L’utilisation problématique des objets digitaux et de l’internet 

Mise en contexte de l’utilisation problématique des objets digitaux et de l’Internet

Depuis l’émergence de l’Internet, son utilisation a révolutionné notre existence tant dans notre façon de communiquer, de se divertir, que d’apprendre. Dès la fin des années 1990, déjà des chercheurs soulignaient le risque addictif potentiel de l’utilisation de l’Internet (Young, 1996; Griffiths, 2000). Avec raison, car des personnes se sont mises à développer des problèmes qui correspondent à la définition du DSM-V concernant les troubles mentaux.

L’American Psychiatrie Association (2018) affirme que (traduction libre):

Les maladies mentales sont des problèmes de santé impliquant des changements de pensée, d’émotion ou de comportement (ou une combinaison de ces facteurs).

Les maladies mentales sont associées à la détresse et lou aux problèmes de fonctionnement dans les activités sociales, professionnelles ou familiales.

Les symptômes que les patients rapportaient comportaient des similitudes avec les autres troubles addictifs, comme le jeu pathologique et la dépendance aux substances. Les chercheurs s’intéressant au sujet ont désigné ce trouble par plusieurs mots clés. Les principaux mots clés sont l’ utilisation problématique de l’Internet (Aboujaoude, 2010; Salgado et al., 2014), la cyberdépendance (Young, 1996; Chakraborty, Basu, & Vijaya Kumar, 2010; Siomos et al., 2012; Nadeau, Acier, Kern, & Nadeau, 2011), ou encore l’usage pathologique de l’Internet (Davis, 2001; Kaess et al., 2014). Dans le cadre de ce mémoire, le terme utilisation problématique des objets digitaux et de l’ Internet a été choisi pour uniformiser le texte.

Selon les auteurs Nadeau et al. (2011), l’utilisation problématique de l’Internet aurait émané pour la première fois en 1995 par le psychiatre américain Ivan Goldberg et reprise l’année suivante par la psychologue Kimberly Young durant le congrès annuel de l’American Psychological Association. Pionnière dans ce domaine, celle-ci fut l’une des premières à décrire l’ utilisation problématique de l’Internet comme étant un trouble addictif. Dans ces années, l’Internet n’était pas aussi accessible que maintenant.

Encore aujourd’hui, l’utilisation problématique de l’internet n’est pas considérée comme un diagnostic reconnu parmi les troubles psychiatriques. Cette absence de reconnaissance peut s’expliquer par le manque de consensus parmi les cliniciens et les chercheurs sur le terme pour désigner ce problème, les critères diagnostiques permettant de donner une définition à l’utilisation problématique de l’Internet, la quantité de symptômes exigés pour atteindre le seuil clinique et la période de temps nécessaire pour que le trouble soit dit cliniquement important (Hinic, 2011; Chakraborty et al., 2010).

Aussi, l’utilisation problématique de l’Internet ne fait pas partie de la classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé (Salgado et al., 2014), ni dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association psychiatrique américaine (APA) (Griffiths & Pontes, 2014; Nadeau et al., 2011). TI y a ainsi, une ambiguïté nosologique considérable entourant ce phénomène (Chakraborty et al.,201O).

Une recherche sur les bases de données suivantes a été effectuée: Academic Search Complete, CINAHL, Education Source, ERIC, Medline, ProQuest Dissertations, PsycInfo, Repère, Thèse Canada-portail, ainsi que Thèse Global. Dans la littérature grise, les sites consultés sont: Agence de la santé et services sociaux de Montréal, American Academy of Pediatrics, Centre canadien d’éducation aux médias et littératie numérique (HabiloMedias), Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO), gouvernement du Québec, Institut de la statistique du Québec (ISQ), Institut universitaire sur les dépendances et Société canadienne de pédiatrie.

Les mots clés, utilisés avec des combinaisons variables, sont : utilisation problématique de l’Internet, cyberdépendance, utilisation pathologique de l’Internet, utilisation compulsive de l’Internet, objet digital, média digital, technologie digitale, ainsi qu’effet, définition, symptôme et impact. Le groupe d’âge ciblé était des bambins (1-23 mois), des enfants d’âge scolaire (6 à 12 ans) et des adolescents (13-18 ans). Les articles 17 devaient être en anglais ou en français, et seulement les articles de 2010 à 2018 ont été recensés, sauf les articles dits « classiques » dans le domaine.

Les définitions et les critères diagnostiques proposés

Même si l’utilisation problématique de l’Internet n’est pas un trouble reconnu universellement, la majorité des chercheurs (Aboujaoude, 2010; Hundley & Shyles, 2010; Kaess et al., 2014; Nadeau et al., 2011; Young, 1996) s’entendent pour dire que l’utilisation problématique de l’ Internet crée une altération dans le fonctionnement de l’individu à de multiples niveaux.

La chercheure Young (1996), à la suite de son étude effectuée auprès de 396 personnes dont l’âge moyen est de 29 ans pour les hommes et de 43 ans pour les femmes, proposa des critères diagnostiques de la dépendance à l’ Internet basés sur les critères du jeu pathologique de la quatrième édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’Association Américaine de Psychiatrie (DSM-IV). Selon les critères de Young, une personne qui utilise problématiquement l’Internet doit présenter cinq critères diagnostiques ou plus sur huit et présenter les symptômes sur une période d’au moins six mois (voir Tableau 1).

Les recherches de Young ont démontré que les personnes classées dans la catégorie « cyberdépendante » étaient plus à risque d’avoir des problèmes au niveau physique, social, financier et professionnel/scolaire que les personnes classées dans la catégorie « non cyberdépendante ». Depuis la chercheure Young, bon nombre de chercheurs ont tenté de qualifier et de quantifier ce trouble, qui semble avec les années, devenir de plus en plus important.

Plus récemment, les chercheurs Tao et al. (2010) ont proposé des critères diagnostiques pour l’utilisation problématique de l’Internet. Leur échantillon était composé de 518 participants âgés entre 12 et 30 ans de Beijing fréquentant un centre de dépendance. lis se sont inspirés de leur expérience clinique, ainsi que de l’échelle diagnostique de Young et des instruments dichotomiques de divers chercheurs.

Les chercheurs Salgado et al. (2014) ont, pour leur part, développés un instrument de mesure pour détecter précocement l’ utilisation problématique de l’Internet chez les adolescents. Leur échantillon était composé de 2339 élèves de 11 à 18 ans provenant de Galacia, en Espagne. Avant d’entreprendre leur étude, les chercheurs ont constaté que plusieurs instruments de mesure comportaient des lacunes importantes, de telle sorte qu’ils ne sont pas spécifiques à la population adolescente, ne permettent pas de procurer des données sur les propriétés psychométriques, ne contienpent pas des échantillons significatifs pour permettre une validation empirique, ne permettent pas d’être utilisés de façon fiable, n’ont pas de version espagnole et sont influencés par l’environnement culturel où les échelles sont développées. Les chercheurs ont créé une échelle comportant huit items simples, adaptée aux adolescents et à la culture espagnole.

Le terme objet digital, dont il sera question dans ce mémoire, ne fait pas non plus consensus dans les écrits scientifiques. Certains l’appelleront un média digital (Davis, 2012), alors que d’autres l’appeleront une technologie digitale (Hundley & Shyles, 2010).

L’auteur Graham (2013) propose d’ utiliser le terme « objet » selon la pensée psychanalytique en y intégrant le monde virtuel. li cite (traduction libre):
1) Un devis, comme un téléphone intelligent et une tablette (comme un iPad), et peut s’étendre à incorporer un nouveau devis comme Google Glass.
2) Une plateforme, comme un site de réseautage (comme Facebook, Tumblr) ou un service de messagerie (Messagerie Blackberry-BBM), ou un site qui est difficile à catégoriser, par exemple Chatroulette. Sur une plateforme, les activités possibles sont de partager des photos, s’amuser à des jeux, miser de l’argent, bavarder.
3) Un contenu médiatique, présenté le plus souvent sous forme de texte, de contenu visuel médiatique (photo et des images) et de vidéos. (Graham, 2013, p.270) .

Le modèle étiologique

Dans les écrits scientifiques, un modèle se démarque davantage des autres pour expliquer le phénomène. Il s’ agit du modèle explicatif de Davis (2001). Basé sur l’approche cognitivo comportementale, le modèle tente d’expliquer comment une personne développe une utilisation problématique de l’Internet. Malgré le fait que le modèle soit intéressant au niveau théorique, les assises ont besoin d’être testées par une recherche systématique (Chakraborty et al., 2010) et la vision de l’adolescent sur sa propre situation est visiblement peu explorée au profit de celle de l’adulte. Aussi, le modèle ne tient pas compte de la prévention, de la promotion, ainsi que de la perception des adolescents sur leur état de santé. Nous n’avons donc pas retenu ce modèle comme fondement à notre recherche.

Les controverses de l’utilisation problématique de l’Internet

Malgré le modèle théorique de Davis mentionné précédemment, il y a un manque de cohérence qui persiste sur ce à quoi une personne qui utilise problématiquement l’Internet devient dépendante (Chakraborty et al., 2010). La question entourant le type d’activité spécifique devant être intégré dans l’ utilisation problématique de l’Internet n’est toujours pas résolue (Hinic, 2011). D’un côté, il y a les chercheurs qui intègrent dans leur définition de l’utilisation problématique de l’Internet tous les types d’activités reliés à l’Internet (par exemple, en incluant le cyberjeu, la cyberdépendance relationnelle, le cybersexe, le cyberamassage et la cyberdépendance dépensière dans la cyberdépendance).

C’est le cas pour les chercheurs Young (1996) ou encore CapIan (2002). D’un autre côté, il y a les chercheurs qui vont plutôt intégrer un type spécifique d’ activité dans leur définition de l’ utilisation problématique de l’Internet. C’est le cas pour les chercheurs Paulus, Ohmann, Von Gontard, et Popow (2018) avec les jeux pathologiques ou encore pour les chercheurs Brailovskaia, Teismann, et Margraf (2018) avec les réseaux sociaux.

Une autre controverse reliée à l’ utilisation problématique de l’Internet concerne le nombre d’heures d’utilisation quotidienne de l’Internet. Selon les chercheurs Israelasvili, Kim, et Bukobza (2012), le nombre d’heures passées sur l’Internet ne semblerait pas être un facteur déterminant pour mesurer le niveau d’utilisation problématique de l’Internet.

Ces chercheurs suggèrent plutôt d’inclure dans la définition de l’utilisation problématique de l’Internet une combinaison des objectifs par la personne dépendante.

Les problèmes concernant les instruments de mesure

Malgré le nombre élevé d’instruments de mesure développés au fil du temps par les différents chercheurs, une standardisation des échelles existantes devrait être faite (Hinic, 2011). Les échelles développées proviennent, la majorité du temps, de troubles connexes à l’utilisation problématique de l’ Internet. C’est le cas pour l’échelle de Young (1998) et l’échelle de Chen, Weng, Su, Wu, et Yang (2003) qui tirent leur origine du trouble du jeu pathologique du DSM-IV ou encore de l’échelle de Nichols et Nicki (2004) qui est basée sur la dépendance à une substance du DSM-IV. Ces instruments de mesure comportent des limitations importantes quant à leur utilisation. Premièrement, ils sont basés sur des assises théoriques différentes, faisant en sorte que les chercheurs ne sont pas en accord avec les composantes de ces échelles (Chakraborty et al., 2010). Ensuite, aucune des échelles ne permet d’identifier l’application spécifique à laquelle une personne pourrait être dépendante.

La prévalence de l’utilisation problématique de l’Internet

Plusieurs études ont tenté d’estimer la prévalence de l’ utilisation problématique de l’Internet au fil du temps. Selon Aboujaoude (2010), la prévalence auprès des adolescents fait l’objet de davantage d’études que tous les autres groupes d’âge. Selon ce même chercheur, il s’agit du premier groupe d’âge ayant grandi avec l’Internet et est donc considéré plus à risque d’ utiliser problématiquement l’ Internet. Parmi les articles recensés dans le cadre de ce mémoire, la prévalence des articles en provenance des pays européens varie de 1 à 15,2%, alors que celle des articles en provenance des pays asiatiques varie, quant à elle, de 6 à Il,4%. Ces différents écarts peuvent être expliqués par : une difficulté à conceptualiser le trouble, un manque de critères diagnostiques, une hétérogénéité dans la population étudiée et un oubli de considérer la présence de comorbidités dans certaines études (Aboujaoude, Koran, Gamel, Large, & Serbe, 2006).

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Table des matières

Liste des tableaux et des figures 
Remerciements 
Chapitre 1 : Problématique
Énoncé du problème
Objectifs de l’étude
Chapitre 2 : Recension des écrits 
Mise en contexte de l’utilisation problématique des objets digitaux et de l’Internet
L’utilisation des objets digitaux et de l’ Internet du point de vue social
Les stades de développement du cerveau chez les adolescents
Le cadre méthodologique: La phénoménologie
Chapitre 3 : Méthodologie
Le devis de l’étude
Le milieu de recherche
Les participants
La stratégie de recrutement
Les dispositions prises pour assurer la protection de personnes mineures
Les outils de la collecte des données
La présentation du projet
La description du déroulement des activités
Les définitions opérationnelles des termes
Les paramètres d’analyse
Les biais anticipés
Les retombées attendues
Chapitre 4 : Résultats
Moi et mon objet: relation avec les objets digitaux et l’Internet
Ce que je perçois des objets digitaux et de l’Internet
Utilité dans ma vie moderne (objet utilitaire, mode de communication)
Ce qu’il me fait vivre (ambivalences des émotions et regret)
Ma santé et mon objet
Mes activités quotidiennes
Ma santé physique
Ma santé psychologique
Ma famille, moi et mon objet: appareils digitaux et quotidien familial
Énumération des objets digitaux
Les activités à la maison avec les objets digitaux
Le discours des parents sur les objets digitaux
Mon école, moi et mon objet: appareils digitaux et mon quotidien scolaire
Explication de la classe portable et non portable
Activités à l’école avec les objets digitaux
Discours de l’école sur les objets digitaux
Risque de cyberdépendance
Chapitre 5 : Discussion
Moi et mon objet: relation avec les objets digitaux et l’Internet
Ce que je perçois des objets digitaux et de l’ Internet
Utilité dans ma vie moderne (objet utilitaire, mode de communication)
Ce qu’il me fait vivre (ambivalence des émotions et regret)
Ma santé et mon objet
Mes activités quotidiennes
Ma santé physique
Ma santé psychologique
Ma famille, moi et mon objet: appareils digitaux et quotidien familial
Le discours des parents sur les objets digitaux
Mon école, moi et mon objet: appareils digitaux et mon quotidien scolaire
Le discours de l’école sur les objets digitaux
Limites de l’étude
Recommandations
Pistes d’amélioration volet clinique
Pistes d’amélioration volet enseignement
Pistes d’amélioration volet recherche
Conclusion 
Références
Annexe A: Affiche de recrutement
Annexe B : Fiche signalétique
Annexe C : La feuille de consentement pour être contacté et pour obtenir davantage d’ informations
Annexe D : Tableau hebdomadaire sur l’ utilisation des objets digitaux et de l’Internet
Annexe E : Canevas d’entretien
Annexe F : Lettre d’information à l’ intention des parents
Annexe G : Lettre d’ information à l’intention des participants
Annexe H : Lettre d’information pour le milieu
Annexe l : Formulaire de consentement à l’intention des parents
Annexe J : Formulaire d’assentiment à l’ intention des participants
Annexe K : Engagement à la confidentialité
Annexe L : Feuille approbation du milieu
Annexe M : Certificat éthique

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