Les deux principaux types cellulaires du nerf périphérique adulte sont les cellules de Schwann myélinisantes qui entourent les axones larges et les cellules de Schwann non myélinisantes qui entourent les petits axones au niveau des invaginations de leurs surfaces. Une des caractéristiques de ces cellules est leur plasticité. Cette propriété de dédifférenciation aussi bien chez les cellules de Schwann myélinisantes que non myélinisantes survient suite à une section du nerf ou à une lésion par écrasement mais il est aussi observé quand les cellules de Schwann se dédifférencient dans des cultures sans neurones. Les cellules de Schwann dédifférenciées ont un phénotype moléculaire qui présente beaucoup de similitudes avec celui des cellules de Schwann immatures au cours du développement. Au cours de la dédifférenciation, les cellules de Schwann myélinisantes régulent négativement les molécules associées à la myéline, expriment de nouveau les molécules d’adhésion cellulaire comme la molécule d’adhésion de la cellule neurale (NCAM) et L1, expriment des facteurs de croissance et des cytokines qui contribuent à la régénération axonale (Jessen et Mirsky, 2005).
Les cellules de Schwann, cellules gliales du système nerveux périphérique sont connues pour leur capacité à produire la gaine de myéline, gaine indispensable à la conduction rapide de l’influx nerveux. Elles enveloppent toutes les fibres nerveuses du système nerveux périphérique depuis leur attache à la moelle épinière et au cerveau jusqu’à leur terminaison. Une cellule de Schwann présente un noyau hétérochromatique habituellement aplati et situé au centre de la cellule, de nombreuses mitochondries, des microtubules et des micro-filaments, souvent plusieurs lysosomes, un réticulum endoplasmique granulaire peu développé et un appareil de golgi petit. Ce sont des partenaires multifonctionnels et indispensables pour les neurones puisqu’elles interviennent dans :
➤ le développement: les cellules de Schwann participent à la survie des neuroblastes, des neurones et à la pousse des axones en produisant des facteurs neurotrophiques et une matrice extracellulaire.
➤ le fonctionnement: les cellules de Schwann jouent un rôle prépondérant dans la conduction de l’influx nerveux en isolant électriquement les fibres nerveuses, en provoquant la concentration des canaux ioniques neuronaux au niveau des nœuds de Ranvier et en contrôlant l’environnement ionique des neurones.
➤ la régénération: une caractéristique majeure des cellules de Schwann est qu’elles permettent la réparation des lésions nerveuses lors de la dégénérescence Wallérienne, en éliminant les débris cellulaires et en stimulant la régénération des fibres nerveuses.
Les cellules de Schwann myélinisantes et non myélinisantes du nerf moteur adulte dérivent des cellules de la crête neurale (Lobsiger et al., 2002). Les cellules de Schwann des racines postérieures et ventrales et les cellules gliales satellites dans le ganglion proviennent d’autres « pools » cellulaires comme les «boundary cap cells» (Maro et al., 2004). Trois principales transitions développementales sont impliquées. Premièrement, les précurseurs des cellules de Schwann qui occupent les troncs nerveux chez les embryons de 12 – 13 jours chez la souris, sont issus de la migration des cellules de la crête neurale. Ensuite, les précurseurs des cellules de Schwann se transforment en cellules de Schwann immatures qui occupent les nerfs des embryons entre le 15ème et le 16ème jour de la gestation chez le rat. Enfin, autour de la naissance, ces cellules commencent à se transformer premièrement en cellules de Schwann myélinisantes et aussi en cellules de Schwann non myélinisantes trouvées au niveau des nerfs adultes. Tous ces points de transition impliquent un choix de devenir parce qu’in vivo, les cellules de la crête neurale donnent lieu à plusieurs d’autres types cellulaires en dehors de la glie, les précurseurs des cellules de Schwann génèrent des cellules de Schwann immatures et des fibroblastes endoneurales et les cellules de Schwann immatures deviendront soit myélinisantes, soit nonmyélinisantes en fonction des axones avec lesquels elles se sont associées (revu dans Jessen et Mirsky, 2005).
Les signaux extracellulaires qui contrôlent ce choix de devenir de la lignée des cellules de Schwann ne sont pas bien connus de même que les mécanismes qui activent les cellules de la crête neurale pour entrer dans la lignée gliale in vivo. Cependant, à travers des expériences in vivo et in vitro, 3 signaux cellulaires (de cellule à cellule) ont été identifiés jouant le rôle de régulateur du développement des cellules de Schwann. Ce sont la neureguline-1 qui possède des fonctions dans le développement et la myélinisation du nerf, l’endotheline qui est impliquée dans la transition SCP/cellule de Schwann et la signalisation de Notch (Brennan et al., 2000; Garratt et al., 2000b; Wakamatsu et al., 2000; Kubu et al., 2002; Nave et Salzer, 2006). En plus de ces signaux, les molécules de la matrice extracellulaire et leurs récepteurs jouent d’importants rôles dans la prolifération des cellules de Schwann, dans le tri des axones qui a lieu au début de la myélinisation et la myélinisation elle-même (Court et al., 2006; Chen et al., 2007). Ceci inclut des molécules comme LG14 et ADAM 22 (Sagane et al., 2005; Bermingham et al., β006), des laminines et leurs récepteurs, des intégrines ȕ1, des dystroglycanes et de petits GTPases (Chen et Strickland, 2003; Court et al., 2006; Benninger et al., 2007; Nodari et al., 2007). Deux facteurs de transcription sont indispensables pour le développement des cellules de Schwann. Le premier, Sox10 est essentiel pour la genèse des «earliest cells» dans la lignée des cellules de Schwann, il est aussi impliqué dans la myélinisation (Britsch et al., 2001; Schreiner et al., 2007) tandis que le second Krox20, est essentiel pour la myélinisation (Topilko et al., 1994; Topilko et Meijer, 2001).
Chez des souris présentant une invalidation de Krox20, les cellules de Schwann adoptent une relation 1 :1 avec les axones mais ne peuvent pas procéder à la myélinisation, ce phénomène est révélateur de l’importance de ce facteur dans la régulation du programme de myélinisation (Topilko et al., 1994). Il est aussi impliqué dans la maintenance à long terme de la myéline car une excision induite par le tamoxifène entraine dans des nerfs une démyélinisation et une dédifférenciation (Decker et al., 2006). Par ailleurs, une transfection de Krox20 dans des cultures de cellules de Schwann dédifférenciées de souris ou de rats provenant de nouveaux nés permet d’induire une gamme de gènes et de protéines de myéline (Nagarajan et al., β001; Parkinson et al., 2004). Il inactive aussi la réponse proliférative des cellules de Schwann en culture induite par la neureguline1 et la réponse apoptotique de TGFȕ qui sont tous les deux caractéristiques du phénotype des cellules de Schwann immatures (Zorick et al., 1999; Parkinson et al., β001; β004). D’autres facteurs de transcription tels que Oct6 et dans une moindre mesure, Brn-2 sont requis pour un «timing» correct de la myélinisation bien que les études in vitro suggèrent que le facteur de transcription NFkB est impliqué dans le contrôle de l’expression d’Oct-6 et est par conséquent susceptible d’être impliqué dans le «timing» de la myélinisation (Topilko et Meier, 2001; Jaegle et al., 2003; Nickols et al., 2003). In vivo, les précurseurs des cellules de Schwann et les cellules de Schwann immatures prolifèrent rapidement avec un pic d’incorporation d’ADN au stade de cellules de Schwann immatures (Stewart et al., 1993; Yu et al., 1995).
La division cellulaire est compatible avec le processus de différenciation qui transforme le phénotype des cellules de la crête neurale, premièrement à celui des précurseurs des cellules de Schwann et ensuite à celui des cellules de Schwann immatures. Ce n’est qu’à la sortie du cycle cellulaire qu’a lieu la transition finale qui assure le passage des cellules de Schwann immatures aux cellules de Schwann myélinisantes et non myélinisantes. Une caractéristique remarquable de la lignée des cellules de Schwann est la réversibilité rapide de cette dernière étape de développement. La suppression du contact des cellules de Schwann avec les axones initie l’inversion qui peut être réalisée soit par lésion du nerf in vivo ou en mettant en culture des cellules de Schwann de nerf sans neurones. Aussi bien in vivo qu’in vitro, le processus implique la régression du développement, la dédifférenciation des cellules de Schwann individuelles et une détérioration de la myéline. In vivo, les cellules de Schwann commencent à digérer leur propre myéline et dans les stades ultérieurs du processus, ce phénomène est soutenu par les macrophages (Hirata et Kawabuchi, 2002). Par cette voie, les inhibiteurs associés à la myéline, à la régénération de l’axone seraient supprimés. Ne possédant plus les caractéristiques moléculaires et structurales des cellules de Schwann myélinisantes ou non myélinisantes, ces cellules commencent à proliférer, expriment de nouveau les marqueurs des cellules de Schwann immatures et aussi les molécules stimulant la croissance axonale comme L1 et NCAM. Elles régulent aussi positivement l’expression de facteurs trophiques, de cytokines comprenant le NGF, le BDNF, le GDNF, la LIF, la MCP et des molécules de la matrice extracellulaire incluant la laminine-2 et 8 (Chen et al., 2007). Le phénotype de ces cellules de Schwann dénervées est très proche de celui des cellules de Schwann immatures avant la myélinisation, elles forment un substrat favorable pour la repousse des axones. Suite à une réassociation avec des axones, ces cellules se redifférencient et myélinisent facilement au cours de la régénération du nerf (Fawcett et Keynes, 1990; Scherer et Salzer, 2001). Le processus de dédifférenciation dépend de l’activation de voies de signalisation particulières et de facteurs de transcription. Ces signaux, qui s’opposent aux régulateurs positifs de la myélinisation comprenant l’activation de Krox20, de cAMP et les signaux axonaux de la myélinisation comme la neureguline-1 peuvent être collectivement appelés régulateurs négatifs de la myélinisation. L’identification de régulateurs négatifs de la myélinisation c’est-à-dire les voies de signalisation spécifique et de facteurs de transcription qui inhibent ou inversent la myélinisation rend possible la visualisation de l’état de la myélinisation des cellules de Schwann tel que déterminé par la balance entre les systèmes de signalisation opposés. D’autres transitions dans la lignée peuvent aussi être éversibles. Bien que l’inversion du phénotype des cellules de Schwann immatures entrainant une reconstitution des précurseurs des cellules de Schwann n’ait pas été observée, l’analogie avec d’autres tissus suggère qu’il pourrait bien être possible. Les précurseurs des cellules de Schwann ont un phénotype cytoarchitectural unique, des molécules associées aux cellules gliales spécifiques qui les différencient sans ambiguïté à partir des cellules de la crête neurale et d’autres cellules dérivées de la crête (Jessen et Mirsky, 2005 ; Wanner et al., 2006a). Dans leur signalisation normale dans le développement des troncs nerveux, bien que la majorité devient des cellules de Schwann, une minorité devient des fibroblastes endoneurales mais en culture, elles peuvent aussi générer des neurones et des cellules de muscles lisses (Morrison et al., 1999 ; Joseph et al., 2004). Il est aussi possible que même si la plupart des cellules rentrent dans l’étape de développement suivante à chacune des trois principales transitions, une population résiduelle peut conserver les caractéristiques du stade plus précoce. En plus des précurseurs des cellules de Schwann, les nerfs d’embryons E14 de rat hébergent une population différente de cellules (10-15% du nombre total des cellules) qui ressemblent aux cellules de la crête neurale bien que ces cellules soient plus décalées vers la lignée gliale que les cellules migrantes de la crête neurale (Morrison et al., 1999 ; 2000). Il est aussi possible que des « SCPlike cells » soient aussi présents dans les nerfs périnataux (Bixby et al., 2002) et même les nerfs adultes peuvent contenir des cellules avec un phénotype précoce correspondant aux précurseurs de cellules de Schwann (Rizvi et al., β00β). Beaucoup d’autres tissus incluant le système nerveux central, le système nerveux entérique, le système musculaire et hématopoïétique regorgent des populations cellulaires avec un potentiel de développement reminiscent au début du développement dans leur lignée respective.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. CELLULES ET INTERACTIONS DANS LE SYSTEME NERVEUX PERIPHERIQUE
A. La cellule de Schwann
1. Introduction sur la cellule de Schwann
2. Le développement des cellules de Schwann
3. Les différentes étapes de développement des cellules de Schwann : Analyse de
la lignée schwannienne
a. Les cellules de la crête neurale et les précurseurs des cellules de Schwann
b. Molécules clées des cellules de Schwann immatures, myélinisantes et non myélinisantes et maladies associées au dysfonctionnement de chacune d’elle
4. La lame basale des cellules de Schwann
5. La régulation de la fonction des cellules de Schwann par les laminines et les récepteurs des laminines
a. Les laminines dans le système nerveux périphérique
b. Les récepteurs des laminines dans le système nerveux périphérique
c. La signalisation des laminines dans la prolifération des cellules de Schwann
6. Influence des cellules de Schwann sur la cellule nerveuse
a. Les cellules de Schwann régulent le développement neuronal
b. Régulation postnatale de la relation entre les cellules de Schwann myélinisantes et neurones
7. Contrôle du développement et de la différenciation des cellules de Schwann
a. Rôle de la neureguline
b. Rôle de Notch
c. Rôle de TGFȕ
B. La cellule nerveuse
1. Classification fonctionnelle des neurones
C. L’influx nerveux
D. La synapse et les neuromediateurs
1. La synapse
2. Les neuromediateurs
II. LA MYELINE
A. Les protéines myéliniques
1. MBP
2. P0
3. PMP22
a. L’expression de PMP22 est stimulée par la progestérone au cours de la myélinogenèse in vitro
b. PMP22 se déplace à la membrane plasmique des cellules de Schwann après la formation de la lame basale
c. Le profil d’expression temporelle de PMPββ est similaire à celui de P0 au cours de la myélinisation in vivo
CONCLUSION
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