Système de prévision opérationnel actuel
Dans l’exercice de ses fonctions, la DEH emploie les données météorologiques du DSEE (Direction du Suivi de l’État de l’Environnement), les données hydrométriques recueillies sur le terrain, les prévisions météorologiques d’ECCC (Environnement et Changements Climatiques Canada) et le modèle hydrologique HYDROTEL (Fortin et al., 1995). Ces informations, ainsi que les observations récentes de débit, de niveau et de neige, leur permettent d’émettre des prévisions de débit en continu sur les rivières les plus à risque du Québec. Les prévisions sont émises jusqu’à un horizon de 5 jours selon un pas de temps de 3h, et disponibles sur internet, autant pour le grand public que pour les intervenants locaux. Afin d’offrir une mesure de l’incertitude sur la prévision, le CEHQ «habille» la courbe prévisionnelle d’une enveloppe d’incertitude d’un niveau de confiance 50%. Ce modèle d’habillage statistique a été développé par Huard (2013) et représente «les erreurs prévisionnelles passées associées à un maximum de 10 années d’historique de prévision opérationnelles, obtenues depuis la simulation de la prévision météo déterministe» (Huard 2013).
Responsable de la gestion du bassin Montmorency, le bureau de la sécurité publique de la ville de Québec est l’un des intervenants utilisant la prévision hydrologique émise par la DEH. Celui-ci analyse l’information recueillie et a le rôle de prendre la décision d’engager ou non des mesures de sécurité visant à protéger la population d’une inondation imminente probable. Pour s’aider dans cette tâche, la ville de Québec a préétablie des «seuils de dépassement» permettant de lancer des mesures incrémentales d’actions, jusqu’à l’évacuation d’urgence.
L’utilité de la prévision d’ensemble en hydrologie
La prévision hydrologique est une science incertaine. Par conséquent, afin de représenter le plus fidèlement possible la réalité stochastique de ce domaine, il est justifiable d’accompagner une prévision donnée d’une mesure d’incertitude. Pour parvenir à ce résultat, il existe plusieurs manières de procéder. La méthode de la DEH s’apparente à un système «habillé», ou l’erreur sur la prévision est estimée en moyennant les erreurs prévisionnelles passées dans des conditions semblables (Huard,2013). Cette méthode est en application chez plusieurs agences opérationnelles (ex. Hamill and Whitaker, 2006; Diomede et al., 2008; Marty et al., 2012).
Il est aussi possible de simuler plusieurs « scénarios », chacun reposant sur des méthodes ou des hypothèses différentes (comme en variant le modèle hydrologique, ou en introduisant des prévisions météos probabilistes, etc.), et de rassembler ces résultats sous la forme d’un ensemble prédictif où chaque scénario a une probabilité de se réaliser. C’est-ce qu’on appelle la prévision d’ensemble.
La communauté scientifique est généralement en accord sur le fait que les prévisions d’ensemble ont une valeur supérieure à la prévision déterministe (Jaun et al.,2008; Velazquez et al., 2010; He et al., 2013, et plusieurs autres). Cette preuve a aussi été faite (ex. Roulin, 2007; Velazquez et al., 2009; Boucher et al. 2012) grâce à plusieurs outils statistiques, comme des mesures telles que le Continuous Ranked Probability Score (CRPS, Gneiting et Raftery, 2007) et le score de Brier (Brier, 1950).
La valeur économique de la prévision et l’aversion au risque
Estimer l’impact économique d’une prévision n’est pas proprement nouveau. Dans le cas de la production d’hydroélectricité, la valeur d’un système de prévision est facilement interprétable en terme d’énergie produite, et a déjà fait l’objet de recherches (ex : Boucher et al., 2012; Carpentier et al., 2013; Côte and Leconte, 2016).
L’approche pour la détermination de la valeur d’un système de prévention d’inondation est totalement différente. Généralement, celle-ci est estimée grâce à une comparaison des dépenses (mesures de protection) et dégâts (inondation) selon le modèle «coutspertes» ou Cost/Loss ratio (e.x. Murphy, 1977; Richardson, 2000; Roulin, 2007;Verkade and Werner, 2011; Abaza et al., 2014) Toutefois, cette méthode n’est pas sans lacunes. Elle n’exploite pas toute l’information contenue dans une prévision probabiliste. Elle ne tient pas en compte de la nature humaine du processus de décision, qui va être influencée par une aversion (généralement) au risque de l’utilisateur. Afin de palier à ces manques, le projet actuel emprunte à une discipline bien familière avec l’évaluation de la valeur d’une décision basé sur des probabilités et des risques : l’économie.
La détermination de la valeur d’un système de prévision passera par la fonction d’utilité de von Neumann and Morgenstern (von Neumann and Morgenstern, 1944), qui reflète la préférence de l’utilisateur face à l’incertitude (risquophobe, neutre ou risquophile).
Le filtre d’ensemble de Kalman
Le filtre d’ensemble de Kalman (EnKF) est un outil mathématique permettant, dans son application, de poser une meilleure estimation de l’état d’un système en combinant simultanément l’information sur l’observation de l’état du système et la prévision préalablement faite sur celui-ci. Le cas d’application en hydrologie n’est pas nouveau, et la démarche offerte par Abaza et al. (2015) a été utilisée. Le processus est relativement complexe et sera détaillé entièrement dans le mémoire de maîtrise. Tout d’abord, les variables d’état sauvegardées 24h avant «l’instant présent» (donc, t-1) sont reprises.
Puis, des bornes de perturbations sont établies. Puisque dans la méthode actuelle d’HYDROTEL, l’ajustement des variables d’état se fait par l’intermédiaire de la météo observée, c’est cette dernière qui sera perturbée. Un ensemble de 50 scénarios de météo perturbées est créé. Chacun de ces scénarios est ensuite simulé dans HYDROTEL entre l’instant t -1 et t0 (24h), afin de permettre au bassin modélisé de répondre aux différentes conditions météo. Celui-ci nous retourne le résultat (50 débits perturbés correspondant) et le nouvel état du bassin (50 groupes d’états).
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Table des matières
1.Introduction
1.1 Problématique générale
1.2 Présentation de la zone d’étude
1.2.1 Géographie et morphologie
1.2.2 Climatologie et hydrologie
1.3 Système de prévision opérationnel actuel
2.Revue de littérature
2.1 L’utilité de la prévision d’ensemble en hydrologie
2.2 La valeur économique de la prévision et l’aversion au risque
3.Méthodologie générale
3.1 Le filtre d’ensemble de Kalman
4.Moving beyond the cost-loss ratio : Economic assessment of streamflow forecast for a risk averse decision maker
4.1 Abstact
4.2 Introduction
4.3 The economic model and the limits of the cost-loss ratio
4.4 Context
4.4.1 Floods on the Montmorency Watershed
4.4.2 Current forecasting and decision-making process
4.4.2.1 The hydrologicalmodel HYDROTEL
4.4.2.2 Flood alerts
4.4.3 A concurrent flood forecasting framework based on meteorological ensemble forecasts
4.4.3.1 Meteorological ensemble forecasts
4.4.3.2 Data assimilation and state variables uncertainty
4.5 Parametrization of the economic model
4.5.1 Level of risk aversion
4.5.2 Damages d, spending s, and damage reduction b
4.5.3 Warning time and dynamic decision-making
4.6 Performance assessment
4.6.1 Forecast quality
4.6.2 Evaluating the benefits of forecasts
4.7 Results
4.7.1 Assessment of hydrological forecasts relative to observations
4.7.2 Assessment of hydrological forecasts in terms of economic value
4.8 Discussion
4.9 Conclusions
4.10 Appendix A: How the cost-loss ratio implies risk-neutrality
4.11 Appendix B: Properties of the CARA utility function
4.12 Appendix C: Simulation procedure
4.13 Competing interests
4.14 Acknowledgements
Bibliography
5.Synthèse et conclusion