Emergence du thème
L’intérêt pour ce sujet est apparu lors de débats en cours magistral sur l’analyse d’activité en ergothérapie et son applicabilité en rééducation actuellement en France. Ces débats portaient sur l’application d’une approche centrée sur la personne et ses activités et sur le contexte actuel dans les centres de rééducation, qui semble parfois en contradiction avec la théorie enseignée lors de la formation. Lors d’un stage en centre de rééducation dédié à la neurologie et à la traumatologie, j’ai pu remarquer que la pratique de l’ergothérapeute dans ce domaine se base généralement sur le dysfonctionnement et non sur la personne. L’exemple le plus frappant est le cas d’une patiente reçue pour la mise en place d’une prothèse d’épaule inversée. En séance, il lui était proposé des exercices avec des cônes à déplacer pour retrouver des amplitudes articulaires fonctionnelles. Les activités qu’elle réalisait avant l’opération, n’avaient pas été prises en compte lors des évaluations ou de l’intervention. Une rééducation analytique, c’est-à-dire qui propose des exercices se concentrant sur un mouvement déficitaire, lui avait été proposé en ergothérapie. La dominance du modèle biomédical dans le champ de la rééducation, même en ergothérapie est encore ancrée dans les structures (1) (2). En théorie, lors de la formation, nous nous intéressons particulièrement au potentiel thérapeutique de l’activité. Pour cela, il est recommandé qu’une activité proposée en rééducation soit déjà intégrée dans la vie de la personne. Le fait qu’elle soit présente dans sa vie avant de venir en centre de rééducation lui permet de trouver du sens et d’être impliquée dans ses séances (3). Or, en centre de rééducation, les activités mises en place en séance ne sont pas forcément signifiantes pour la personne et la même activité peut être proposée aux personnes présentant la même pathologie. Les activités que la personne réalisait avant son entrée en centre de rééducation ne sont pas toujours exploitées lors de l’intervention en ergothérapie.
Thème général
La thématique de recherche s’articule autour de la démarche centrée en ergothérapie, plus particulièrement de son utilisation en centre de rééducation avec des personnes ayant été victimes d’un AVC . Pour aborder ce travail, différents champs pratiques et disciplinaires sont nécessaires, tels que l’ergothérapie, les sciences de l’occupation, les sciences de la réadaptation, la santé publique, la médecine ainsi que la psychologie. Pour ce thème, il est primordial de définir ce qu’est un centre de rééducation et ce qu’est la démarche centrée sur la personne en ergothérapie. Le centre de rééducation est défini comme un lieu prévu à la suite d’une hospitalisation dans un but de rééducation, de réadaptation et de réinsertion de personnes présentant des pathologies diverses. Les trois missions, citées précédemment, d’un centre de rééducation sont en détail :
-La rééducation pour permettre au patient de retrouver des capacités cognitives, physiques ainsi que psychologiques ;
-La réadaptation pour accompagner le patient en cas d’incapacités persistantes pour qu’il puisse s’adapter et trouver des stratégies pour pallier ces limitations ;
-La réinsertion pour permettre au patient un retour à son quotidien d’avant séjour en toute autonomie (4).
Tandis que la démarche centrée sur la personne en ergothérapie est définie selon Law (1998) comme une approche promouvant la collaboration entre l’ergothérapeute et le patient. De plus, dans cette approche, la personne devient actrice de sa prise en soin, en ayant un pouvoir de décision. L’ergothérapeute doit être attentif aux occupations importantes pour la personne ainsi que l’environnement dans lequel elle évolue. Enfin, l’accent est mis sur la relation entre le professionnel et la personne, une relation d’empathie est privilégiée (5). Selon World Federation of Occupational Therapists (WFOT), les occupations sont définies ainsi : « En ergothérapie, les occupations désignent les activités quotidiennes que les gens font en tant qu’individus, en famille et avec les communautés pour occuper leur temps et donner un sens et un but à leur vie. Les occupations comprennent les choses que les gens ont besoin de faire, qu’ils veulent faire et qu’on attend d’eux. » (6).
La population étudiée est caractérisée par des adultes ayant été victimes d’un AVC et suivant une rééducation. Le choix de cette population a été effectué car c’est une pathologie complexe, où les patients sont en demande de retrouver une autonomie et une indépendance face à leur nouvelle vie quotidienne. Enfin, il est primordial de définir ce qu’est un AVC pour mieux comprendre la pathologie et ses conséquences. Un AVC est un déficit neurologique localisé d’apparition brutale, touchant le cerveau. Il peut être d’ordre ischémique, c’est-à-dire lorsqu’une artère du cerveau est occluse. Ou alors, il peut être de nature hémorragique, lorsqu’un saignement se produit dans le cerveau (7).
Construction de la revue de littérature
Banques de données
Les banques de données ont été sélectionnées en fonction des champs disciplinaires sur lesquels le thème s’appuie. Les bases de données scientifiques retenues, pour la pertinence et le niveau de scientificité des écrits sur la prise en soin en ergothérapie de personnes ayant été victimes d’un AVC sont PubMed, Science Direct ainsi que Francis and Taylor Online. Pour avoir un panel plus large d’articles et avoir accès à certains articles payants, deux autres bases de données ont été sélectionnées. Il s’agit de Google Scholar et de Summon, qui est le moteur de recherche de la bibliothèque universitaire. D’autres bases de données n’ont pas été retenues comme Cochrane ainsi que EM Premium car elles comportaient les mêmes articles et études que d’autres bases de données sélectionnées.
Apports de la démarche centrée dans la rééducation post-AVC
L’intervention avec des patients post-AVC qui s’appuie sur une démarche centrée montre qu’elle a des effets positifs sur la personne pendant la rééducation et dans le retour à sa vie quotidienne par la suite. Un programme Client Activity of Daily Living (CADL) a été mis au point pour guider la rééducation de personnes ayant subi un AVC. Il se base sur les lignes directrices de la démarche centrée sur la personne. Ce programme se découpe en neuf étapes distinctes et établies (Cf. Annexe 3) (17). La relation thérapeutique est le point de départ pour construire une intervention centrée sur la personne. Du point de vue des ergothérapeutes, le partage d’expérience durant toute la rééducation aide à mieux comprendre la personne et ce qu’elle vit. Pour les professionnels, cette démarche permet l’élargissement des compétences relationnelles. La collaboration entre le patient et l’ergothérapeute s’établit dès la première rencontre, et par la confiance mutuelle qu’ils s’accordent. Le soutien et l’accompagnement apportés par l’ergothérapeute au travers de cette démarche est soutenant pour le patient. Néanmoins, le rôle de la relation varie en fonction de chaque patient et de ce qu’il rencontre en rééducation. De plus, la relation se construit aussi en laissant le patient choisir les activités qu’il souhaite effectuer en séance, l’adaptabilité du thérapeute est donc nécessaire. Enfin, le partage des connaissances qu’à l’ergothérapeute, à son patient semble primordial pour que la personne comprenne sa situation et puisse être actrice de sa rééducation (18) (19). Un autre apport clé de la démarche centrée sur la personne dans la rééducation postAVC est qu’elle facilite l’engagement du patient. En effet, la définition conjointe des objectifs avec le thérapeute permet au patient de trouver une motivation dans sa rééducation et de mieux s’y engager. Le fait de rédiger ses objectifs en collaboration semble être un moteur pour l’avancée dans la rééducation. L’atteinte de ces objectifs est perçue comme un défi et motive la personne. Le patient devient acteur de sa prise en soin et peut décider par lui-même de ce qu’il veut et souhaite (20) (21). Cependant, la définition des objectifs permet l’engagement mais peut être difficile au début pour la personne, car cela peut paraitre abstrait (21). L’entourage peut aussi être consulté dans la rédaction des objectifs, cela permet à la personne de s’impliquer davantage dans l’intervention (22). L’utilisation de la démarche centrée permet d’améliorer l’état émotionnel des patients post-AVC. En effet, le groupe ayant reçu une intervention CADL a un score sur le versant émotionnel plus élevé par rapport au groupe témoin. Une explication pourrait être le fait que les expériences, les souhaits sont pris en compte. De plus, l’utilisation d’activités signifiantes améliore positivement la perception de l’état de santé de la personne (17) (23). La relation thérapeutique pourrait aussi être une explication car celle-ci apporte du soutien et de l’espoir au patient (19).
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Table des matières
1. Introduction
1.1 Emergence du thème
1 .2 Thème général
1.3 Résonance du thème
1.3.1 Question socialement vive
1.3.2 Utilité
1.3.3 Enjeux
1.4 Revue de littérature
1.4.1 Construction de la revue de littérature
1.4.2 Apports de la démarche centrée dans la rééducation post-AVC
1.4.3 Limites de cette démarche avec cette population
1.4.4 Utilisation de modèles pour soutenir cette démarche
1.5 Problématique pratique
1.6 Enquête exploratoire
1.6.1 Objectifs généraux et spécifiques
1.6.2 Population cible et site d’exploration
1.6.3 Outil de recueil de données
1.6.4 Traitement des données recueillies
1.7 Question initiale de recherche
1.8 Cadre de référence
1.8.1 Approche centrée sur la personne
1.8.2 Le Modèle Canadien du Rendement et de l’Engagement Occupationnels (MCREO)
1.8.3 Identité professionnelle
1.8.4 Problématisation théorique
1.9 Question et objet de recherche
2. Matériel et méthodes
2.1 Choix de la méthode de recherche
2.2 Caractéristiques de la population cible
2.2.1 Critères d’inclusion et d’exclusion
2.2.2 Sites d’exploration
2.3 Choix et construction de l’outil théorisé de recueil des données
2.3.1 Entretien semi-directif
2.3.2 Anticipation des biais
2.4 Déroulement de la recherche
2.4.1 Test de faisabilité et de validité
2.4.2 Déroulé de l’enquête
2.4.3 Choix des outils de traitement des données et d’analyse des résultats
3. Résultats
3.1 Description succincte de la population interrogée
3.2 Une identité professionnelle floue tendant à se renforcer
3.2.1 L’identité professionnelle : un concept parfois flou pour les ergothérapeutes
3.2.2 Une identité professionnelle marquée et singulière
3.2.3 Une pratique centrée sur les occupations
3.2.4 Le tournant apporté par l’utilisation du MCREO sur l’identité professionnelle
3.3 L’identification des ergothérapeutes par les autres professionnels et les usagers
3.3.1 Une identité professionnelle parfois difficile à maintenir
3.3.3 Les moyens mis en place en soutien à l’identité professionnelle des ergothérapeutes
3.4.2 Les limites du modèle et de la MCRO dans le domaine de la rééducation
3.4.3 La favorisation de la collaboration et de la pluridisciplinarité
4. Discussion des données
4.1 Interprétation des résultats et éléments de réponses à l’objet de recherche
4.2 Critiques du dispositif de recherche
4.3 Apports, intérêts et limites des résultats pour la pratique professionnelle
4.4 Transférabilité pour la pratique professionnelle
4.5 Perspectives de recherche
4.6 Conclusion de cette recherche
Références bibliographiques
Annexes
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