L’utilité de réconcilier les lycéens et la lecture dans le cadre scolaire

Qui dit cours de français et enseignement dit grammaire, écriture, conjugaison, auteurs, livres, et, ce qui va faire l’objet de ce mémoire professionnel : lecture. La question de la lecture dans le système scolaire français est revenue sur le devant de la scène depuis quelques années et on ressent bien cet attrait pour la lecture que cela soit d’un point de vue médiatique – les enquêtes, les sondages et les articles se multiplient dans les revues pédagogiques et sur les sites internet – ainsi que d’un point de vue ministériel avec des programmes qui mettent l’accent sur les pratiques de lecture. L’origine de l’intérêt de ce mémoire pour la question de la lecture tournait autour de l’interrogation personnelle suivante: comment faire de la lecture une activité naturelle et volontaire chez l’adolescent, y compris en milieu scolaire ? Elle provient d’un constat qui semble partagé par bon nombre de personnes : la lecture est en plein déclin et n’apparait plus comme une activité ou un loisir premier chez les adolescents. C’est pourquoi nous pouvons nous demander les raisons de ce déclin de compétence en lecture mais aussi et surtout ce qu’on entend derrière le terme de lecture. La lecture, qu’est-ce ? Comment peut-on la définir ?

Lecteur(s), lecture : les théories autour de l’acte de lire

Refonte de la conception de la lecture : les années 1970 et la théorie de la réception

« Lire est une occupation. C’est-à-dire non seulement une activité, ce à quoi on consacre temps et énergie, mais encore et surtout un acte d’appropriation. Lire un texte, c’est occuper son territoire ».

Selon Bertrand Gervais, la lecture apparait comme une conquête, le conquérant étant le lecteur. Toute conquête ne pouvant se faire sans conquérant, il convient de (re)mettre ce dernier au centre et au cœur de l’acte de lire. C’est ainsi qu’après avoir mis le texte sur un piédestal, les théories des années 1970 se recentrent non plus sur le texte mais sur celui qui s’empare de ce texte : « La source de la production du sens ne réside pas vraiment ou pas seulement dans le texte, mais aussi et peut-être d’abord dans le récepteur, sujet-lisant ». En effet, en s’appuyant sur la remarque sartrienne affirmant qu’ « il n’y a d’art que pour et par autrui », les théories de la lecture vont alors s’attacher à comprendre la place et le rôle du lecteur dans la lecture. L’œuvre littéraire devient un lieu de discussion, elle est créée pour un destinataire, pour que quelqu’un la fasse vivre. Ce n’est plus l’homme qui sert l’œuvre mais l’œuvre qui sert l’homme. Il doit y trouver une satisfaction, des réponses, l’œuvre doit apporter quelque chose au lecteur si bien qu’il s’agit à la fois d’une discussion du lecteur avec lui-même mais aussi du lecteur avec le monde qu’il (re)découvre et avec lequel il entre en communication.

On conçoit alors avant tout la lecture comme un acte d’appropriation et ce terme devient la clé de voûte des théories de la réception. Il convient alors d’interroger cette appropriation de l’œuvre littéraire : que comprend-elle ? que suppose-t-elle ? qu’implique-telle ? Paul Ricoeur offre un fragment de réponse dans son ouvrage Du texte à l’action (1986): « par appropriation, j’entends ceci que l’interprétation d’un texte s’achève dans l’interprétation de soi qui désormais se comprend mieux, se comprend autrement, ou même commence à se comprendre ». S’approprier une œuvre littéraire, c’est à la fois comprendre et interpréter ; le lecteur est donc celui capable d’allier ces deux instances dans sa lecture.

Les théoriciens de la réception recentrent l’acte de lire sur le lecteur parce qu’il est celui qui va actualiser le texte, s’en emparer et le faire vivre. Mais où commence véritablement la lecture ? Si le lecteur est l’élément central, à quel moment l’individu s’empare-t-il de son rôle de lecteur ? Pour Hans Robert Jauss, théoricien fondateur de la théorie de la réception, l’individu devient lecteur au moment où il commence à constituer des attentes face à une œuvre. Il nomme ses attentes l’« erwartunghorizont» ou l’ « horizon d’attente ». Dès lors, c’est cet horizon, prérencontre entre le lecteur et l’œuvre littéraire, qui favoriserait son appropriation car il incarnerait déjà le désir de lire. Il pousse le lecteur vers l’œuvre, il l’appelle, il est la curiosité menant au passage à l’acte. Le lecteur est donc remis au centre de la lecture parce qu’il s’approprie l’œuvre. Mais, si la place du lecteur est décisive, qu’en est-il de l’acte de lire à proprement parler ?

La lecture : une instance complexe 

« Le lecteur, se plaçant instinctivement dans une situation de compromis entre veille et sommeil, accepte l’emprise de représentations que, dans d’autres circonstances, il ne tolérerait pas. […]Cette oscillation du sujet lisant entre la force hallucinatoire des représentations imaginaires et la distanciation imposée par la partie du « moi » demeurée consciente explique la complexité de l’activité créatrice. Le lecteur, loin d’être un sujet stable et unifié, passe, sans cesse, au fil du roman, d’une position de lecture à l’autre. » .

L’acte de lire, comme le décrit Vincent Jouve dans son ouvrage L’Effet-personnage dans le roman (1998), apparait comme une alternance de conscience, entre contrainte et liberté ; il s’agit alors d’un acte d’une grande complexité qui mettrait en jeu divers niveaux de lecture. Paul Ricœur va plus loin, le lecteur pour lui est celui qui accepte de se perdre dans l’œuvre littéraire pour se trouver ensuite; le lecteur est donc à la fois celui qui accepte et est contraint et celui qui peut être malmené . Qui est donc l’individu qui va décider de lire ? Quelle part de lui va « accepte[r] l’emprise » ou au contraire ne pas la « tolér[er] » ? Quelles sont les positions de lecture possibles qu’un lecteur va prendre au gré du texte ?

Vincent Jouve s’inscrit dans le sillage de Michel Picard qui, dans son essai La Lecture comme jeu (1986), tente de classer ces différentes positions, ces différents niveaux de lecture. Il distingue trois niveaux de lecture qui vont se côtoyer au sein même du lecteur. D’une part, sommeille en nous le « liseur » qui n’est autre que l’individu tenant l’ouvrage entre ses mains mais gardant un contact avec le monde extérieur qui l’environne ; il semble que le « liseur » ne soit pas pleinement plongé dans l’univers que lui offre en pâture la lecture, il reste à bonne distance de la fiction qu’il perçoit comme telle. D’autre part, le lecteur peut adopter la position du « lu » qui renvoie à son inconscient qui réagit directement à la structure narrative d’un texte. Enfin, le lecteur peut devenir le « lectant » qui se plait à analyser la complexité de l’œuvre.

Vincent Jouve se réapproprie cette typologie de Michel Picard dans son essai La Lecture (1993) en y apportant quelques modifications. Il distingue ainsi dans le pendant « lectant » du lecteur celui qui cherche à décrypter la stratégie narrative d’un texte, le « lectant-jouant », de celui qui veut saisir le sens global de l’œuvre, le « lectantinterprétant ». Pour Vincent Jouve, le « lu » n’est plus simplement l’inconscient du lecteur, on dépasse la simple structure du texte en y injectant une certaine dimension de plaisir. Enfin le « liseur » de Michel Picard se mue en «lisant» et renvoie à la part du lecteur qui est plongée voire piégée dans l’illusion référentielle de l’ouvrage : le monde du texte est alors perçu comme un monde tangible et existant. Ainsi, grâce à la représentation de ces typologies, il apparait évident que le lecteur doit être un caméléon mais également une victime consentante de la lecture. Il faut accepter de ne pas perpétuellement tout contrôler et si le lecteur prend sa part décisionnaire en choisissant d’ouvrir une œuvre pour telle et telle raison, il doit accepter de laisser la main à cette dernière.

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Table des matières

Introduction
I. Lecteur(s), lecture : les théories autour de l’acte de lire
I.1. Refonte de la conception de la lecture : les années 1970 et la théorie de la réception
I.2. La lecture : une instance complexe
I.3. Un lecteur, des lecteurs : entre le « virtuel » et le « réel »
I.4. La lecture comme activité scolaire : perspective historique et évolutions
II. La lecture « rechignée » ? Etat des lieux dans la classe et réponses didactiques
II.1. Etat des lieux actuel sur l’appétence de la lecture chez les élèves
II.2. La place de la lecture dans le milieu scolaire
I.3. « La littérature, pour quoi faire ? »
II.4. Les solutions didactiques envisagées
III. Pratiques et observations sur le terrain
III.1. La fiche de renseignements : un révélateur de la relation entre élève et lecture
III.2. Quid du questionnaire de lecture ?
III.3. Motiver et redorer le blason de la lecture : l’élève lecteur et créateur
III.3.1. L’écriture d’invention : création d’un recueil de fables
III.3.2. Un protocole mis en place pour une lecture cursive : réinjecter du plaisir par le désir et la curiosité
III.3.3. Favoriser le partage et l’expression des ressentis de lecteurs
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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