Les lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) correspondent à un groupe hétérogène de proliférations tumorales malignes du tissu lymphoïde. Bien que développés au dépend du même tissu, ils se distinguent de la maladie de Hodgkin par leurs caractéristiques cliniques, biologiques et évolutives. Les principaux types de LMNH chez l’enfant sont :
● Les lymphomes de Burkitt (LB) : qui représentent 80 à 85 % des lymphomes B de l’enfant,
● Les lymphomes B diffus à grande cellule (LBDGC) représentant : 10 à 15 % des lymphomes B de l’enfant,
● Les lymphomes lymphoblastiques (LL) : majoritairement de phénotype T,
● Les lymphomes anaplasiques à grandes cellules (LAGC) : le plus souvent de phénotype T.
Les LMNH de l’enfant se distinguent de ceux de l’adulte par leur aspect histologique toujours diffus, leur haut grade de malignité, leur présentation clinique habituellement extra-ganglionnaire, leur agressivité avec une croissance tumorale rapide, une dissémination régionale et à distance précoce notamment dans la moelle osseuse et le système nerveux central (SNC). Ils sont très chimiosensibles ; leur pronostic est bon sous réserve d’une poly-chimiothérapie à hautes doses, précoce, intensive, réalisée dans un centre spécialisé [9]. Les LMNH sont au premier rang des cancers de l’enfant en Afrique avec une prédominance du lymphome de Burkitt [37].
Les protocoles de prise en charge (PEC) dans les pays développés tels que les protocoles LMB français et BFM allemand (qui sont des chimiothérapies à hautes doses), ont porté le taux de guérison de 20 à 80% au cours des 30 dernières années [31]. En Afrique l’organisation des soins est plus difficile en raison de diagnostics tardifs, d’un nombre limité d’unité d’oncologie pédiatrique, du peu de disponibilité et du cout élevé des médicaments, ainsi que de la pauvreté des populations. Le but de notre travail est, à partir d’une étude rétrospective réalisée dans l’unité d’oncologie pédiatrique du CHU A. Le Dantec, de:
● Analyser certains aspects épidémiologiques des LMNH de l’enfant ;
● Etudier les différentes formes cliniques observées en milieu hospitalier ;
● Evaluer les résultats thérapeutiques et évolutifs ainsi que le pronostic des enfants atteints de LMNH traités dans l’unité de soins ;
● Proposer des recommandations pour une meilleure prise en charge des enfants atteints de LMNH au Sénégal.
RAPPELS HISTORIQUES
Le lymphome de Burkitt est un LMNH décrit pour la première fois au Kenya en 1957 par le chirurgien anglais Denis Parsons Burkitt [12, 36]. Il a fait la corrélation entre la fréquence de ce cancer de l’enfant et une répartition géographique correspondant à des zones d’endémie palustre. Secondairement, le rôle du virus d’Epstein-Barr, retrouvé dans plus de 98 % des cas décrits dans les pays tropicaux, a été établi. La description du lymphome de Burkitt ne s’est pas limitée au continent africain : son endémicité est décrite dans tous les pays se trouvant de part et d’autre de l’Equateur. Des cas sporadiques ont été rapportés en Europe et en Amérique : dans ces zones, le virus est retrouvé dans 20 à 25 % des cas [52]. Il est maintenant admis que le virus d’Epstein-Barr (EBV) est vraisemblablement un cofacteur plutôt que la cause du lymphome. Au cours d’une infection par l’EBV, les lymphocytes B exprimant l’antigène nucléaire du virus ne sont pas reconnus par les cellules T autologues et n’entrainent donc pas la formation de cellules T cytotoxiques. L’EBV est capable d’immortaliser des lymphocytes B normaux en culture, permettant d’obtenir des lignées lymphoblastoïdes. Celles-ci ont constitué un outil de recherche fondamentale ces vingt dernières années. Dans les pays développés, au début des années 80, on guérissait déjà la plupart des lymphomes de Burkitt localisés, mais seulement 25% des lymphomes de Burkitt étendus. Le protocole LMB de la Société Française d’Oncologie Pédiatrique a été mis en œuvre en 1981 pour les formes avancées de lymphomes B, et a été modifié une première fois en 1984. Différentes études ont permis de faire évoluer les protocoles en 1986, puis en 1989. Les résultats les plus récents rapportent une survie globale dans les stades avancés de 90 % [48]. Ces protocoles ont permis d’améliorer considérablement la survie des lymphomes étendus, de raccourcir la durée du traitement de 12 à quelques mois, de diminuer la toxicité, et en particulier le taux de décès toxiques et de formuler des facteurs pronostics [48]. Les traitements actuels ont permis de passer en 15 ans de 20 à 90 % de survie dans les formes agressives. Ce progrès s’est manifesté sans qu’aucune drogue nouvelle ne soit utilisée. Seules ont évolué les doses et les modalités d’administration de la chimiothérapie. En Afrique le Groupe Franco-Africain d’Oncologie Pédiatrique (GFAOP) créé en Avril 2001 a eu comme principaux objectifs l’amélioration de la prise en charge des cancers de l’enfant et le développement de l’oncologie pédiatrique en Afrique. Il regroupe 13 Unités d’Oncologie Pédiatrique (UOP) de 11 pays africains et la 2e étude menée au sein du GFAOP a permis de mettre en place de nouveaux protocoles notamment le protocole Cyclophosphamide dans le LB [37].
EPIDEMIOLOGIE
Fréquence
Les lymphomes de l’enfant sont au 3ème rang des tumeurs malignes de l’enfant après les leucémies et les tumeurs cérébrales [11, 26, 51]. Les LMNH représentent à peu près 60% de tous les lymphomes [26]. Leur incidence augmente régulièrement et ils se placent en 5ème position dans l’ordre d’incidence des cancers [48]. Il existe cependant des variantes épidémiologiques selon le pays. Environ 500 cas sont diagnostiqués annuellement aux Etats-Unis et 7 nouveaux cas par million d’enfants âgés de moins de 15 ans en Europe [9]. Le taux d’incidence et la distribution des différents sous types histologiques sont variables à travers le monde. En Afrique Equatoriale, plus de 50% des cancers de l’enfant sont représentés par le LB [11]. Les régions endémiques comprennent également la Nouvelle Guinée ; l’Afrique du Nord et l’Amérique du Sud sont des régions d’incidence intermédiaire. En Europe et aux Etats-Unis, 1/3 des lymphomes pédiatriques sont représentés par les lymphomes lymphoblastiques, la 1/2 par des lymphomes à petites cellules (Burkitt and Burkitt like) et le reste par les lymphomes à grandes cellules. En Asie, la majorité des LNH sont des lymphomes lymphoblastiques. Le lymphome de Burkitt est le plus fréquent des LMNH de l’enfant. Il représente 50 à 60% des LMNH de l’enfant dans les pays développés et jusqu’à 95% des LMNH pédiatriques en Afrique [26]. Le LB touche électivement les enfants. Il est un des rares cancers dont l’incidence augmente régulièrement depuis plusieurs décennies dans le monde. Les lymphomes sont au 1e rang des cancers en Afrique [37]. L’incidence du lymphome de Burkitt est variable selon les zones géographiques [37] :
● Dans les zones endémiques : 5 à 10/ 1 000 000 enfants/an
● Dans les zones sporadiques : 2/ 1 000 000 enfants /an (France : 1990 et 1999 Désandes, 2004) .
Age
Le LB est exceptionnel avant 2 ans et survient le plus souvent entre 5 et 9 ans avec une moyenne d’âge de 7 ans [26, 51]. Le pic d’incidence est entre 5 et 8 ans en Afrique centrale et entre 4 et 5 ans en Afrique du Nord. Le LL, plus fréquent en Europe est considéré comme une maladie de l’enfant et du jeune adulte, son pic d’incidence se situe au cours de la deuxième décade.
Sexe
Les LMNH sont plus fréquents chez le garçon avec un sex-ratio M/F de 2/1 [26]. Pour le lymphome de Burkitt, le sexe ratio est de 3/1 (zones endémique et non endémique). Il est de 2/1 pour les lymphomes lymphoblastiques .
Variations géographiques
Les LMNH de l’enfant en particulier le lymphome de Burkitt présente de grandes variations en fonction de la zone géographique. On distingue 3 variantes de lymphome de Burkitt [26, 51]:
● Variante endémique : retrouvée en Afrique, en Amérique du Sud et en Nouvelle Guinée Papouasie. La distribution géographique en Afrique Noire coïncide à la zone d’endémie palustre avec des facteurs climatiques bien définis : température > 16°C, altitude < 1500 m, pluviométrie annuelle supérieure à 50 cm. Les études sérologiques des cas africains ont montré la coexistence d’une infection antérieure par l’Epstein Barr Virus survenue le plus souvent dans la petite enfance : le génome EBV est retrouvé à l’état clonal dans la cellule tumorale dans 98% des cas de LB endémique [2].
● Variante sporadique : retrouvée en Europe et aux Etats-Unis, non liée à l’immunodéficience et inconstamment liée à l’EBV (15 à 20% des cas). Des aberrations chromosomiques associées ont été décrites [2].
● Variante liée à une immunodéficience : cette forme se manifeste tôt en particulier en cas de sida. L’EBV n’est décelable que chez 30 à 40% des LB porteurs du VIH. Des aberrations chromosomiques sont constantes. Le LB a une prévalence plus faible dans le cadre du SIDA que les autres formes de LMNH [2].
La fréquence des LMNH varie aussi selon l’ethnie, ainsi aux Etats-Unis, entre 1985 et 1990, selon le programme « surveillance épidémiologique et résultats définitifs » de l’Institut national de cancer, la moyenne de l’incidence annuelle des lymphomes chez les enfants caucasiens était 9,1 par million et de 4,6 par million chez les noirs [38].
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Table des matières
INTRODUCTION
1. PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1.1. Rappels historiques
1.2. Epidémiologie
1.2.1. Fréquence
1.2.2. Age
1.2.3. Sexe
1.2.4. Variations géographiques
1.2.5. Facteurs de risque
1.3. Aspects histologiques, cytologiques et immunologiques
1.3.1. Les lymphomes de Burkitt
1.3.2. Les lymphomes lymphoblastiques
1.3.3. Les lymphomes à grandes cellules
1.3.4. Les lymphomes anaplasiques à grandes cellules
1.4. Etude clinique
1.4.1. Circonstances de découverte
1.4.2. Principaux tableaux cliniques
1.5. Examens paracliniques
1.5.1. Cyto-histologie
1.5.2. Biologie
1.5.3. Examens morphologiques
1.6. Evolution-Pronostic
1.6.1. Bilan d’extension
1.6.2. Pronostic
1.7. Classifications
1.8. Traitement
1.8.1. Méthodes
1.8.2. Indications
2. DEUXIEME PARTIE : RESULTATS
2.1. Cadre d’étude
2.2. Méthodologie
2.2.1. Type et durée de l’étude
2.2.2. Patients
2.2.3. Méthodes
2.2.4. Saisie et analyses des données
2.2.5. Fiche de recueil de données
2.3. Résultats
2.3.1. Epidémiologie
2.3.2. Clinique
2.3.3. Paraclinique
2.3.3.1. Bilan orientation diagnostique
2.3.3.2. Diagnostic de certitude
2.3.3.3. Diagnostic d’extension
2.3.3.4. Bilan de retentissement
2.3.3.5. Bilan du terrain
2.3.4. Classification
2.3.5. Traitement
2.3.5.1. Délai de prise en charge
2.3.5.2. Mise en condition
2.3.5.3. Chimiothérapie
2.3.5.4. Radiothérapie
2.3.5.5. Chirurgie
2.3.5.6. Prise en charge psycho-sociale
2.3.5.7. Prise en charge des complications
2.3.6. Evolution
3. TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
3.1. Epidémiologie
3.2. Clinique
3.3. Paraclinique
3.3.1. Bilan orientation diagnostique
3.3.2. Diagnostic de certitude
3.3.3. Diagnostic d’extension
3.3.4. Bilan de retentissement
3.4. Classification
3.5. Traitement
Délai de prise en charge
Mise en condition
Chimiothérapie
Radiothérapie
Chirurgie
Prise en charge psycho-sociale
Complications
3.6. Evolution
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE