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Caractéristiques du champ produit
On obtient alors une impulsion de champ magnétique d’une durée totale d’en-viron 300 ms (Cf : Figure 1.1 (c)) supérieure à la durée des impulsions disponibles dans la plupart des installations dans le monde (Japon, Pays-Bas, Allemagne). Ceci fait de l’installation de Toulouse une des plus adaptées aux mesures optiques pour lesquelles la durée d’impulsion est critique.
Le champ croît tout d’abord de manière sinusoïdale et atteint sa valeur maximale √ à t = T /4, T étant la période propre du circuit T = 2π LC constitué par la bobine, la self de protection qui limite le courant en cas de court-circuit dans la bobine et les condensateurs chargés. Au maximum du champ, on court-circuite les condensateurs à l’aide d’un système de diodes crowbar. On peut approximer le profil de la décrois-sance du champ par une exponentielle, avec une constante de temps τ = L/R où R est la résistance de la bobine et des résistances en série (Cf : Figure 1.1 (b)). Spatialement, le champ est remarquablement homogène sur plusieurs centimètres le long de l’axe de la bobine qui est une bonne réalisation d’un solenoïde infini.
Mesure du champ
Pour mesurer le champ magnétique, on utilise une petite bobine dite pick-up dont le produit N × S est connu. Le champ magnétique induit dans la pick-up une différence de potentiel égale à la force électromotrice e : dφ dB e = − =−N×S dt dt (1.1)
où N est le nombre de spires et S la surface d’une spire. En pratique on étalonne le produit N × S par comparaison avec une bobine étalon et un solénoïde infini. En mesurant cette différence de potentiel aux bornes de la pick-up et en l’intégrant on peut alors obtenir le profil B(t).
Cryogénie
Afin de bénéficier de la meilleure conductivité électrique du cuivre à basse tempé-rature, et d’une plus grande marge de réchauffement pendant le tir, les bobines sont immergées dans l’azote liquide. Pour réaliser nos mesures, nous utilisons un cryostat à bain d’hélium en inox spécialement construit pour l’environnement champ pulsé. On peut alors réaliser des mesures entre 2 K et 300 K. Le diamètre interne du cryo-stat est de 20.6 mm. Nous n’avons qu’un seul accès optique par le haut du cryostat, la bobine étant verticale.
Contraintes pour les expériences en champs pulsés
Ainsi, pour concevoir et réaliser des expériences optiques sous haute pression et champ magnétique pulsé, plusieurs contraintes importantes sont à prendre en compte :
1. l’espace disponible au cœur du cryostat hélium et l’accès sont limités
2. le matériau pour fabriquer la cellule devra être non magnétique
3. il devra aussi être peu conducteur pour limiter l’apparition de courants de Fou-cault induits dont la dissipation par effet Joule risque de réchauffer l’échantillon
4. les mesures devront être réalisée dans un temps assez court pour pouvoir consi-dérer le champ appliqué comme quasi-statique
GANZA : une cellule à enclumes de diamant adap-tée aux champs pulsés
La cellule à enclumes de diamant (CED)
La cellule de pression à enclumes de diamant (CED) fête cette année son cin-quantième anniversaire [Bassett 2009]. Son invention a permis d’étendre rapidement le nombre de techniques de mesures sous haute pression par rapport aux systèmes à enclumes de Bridgman.
(1) Enclumes de diamant, (2) supports avec accès optique (3) joint métallique, (4) bille de rubis, (5) milieu transmetteur de pression. (b) et (c) Vue d’ensemble de Ganza montrant les différentes parties et les dimensions : diamètre 20 mm et hauteur 42 mm. Plusieurs vis permettent de régler le centrage et le parallélisme des diamants.
Le principe de base de la cellule à enclumes de diamant est illustré sur la figure 1.2. Il correspond au principe de n’importe quel appareil de pression. Une enclume est placée sur le corps fixe de la cellule, dans lequel est ajusté un piston mobile. La deuxième enclume est montée sur ce piston, sur lequel est appliquée la force que l’on souhaite transmettre. La forte reduction de surface entre la zone où l’on exerce la contrainte et la culasse des diamants où l’on place l’échantillon permet de soumettre celui-ci à une très haute pression. Dans ce cas, les enclumes sont en diamant, le matériau le plus dur existant, ce qui leur confère une grande résistance à la compression. Outre cette propriété mécanique, les diamants sont transparents au rayonnement électro-magnétique, en dehors de l’intervalle [3.5 eV − 8 keV ]. On peut donc appliquer une large gamme de techniques à la CED : photoluminescence, ,transport électronique, absorption infrarouge, diffusion Raman, diffusion Brillouin, absorption, diffraction et diffusion inélastique de rayons X, dichroïsme magnétique…
Comme le montre la figure 1.2, un joint métallique est placé entre les culasses planes des deux enclumes. Dans un premier temps, le joint est indenté pour le forcer à épouser la forme des enclumes et le renforcer par écrouissage. Puis il est percé d’un trou, qui sera la chambre de compression, dont le diamètre est compris entre le tiers et la moitié du diamètre de la culasse des enclumes. L’échantillon est ensuite logé dans la chambre de compression remplie par un milieu transmetteur de pression. La présence du joint et du milieu transmetteur permet d’appliquer sur l’échantillon une contrainte hydrostatique. Afin de mesurer la pression in-situ, on place également dans le trou quelques billes de rubis. On trouvera plus loin (Cf : 2.1.6) une présentation de la mesure de pression par luminescence du rubis.
Spécificités de Ganza
Pour réaliser des mesures sous haute pression et champ magnétique pulsé, une cellule spécifique a été conçue par Bernard Couzinet, Jean-Claude Chervin et Alain Polian du groupe physique des milieux denses de l’institut de minéralogie et de phy-sique des milieux condensés (IMPMC) à Paris. Conformément à l’usage, elle porte un nom de baptême : Ganza.
Ganza est conçue pour répondre aux contraintes dues à l’environnement champ pulsé présentées plus haut (Cf : 1.1.7) et permettre d’atteindre une pression hy-drostatique de 20 GPa à basse température. La principale contrainte à prendre en compte dans la conception était le problème des effets de chauffage par dissipation des courants de Foucault induits par champ magnétique. Bien que des cellules en matériaux non métalliques aient déjà été réalisées [Eremets 1995, Yamamoto 1991], le choix du matériau s’est porté sur l’alliage de titane TA6V comportant aluminium et vanadium pour sa forte résistivité électrique, sa bonne conductivité thermique et surtout ses propriétés mécaniques. Une vue d’ensemble est présentée sur la figure 1.2 (b). On utilise deux diamants taille brillante à seize facettes avec une culasse plane de 700µm de diamètre. Le joint métallique est en Inconel 718 non magnétique [M.S.Seehra 1997]. Pour des raisons de simplicité de manipulation, et en considérant les pressions atteintes lors de nos expériences, notre choix s’est porté sur le mélange liquide méthanol-éthanol 4 :1. L’hydrostaticité de la pression sur l’échantillon dépend en grande partie des qualités mécaniques du milieu transmetteur. On discutera plus loin (Cf : 2.3) l’hydrostaticité obtenue à basse température dans notre système avec le mélange méthanol-éthanol.
La compression est appliquée à l’aide d’une presse hydraulique munie d’un capteur de force. La pression est donc modifiable seulement à température ambiante, hors du cryostat. On ajuste le couple de serrage des trois vis principale en fonction de la force appliquée et de la pression désirée.
Spectroscopies optiques sous champ magnétiques pulsé
La première partie du travail de thèse présenté ici a consisté à développer de A à Z les techniques de magnéto-spectroscopies sous haute pression. La difficulté des expériences optiques sous haute pression et champs magnétiques pulsés réside dans l’optimisation du rapport signal-sur-bruit afin de pouvoir réaliser des spectres de qualité pendant une courte durée d’acquisition définie par la durée caractéris-tique des impulsion de champ. Pour cela, il faut tout particulièrement soigner les couplages entre le laser, la fibre d’excitation, l’échantillon au cœur de la chambre de compression, les fibres de collection de la luminescence et le spectromètre rapide. Nous présentons brièvement quelques-unes des spécificités de telles mesures. Les dé-tails sur les appareils utilisés et le déroulement d’un cycle de mesures sont reportées en annexes.
Montage de magnéto-photoluminescence
Il est tout d’abord nécessaire de fabriquer un support ad-hoc pour positionner l’échantillon au centre du champ, c’est-à-dire au cœur de la bobine, la canne de me-sure. Sur celle-ci, on vient positionner la cellule à l’aide d’une vis percée, au travers de laquelle passe le faisceau de fibre optique de la sonde de luminescence. Il faut aussi concevoir une bobine pick-up (Cf : 1.1.5) qui se fixe sur la cellule au plus près de l’échantillon grâce au reliquat des filetages prévus pour les vis de réglage du parallé-lisme. Une diode au silicium DT-670 est collée sur le corps de la cellule proche de la chambre de compression pour contrôler la température.
Une mesure de photoluminescence consiste à exciter optiquement un système et à observer la lumière émise par luminescence. Il faut donc pouvoir éclairer l’échantillon avec une forte intensité, collecter et analyser la lumière émise. En pratique, on utilise différents lasers à état solide pour l’excitation, et un spectromètre à réseau équipé selon la gamme d’énergie nécessaire d’un détecteur au silicium (visible) ou InGaAs (proche infrarouge). Le lien entre la source l’échantillon et le spectromètre est réalisé par une sonde de luminescence fabriquée au LNCMI par Sylvie George.
Il s’agit d’un faisceau de fibres optiques en silice équipé à une extrémité d’une ai-guille en inox aux dimensions du perçage réalisé dans les supports des diamants dans laquelle on centre une fibre de 200 µm de diamètre pour l’excitation puis, autour de celle-ci, on dispose dix fibres de 100 µm de diamètre pour collecter la luminescence. A l’autre extrémité, la fibre d’excitation est équipée d’un connecteur SMA standard. En revanche, nous avons imaginé un connecteur spécifique pour le faisceau de collection dans lequel les dix fibres sont alignées afin d’optimiser les couplages optique avec la fente d’entrée du spectromètre dont la largeur est comprise entre 20 µm et 100 µm et la hauteur est 1 mm.
Nous avons également mis au point un système simple et maniable de synchronisa-tion en asservissant le spectromètre et la mesure du champ magnétique à l’automate de contrôle du générateur 14 M J. Pendant une impulsion de champ magnétique, on peut alors faire plusieurs acquisitions optiques dont une est précisément déclenchée au maximum du champ où la variation relative de B pendant les quelques millisecondes d’acquisition est la plus faible.
Montage de magnéto-absorption
Par la suite, nous avons également mis au point un montage permettant des me-sures de magnéto-absorption dans la cellule à enclumes de diamant en tirant partie des deux accès optiques prévus. La principale difficulté venait de l’unique accès op-tique, et du très faible espace disponible pour faire passer un faisceau de fibre optique le long de la cellule à l’intérieur du cryostat hélium. Nous avons donc fabriqué une canne de mesure deux faisceaux de fibres optiques ad-hoc et une pièce servant à la fois à fixer la fibre inférieure, à forcer celle-ci à décrire une boucle pour réaliser un retournement à 180 en tenant compte du rayon de courbure maximum des fibres en silice et à fixer sonde de température et bobine pick-up.
Le rubis : présentation, état de l’art, propriétés
L’oxyde d’aluminium Al2O3, est généralement appelé alumine, tandis qu’en miné-ralogie on parle de corindon pour la phase α − Al2O3 thermodynamiquement stable sous conditions ambiantes de pression et température. Malgré un usage fréquent de saphir comme synonyme de corindon, le nom saphir désigne en fait les cristaux fai-blement dopés de corindon de couleur autre que le rouge, le rubis étant un cristal de corindon dopé au chrome rouge à rosé.
Structure cristalline, propriétés élastiques
La structure de α − Al2O3 est hexagonale. Elle peut être vue comme un empile-ment compact (séquence ABAB…) de plans oxygène avec des ions aluminium occu-pant deux tiers des sites octaédriques entre les couches quasi-hexagonales d’oxygène (voir figure 2.1 (a)). Bien que six ions oxygène forment un environnement quasi-octaédrique autour de l’ion métallique central, chaque ion aluminium a en fait trois plus proches oxygène (1.856 Å) et trois oxygène distant d’environ 5 % de plus soit 1.969 Å. Le léger déplacement de l’ion Al suivant l’axe hexagonal c réduit la symétrie à C3v. D’autre part, en projection selon l’axe c, l’arrangement des ions O au dessus de l’ion métallique ne correspond pas exactement au plan oxygène sous-jacent ayant subi une rotation de 60◦ (voir figure 2.1 (b)). La symétrie devient alors C3 pour le site Al. Les ions O ont une coordination tétragonale de groupe C2.
Quand le corindon est dopé au chrome, les ions Cr se substituent aux ions Al et le système Al2O3 – Cr2O3 forme une solution solide jusqu’à environ 0.5 % de Cr soit 5000 ppm. L’ion Cr3+ a un rayon ionique légèrement supérieur (0.064 nm) à celui de Al3+ (0.057 nm). Ainsi, le remplacement d’un ion Al par un ion Cr produit une faible expansion du réseau hôte mais ne perturbe pas la rotation d’ordre 3 autour de l’axe c.
Le corindon est un matériau peu compressible : son coefficient de compression adiabatique est élevé : B0(Corindon) = 254 GP a [Goto 1989, Syassen 2008]. Celui-ci est une fois et demi plus élevé que pour un acier (valeur typique B0(Acier) ∼ 166 GP a). Il atteint 60 % de la valeur du coefficient de compression adiabatique du diamant : B0(Diamant) = 442 GP a. Ainsi, les modifications de volume induites par la pression seront faibles dans le domaine expérimental considéré ici : pmax ∼ 10 GP a. En effet, le changement de volume V introduit par un changement de pression p est déterminé par le coefficient de compression du matériau considéré : B0≡−V ∂p∂V (2.1)
Structure électronique, propriétés optiques
Le corindon est un cristal transparent entre 0.2 eV (6.5 µm) dans le moyen infra-rouge et 8.8 eV (140 nm) dans l’ultra-violet. Ainsi, les propriétés optiques du rubis dans la gamme d’énergie proche du visible (∼ 2 − 3 eV ) sont essentiellement liées à la présence des ions chrome. La structure électronique des ions de chrome dans la matrice isolante de corindon a fait l’objet dans les années 1950 et 1960 d’études exten-sives comme cas d’école pour les modèles type champ cristallin des ions de métaux de transition, stimulées par l’utilisation du rubis pour la réalisation de lasers à état so-lide. On trouvera une bibliographie extensive dans la revue de Syassen [Syassen 2008].
La figure 2.2 présente les niveaux d’énergie pour les électrons d dans un champ cristallin octaédrique (limite du champ fort). Celui-ci lève la dégénérescence d’ordre 5 pour former deux types d’orbitales t2g and eg selon la notation de la symétrie Oh. L’état fondamental correspond à l’occupation des trois orbitales t2g. La différence d’énergie entre t2g and eg est 10Dq = 2.2 eV où Dq est le paramètre de champ oc-taédral. En prenant en compte les interactions électron-électron, l’état fondamental devient un singulet de spin haut (4A2g). Une représentation détaillée de la structure électronique est présentée sur la figure 2.3. Y figurent les effets du champ octaédrique, du champ trigonal et de l’interaction spin-orbite, ainsi que la symétrie et l’énergie des différents états électroniques. L’état fondamental (4A2) de spin 3/2 est en fait une paire de doublets de Kramers séparés de 0.38 cm−1, le doublet de spin ±3/2 étant situé en dessous du doublet ±1/2. L’état excité luminescent 2E est clivé en deux doublets de Kramers E et 2A séparés de 29 cm−1. Ces niveaux sont les origines des transitions R1 et R2 observées en émission trigonal (k ∼< t2|Vtr|t2 >) et de l’interaction spin-orbite (ζ ∼< t2|HS−O|t2 >) sont représentés. Les notations R1, R2, … désignent les transitions vers l’état fondamental dont les énergies sont données dans la colonne de droite en cm−1. (b) Structure électronique d’après [Syassen 2008]. Les trois principales bandes d’absorptions U, Y et X ainsi que le doublet d’emission R1, R2 sont bien mis en évidence avec une échelle d’énergie en eV .
Comme on le voit, sur les figures 2.3 et 2.4, trois bandes larges d’absorption sont présentes dans le spectre d’absorption du rubis dont deux sont dans le visible et sont responsables de la couleur rouge/rosé caractéristique du rubis. Elles correspondent aux transitions électroniques 4A2 →4 T2 et 4A2 →4 T1 qui sont les plus intenses car elles correspondent à des transitions permises par les règles de sélection de spin.
Le peuplement de l’état de bas spin 2E par absorption dans la bande U suivi de processus de desexcitation non-radiatifs entraîne un doublet intense de fluores-cence R1, R2 dans le rouge avec : λ(R1) = 694.25 et λ(R2) = 692.86 nm à 300 K.
L’énergie d’émission du doublet dépend fortement de la température et de la pression.
En général, on considère que ces effets sont découplés, et on a alors pour la fréquence d’emission ν de R1 : Δν = Δν([Cr]) + Δν(T ) + Δν(p) (2.4)
Nous reviendrons dans la suite sur les effets de pression et de température, mais nous allons tout d’abord présenter les effets d’un champ magnétique sur la structure électronique des ions Cr3+ et plus particulièrement sur le doublet R1, R2.
Influence du champ magnétique
L’application d’un champ magnétique sur un système permet de sonder sa struc-ture électronique. En effet, l’existence de moments cinétiques orbitaux L et intrin-sèques, de spin, S se traduit par l’existence associée de moments magnétiques ML et MS . Le champ magnétique va alors interagir avec ces moments magnétiques en sta-bilisant les moments alignés avec le champ appliqué et en déstabilisant les moments pointant dans la direction contraire : c’est l’effet Zeeman : ΔEZeeman = gmJ µB B (2.5)
où mJ représente le nombre quantique cinétique lié au moment cinétique total J = L + S , B le champ appliqué, g le coefficient gyromagnétique ou facteur de Landé du multiplet considéré et µB est le magnéton de Bohr : µB = q~ (2.6)
L’effet Zeeman se traduit alors par une levée de dégénérescence des niveaux élec-troniques en un multiplet de 2J + 1 états caractérisés par leur nombre quantique cinétique.
Dans le cas du rubis, les états 4A2 , E et 2A ont un moment orbital nul. Seul de-meure donc une dégénérescence de spin. La figure 2.5 présente l’effet d’un champ magnétique sur ces niveaux et les transitions dipolaires électriques permises en ab-sorption avec leur force d’oscillateur relative. Le facteur g du niveau fondamental est dans la suite désigné par g0. Il est quasi-isotrope et la valeur généralement admise est g0 = 1.98 [Sugano 1958a, Sugano 1958b, Hori 1979]. En revanche, le facteur de Landé des niveaux excités E et 2A est fortement anisotrope. En effet, le spin de ces états est, en l’absence de champ magnétique extérieur, aligné avec l’axe c par un fort couplage avec le champ trigonal par l’intermédiaire de l’interaction spin-orbite. Ainsi, le clivage Zeeman dépend fortement de la direction selon laquelle on applique le champ magnétique par rapport à l’axe c. Selon l’axe c, le facteur g des états E et 2A sera ainsi proche de 2, alors que selon une direction normale à c, il sera proche de 0.
Influence de la température
La figure 2.6 présente les principaux effets de la température sur la luminescence du doublet R du rubis [McCumber 1963]. On remarque une modification :
• de l’intensité relative des deux pics
• de l’énergie des deux pics
• de la largeur à mi-hauteur
• de l’intensité absolue de R1
Entre 10 K et 100 K, du fait d’une longue durée de vie ∼ 4 ms des niveaux 2E, les deux niveaux E et 2A sont en équilibre thermodynamique. Le rapport I2/I1 est alors déterminé par la population relative des deux niveaux selon la statistique de Boltzmann reflétée par la progressive disparition du pic R2 à basse température [Weinstein 1986].
Le décalage en énergie est bien décrite par l’interaction electron-phonon. On remarque qu’en dessous de 108 K, l’énergie des pics R est constante. La largeur à mi-hauteur au dessus de ∼ 50 K est liée à des processus phononiques. Ainsi, lorsque la température décroît, les pics deviennent plus fins. A basse température et à pression ambiante, la largeur est due (i) à l’élargissement homogène (phonons) et (ii) à l’élargissement inhomogène (inhomogénéités de concentration, défauts, effets isotopiques). Sous pres-sion, il faut aussi prendre en compte les inhomogénéités du champ de contraintes. Dans notre cas la limitation de la résolution expérimentale est non négligeable à basse température : Δλ = 0.07 nm.
Influence de la pression
Le paramètre de champ cristallin octaédrique Dq d’un ion libre évolue comme d−5 où d est la distance moyenne entre l’ion métallique et les ligands. Ainsi, une augmentation de la pression, qui se traduit par une diminution du volume du cristal et donc de d entraîne une augmentation de Dq. Cependant, comme on le voit sur la figure 2.3 (b), les niveaux 4A2 d’une part et E et 2A d’autre part sont issus de deux états différents de l’ion libre : 4F et 2G. Ainsi le changement du paramètre de champ cristallin induit par la pression n’influe pas directement sur le doublet R1,R2 puisque il s’agit de la même configuration électronique t32 que l’état fondamental : la transition correspond seulement au retournement d’un spin. Ainsi le doublet R subit finalement un faible décalage vers le rouge, linéaire pour des pressions modérées, de 7.57 cm− 1GP a−1 soit 0.365 nmGP a −1, essentiellement dû à la diminution des pa-ramètres de Racah B et C et non à l’augmentation de 10Dq. Cette diminution de B et C est une signature de l’augmentation progressive de la covalence de la liaison Cr − O induite par la diminution de volume. En revanche, les bandes d’absorption U et Y sont décalées vers le bleu puisque les énergies des transitions t32g → t22ge1g dépendent directement de 10Dq. Ceci a pour effet une diminution progressive sous haute pression de l’efficacité du pompage de la luminescence par excitation dans le vert à énergie fixée λ = 532 nm.
Application aux mesures de pression et température insitu
L’évolution du doublet R avec p et T étant parfaitement reproductible et très peu dépendante de l’histoire de l’échantillon ou de sa géométrie, le rubis est rapidement apparu, dès l’invention de la cellule à enclumes de diamant comme un capteur de pres-sion et de température potentiel. En fait, en mesurant, à distance, la luminescence d’un petit cristal de rubis placé dans la chambre de pression près de l’échantillon étu-dié, on peut déterminer avec precision et commodité la pression et éventuellement, dans certaines gammes, la température.
Par un processus de calibration utilisant l’équation d’état du chlorure de sodium N aCl, on peut ainsi construire une échelle secondaire de pression [Barnett 1973, Piermarini 1975, Chervin 2001, Chijioke 2005]. En dessous de 20 GP a, le domaine accessible avec notre cellule à enclumes de diamant, la variation est linéaire et on a donc : p = λ(R1)(p, T ) − λ(R1)(p = 0.1 M P a, T ) (2.7)
où p est en gigapascals (GP a) et la longueur d’onde λ en nanomètres (nm). Au delà, l’évolution devient non linéaire. Des calibrations ont été réalisées jusqu’à 150 GP a [Chijioke 2005]. Une étude récente a confirmé expérimentalement que la variation induite par la pression de la longueur d’onde de R1 est identique à basse température [Nakano 2000]. Pour les expériences multi-megabar, on utilise soit des extrapolations de l’échelle du rubis e.g. [Loubeyre 002] soit une autre échelle secondaire basée sur le signal Raman des enclumes de diamant [Eremets 003].
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Table des matières
Introduction
1 Techniques expérimentales
1.1 Champs magnétiques pulsés
1.1.1 Génération de champs magnétiques intenses
1.1.2 Générateur
1.1.3 Bobines
1.1.4 Caractéristiques du champ produit
1.1.5 Mesure du champ
1.1.6 Cryogénie
1.1.7 Contraintes pour les expériences en champs pulsés
1.2 Ganza : une cellule à enclumes de diamant adaptée aux champs pulsés
1.2.1 La cellule à enclumes de diamant (CED)
1.2.2 Spécificités de Ganza
1.3 Spectroscopies optiques sous champ magnétiques pulsé
1.3.1 Montage de magnéto-photoluminescence
1.3.2 Montage de magnéto-absorption
1.4 Conclusion
2 Champ trigonal dans le rubis
2.1 Le rubis : présentation, état de l’art, propriétés
2.1.1 Structure cristalline, propriétés élastiques
2.1.2 Structure électronique, propriétés optiques
2.1.3 Influence du champ magnétique
2.1.4 Influence de la température
2.1.5 Influence de la pression
2.1.6 Application aux mesures de pression et température in-situ
2.2 Résultats : magnéto-photoluminescence
2.2.1 Expériences
2.2.2 Configuration B k c : effet Zeeman
2.2.3 Configuration B ⊥ c : effet Paschen-Back
2.3 Hydrostaticité à basse température
2.4 Magnéto-photoluminescence sous haute pression
2.4.1 Facteur de Landé de l’état fondamental, effet Paschen-Back
2.4.2 Clivage intrinsèque des états excités
2.5 Champ trigonal et structure locale sous pression
2.6 Conclusions
3 Structure de bandes du séléniure d’indium
3.1 Le séléniure d’indium : présentation, état de l’art, motivations
3.1.1 Structure cristalline
3.1.2 Structure électronique : premières études numériques et expérimentales
3.1.3 Propriétés optiques : exciton dans les semiconducteurs lamellaires 50
3.1.4 Propriétés optiques : évolution sous pression
3.1.5 Calculs DFT : élucidation des modification de la structure de
bandes sous pression
3.1.6 Modèle k.p
3.1.7 Exciton, diamagnétisme et niveaux de Landau
3.1.8 Motivations
3.2 Résultats : mesures d’absorption
3.2.1 Absorption à basse température
3.2.2 Absorption sous haute pression : tendances générales
3.3 Mesures de magnéto-absorption à pression ambiante
3.3.1 Tendances générales
3.3.2 Masse effective et non-parabolicité
3.3.3 Comparaison avec le séléniure de gallium GaSe
3.4 Mesures de magnéto-absorption sous haute pression
3.4.1 Confirmation du modèle k.p
3.4.2 Mise en évidence d’un maximum toroïdal pour la bande de
valence
3.5 Conclusion
4 Luminescence dans les boites quantiques InP/GaP 83
4.1 Boîtes quantiques auto-assemblées
4.1.1 Intérêt des boîtes quantiques InP/GaP
4.1.2 Mécanisme d’auto-assemblage de Stranski-Krastanow
4.1.3 Structure électronique des semiconducteurs O D
4.1.4 Modèle de Fock-Darwin pour les électrons
4.1.5 Excitons dans les boîtes quantiques auto-assemblées
4.1.6 Magnéto-photoluminescence dans les boîtes quantiques autoorganisées
: état de l’art
4.1.7 Boîtes quantiques InP/GaP : état de l’art, motivations
4.2 Résultats : mesures de photoluminescence
4.2.1 Description des échantillons, conditions expérimentales
4.2.2 Influence de l’intensité d’excitation
4.2.3 Influence de la température
4.3 Résultats : photoluminescence sous champ magnétique intense
4.3.1 Analyse
4.3.2 Masse effective et confinement des porteurs
Table des matières vii
4.3.3 Effets de la température
4.4 Résultats : photoluminescence sous haute pression
4.4.1 Tendances générales
4.4.2 Absence de la transition ¡ − X
4.4.3 Coefficient de pression effectif
4.4.4 Mesures de magnéto-photoluminescence sous pression
4.4.5 Conclusion : évolution sous pression des différents termes de
l’énergie de l’exciton
4.5 Conclusions
Conclusions et perspectives 121
A Détails sur les techniques expérimentales 125
A.1 Description des appareils
A.1.1 Spectromètres
A.1.2 Sources
A.1.3 Synchronisation
A.2 Manipulations
A.2.1 Préparation et chargement de la cellule
A.2.2 Ajuster la pression
A.2.3 Déroulement d’un cycle de mesures
B Publications associées 131
Bibliographie 133
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