonctionnels définissent une part importante des enjeux de conception du bâtiment, qui relèvent autant des compétences du programmiste que de celles de l’architecte, le premier devant schématiser sous forme d’organigramme ce que le second dessine.
La conception de ce groupe scolaire dépend d’une imbrication complexe de facteurs et d’agents. Il répond aux exigences du contexte urbain, des normes de sécurité et de confort relatives aux ERP – Établissements Recevant du Public – ainsi qu’aux demandes de fonctionnalité de la maîtrise d’ouvrage, le tout étant investi dans une démarche architecturale affirmée. La complexité des thèmes à étudier nécessite donc une approche plurielle, par les entretiens mais aussi par les documents et les remises en contexte historiques ou légales.

Le service du patrimoine scolaire

Un second terrain, le service du patrimoine scolaire de la ville de Nantes, a servi à compléter les données recueillies sur le site du groupe scolaire Aimé Cesaire, et à les remplacer dans un contexte plus large, en déplaçant le point de vue de l’échelle du quartier à celui de la ville. Le recueil des données s’est effectué à l’occasion d’un stage à mi-temps d’un mois et demi. Ce service relève de la direction de l’éducation, qui occupe une place de taille au sein de la mairie de Nantes et se compose de plusieurs services, dont le service du patrimoine scolaire ou celui du bâti.
Le service du patrimoine scolaire gère les 114 écoles publiques de la ville de Nantes, c’est-à-dire qu’il s’occupe de tout ce qui est nécessaire à l’existence et au fonctionnement d’une école du premier degré, de la construction à l’entretien en passant par l’équipement des locaux. Ce service s’occupe principalement de coordination. Au travers de ses missions – opérations spécifiques, entretien durable, aménagement, équipement des locaux – il gère les relations avec les différents prestataires, prévoie les interventions et vérifie la qualité des travaux effectués.
Il traite ainsi les différentes demandes, d’une grande variété tant par leur provenance que par leurs sujets. Si toutes concernent le patrimoine scolaire, la nature des réponses apportées diffère grandement. Les demandes émanant des écoles remontent via les cinq secteurs de la ville : centre ouest, ouest, centre sud, est, centre nord. Cette déconcentration du service permet une meilleure compréhension des demandes. Le responsable du secteur gère moins d’écoles, il les visite régulièrement et il est plus proche des personnels d’éducation. Théoriquement sa validation est nécessaire avant la transmission au service. Les demandes sont généralement émises au moment des conseils d’école, en présence de l’élu responsable de l’école, des parents d’élèves et des enseignants.
Au sein du service du patrimoine scolaire, le chef de projet et le chef de service s’occupent principalement d’étudier les demandes des usagers et d’y apporter une réponse appropriée. Ils se déplacent donc dans les écoles de la ville pour rencontrer les personnels et les enseignants et adapter l’environnement spatial aux pratiques et aux usages. À l’inverse, ils peuvent également proposer d’adapter les usages pour résoudre une situation problématique17. Les études de cas18 et le fait de les accompagner dans leurs visites nous ont permis d’étudier les réseaux en jeu dans la prise de décision et de tenter des modélisations.

Traitement des données

Le traitement des données s’est effectué de plusieurs manières, suivant le modèle théorique mis en œuvre (résolution de problèmes ou réseaux) et suivant le type de données. Les entretiens retranscrits ont été analysés de manière verticale, afin de dégager les thèmes principaux et la manière dont ils ont été abordés par les différentes personnes interrogées. La comparaison avec les thèmes inscrits dans le guide d’entretien a souligné l’écart plus ou moins important entre ce qui nous semblait prioritaire au début de notre enquête et ce qui a été le plus développé et mis en avant par les acteurs du projet. L’élaboration du guide d’entretien sur la base d’une visite du terrain et d’une plaquette de présentation réalisée par le CAUE – Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement – a permis de mettre en avant les thèmes politiquement valorisés, mais a relégué au second plan le questionnement sur les relations entre les services de mairie et les architectes. Au travers de l’analyse horizontale des deux entretiens – celui de la maîtrise d’ouvrage et celui de la maîtrise d’œuvre – nous avons regroupé une série de données sur le sujet. L’analyse manuelle s’est doublée d’une analyse assistée par ordinateur à l’aide du logiciel ALCESTE. L’analyse comparée des deux entretiens a corroboré les résultats de l’étude manuelle. Elle objective ainsi les conclusions de l’analyse. Le logiciel extrait du texte les structures signifiantes les plus marquantes : il classe et organise des morceaux de texte, découpés de manière plus ou moins aléatoire sous la forme d’unités de contexte élémentaire (UCE). Le pourcentage d’unités de contexte élémentaire analysées par ALCESTE dans le corpus correspond à 42 %. Il est faible car inférieur à 65 % qui est considéré comme le seuil de validité des résultats. En revanche le dendrogramme19 est stable et distingue quatre classes d’unités de textes. Il isole ainsi la classe 2 et hiérarchise ensuite les classes 1, 3 et 420. Le rassemblement et la concordance des résultats a révélé la cohérence de l’ensemble. Nous avons ainsi élaboré une première ébauche du fonctionnement d’un projet et des logiques qui le sous-tendent.
La modélisation des données sous forme de réseaux s’est faite en plusieurs étapes, par tâtonnement. Nous avons d’abord essayé un premier modèle de modélisation, puis l’avons confronté à une situation réelle, afin de vérifier s’il pouvait la modéliser. Chaque erreur amène à proposer de nouvelles modélisations ou à ajuster certains paramètres.
Ce cadre théorique posé, entrons dans le vif du sujet.
Construction d’une école : présentation des acteurs
La construction d’une école primaire n’est pas entièrement du ressort de l’administration publique, même si la ville conserve la responsabilité d’offrir l’espace nécessaire à l’éducation de sa population. Au-delà d’un certain montant21, la maîtrise d’œuvre des bâtiments publics est confiée à un architecte externe. Le suivi et la maîtrise d’ouvrage relèvent de la mairie et de ses services. La construction d’un bâtiment scolaire du premier degré passe donc par l’établissement d’un contrat entre le public et le privé. Ce contrat est pré-écrit par l’État qui impose au niveau national des règles concernant la mise en place des marchés publics et propose des fiches, conçues comme des supports de références, pour aider les collectivités dans la gestion des marchés publics et dans la délégation de la maîtrise d’œuvre. Les règles imposées par l’État en matière de gestion comme en termes de normes de construction, rencontrent les modes de fonctionnement propres à l’administration municipale : les collectivités réinterprètent les règles selon leur tradition bureaucratique, leur manière de travailler … Ces paramètres se mêlent, s’ajustent, se hiérarchisent et confèrent une certaine complexité à la construction des bâtiments scolaires. Il devient donc difficile de déterminer de qui ou de quoi proviennent les influences majeures qui régissent leur élaboration.
Maîtrise d’Ouvrage (MOA) et Maîtrise d’Œuvre (MOE)
Si la décentralisation a donné plus de responsabilités et de pouvoirs aux différents échelons territoriaux, ces échelons eux-mêmes doivent déléguer, par nécessité ou par obligation. Dans le cadre d’une construction de bâtiment public, cette délégation est encadrée par des directives nationales et est gérée par un chef de projet interne à la ville. Le contrat de maîtrise d’œuvre permet ainsi de déléguer les tâches et les responsabilités propres à la gestion de la maîtrise d’œuvre. Cette gestion nécessite une connaissance de la répartition des responsabilités entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, mais également une bonne communication entre le représentant de la maîtrise d’ouvrage et le responsable de la maîtrise d’œuvre. Ce dernier, souvent un architecte, connaît bien les relations MOA/MOE, ce qui n’est pas nécessairement le cas du représentant municipal. Pour pallier à ce défaut et permettre à la municipalité de traiter d’égal à égal sur le plan technique avec les architectes, les villes emploient désormais des chefs de projet issus de formations techniques (ingénieurs, architectes …) qui occupent les postes de responsables de la MOA. Ils possèdent donc, par leur formation, une connaissance de la manière dont se déroulent et s’organisent les chantiers.
Ils peuvent réfuter les arguments techniques justifiant les refus de la MOE, parce qu’ils y opposent des solutions elles-mêmes techniques.
Au-delà de leurs compétences en matière de construction, les chefs de MOA comme de MOE ont un rôle de centralisation des informations. Le schéma ci-dessous illustre les relations MOA/MOE, et leurs relations respectives avec les prestataires internes ou externes. Il distingue les relations contractuelles et les relations opérationnelles.
Le représentant de la MOA de la mairie de Nantes travaille au sein du service du patrimoine scolaire. Il est en relation opérationnelle avec des interlocuteurs internes : un agent du bati – qui est aussi le conducteur des opérations, un économiste, un coordonnateur SPS – Sécurité Protection et Santé – et un contrôleur technique. Et il traite également avec des représentants de l’Éducation nationale dont il recueille les avis et, dans la mesure du possible, il en intègre les suggestions. Sa relation avec la MOE est autant contractuelle qu’opérationnelle. Le contrat délègue la relation opérationnelle avec les prestataires extérieurs à l’équipe de MOE. Cependant ces prestataires extérieurs signent toujours leur contrat avec la MOA.
Le représentant de la MOE centralise les informations relatives à la conduction des opérations : il gère le choix des prestataires, les relations avec ces derniers, organise leurs interventions. Il agit comme un régulateur entre les demandes et les délais imposés par la MOA et les contraintes ou les refus des prestataires. Sur les relations entre les différents interlocuteurs pèsent des hiérarchies, des contraintes techniques, le poids des contrats et des délais à tenir.
Ce schéma met en évidence une partie du réseau au sein duquel se prennent les décisions fonctionnelles, non officielles, mais nécessaires au fonctionnement du service et à l’avancée du dossier. Il souligne également l’existence de blocs, au sens de E. Lazega, c’est-à-dire de groupes d’acteurs de même équivalence structurale. Dans un article intitulé, Analyse de réseaux et sociologie des organisations, Emmanuel Lazega d’écrit la notion de réseau en ces termes :
Un réseau social est généralement défini comme un ensemble de relation d’un type spécifique (par exemple de collaboration, de soutien, de conseil, de contrôle ou d’influence) entre un ensemble d’acteurs. L’analyse de réseaux est une méthode de description et de modélisation inductive de la structure relationnelle de cet ensemble22.
Cette méthode inductive de l’approche stratégique se concentre sur les relations entre les acteurs et correspond à l’orientation de notre recherche sur l’étude des relations entre les architectes et les pouvoirs publics lors de l’élaboration d’une école. Elle permet de travailler sur une modélisation des relations en articulant le niveau global – celui de la structure des relations – et le niveau local ou individuel, tout en offrant la possibilité de considérer des sous-groupes d’acteurs et leurs relations à la structure. Cette démarche suppose l’articulation de trois procédures : l’analyse des relations entre les sous-groupes d’acteurs, la place des acteurs dans la structure et la mise en relation de la position de ceux-ci avec leurs comportements.
L’analyse du système nécessite de décrire son architectonie et les relations entre les sous-ensembles. Nous restreignons notre étude à un système d’action local, c’est-à-dire qu’elle englobe tous les acteurs rattachés à la gestion des bâtiments scolaires à l’échelle de la Ville : les services de mairie, les instances politiques locales, les représentants de l’Éducation nationale et les professionnels du bâtiment issus du secteur privé.
Les étapes d’un projet
L’évolution d’un projet de construction passe par des stades, donc chacun engage un peu plus la relation entre la MOA avec le chef de projet et l’équipe de MOE avec l’architecte :
• Programme formalisé : ce document contient la liste des pièces demandées par la maîtrise d’ouvrage, les surfaces, les équipements, les matériaux, les relations entre les différentes pièces ou unités du bâtiment … Il est transmis aux équipes de la maîtrise d’œuvre lors du lancement du concours de MOE – si un concours de MOE nécessaire.
• Esquisse : dessin du projet par l’équipe d’architectes (dans le cadre du concours). A ce stade le seul lien entre la MOA et les équipes de MOE se fait par le programme. Aucune prise de contact directe n’est possible. Les équipes de MOE peuvent cependant transmettre anonymement leurs questions à la MOA et demander une visite du site. La MOA organise une visite pour toutes les équipes et répond à l’ensemble des questions de manière collective. Les équipes transmettent donc une esquisse qui contient une première version du bâtiment avec des documents expliquant les partis pris de l’équipe tant techniques qu’architecturaux et esthétique. Une première appréciation technique du projet est réalisée par un BET – Bureau d’Études Techniques.
• Avant Projet Sommaire – APS : c’est la première version du projet, qui précise l’esquisse et sert de support aux discussions entre la MOE et la MOA. L’APS est soumis à la MOA qui corrige et précise ses demandes, se positionne sur certains aspects …
• Avant Projet Définitif/Détaillé – APD : Cette phase permet de vérifier l’adéquation entre le projet et les attentes des futurs utilisateurs. Des demandes d’adaptations sont encore possibles à ce stade (possibilité également de présenter l’APS aux futurs utilisateurs). C’est également l’occasion pour l’architecte de confirmer ou d’ajuster le budget initialement prévu par la MOA avant le choix de la MOE.
◦ Ces deux étapes sont également soumises au BET qui vérifie la conformité et la faisabilité du projet en matière de technique et de coût.
◦ On étudie l’avancement du projet sous deux angles, celui de la fonctionnalité __ Programme fonctionnel – PT – et celui de la technique – Programme Technique et Environnemental – PTE. Le programme fonctionnel recoupe l’aspect purement
« architectural » du bâtiment. Il peut être soumis à l’appréciation du service de l’urbanisme. C’est le chef de projet demeure décisionnaire sur ce programme. Sa validation peut éventuellement être soumise au directeur de projet. Le programme technique et environnemental au contraire est de l’ordre du Conducteur d’opérations (souvent le Bâti) puisqu’il traite essentiellement de questions techniques.
• PRO – Projet : Cahier des charges technique et détaillé des différentes opérations et des prestataires extérieurs. Il contient des plans, des graphiques, des documents techniques …
• DCE – Dossier de Consultation des Entreprises : ce dossier regroupe le PRO et des documents administratifs relatifs aux délais, aux modalités de paiement …
À la suite de ces étapes, l’appel d’offre auprès des entreprises peut être lancé. Le schéma, ci-après, récapitule ces différentes phases et leur durée.
Organisation d’une collectivité territoriale
La responsabilité des communes en ce qui concerne la gestion de son patrimoine scolaire est définie par les articles L212-1 à L212-5 du Code de l’Éducation comme suit :
La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement […]. Le conseil municipal décide de la création et de l’implantation des écoles et classes élémentaires et maternelles […] après avis du représentant de l’État dans le département. Pour répondre à ces exigences, la mairie a développé une organisation déconcentrée via les secteurs en lien avec des services centralisés comme les services du patrimoine et du bâti, sous l’autorité du Conseil municipal.
Les Secteurs
Le service du patrimoine existe depuis 2004. Il a été créé à l’occasion de la réorganisation des directions et des services de la ville. Auparavant la direction des ressources était confiée aux différentes directions qui comprenaient les principaux services de la ville : le patrimoine, les finances, les commandes … La mairie a décidé de responsabiliser les directions : les services, dès lors, deviennent des Centres de Responsabilités. Ce remaniement résulte d’une volonté politique de rapprocher les décideurs des usagers. Il entraîne notamment la création de secteurs vie éducative.
Cette transformation allège l’organisation pyramidale de la mairie par des échelons territorialisés. Les secteurs sont devenus les interlocuteurs de premier niveau pour les usagers et les personnels. Cette décentralisation et déconcentration des pouvoirs ont été accompagnées par la responsabilisation des acteurs.
À Nantes les secteurs sont au nombre de cinq : centre ouest, ouest, centre sud, est, centre nord. Ils gèrent des parties du territoire de la ville et tous les équipements municipaux. Les demandes émanant des écoles – matériel, travaux, aménagements – remontent au service patrimoine via les cinq secteurs de la ville. Cette déconcentration du service permet une meilleure appréhension des demandes : le responsable du secteur gagne en efficacité. Des réunions avec l’ensemble des secteurs ont lieu de une ou deux fois par an, afin de faire le point sur l’ensemble des demandes et de les hiérarchiser. Dans certains cas, des visites des établissements concernés sont organisées afin de statuer sur la demande. Des historiques de travaux31 recensent toutes les interventions sur chaque établissement et permettent de réguler et d’organiser les interventions à venir. Ces réunions ont pour but d’harmoniser les demandes et d’équilibrer les interventions entre les groupes scolaires.
Le Service du patrimoine scolaire et le service du bâti
La demande transite par les secteurs, elle est ensuite transmise au service. Une phase d’étude est alors entamée. Elle va durer entre 0 et 4 mois selon les projets. Durant cette phase, sont étudiés tous les scenarii envisageables, sur plan, après une visite des locaux, voire les deux.
Dans un premier temps, la personne chargée du dossier s’attelle à préciser la demande en cherchant à comprendre quel est le besoin exact des usagers et de l’ajuster aux contraintes techniques, légales ou budgétaires. Des scenarii sont avancés, souvent sous forme de plans et présentés, par le patrimoine et le bâti, au directeur et au responsable de secteur. La présentation peut permettre de valider une option ou de faire émerger de nouvelles problématiques. La question des usages est très forte dès lors que l’on intervient sur de l’existant, avec des usagers en place. Un scénario peut ainsi répondre parfaitement à la demande, mais déranger un usage dont le service du patrimoine n’avait pas connaissance. Nous posons ainsi l’hypothèse, en nous appuyant sur l’étude de Michel Conan32, que le traitement de la demande suit un schéma récurrent :
• réception de la demande
• phase de « précision de la demande »
• propositions de solutions
• présentation des scenarii
• choix d’un scénario optimal
Cette progression permet à l’agent de gagner du temps, d’anticiper sur les étapes suivantes du projet et d’approcher au mieux les attentes de l’usager.
Lors de la phase de précision de la demande, l’agent cherche à définir le besoin exact de l’usager. Le fait de préciser avec l’usager ce qui motive sa demande permet de mieux cerner ses attentes et ses besoins et donc de proposer des solutions ou des arrangements qui lui conviendront. Il ne s’agit pas ici d’architecture participative33, la consultation de l’usager intervient ici au titre de la MOA, c’est-à-dire en tant qu’émetteur d’une commande. De la même manière qu’un artisan demande des précisions à son client sur les travaux à effectuer, l’architecte se renseigne sur ce que son client attend de lui. Mais il ne le fait pas participer à la réflexion concernant les solutions envisagées. Le rôle du client consiste à choisir entre les solutions élaborées par l’architecte, non à y contribuer. Cette phase est nécessaire à plusieurs points de vue. Elle se justifie par le manque d’expérience des usagers en matière de bâtiment. Les demandes des usagers sont souvent perçues comme des demandes « simples » : une cloison à ajouter, un meuble à faire fabriquer en atelier … Une demande vise à résoudre un problème, lequel n’est pas nécessairement explicité par les usagers. Ceux-ci proposent une solution, et par là même anticipent le travail des agents du patrimoine. Or leurs connaissances techniques ne relèvent pas des mêmes compétences. Une solution simple pour le quidam, peut en réalité l’être nettement moins pour le professionnel. Pour celui-ci, chaque proposition est multi-référentielle : elle renvoie à un ensemble de paramètres auxquels il faut répondre pour que la solution soit viable et applicable. Lorsque la demande parvient sous la forme de problème, il convient de le creuser. Lorsqu’elle parvient sous forme de demande, il faut expliciter le problème de fond.
Les objectifs du service patrimoine ne sont pas les mêmes que ceux des usagers, la différence se fait sur la projection dans le temps. L’usager cherche à résoudre un problème momentané avec une solution parfois ponctuelle, l’agent du patrimoine pense à long terme : la solution proposée ne doit pas gêner ou empêcher l’évolution du bâtiment. La réflexion est également différente concernant les échelles. Les différents types d’usagers réfléchissent à l’échelle de leurs environnements de travail (une classe, un groupe scolaire, une cuisine) ou à l’échelle de leurs usages, tandis que l’agent du patrimoine réfléchit à l’échelle de la ville et de l’ensemble des écoles : il tente de généraliser des tentatives ou d’éviter de reproduire ce qui ne fonctionne pas.
La demande sous-tend généralement une négociation : toutes les directions d’école n’acceptent pas les solutions proposées, ou cherchent à obtenir « un plus ». La plupart ne veulent pas se voir imposer des solutions sans consultation. L’étude du problème a donc plusieurs avantages :
• il montre que la demande est prise en considération et que des hypothèses multiples sont envisagées,
• il permet de proposer une réponse adéquate au regard des éléments pris en compte par le patrimoine
• il permet de gagner du temps en faisant des propositions qui prennent en compte le plus de paramètres possibles.
Le service évite les échecs et les études successives. L’exemple suivant illustre les modalités de ce type de négociation, il s’agit d’une demande d’une salle de repos supplémentaire pour le personnel d’une école.
La directrice d’une école primaire transmet une demande des ATSEM34 au sujet d’une salle de pause isolée de la cantine. L’équipe de la mairie se déplace – 2 agents du patrimoine, un du bati et le responsable de secteur – afin d’appréhender les possibilités réelles. Une enclave de la salle de restauration des enfants, avec une cloison coulissante, fait office de salle de déjeuner pour les enseignants et les ATSEM, mais le niveau sonore étant trop élevé lors du déjeuner, personne n’y mange. Les enseignants déjeunent dans les deux salles de maîtres, ainsi que certaines ATSEM. D’autres déjeunent dans les ateliers. Après discussion, il s’avère que les ATSEM ne souhaitent pas manger dans les salles des maîtres pour ne pas entendre parler du travail pendant leur pause, d’autant plus que certains enseignants y travaillent pendant la pause déjeuner. Une solution matérielle est proposée, à savoir transformer une salle de rangement en salle de pause. Mais après un échange avec la directrice, celle-ci propose de libérer une des deux salles de maîtres pendant le temps du midi, afin que les ATSEM puissent y déjeuner. Dans l’attente des résultats de cette disposition, l’étude des travaux est suspendue.
Le service du patrimoine étudie toujours la possibilité de résoudre les problèmes de fonctionnement autrement que par une solution matérielle. L’étude des usages est primordiale pour comprendre l’étendue du problème et y apporter des solutions efficaces. Une solution, même matérielle, si elle n’est pas pensée en fonction des usages, risque d’avoir des répercussions négatives. La tâche est d’autant plus ardue que les intervenants dans le bâtiment scolaire se multiplient : association de soutien scolaire, initiation aux langues étrangères, périscolaire, centre de loisirs, RASED35 … Les usages sont multiples et l’occupation des locaux se densifient tant en ce qui concerne le nombre d’usagers et le temps passé sur le lieu de l’école. La médiation humaine est privilégiée dans le cadre de solutions temporaires (quelques mois à deux ans). Les solutions techniques ne sont envisagées que dans le cadre d’évolutions majeures du bâtiment (rénovation, agrandissement …).
Le Conseil municipal
Le Conseil municipal n’intervient pas de manière directe dans les dossiers du service du patrimoine, néanmoins il conditionne les calendriers, les débuts de projets et les dates de rendu. La mise en œuvre d’un projet de type construction d’école est contraint par les cycles qui régissent les dossiers publics. Un mandat électoral pour un poste de Maire dure 6 ans, il peut être schématiquement découpé en trois périodes, approximativement de deux ans chacune :
• Études
• Mise en place des travaux
• Livraisons de chantiers
Au cours des deux premières années, les services de mairie achèvent les chantiers engagés lors du précédent mandat et donc en cours de réalisation. Des études sont également entreprises dans le cadre de nouveaux projets, certaines sont validées. Les deux années suivantes voient le début des opérations et des travaux. Pendant les deux dernières années, les services municipaux sont incités à rendre le plus de travaux possibles et à effectuer les rendus de chantier (environ 6 mois avant le début des élections). Aucun nouveau projet n’est entrepris pendant cette période.
Le Conseil municipal a un rôle primordial. Il valide les propositions du service et donne son accord pour le commencement des travaux. Pour les projets de grande envergure, la MOA met en place un appel d’offre publique, via un concours. Les équipes envoient leurs références et le jury se réunit pour sélectionner entre 3 et 5 équipes. Le programme est alors transmis à ces équipes qui ont deux mois pour rendre un dossier. Ces dossiers sont examinés d’une part par le jury et d’autre part par une commission technique. Celle-ci a un rôle consultatif, elle éclaire le jury sur ce qui est techniquement réalisable. Lors de la seconde session le jury choisit un projet qu’il propose à la MOA. Dans la plupart des cas, la MOA suit les indications du jury et transmet le projet au Conseil municipal pour validation. Cette validation est la première décision officielle, elle formalise le choix et permet le lancement du projet.
La validation apparaît souvent comme une formalité : les projets passant en conseil municipal sont validés quasi systématiquement. L’étude du dossier et les demandes de modifications sont faites en amont, au sein d’un autre conseil, le GTP. Ce dernier regroupe des représentants de toutes les directions de la mairie et examine tous les projets. Il vérifie leur pertinence, la solidité du dossier et autorise ou non leur passage en conseil municipal. Pour les projets dits « opérations spécifiques », pour les projets de nouvelle école par exemple, le dossier passe une première fois en GTP. Si le besoin s’avère légitime, le service patrimoine rédige le programme des travaux à engager. Ce programme est présenté devant le GTP, s’ensuit une première validation : le service peut lancer le concours de la MOE. Le GTP va alors valider toutes les étapes du projet jusqu’à l’APD – Avant-Projet Détaillé. Les validations des phases suivantes relèvent du conseil municipal.

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Table des matières

Remerciements
Introduction
1 Théorie et Terrain
1.1 Problématique
1.2 Références théoriques
1.3 Méthodologie
1.4 Les Terrains
1.4.1 Aimé Cesaire
1.4.2 Le service du patrimoine scolaire
1.5 Traitement des données
2 Construction d’une école : présentation des acteurs
2.1 Maîtrise d’Ouvrage (MOA) et Maîtrise d’Œuvre (MOE)
2.2 Les étapes d’un projet
2.3 La place de l’État
2.4 Organisation d’une collectivité territoriale
2.4.1 Les Secteurs
2.4.2 Le Service du patrimoine scolaire et le service du bâti
2.4.3 Le Conseil municipal
3 Mise en forme d’un projet
3.1 Formalisation d’une expérience
3.1.1 Histoire des écoles nantaises
3.1.2 Tirer les leçons du passé
3.2 Une demande de nouvelle école
3.3 Le projet Aimé Cesaire : discours croisés
3.3.1 Volontés politiques
3.3.2 Volontés architecturales
3.3.3 Complexité des relations MOE/MOA et divergence des discours
4 Quelle place pour les usagers ?
4.1 La question de la pérennité des usages : une histoire de transmission ?
4.2 Associer les usagers
Conclusion
Glossaire
Bibliographie

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