Depuis deux décennies, de plus en plus d’équipements électriques sont utilisés dans les avions afin de remplacer les équipements hydrauliques. Les avions deviennent ainsi de plus en plus ‘‘électriques’’. Ceci permet aux constructeurs avioniques de supprimer des kilomètres de tuyauteries et des dizaines de pompes hydrauliques. Du point de vue écologique, les avions électriques seront plus propres et plus respectueux de l’environnement. Du point de vue de la fiabilité, la solution électrique offre plus de degrés de liberté pour palier aux pannes des équipements. En cas de défauts dans un équipement électrique, il est beaucoup plus facile de le commuter sur les autres (équipements électriques redondants) via le contrôle central de l’avion tandis qu’avec les équipements hydrauliques, il faut équiper des circuits hydrauliques de secours qui vont alourdir les équipements ou le réparer une fois au sol.
La tâche centrale de cette thèse est la conception et la mise au point d’un actionneur électromagnétique tournant pour remplir le cahier des charges (CDC) de l’application ‘‘Variable Stator Vane’’ (VSV) . Les travaux sont effectués au sein du laboratoire Systèmes et Applications des Technologies de l’Information et de l’Energie (SATIE) en collaboration avec la société Hispano-Suiza dans le cadre du projet SEFORA. La machine électrique conçue servira à la régulation du régime moteur de l’avion en contrôlant l’angle d’ouverture des ailettes du VSV du turboréacteur afin de contrôler la quantité d’air en entrée dans le turboréacteur. De par son positionnement au plus près des parties chaudes du turboréacteur, cet actionneur fonctionnera en permanence dans un environnement dont la température ambiante est proche de 200°C. Ceci rend la marge entre la température maximale admissible des matériaux isolants d’une machine électrique et la température ambiante très étroite, la capacité de fonctionnement d’une machine électrique à ces niveaux de température ambiante constitue donc le cœur de nos études.
Sachant que le régime du turboréacteur de l’avion est loin d’être constant durant un vol, le couple et la vitesse de la machine électrique varient dans le temps. Les profils du couple et de la vitesse en fonction du temps sur un cycle de fonctionnement de la machine , où les valeurs des couples minimal et maximal sont respectivement 0,35 Nm et 7 Nm. Les valeurs des vitesses minimale et maximale sont respectivement 0 tr/min et 8000 tr/min. Par ailleurs, le couple maximal correspond à la vitesse minimale tandis que le couple minimal correspond à la vitesse maximale. Ainsi, toutes les études telles que les études de pertes et les études thermiques dans ce mémoire doivent être effectuées pour ce cycle de fonctionnement.
En plus des contraintes thermiques et électromagnétiques, les contraintes de sécurité dans l’avion électrique sont aussi drastiques. Tout comme l’avion traditionnel dont les équipements hydrauliques sont souvent doublés ou triplés afin d’augmenter la fiabilité du système, la redondance doit aussi être prise en compte pendant la conception d’une machine électrique pour l’avion électrique. Par contre, la problématique de la fiabilité d’une machine électrique peut être complètement différente de celle d’un actionneur hydraulique. La fiabilité d’un système électrique peut être renforcée non seulement en doublant ou en triplant le nombre des machines électriques comme dans le cas des systèmes hydrauliques mais aussi en augmentant le nombre de phases ou le nombre de connexions en étoile d’une même machine électrique.
Machines électriques pour des applications critiques
Les applications dites ‘‘critiques’’ sont généralement définies par une haute température ambiante, de hautes vitesses, ou encore un environnement extrême (humide, sale, etc.), dans lesquelles les contraintes thermiques, les contraintes électromagnétiques, les contraintes mécaniques, les contraintes volumiques ou les contraintes de tolérance aux défauts sont fortes.
Quelle topologie choisir ?
Le point clé dans le processus de choix des machines électriques est qu’il n’existe pas une solution satisfaisante pour toutes les applications. Il faut donc faire des compromis entre différentes contraintes. Afin de choisir les machines qui peuvent répondre le mieux aux cahiers des charges, nous devons appliquer des critères tels que les contraintes thermiques, électromagnétiques, mécaniques, volumiques et tolérance aux défauts comme décrites ci-dessous:
➠ Les contraintes thermiques sont souvent les contraintes les plus importantes pour la conception d’une machine électrique. Pour l’application VSV, la température maximale admissible des isolants électriques dans les encoches est de 240 °C (les températures de fonctionnement varient de 150 °C à 200 °C).
➠ Les performances électromagnétiques regroupent les valeurs du couple moyen, de l’ondulation de couple/courant et de la capacité de défluxage. Pour avoir une meilleure performance électromagnétique, il faut souvent maximiser le couple volumique en minimisant l’ondulation de couple.
➠ Les contraintes mécaniques demandent à la machine d’avoir la structure la plus simple possible, surtout au niveau du rotor qui est souvent la partie tournante d’une machine électrique.
➠ Les contraintes volumiques limitent l’encombrement de nos systèmes. Pour des systèmes embarqués, les contraintes volumiques sont souvent importantes. Pour application VSV, elle impose que, pour un couple maximal de 7 Nm, la longeur active (La ≤ 67mm) et le diamètre externe (Douter ≤ 90mm).
➠ Les contraintes de tolérances aux défauts consistent en deux aspects : défauts électromagnétiques et mécaniques. Les défauts entre autres comme le court-circuit ou le circuit ouvert des phases, la surchauffe des bobinages, les désaimantations des aimants permanents sont classés dans les défauts électromagnétiques. En revanche, les défauts des roulements (frottement de billes) et les défauts géométriques (déformations de stator ou/et rotor, vibration…) sont classés dans les défauts mécaniques.
Il faut noter qu’il y a aussi un aspect économique dans la conception des machines électriques. Les machines étudiées ici doivent avoir les mêmes dimensions telles que la même longueur externe, le même diamètre externe, le même diamètre de l’arbre et les mêmes matériaux (types de tôles statoriques et rotoriques, types d’aimants permanents pour les machines à aimants permanents). En comparant leurs avantages et inconvévients, nous pouvons choisir les machines adéquates pour nos applications. Dans la suite, nous allons présenter les machines électriques principales proposées dans la littérature pour les applications dites ‘‘critiques’’. La première catégorie de machine électrique regroupe les machines à reluctance variable et la deuxième concerne les machines à aimants permanents.
Machines à réluctance variable (MRV)
Cette partie consistera à présenter des Machines à Réluctance Variable à double saillance (MRV).dont les nombres de dents statoriques et rotoriques sont respectivement 6 et 4 , la deuxième est une machine tétraphasée avec 8 dents statoriques et 6 dents rotoriques , enfin, la troisième est une MRV pentaphasée avec 10 dents statoriques et 8 dents rotoriques .
Avantages et inconvénients d’une MRV
Les caractéristiques des MRV sont mentionnées dans les références , un bref résumé peut être donné comme ci-dessous :
• Structure rotorique simple, robuste, sans bobinages ni conducteurs rotoriques ou aimants permanents. Du point de vue mécanique, le moment d’inertie d’une MRV est faible, typiquement la moitié de celui d’une machine asynchrone avec le même rayon externe du rotor. Ce qui permet une accélération élevée. Du point de vue thermique, les pertes rotoriques faibles conduisent à un simple système de refroidissement.
• Excellentes performances dans des environnements extrêmes. Elles sont souhaitables pour des applications à haute température, haute vitesse.
• Grande capacité de surcharge de courte durée. Ceci est limité seulement par la température maximale dans les bobines et la saturation magnétique des matériaux magnétiques. Par conséquent, elles peuvent produire de hauts couples de démarrage ou/et de l’accélération.
• Potentiellement, faible coût de fabrication et de maintenance, malgré l’exigence relativement élevée de la fabrication due à leurs faibles épaisseurs de l’entrefer.
• Fonctionnement dans une large plage de puissance constante. Leurs efficacités peuvent être maintenues au delà de la vitesse de base. Par conséquent, elles ont les aptitudes pour les applications telles que les véhicules hybrides ou électriques.
• Alimentation de chaque phase est indépendante pour les MRV conventionnelles. L’ouverture ou le court-circuit d’une phase influence peu les autres phases. Ainsi, la fiabilité d’une MRV est élevée.
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Table des matières
Chapitre 1. Introduction générale
Chapitre 2. Etat de l’art
2.1 Machines électriques pour des applications critiques
2.1.1 Quelle topologie choisir ?
2.1.2 Machines à réluctance variable (MRV)
2.1.3 Machines synchrones à aimants permanents
2.2 Modèles thermiques statiques et transitoires des machines électriques
2.2.1 Etude thermique statique des machines électriques
2.2.2 Etude thermique transitoire des machines électriques
2.3 Fiabilité d’une machine électrique : redondance et multi-phases
2.3.1 Machines avec redondances
2.3.2 Machines multi-phasées
2.4 Conclusion
Chapitre 3. Etude des Machines à Réluctance Variable (MRV) et de leurs développements
3.1 Etude comparative entre les MRVC et MRVNC
3.1.1 Description du principe de deux types de MRV
3.1.2 Flux propres et mutuels
3.1.3 Inductances propres et mutuelles
3.1.4 Comparaison entre différents modes d’alimentation
3.1.5 Pourquoi la MRVNC est performante aux courants élevés ?
3.1.6 Vérifications expérimentales
3.1.7 Conclusion
3.2 Minimisation de l’ondulation de couple en modifiant la géométrie rotorique d’une MRVNC
3.2.1 Sources de forte ondulation de couple d’une MRVNC
3.2.2 Méthode de la réduction de l’ondulation de couple
3.2.3 Flux propres et mutuels de la MRV modifiée
3.2.4 Dérivées des inductances propres et mutuelles
3.2.5 Etude paramétrique de la zone entaillée
3.2.6 Caractéristique mécanique d’une MRVNC avec zones entaillées
3.2.7 Conclusion
3.3 Etude thermique transitoire sur cycle de fonctionnement des MRV
3.3.1 Modélisation des pertes fer et Joule sur cycle de fonctionnement
3.3.2 Modèle thermique transitoire sur cycle de fonctionnement
3.3.3 Conclusion
Chapitre 4. Etude sur la tolérance aux défauts d’une machine à commutation de flux (MCF) triphasée
4.1 Modélisation thermique sur cycle de fonctionnement d’une MCF avec redondance
4.1.1 Pertes fer et Joule sur cycle de fonctionnement
4.1.2 Modélisation thermique par réseau de résistances thermiques
4.1.3 Modélisation thermique par la méthode EF 2D
4.1.4 Résultats analytiques et numériques (thermique statique)
4.1.5 Résultats analytiques et numériques (thermique transitoire)
4.1.6 Vérifications expérimentales
4.1.7 Conclusion
4.2 Etude des défauts d’une MCF 12/10 sans redondance (court-circuit partiel)
4.2.1 Description des caractéristiques de la MCF sans redondance
4.2.2 Inductances propres et mutuelles
4.2.3 Couple moyen et ondulation de couple d’une MCF sans redondance
4.2.4 Modèle de défauts entre-spires d’une phase ou entre phases de la MCF sans redondance
4.2.5 Conclusion
4.3 Caractéristiques d’une MCF 12/10 avec redondance
4.3.1 Faisabilité d’une MCF avec redondance à partir de celle sans redondance
4.3.2 Inductances propres et mutuelles d’une MCF avec redondance
4.3.3 Couple moyen et ondulation de couple
4.4 Modèle couplé : défaillance-thermique d’une MCF 12/10 avec redondance
4.4.1 Modèle analytique de défauts sur une phase en court-circuit
4.4.2 Résultats de la simulation (MATLAB-Simulink)
4.4.3 Vérification expérimentale
4.4.4 Modèles thermiques statiques (analytique et EF 3D) de la MCF en cas de défaut
4.4.5 Conclusion
Chapitre 5. Conclusion générale