MADAGASCAR ET LA LIBERTÉ DE RELIGION QUÊTE SUR FOND POLITIQUE ET COMPÉTITION IDÉOLOGIQUE

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Le débat contemporain sur la laïcité : un changement de paradigme 

La dynamique sociétale de la société Française, aux contours esquissés par les vagues d’immigrations, a profondément altérée la conception initiale de la laïcité en France et ravivée le débat sur son essence même. De plus, L’appréhension même de la laïcité en tant que principe est doublement problématique. Primo, la laïcité est un concept relatif ; ni la Constitution, ni la loi en générale ne font mention d’aucune« laïcité » (c’est le terme laïc35 qui est employé par la Constitution de 1958) ni n’en donne de définition juridique claire d’ailleurs. Secundo, et conséquemment à la première constatation, la laïcité est devenue une notion qui oscille entre le politique et le religieux. En effet, ces dernières années, on a fait de la laïcité un outil politique de soulèvement des passions, et de l’indignation… Il est donc remarqué – même si elle n’est pas toujours avouée – une crise identitaire de la société française (A), exacerbée par une interprétation flexible et équivoque de la laïcité par la politique (B).

La laïcité Française : indifférence de l’État à l’égard des religions ?

Nous considérons que Jean Baubérot (Historien et sociologue de la laïcité) tranche brillamment le nœud de la question. Il fait notamment la distinction entre « indifférence » et « arbitrage » de l’État vis-à-vis des religions. Une indifférence, certes, dans la mesure où l’État laïc est indifférent au contenu dogmatique des religions ; mais avant tout arbitrage où l’État doit garantir la liberté de conscience et le libre exercice du culte de tout le monde, dans une optique d’égalité de traitement. Il en déduit donc que la neutralité de l’État n’est pas du tout une neutralité passive, c’est « la neutralité de l’arbitre qui court autant sur le terrain que les joueurs mais qui ne marque pas de but et qui n’empêche pas que des buts soient marqués. ».
Les États-Unis n’ont pas de système de laïcité à proprement parler. En effet, il n’y a pas de traduction anglaise précise pour le mot « laïcité » . Au contraire, l’histoire de l’Amérique est elle-même entremêlée avec celle de la religion. Par exemple la devise même des États-Unis « In God we trust » est une référence à un Dieu « digne de foi ». Par ailleurs, la pratique et l’allusion à la religion dans les discours politiques est une pratique récurrente. Sur l’aspect de la pratique par exemple il est de coutume que le Président des États-Unis fasse sa prestation de serment sur la bible44.
Robert Bellah, qui a beaucoup travaillé sur la religion civile aux États-Unis à partir de la fin des années 1960, disait que les États-Unis étaient « le pays de Dieu ». Cinquante-six ans plus tard, il semblerait que les États-Unis soient devenus « le pays des dieux », compte tenu de la diversification des Églises dans la société civile américaine . Cette omniprésence de la spiritualité dans l’espace public conduit à l’existence d’une véritable « religion civile ».

La pratique des pays arabo-musulmans 

Si la laïcité française est remarquable aujourd’hui par la crise de sa contre-productivité, que le modèle américain est reconnu pour sa quasi-extrême libéralisation, la conception des pays arabo-musulmans est critiquée pour sa forte imprégnation culturelle. En effet, dans le monde arabe, comme dans la quasi-totalité des pays orientaux, la dimension culturelle tend à prendre le pas sur la dimension juridique. Plus clairement, on a fait un amalgame du culturel et du juridique de telle manière à ce que le droit soit réaménagé pour s’emboiter avec la culture et la légitimer (la servir). Il n’y a donc pas à s’étonner si le processus d’universalisation des droits de l’homme a du mal à passer dans de telles circonstances où se mêlent totalitarisme politique et absolutisme religieux. En l’occurrence, l’Islam présente deux aspects : un aspect culturel représenté par la Oumma ou la communauté musulmane en générale et un aspect cultuel qui est cristallisé dans la Charia, loi canonique de l’Islam. L’islam est donc doublement présent dans la vie quotidienne des croyants. Une question pourrait donc se poser : dans une société inféodée à l’Islam, est-il possible de concevoir une forme de laïcité garante de la liberté de conscience ? Comment promouvoir un concept qui est primordialement intraduisible dans un pays qui y est réfractaire. Ca serait un exercice « difficile et épineux » comme le fait remarquer Waleed Al-Husseini. L’essayiste fait remarquer également qu’une des raisons pour lesquelles bon nombre de pays arabo-musulmans sont réfractaires à la laïcité est que les islamistes assimilent souvent la laïcité à de l’athéisme, son application serait donc une impiété donc impossible.
Néanmoins, l’évolution des mœurs a quand même réussi à faire bouger des lignes.

Règne de RADAMA II (1861-1863) 

Le prince est d’autant plus porté aux audaces que son éducation, sous les yeux d’une mère pleine d’indulgence pour ce fils unique, a été en partie faite par des traditionalistes et l’assimile aux Andriambahoaka, princes légendaires auxquels tout est permis, même les transgressions de l’ordre social. C’est dans cet esprit qu’il semble accepter le baptême en 1846, un an après une rupture complète du royaume avec les Occidentaux, l’adhésion au christianisme facilitant selon lui la reprise du dialogue.
Rakotondradama a organisé une fête le 1er janvier 1848 à Tananarive montrant l’ambivalence de sa position car les réjouissances comprennent un cortège costumé, des chants, etc. Or, parmi les chants, on entend des cantiques chrétiens et un prédicateur commente un passage de l’Évangile. Mais tout ceci dans une telle atmosphère carnavalesque ce que certains percevraient comme une provocation, et paraît aussi bien à d’autres l’expression d’une dérision.
Ranavalona mourant en 1861, Rakotondradama accède au pouvoir sous le nom de Radama II De ce fait, quatre à cinq mille protestants malgaches reparaissent au grand jour; les missionnaires de la L.M.S. reviennent et des catholiques (français) arrivent aussi. La liberté religieuse reconnue, le roi prend ouvertement ses distances par rapport aux traditions en ne célébrant pas en 1862 le fandroana, fête royale annuelle liée à l’astrologie.
Le couronnement de 1862 déçoit les missionnaires qui voulaient faire de Radama II un roi par la grâce de Dieu ; ils n’y assistent qu’en invités, au même titre que les gardiens des sampy.

Règne de RANAVALONA II (1868-1883) 

Ranavalona II, est cousine de Rasoherina, et épouse du 1er ministre Rainilaiarivony. Lors de son couronnement, les idoles traditionnelles sont remplacées par la Bible. Le 21 février 1869 : La nouvelle reine et Rainilaiarivony reçoivent le baptême et sont mariés chrétiennement. Le protestantisme progresse alors rapidement dans la noblesse et les catholiques se voient réduits à l’évangélisation des humbles et des esclaves. Le christianisme se répand dans l’île et devient religion d’État ; tentative de maintenir l’équilibre entre la France et l’Angleterre, qui ont des vues sur Madagascar.

RAINILAIARIVONY, le Premier ministre (1865-1895) 

L’homme qui a marqué de son sceau l’histoire de la monarchie Merina aura sans doute été l’unique Rainilaiarivony. Mais comme le rappelle la SeFAFI :« son attitude a toujours été équivoque ».
· d’abord parce qu’il semble qu’il avait été toujours fidèle à l’unicité constituée par la religion des ancêtres et le christianisme.
· ensuite, parce qu’il s’était converti au protestantisme en entraînant avec lui une très grande partie de la noblesse, mais surtout de ses collaborateurs et partisans.
· enfin, parce qu’il avait clairement eu la tentation de former une véritable Église d’État à partir de l’organisation créée au sein de l’Église du Palais. Ces velléités étaient d’autant plus vraisemblables qu’il avait autorisé la venue à Madagascar d’une Mission émanant de l’Église Anglicane.
« Cependant, trois facteurs au moins semblent avoir déterminé Rainilaiarivony à renoncer à cette ambition, au demeurant parfaitement conforme à son caractère absolu et autoritaire :
· l’existence des diverses Missions déjà à l’œuvre dans le pays, et qui avaient aménagé leur espace d’activités .
· enfin, le caractère congrégationaliste introduit par les Missions protestantes, qui favorisait l’égalité de tous au nom de l’Église, allait à l’encontre des usages de la royauté. Ce congrégationalisme aurait inévitablement influencé une Église d’État, et contrecarré les décisions de Rainilaiarivony. »

LA RELIGION SOUS L’ADMINISTRATION COLONIALE 

La loi de séparation de l’Église et de l’État étant entrée en vigueur en 1913 à Madagascar, la période coloniale en fut marquée par une politique de neutralité religieuse mais elle est très vite suivie d’une inclinaison envers le catholicisme.

Dans les premières années de la colonisation 

Les premières années de la colonisation mettent fin à la domination de la monarchie Merina sur la plupart des autres royaumes dont les deux tiers de Madagascar ; caractérisé par la naissance d’un nouvel ordre politique, économique, social et religieux, particulièrement par la suppression de l’esclavage, la destruction de la classe régnante, et surtout l’introduction de nouveaux rapports de force sur le plan religieux et l’insurrection des Menalamba – mouvement de résistance à l’invasion étrangère- causant plusieurs pertes chez les missionnaires protestants considérés comme alliés des Autorités coloniales.
Or une vérité capitale ne peut être ignorée. Comme l’écrivait VIGEN James et TROCHON Jaques dans « Dynamisme ecclésial et affrontement (1895-1913) », « l’intrusion des forces françaises dans la vie nationale provoque aussi des ralliements à l’occupant, et s’accompagne d’une série de reclassements confessionnels effectuant les relations entre les Églises. ».
Ces auteurs précisent : « au milieu de tous ces bouleversements, il n’est pas étonnant que se soient développés de vives oppositions religieuses, accompagnés d’impressionnants mouvements de reclassement ecclésial.»
Le contexte de rivalité impériale datant du règne de Ranavalona III, hésitant entre l’influence Anglaise est formellement abandonnée après 1890 en mettant place à l’influence française validée par les premiers accords de 1885, contribuant à renforcer le clou déjà planté : Anglais=protestant, Français=catholique. Pareil à d’autres généralisations, cette attestation réductrice recèle une part de vérité.
Selon les auteurs, « A première vue, il apparait bien, en effet, que beaucoup de chrétiens ont rejetés leurs allégeance précédente et épousé la foi catholique, dès l’instant où s’est affirmée l’hégémonie française, après l’effondrement de la couronne de Tananarive et de l’Église du Palais fortement liée à la Société des Missions de Londres (LMS). Cette constatation est confirmée par le proverbe malgache miova andriana miova sata (à changement de chef, changement de statut). » Le général GALLIENI, le gouverneur Général de 1896 à 1905, a entretenu une neutralité religieuse mais il n’empêche que la religion catholique fut nettement influencée par les pouvoirs publics En arrivant, GALLIENI a touché la toute-puissance de la mission anglaise. Contre indemnité, il va saisir certains bâtiments prestigieux. Certains fiangonana se mettent au catholicisme et, par la suite, modifient la façon de voir de leur temple en appuyant leur participation dans les constructions. Sur ce point, VIGEN James et TRONCHON Jacques écrivaient, « Cet homme de guerre s’affirme aussi comme un politique de grande envergure, habile à maitriser un équilibre subtil entre les différentes composantes de la société malgache de son temps, notamment entre les confessions chrétiennes que des rivalités passionnées dressent alors les unes contre les autres. ». Les Menalamba, mouvement insurrectionnel contre la colonisation française, s’opposent aussi aux Européens et leur religion, le christianisme. De ce fait, de nombreux missionnaires, protestants comme catholiques, figurent parmi leurs victimes. Mais comme l’écrivait VIGEN James et TRONCHON Jaques, « L’insurrection des Menalamba contribue à dramatiser les conflits confessionnels, en provoquant sans cesse les accusations réciproques des catholiques, et des protestants. Ces accusations viennent alimenter les querelles de l’arène politique pendant la période qui suit la ”pacification”. Chaque faction accuse l’autre d’avoir participé à l’insurrection, ou tout au moins de l’avoir encouragé. » L’auteur précise : « ce moyen permet de disqualifier l’adversaire aux yeux des autorités coloniales. Du fait que plusieurs dirigeant Menalamba étaient associés antérieurement aux missions protestantes, la plupart des accusations proviennent des camps catholiques.».

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Table des matières

PARTIE PREMIERE A QUÊTE DE LA LIBERTÉ DE RELIGION
CHAPITRE PREMIER – D’UN TIRAILLEMENT CONCEPTUEL À UNE PRATIQUE BIGARRÉE
SECTION PREMIÈRE – GÉNÉALOGIE DES LIBERTÉS FONDAMENTALES
Paragraphe I – Aux origines Du droit naturel au droit positif
I – Le droit naturel une illusion ?
A – Le droit naturel « divin »
B – Le droit naturel « laïc »
II – Droit positif et État de droit
Paragraphe II -Droits de l’homme, libertés publiques, libertés fondamentales une analogie déconcertante
I – Et puis vinrent les droits de l’homme…
II – Le postulat des libertés fondamentales
III – La valeur des libertés publiques
Paragraphe III – L’affirmation de la liberté de religion
I – La laïcité de l’État
II – La liberté de religion
SECTION II -LES VICISSITUDES DU DROIT COMPARÉ
Paragraphe I – La laïcité à la Française
I – Un produit de l’Histoire
II – Le débat contemporain sur la laïcité un changement de paradigme
A – Une crise identitaire
B – La laïcité Française indifférence de l’État à l’égard des religions ?
Paragraphe II – Le modèle américain
Paragraphe III – La pratique des pays arabo-musulmans
CHAPITRE II- MADAGASCAR ET LA LIBERTÉ DE RELIGION QUÊTE SUR FOND POLITIQUE ET COMPÉTITION IDÉOLOGIQUE
SECTION PREMIÈRE – LA ROYAUTÉ ET LA RELIGION
Paragraphe I – Sous le règne d’ANDRIANAMPOINIMERINA (1787-1810)
Paragraphe II – L’époque de RADAMA Ier (1810-1828)
Paragraphe III – Règne de RANAVALONA Ière (1828-1861)
Paragraphe IV – Règne de RADAMA II (1861-1863)
Paragraphe VI – RAINILAIARIVONY, le Premier ministre (1865-1895)
SECTION II LA RELIGION SOUS L’ADMINISTRATION COLONIALE
Paragraphe I – Dans les premières années de la colonisation
Paragraphe II – Après la IIe Guerre mondiale
Paragraphe III – Après l’insurrection de 1947
Paragraphe IV – Après la loi cadre de 1956
PARTIE II – L’APPROPRIATION PAR MADAGASCAR DE LA LIBERTÉ DE RELIGION
CHAPITRE I – UNE LIBERTÉ CONSACRÉE
SECTION PREMIERE – L’APPROPRIATION DES INSTRUMENTS
Paragraphe I – La Charte internationale des droits de l’homme
I – La Déclaration universelle des droits de l’homme
II – Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Paragraphe II – La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
SECTION II LA CONSÉCRATION CONSTITUTIONNELLE
Paragraphe I – La première République
Paragraphe II – La seconde République
Paragraphe III – La troisième République
Paragraphe IV – La quatrième République
SECTION III LE MARTELLEMENT LÉGISLATIF
CHAPITRE II – UNE LIBERTÉ TRONQUÉE ?
SECTION I – DES CONTEXTES FRAGILES
Paragraphe I – Un contexte juridique équivoque
I – Une ambivalence des dispositions constitutionnelles
II – Des dispositions textuelles obsolètes
III – Un droit schizophrénique ?
Paragraphe II – Un contexte socio-politique dramatique
I – Le panorama de la diversité religieuse à Madagascar
A – Le FFKM ou le christianisme « magnifié »
B – Sectes ou associations cultuelles ?
C – La religion traditionnelle entre crainte et stigmatisation
D – L’Islam à Madagascar
II -Une imbrication étroite de la politique et du religieux
A – L’instrumentalisation de la religion
SECTION II – PERSPECTIVES ET AXES DE RÉFORME
Paragraphe I – Rendre effectif la laïcité au niveau des agents
Paragraphe II – Rétablir le droit des minorités religieuses
Paragraphe III – Pour la création d’un observatoire de la laïcité
CONCLUSION

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