L’utilisation d’un outil numérique au service de la graphomotricité 

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Les premiers dessins et leur évolution

Henri Wallon explique que la trace est considérée comme un dessin lorsque c’est la volonté de tracer qui motive le geste. (Wallon, 1950) L’enfant observe ses traces et découvre progressivement l’incidence de ses gestes sur celles-ci. Il va essayer de les apprivoiser.
Aux alentours de 3 ans, l’enfant constate, après coup, que ce qu’il a tracé peut représenter quelque chose pour lui et pour les autres. Luquet nomme ce stade le « réalisme fortuit ». Cette découverte est accompagnée par l’entourage, qui questionne l’enfant sur la signification de sa production ou qui l’influence en lui trouvant un sens. (Luquet, 1984)
Entre 4 et 5 ans, l’enfant essaye de dessiner de manière reconnaissable le monde qui l’entoure. Il cherche des similitudes entre ce qu’il observe et les formes qui permettent de le figurer. Cependant, ses capacités graphiques sont encore limitées et ses productions ne sont pas tout à fait ressemblantes. Luquet nomme cette phase celle du « réalisme manqué ». Pendant ce stade, l’enfant montre à son entourage ses oeuvres et leur explique. Son langage se développe en parallèle et lui permet de narrer les scènes qu’il représente. Il communique avec l’autre par le biais de sa trace, il ne dessine plus que pour lui. (Luquet, 1984)
Entre 5 et 7 ans, l’enfant veut que son dessin soit mieux compréhensible pour l’autre et s’applique à le rendre de plus en plus précis. Au cours ce stade que Luquet appelle « réalisme intellectuel », l’enfant s’appuie plus sur ce qu’il sait que sur ce qu’il voit. Alors que l’adulte représente un objet selon un certain angle de vue et en ne figurant que ce qui est visible, l’enfant rajoute tous les détails auxquels il pense. Ce dernier, qui continue d’acquérir des aptitudes spatiales, commence à mettre en relation les différents éléments mais de manière incorrecte. On trouve dans ses dessins des phénomènes de transparence, de rabattement1, de détachement, d’étagement des plans… L’enfant dessine des éléments qui sont invisibles dans la réalité pour faciliter la compréhension. (Luquet, 1984)
Entre 8 et 9 ans, ses représentations sont plus proches du réel. C’est le stade du « réalisme visuel » pour Luquet. L’enfant accède à l’opacité et à la perspective. La compréhension de cette dernière est ardue, c’est au fil de nombreux essais et expériences qu’elle va s’acquérir et que les erreurs vont disparaitre. (Luquet, 1984)
Ce stade met fin à la période de dessin chez l’enfant, puisqu’après cet âge il va surtout investir la géométrie et l’écriture qui sont à ce moment-là plus sollicitées à l’école. Il continuera tout de même à investir le dessin et à développer ses capacités créatives et techniques en parallèle.
1Un rabattement consiste à dessiner dans un même plan des objets ou des surfaces qui ne le sont pas dans la réalité. Il s’agit, par exemple, de représenter à la fois le sol et les murs d’une pièce, ou encore, le plateau et les quatre pieds d’une table.

L’évolution du graphisme

Pour l’enfant, l’accès au niveau représentatif de la trace se fait simultanément et conjointement au développement des niveaux moteur et visuo-perceptif. Au fil des expériences graphiques, l’enfant affine ses gestes et sa perception. Il parvient à distinguer des formes et à les organiser dans l’espace. Voici quelques repères observables :
Nous l’avons vu, dès la première année de sa vie, l’enfant trace des traits sans signification, par plaisir. Ses gestes sont rythmés par des décharges motrices spontanées et imprécises. On retrouve alors principalement deux types de mouvements selon Greig : les arrondissements (l’enfant fait tourbillonner l’outil scripteur en partant du centre, sans le décoller de la feuille au cours du mouvement) et les changements brusques de direction (produisant des angles très aigus). (Greig, 2000) Au cours du mouvement, l’enfant montre des accélérations. Les décharges motrices sont visibles quand l’enfant sort de l’espace graphique.
Entre 18 et 24 mois, l’enfant apprend à maitriser l’espace graphique. Il produit des tracés qui ne dépassent plus les limites du support. C’est un contrôle du geste de nature cinétique, le bras et la main balayent la feuille dans un va et vient continu. (Vachez-Gatecel & Zammouri, 2019) L’oeil s’intéresse à la trace, il la suit.
A partir de 2 ans, l’enfant maîtrise de mieux en mieux ses mouvements. Ses premiers contrôles visuels lui permettent de freiner le geste pour mettre en place un point de départ et d’arrivée. (Vachez-Gatecel & Zammouri, 2019) On voit à cette période apparaître les traits horizontaux et verticaux, les cercles plus ou moins fermés (Lurçat, 1971). Les formes sont circulaires, ovoïdes ou spiralées.
De 3 à 5 ans, le contrôle visuel s’affine et le regard anticipe l’acte graphique. Cette acquisition est fondamentale pour l’apprentissage de l’écriture. (Vachez-Gatecel & Zammouri, 2019) De ce fait, les formes s’allongent et se précisent : les traits se prolongent, les arrondis se ferment (le rond apparait vers 3 ans), et les boucles s’amorcent. (Lurçat, 1971) Généralement autour de 4 ans, l’enfant sait tracer en plus des traits parallèles, des croix et des carrés. Il peut tracer un dessin centré et orienté sur le support et utiliser l’ensemble de l’espace graphique. Il est capable de reproduire des modèles et de superposer les formes entre elles pour représenter ses dessins (soleil, maison). (D’Ignazio & Martin, 2018)
A partir de 5 ans, le geste s’automatise et l’enfant peut maîtriser la précision et la vitesse de ses tracés. Les formes qu’il est capable de tracer se multiplient au fil des mois : boucles dans des sens différents, sinusoïdes, zig-zags, tuiles, ponts, cicloïdes, diagonales, croix obliques, triangles, rectangles, losanges… (D’Ignazio & Martin, 2018)
Quand il devient capable de reproduire des trajectoires, il peut commencer à tracer des lettres et des chiffres. Selon Beery, l’un des pré-requis à l’apprentissage de l’écriture est la faculté à tracer 9 formes géométriques de base qui sont : la ligne verticale, la ligne horizontale, le cercle, le carré, la croix, les diagonales, la croix oblique et le triangle. (Albaret, Kaiser, Soppelsa, 2013)
A l’école, le graphisme est envisagé comme une activité qui se situe entre le dessin et l’écriture. Il a pour but d’améliorer la motricité fine nécessaire à l’écriture grâce à la reproduction répétée de motifs proches des formes des lettres. Il se compose d’activités dites pré-scipturales. L’enfant exerce son geste et apprend à l’orienter dans le bon sens. Il réalise ainsi des frises de formes géométriques, complète des figures, recopie des modèles… Les enseignants à cette étape insistent sur le sens utilisé pour tracer les différents motifs. En effet, l’automatisation du geste dans le bon sens est très importante pour que la future écriture cursive soit fonctionnelle. Ces exercices sont aussi l’occasion de nommer les différentes formes utilisées, permettant à l’enfant de les reconnaître en tant que signes.
« La graphomotricité est une activité qui lie le geste à la trace graphique afin de produire des tracés et des formes qui évoluent selon l’âge et les niveaux d’apprentissage. Elle est l’un des deux socles fondateurs à l’apprentissage ultérieur de l’écriture. » (Copeland, 2019, p 131)
Grâce au dessin et au graphisme, l’enfant s’est donc constitué une réserve de facultés représentatives, perceptives et motrices. Voyons donc à présent de quelle manière il entre dans l’écriture …

Ce dont on a besoin pour écrire

Julian De Ajuriaguerra expliquait que : « L’écriture n’est possible qu’à partir d’un certain niveau d’organisation de la motricité, d’une coordination fine des mouvements, d’une activité de ceux-ci dans toutes les directions de l’espace […]. Elle n’est possible qu’à partir d’un certain niveau intellectuel, moteur et affectif. » (Ajuriaguerra et al., 1964, p.52)
Ainsi, si l’écriture nous permet de communiquer, elle reste une activité individuelle et en relation, qui nécessite de mettre en place des processus moteurs et psychiques complexes.
Martine Copeland formule ainsi que : « L’acte d’écrire est à la croisée des chemins entre maturation neuro-motrice et psychique et ne peut se faire sans un engagement à la fois corporel, affectif, cognitif et symbolique qui l’inscrit aisément dans le champ de la psychomotricité. » (Copeland, 2019, p 132)

L’acte d’écrire ne peut se faire sans engagement corporel

La maturation du système nerveux est une condition sine qua non à l’apprentissage de l’écriture. Elle permet, et est soutenue par, la diversification des expériences motrices et perceptives de l’enfant. Les deux s’étayent mutuellement et de ce fait, les items psychomoteurs évoluent au fil de ces progrès. En voici une description non exhaustive.

Versant perceptif

Le schéma corporel
Selon la définition de Juan-David Nasio, le schéma corporel est « une représentation plus ou moins consciente que l’individu a de son propre corps et qui lui sert de repère pour se situer et se déplacer dans l’espace ». (Nasio, 2007, cité par Pireyre, 2015, p 37). Anne Gatecel complète que celui-ci « joue un rôle dans la maîtrise ou le contrôle de la posture, de l’équilibre et du mouvement ». (Gatecel, 2013, p 11) Julian De Ajuriaguerra résume : « Édifié sur les impressions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques et visuelles, le schéma corporel réalise dans une construction active constamment remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique, qui fournit à nos actes, comme à nos perceptions, le cadre spatial de référence où ils prennent leur signification. » (Ajuriaguerra, 1974)
Il permet à l’individu de s’appuyer sur les perceptions qu’il a de son propre corps pour s’organiser dans l’espace et réguler ses actions. Ces deux items étant essentiels pour écrire, on comprend là la nécessité que le schéma corporel s’intègre correctement.
De Ajuriaguerra explique que l’élaboration du schéma corporel se réalise en plusieurs étapes, grâce à la maturation du système nerveux en interaction avec les expériences vécues.
La construction du schéma corporel (Ajuriaguerra, 1974) :
Pendant les premiers mois de sa vie, les sensibilités visuelles, tactiles, intéroceptives et proprioceptives de l’enfant ne sont pas encore éveillées. De plus, il ne maîtrise pas ses actes, ses déplacements ni les réponses à ses besoins, il vit dans un « corps subi ». Alors, ses propres espaces sensoriels ne sont pas encore mis en lien et l’espace qui l’entoure est perçu de façon très limité. Son corps lui semble morcelé et confondu avec celui de sa mère. De plus, son système nerveux encore immature le soumet à une motricité involontaire, réflexe.
Au fil du temps, la maturation de ses centres nerveux et des stimulations environnantes adaptées lui permettent d’acquérir une motricité volontaire. Il développe son activité et explore l’environnement et les différentes sensations associées. L’enfant accède progressivement aux représentations et notamment à celle de son corps.
De 3 mois à 3 ans, l’enfant découvre et multiplie les expériences. Son corps est en pleine évolution, c’est une période d’enrichissement moteur et sensoriel très important. Jean Piaget nomme d’ailleurs cette période « sensori-motrice » (Piaget, 1988). L’enfant contrôle de mieux en mieux ses mouvements, peut manipuler les objets, se déplacer et ainsi relier les différents espaces perceptifs entre eux. La perception qu’il a de lui-même s’unifie et il vit son corps à travers ses interactions avec son environnement et l’espace, il évolue dans un « corps vécu ». Il parvient à éviter les obstacles sur son chemin ou évaluer si les objets sont plus ou moins loin de lui. Cependant il est encore son propre référentiel spatial, c’est à dire qu’il peut situer les objets qui l’entourent de manière égocentrée uniquement. Entre 2 et 3 ans l’acquisition de la propreté témoigne qu’il commence à maîtriser son corps.
De 3 ans à 7 ans, l’enfant discrimine mieux les sensations. Il peut par exemple prendre conscience de la localisation, de la nature ou de l’intensité de ce qu’il ressent. Son corps est « perçu ». De ce fait, il commence à en connaître les différentes parties, leur localisation (connaissance dite topologique), et leurs relations. Il peut les désigner puis les nommer. On appelle cette connaissance les somatognosies (Hécaen et Ajuriaguerra, 1952). Elle arrive à maturité vers 7 ans. Le corps de l’enfant est « connu ». Certaines parties du corps sont connues plus tard, comme par exemple les tempes qui sont généralement nommées à 10 ans.
Le corps de l’enfant poursuit son évolution neuro-motrice, ce qui lui permet de mieux maîtriser sa motricité et de se latéraliser. Ainsi, sur la base de ses éprouvés corporels, ses repères spatiaux se consolident. Il peut s’orienter dans l’espace et perçoit les deux côtés distincts, sa droite et sa gauche.
A partir d’environ 7 ans, il peut passer du référentiel égocentré au référentiel exo-centrée. C’est-à-dire qu’il peut montrer la main droite de la personne en face de lui par exemple.
Parallèlement, les dessins du bonhomme de l’enfant s’enrichissent au fur et à mesure qu’il intègre son schéma corporel. Ces productions témoignent de l’évolution du « corps représenté ». C’est ainsi que le bonhomme têtard deviendra progressivement un personnage détaillé et bien proportionné.
L’intégration du schéma corporel se poursuit et se remanie tout au long de la vie.
La latéralité
La latéralité qualifie l’ensemble des asymétries fonctionnelles entre les deux hémicorps, elle concerne les mains, les yeux et les pieds. Elle s’observe par la préférence, à chaque niveau, d’un organe pair sur son homologue. On nomme respectivement ces dominances : manuelle, oculaire et pédestre (ou podale). La latéralité est physiologique et s’acquière grâce au processus de latéralisation qui désigne « l’ensemble des éléments qui, au cours de la maturation de l’enfant, conditionnent la latéralité ». (De Lièvre, B. & Staes, L., 2006, p. 52) Lorsque les trois dominances s’observent du même côté, on dit que la latéralité est homogène, si ce n’est pas le cas elle est hétérogène. La latéralité est croisée lorsque les dominances manuelle et oculaire sont de deux côtés distincts. En outre, on parle d’ambidextrie si les habilités sont équivalentes de part et d’autre du corps pour une action donnée. Aucune de ces latéralités n’est pathologique, elles sont toutes propres à chaque individu.
La latéralité apparaît progressivement. Vers 4-5 ans, beaucoup d’enfants témoignent d’une préférence manuelle. Elle s’élabore au fur et à mesure des expériences et vers 6-7 ans, tous les enfants sont latéralisés. (Pavy P.)
Il est préférable que l’enfant ait déterminé sa préférence manuelle pour aborder l’écriture avec sérénité. Sinon, on risque d’observer des tracés peu fluides et irréguliers, témoignant des doutes de l’enfant. Si à 5 ans l’enfant semble beaucoup hésiter dans le choix de sa main dominante, il est possible de l’aider suite à l’observation de son propre processus de latéralisation.
Au fil des expériences, l’enfant prend conscience de la différence tonique qui s’instaure entre ses deux côtés et de sa capacité à produire des gestes ensemble ou séparément. Il va, à partir de cette perception, distinguer petit à petit sa droite et sa gauche et s’organiser dans cet espace. De ce fait, la latéralité est l’étape intermédiaire entre le schéma corporel et la structuration spatiale. (De Lièvre et Staes, 2006)
L’organisation spatiale
L’organisation spatiale se construit en même temps que s’élabore le schéma corporel. Quand l’enfant réalise qu’il est un corps unifié et différent de l’autre, il comprend, grâce au regard que du vide les sépare. C’est à partir de cette première conscience que l’enfant peut organiser tout l’espace autour.
L’organisation spatiale se compose de deux items : l’orientation spatiale et la structuration spatiale.
L’orientation spatiale permet de se situer, de suivre une direction, d’orienter les espaces et de s’y déplacer. Elle permet aussi d’intégrer les rapports topologiques tels que devant, derrière, au-dessus, en dessous, à côté… En écriture l’acquisition de l’orientation spatiale est nécessaire pour percevoir où commencer à écrire sur la feuille (notion « en haut » « à gauche » à reconnaitre), le sens des obliques des accents graves et aigus, les directions des boucles vers le haut ou vers le bas, ou encore les lettres différenciées uniquement par leur orientation comme les d, b, q, p.
La notion de structuration spatiale comporte :
– La perception des formes sans notion d’orientation. Par exemple un carré définit un espace limité mais n’est pas dirigé vers le haut, la gauche, la droite, etc.
– La perception des espaces, des notions de distance et de réversibilité. L’enfant accède progressivement à la division des espaces. Il peut appréhender des notions telles que « deux fois plus grand », la moitié, etc. Il accède aussi à la troisième dimension.
En écriture, cette notion est en lien avec la perception des lignes d’écriture, de l’espacement entre les lettres et les mots, du rapport de tailles des lettres, de l’adaptation de la dimension de l’écriture par rapport à l’espace disponible sur le support…
Le tout constitue l’organisation spatiale. Elle permet à l’individu d’organiser ses propres mouvements et de comprendre les relations entre lui et le monde extérieur ou d’agencer différents objets entre eux. Ces acquisitions sont repérables dans les tracés des enfants. Par exemple, en parlant d’un enfant à qui on demande de tracer un rond, Bullinger explique : « La réussite du freinage du geste s’accompagne généralement d’un soin tout particulier pour fermer la forme. Les notions topologiques « dedans », « dehors » sont généralement comprises à ce moment. » (Bullinger, 2014, pp 247 – 248)
Les compétences visuo-spatiales
Aurélien D’Ignazio explicite les différents termes liés à ce domaine :
L’acuité visuelle est directement liée à l’organe sensoriel de la vue : les yeux. C’est l’ophtalmologue qui s’occupe des troubles en lien avec cet item. (D’Ignazio, 2020)
L’oculomotricité est l’ensemble des mouvements réalisés par les yeux pour orienter le regard vers l’endroit souhaité. (D’Ignazio, 2020) Une difficulté oculomotrice perturbera les allers-retours visuels entre un modèle et la feuille, ils seront beaucoup plus longs. Si une difficulté est présente, un orthoptiste pourra objectiver le trouble et le rééduquer. (Ibid.)
La visuo-perception est utile afin d’identifier et reconnaître les objets, elle permet la mise en place de gnosies2 visuelles. En écriture, elle s’applique à la discrimination des différentes lettres et à leur identification. (Ibid.)
Les facultés visuo-spatiales, permettent le repérage de l’orientation et de la topologie des objets, que ce soit par rapport à soi même (de manière égocentrée), par rapport à un repère extérieur (excentrée) ou les uns par rapport aux autres (relative). (OMS, 2001) Elle est indispensable pour se repérer sur un plan ou sur une feuille de copie, visualiser un itinéraire… Grâce aux facultés visuo-motrices, l’individu ajuste ses mouvements aux feedback visuels fournis par les différentes composantes déjà citées. De cette manière, les informations visuelles perçues et l’activité motrice s’associent et se coordonnent. (Korkman et al., 2003) Les aptitudes visuo-constructives associent « la perception visuelle aux capacités de construction graphique (dessiner, recopier…) et/ou d’assemblage d’objets (assemblage de cubes, légos, puzzles, mosaïques ; faire du bricolage…) ». (D’Ignazio, 2020) Cette compétence relie les notions de perception visuelle, de motricité et d’organisation de l’espace.
De la perception à l’action coordonnée
La coordination oculomotrice qualifie la capacité à coordonner ce que perçoivent les yeux avec les mouvements du corps. Il en existe trois types : la coordination oculo-manuelle, la coordination oculo-pédestre et la coordination oculo-globale.
Dans le cadre de l’apprentissage de l’écriture, c’est la coordination oculo-manuelle qui est mise en jeu. Elle désigne l’habilité à coordonner la vision et le membre supérieur lors de l’exécution du geste. D’abord perçues par les yeux, les informations sont transmises aux aires visuelles, puis communiquées à deux voies nerveuses. Les deux voies se dirigent jusqu’aux cortex pré-moteur et moteur qui organisent et contrôlent les mouvements. Elles se coordonnent entre elles, permettant aux muscles du bras et de la main de se synchroniser et de s’ajuster en fonction d’une cible visuelle. C’est grâce à cela que l’enfant, comme nous l’avons vu, passe d’une main dirigeant le tracé et suivie par l’œil, à un un œil qui effectue un contrôle sur les mouvements de la main. (Plancke, 2013)

L’acte d’écrire ne peut se faire sans engagement cognitif et symbolique

L’accès au symbole
Comme le dit Marie-Alice Du Pasquier : « Écrire c’est parler silencieusement avec sa main […]. » (Du Pasquier, 2010, p 9) Cette formulation rend bien compte de l’intrication du corps et du langage dans l’écriture. L’écriture consiste en l’inscription de graphèmes (le dessin des lettres) pour former des phonèmes (transcription écrite d’un son). Pourtant au début, l’enfant trace ses premières lettres en portant toute son attention sur la forme. Il ne voit pas un « o » mais un rond, il ne perçoit pas un « T » mais plutôt deux bâtons. Petit à petit, la lettre cessera d’être un dessin et deviendra un signe langagier symbolisant un son : l’enfant prend conscience de l’aspect symbolique de la lettre. Selon Piaget, la fonction symbolique « permet de représenter des objets ou des événements, non actuellement perceptibles en les invoquant par le moyen de symboles ou de signes différenciés : tels sont les jeux symboliques, l’imitation différée, l’image mentale, le dessin, etc., et surtout le langage lui-même ». (Piaget, 1988, p 48 )
L’écriture comporte de plus une fonction sémiotique qui permet à l’individu de mettre du sens dans ce qu’il écrit malgré les subtilités orthographiques. Cette fonction prend en compte le fait que plusieurs phonèmes différents peuvent transcrire un même son associé à des sens différents. Par exemple, les phonèmes « o » « eau » ou « haut » décrivent tous le même son [o] mais ne représentent pas la même chose. (Hébert, 2018) Une bonne connaissance des graphèmes et des phonèmes qui leur correspondent est un des paramètres importants pour la bonne automatisation de l’écriture.
La mémoire et l’attention
De nombreux processus cognitifs sont mis en jeu dans l’écriture. Nous pouvons citer : La mémoire : La mémoire de travail permet à l’enfant d’écrire une phrase cohérente puisqu’il est capable, arrivé vers la fin, de se souvenir de ce qu’il notait au début. La mémoire épisodique permet de stocker la forme finale d’un mot.
L’attention : Elle est nécessaire pour rester concentré sur une tâche aussi complexe.
L’attention visuelle est utile lors de la comparaison entre la lettre en cours et le modèle.
L’organisation temporelle
Elle permet l’accès à la notion de séquentialité, nécessaire pour que l’enfant parvienne
à discriminer les sons oralement et assemble à l’écrit les lettres, les syllabes et les mots dans le bon sens. La notion de séquentialité intervient également au niveau de l’élaboration du programme moteur.

L’acte d’écrire ne peut se faire sans engagement psycho-affectif

L’apprentissage complexe de l’écriture demande à l’enfant une importante disponibilité psychique. Il doit pouvoir rester seul pour se concentrer sur son travail, ce qui nécessite une sécurité affective. De plus, l’écriture étant à la fois expression de soi (elle est identitaire) et communication (dimension relationnelle), il est important que l’enfant sente qu’il est un individu unique et différencié des autres. Ces acquisitions commencent à se construire dès les premières années de sa vie et dépendent de la qualité des relations précoces entre lui et son environnement. (Winnicott, 1989) Dès sa naissance, l’enfant est en symbiose avec sa mère (leur proximité est extrême) et considère ne former qu’un avec celle-ci. Petit à petit, il réalise qu’ils ne sont pas un tout commun, qu’ils sont différents. Ainsi il intègre qu’elle et lui ne cessent jamais d’exister, même s’ils ne sont pas ensemble. Ces notions, de sentiment propre de continuité d’existence et de permanence de l’objet amènent l’enfant à s’individualiser et facilitent la séparation avec sa mère, il réalise qu’elle ne disparait pas lorsqu’il ne la voit plus. (Ibid.)
Pour en arriver là, l’enfant doit percevoir ses limites et comprendre qu’il peut agir sur son environnement (on appelle cela l’agentivité). Pour se faire, il est important que les relations précoces avec sa mère soient de bonne qualité, notamment dans les moments de portages tant physiquement que psychiquement (nommée Holding et Handling par Winicott) et dans leurs interactions au travers du dialogue tonique (dialogue tonico-émotionnel). Ces moments permettent à l’enfant d’éprouver le ressenti de son enveloppe entière et unifiée et d’établir des limites entre lui et l’extérieur. La qualité et la régularité des réponses maternelles sont importantes. En présentant à l’enfant l’objet dont il a besoin au bon moment, en interprétant de la bonne manière les comportements de son enfant, la mère inscrit le bébé en tant qu’acteur dans la communication. (Ibid.)
Lorsque l’enfant se considère comme un individu et qu’il dispose de la sécurité affective nécessaire, il devient capable de s’auto-calmer et de faire face aux moments douloureux, de solitude et de frustration. Cette relation stable et sécurisante avec son environnement offre à l’enfant la possibilité de se séparer et d’explorer le monde sans le besoin de sa mère. Il devient capable de « jouer seul », il peut ensuite se concentrer sur l’apprentissage, tel que l’écriture. (Ibid.)
A ce sujet, Marie-Alice Du Pasquier rappelle que selon Freud, l’écriture est le « langage de l’absent ». (Freud, 1929) Elle ajoute à ce propos : « […] écrire, c’est parler à quelqu’un qui n’est pas là comme s’il était là. Seul l’enfant capable de jouer seul en présence de sa mère deviendra capable d’écrire à l’autre absent comme s’il était là. Et seul cet enfant-là saura suffisamment bien écrire. » (Du Pasquier, 2010, p 112)

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Table des matières

PARTIE I : Théorie
A) De la trace à l’écriture
1. D’un point de vue sémantique
1.1. La trace
1.2. Les productions graphiques spontanées
1.3. Le graphisme
1.4. Le dessin
1.5. L’écriture
2. D’un point de vue évolutif et anthropologique
2.1. L’apparition des premiers écrits
2.2. La place de l’écriture dans la société
3. Au cours du développement de l’enfant
3.1. Les premières traces de l’enfant
3.2. Les premiers tracés intentionnels
3.3. Les premiers dessins et leur évolution
3.4. L’évolution du graphisme
3.5. L’évolution de l’écriture
B) Ce dont on a besoin pour écrire
1. L’acte d’écrire ne peut se faire sans engagement corporel .
1.1. Versant perceptif
1.2. Versant tonico-moteur
2. L’acte d’écrire ne peut se faire sans engagement cognitif et symbolique
3. L’acte d’écrire ne peut se faire sans engagement psycho-affectif
C) Quand l’écriture est troublée
1. La dysgraphie.
1.1. Définitions .
1.2. Classifications de la dysgraphie
2. Diagnostiquer la dysgraphi
2.1. Échelle d’évaluation rapide de l’écriture chez l’enfant
2.2. Nouvelles perspectives
3. Prise en charge de la dysgraphie
3.1. Aspect rééducatif en psychomotricité
3.2. Aspect thérapeutique en psychomotricité
3.3. Aspect éducatif en psychomotricité
D) La technologie au service des troubles de l’écriture
1. Des premières lettres manuscrites à l’écriture numérique
2. La technologie au service de l’inclusion sociale
3. L’utilisation d’un outil numérique au service de la graphomotricité
3.1. Le projet Cowriter
PARTIE II : Clinique
A) Présentation du cadre d’observation .
B) Nathan
1. Présentation
1.1. Anamnèse
1.2. Bilan psychomoteur
1.3. Projet de prise en charge en psychomotricité
2. Evolution de Nathan
2.1. Le groupe rythme, espace et mouvement
2.2. Les séances de graphisme
3. Conclusions
C) Léon 
1. Présentation
1.1. Anamnèse
1.2. Bilan psychomoteur
1.3. Projet de prise en charge en psychomotricité
2. Evolution de Léon
2.1. Ma rencontre avec Léon, première séance sur tablette
2.2. L’évolution de Léon au fil des séances sur tablette
2.3. La dixième séance, dernière séance sur tablette
3. Conclusions
4. Et ensuite
PARTIE III : Discussion
A) Les technologies, outils de palliation aux troubles de l’écriture
1. L’utilisation de l’ordinateur à l’école
1.1. La double tâche
1.2. L’objectivation du retentissement fonctionnel du trouble graphique
1.3. Les bénéfices de l’ordinateur
2. L’écriture à la main
2.1. Un lien certain entre lecture et écriture
2.2. Un entrainement moteur du bout des doigts
2.3. Une initiatrice de créativité
2.4. L’identité à la pointe du crayon
2.5. La liberté
2.6. Un facteur d’inclusion
B) LLes technologies, outils dans la prise en charge psychomotrice des troubles de l’écriture
1. Les potentiels bienfaits des nouvelles technologies
1.1. Dans le cadre de l’évaluation
1.2. Dans le cadre de la rééducation
1.3. La généralisation des progrès
1.4. Questionnement
2. Le rôle du psychomotricien, indispensable dans le cadre de l’évaluation
3. Le rôle du psychomotricien, indispensable à la prise en charge
3.1. Le cadre d’utilisation de l’outil numérique
3.2. Les limites de l’outil numérique dans l’engagement corporel
3.3. Les limites de l’outil numérique dans l’engagement cognitif et symbolique
3.4. Les limites de l’outil numérique dans l’engagement psycho-affectif
4. Le rôle du psychomotricien dans l’élaboration des outils numériques
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE 

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