L’utilisation des technologies par les enfants et adolescents : un débat sociétal

L’utilisation des technologies par les enfants et adolescents : un débat sociétal

Depuis le début des années 1990, l’arrivée d’internet a influencé de façon prédominante le monde dans lequel nous évoluons, qualifiant cette période de révolution numérique. Prensky (2001) nommait « digital natives » les nouvelles générations d’enfants qui sont nées et ont grandi, à partir des années 1980, dans un monde entouré de technologies. Imprégnées des technologies numériques, ces générations penseraient et agiraient différemment en comparaison des générations précédentes (Howe & Strauss, 2000 ; Tapscott, 1998). Alors que la technologie change plus rapidement qu’à n’importe quel autre moment de l’histoire (Bennett & Maton, 2010), l’idée qu’elle impacte profondément nos vies reste omniprésente et occupe une place centrale dans un débat sociétal. Certains voient la technologie numérique comme un danger grandissant pour les générations en devenir, d’autres voient cette révolution comme une vision utopique d’un nouveau monde numérique accessible par tous (Bennett & Maton, 2010). Le débat concernant les technologies numériques a rapidement pris une forme de panique morale (Bennett et al., 2008 ; Bennett & Maton, 2010 ; Cohen, 2011 ; Ferguson, 2016). Selon Cohen (2011), une panique morale survient lorsque « des éléments, personnes ou groupes de personnes sont considérées comme une menace envers les valeurs et intérêts sociétaux » (p. 9). Bennett et al. (2008, 2010) condamne notamment l’utilisation abusive de langage dramatique proclamant des changements négatifs profonds qui impacteraient la nature même de l’éducation. Selon ce discours dramatique, les nouvelles générations nées dans un environnement numérique seraient si différentes des anciennes générations en termes de compétences technologiques et de modes de pensée que l’éducation donnée par les anciennes générations ne leur correspondrait plus. Cependant, selon Bennett et al. (2008, 2010), les croyances ont été mises en avant en lieu et place d’un débat raisonné basé sur des preuves scientifiques, résultant en un débat vide qui repose sur des affirmations dénuées de fondations solides et qui se répètent pourtant comme des faits établis, limitant la possibilité d’un débat ouvert et rationnel (Bennett & Maton, 2010). Ainsi construit, ce débat irait à l’encontre des avancées de la connaissance dans ce domaine. Selon Bennett et Maton (2010), si nous voulons comprendre l’effet des technologies numériques sur les enfants, il est nécessaire de changer la nature du débat, en se tournant vers un débat scientifique et non plus idéologique. Nous pourrions ainsi nous engager dans les questions importantes pouvant faire l’objet de recherches scientifiques, plutôt que d’adopter des positions idéologiques opposées (Bennett & Maton, 2010) qui cristallisent les questions fondamentales de recherche dans un débat stérile. Ce domaine d’études portant sur les effets des technologies numériques bénéficierait notamment d’une base plus théoriquement informée (Bennett & Maton, 2010). Ainsi, dans la lignée des propositions de Bennett, nous posons une question fondamentale : comment les technologies numériques peuvent-elles moduler les capacités cognitives des enfants grandissant dans des sociétés occidentales ?

L’omniprésence des technologies numériques dans l’environnement des enfants et adolescents 

Cette question prend tout son sens dans le contexte de nos sociétés occidentales dans lesquelles les technologies numériques occupent une place centrale, notamment auprès des enfants et adolescents (Rideout, 2016). Aux Etats-Unis, en 2013, environ 72% des enfants de 0 à 8 ans ont déjà utilisé une technologie numérique portative (Rideout et al., 2013), et leur utilisation chez les adolescents a été estimée à 8.5h d’utilisation par jour (Rideout et al., 2010). Des chiffres similaires se retrouvent en Europe. En effet, un questionnaire adressé à 896 parents aux Pays-Bas a rapporté que la quasi-totalité des enfants de 0-7 ans ont eu l’opportunité d’utiliser les technologies à la maison (Nikken & Schols, 2015). Au Royaume-Uni, deux tiers des enfants âgés de 3-4 ans vivent au quotidien avec une tablette tactile (Ofcom, 2014). En France, une étude a rapporté que 66% des enfants d’un an et 87 à 91% des enfants de 2 ans ont déjà utilisé une tablette tactile (Cristia & Seidl, 2015). De façon générale, on observe que les smartphones et tablettes tactiles sont les outils les plus fréquemment utilisés (51 et 44% respectivement) par les enfants et adolescents (Rideout et al., 2013).

Cette utilisation semble ne pas se limiter aux foyers les plus aisés. En effet, Kabali et al. (2015) ont récolté des données sur l’exposition et l’utilisation des technologies mobiles comme les smartphones et les tablettes tactiles auprès d’enfants appartenant à une catégorie sociale faible aux Etats-Unis. Sur un échantillon de 350 enfants de 6 mois à 4 ans provenant de foyers avec peu de revenus et d’une communauté minoritaire, 96,6% des enfants avaient déjà utilisé des technologies portables, la plupart ayant débuté avant 1 an. De plus, 83% des ménages étaient équipés de tablettes tactiles, et 77% étaient équipés de smartphones. Ces données suggèrent que les ménages à bas revenus semblent accéder plus régulièrement aux nouvelles technologies en 2015 (Radesky et al., 2015 ; Wartella et al., 2013), documentant un déclin rapide de la fracture numérique (Kabali et al., 2015). Ce déclin de la fracture numérique constaté pour des foyers avec des enfants et adolescents n’est cependant pas observé pour tous les groupes d’âges. En 2019, un rapport de l’INSEE faisait état d’un taux d’illectronisme (i.e. illettrisme électronique) de 67.2% chez les 75 ans et plus, contre 3% seulement chez les 15-29 ans (Legleye & Rolland, 2019).

Toutes ces données suggèrent que l’interaction des enfants avec les technologies numériques est majoritairement intégrée dans leur quotidien. De ce fait, les expériences interactives des enfants et le développement de compétences liées à la technologie dès leur plus jeune âge aura un impact significatif sur leur vie future, autrement dit, sur leur développement (Kaye, 2016 ; Plowman et al., 2012). L’omniprésence des technologies se retrouve également à l’âge adulte, notamment dans le monde professionnel (Van Laar et al., 2017). Développer des compétences numériques pendant l’enfance est donc nécessaire pour préparer la vie adulte (Van de Oudeweetering & Voogt, 2018). Pour ces raisons, Kaye (2016) considère qu’il n’est ni possible, ni bénéfique d’empêcher l’utilisation des technologies par les enfants dans notre société actuelle. Cette omniprésence des technologies dans l’environnement au sein duquel les enfants et adolescents se développent (Geist, 2012 ; NAEYC, 2012) a mené à un intérêt particulier concernant l’impact de l’utilisation de ces technologies sur le développement des capacités cognitives des enfants et adolescents.

Méfiance et défiance face à la technologie 

Devant le grand inconnu et la rapidité avec laquelle les technologies ont envahi notre quotidien, plusieurs auteurs se sont lancés dans une campagne de mise en garde contre ses potentiels effets délétères. En l’absence de recommandations académiques, Serge Tisseron (2012) a tenté d’établir, depuis 2008, des règles à propos de l’utilisation des écrans chez les enfants et adolescents, en proposant la règle des 3-6-9-12, sans faire de distinction entre les différentes plateformes utilisées (télévision, ordinateur, …). Cette règle, basée sur la simple conviction de l’auteur, propose de proscrire l’exposition à tout type d’écran avant 3 ans, aux jeux vidéo avant 6 ans, à internet avant 9 ans et d’éviter l’utilisation autonome des technologies numériques avant 12 ans. Ces règles, d’abord annoncées comme étant strictement définies à ces âges précis, ont été rééditées sous la forme de balises des 3-6-9-12. Les balises sont des indications plus souples, conseillant de respecter certaines périodes d’âge pour l’utilisation des technologies plutôt qu’une date d’anniversaire spécifique avant laquelle l’exposition serait strictement à proscrire. Serge Tisseron (2018 ; 2021) utilise ces balises pour conseiller un usage modéré plutôt qu’une interdiction totale d’exposition aux écrans numériques. Néanmoins, l’auteur considère que « tenir l’enfant préscolaire à l’écart des écrans semble être la meilleure façon de bien les utiliser à l’âge scolaire » (Tisseron, 2018, p. 7). Dans son ouvrage, il met ainsi en garde contre l’utilisation d’écrans numériques en invoquant le risque de priver les enfants d’apprentissages cognitifs et relationnels essentiels, et des conséquences graves que pourrait avoir l’utilisation des écrans sur le développement psychomoteur de l’enfant. Cependant, ces risques présupposés semblent reposer uniquement sur une conviction marquée et assumée par le « combat » mené par son association 3-6-9-12. Comme le rapporte la Société Française de Pédiatrie, les recommandations d’âges avancées dans l’ouvrage de Tisseron (2018) ne sont basées sur aucune recherche scientifique ou observation épidémiologique (Picherot et al., 2018).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – LES NOUVELLES TECHNOLOGIES CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT : QUELS BENEFICES ?
I – La révolution numérique
I.1. L’utilisation des technologies par les enfants et adolescents : un débat sociétal
I.2. L’omniprésence des technologies numériques dans l’environnement des enfants et adolescents
I.3. Méfiance et défiance face à la technologie
II – L’exposition passive aux écrans
II.1. Du mauvais usage des technologies numériques passives
II.2. Les premières recommandations académiques portant sur les effets des technologies numériques
III – Un nouveau débat marqué par l’apparition des technologies interactives
III.1. Les écrans tactiles numériques : une nouvelle révolution
III.2. Une reconsidération des recommandations académiques
III.3. Des bénéfices sur les apprentissages scolaires
CHAPITRE 2 – LA CREATIVITE : ORIGINES, DEFINITION, ET DEVELOPPEMENT CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT
I – Créativité et cognition
I.1. La créativité : du don divin à l’intelligence
I.2. Définition de la créativité
I.3. Pensée convergente et divergente
II – L’approche multivariée de la créativité
III – Les facteurs de créativité évoqués dans l’approche multivariée
III.1. Facteurs conatifs
III.2. Facteurs émotionnels
III.3. Facteurs environnementaux
IV – Les outils d’évaluation de la créativité
IV.1. Description des tests dans les études développementales
IV.2. L’évaluation de l’originalité dans les tâches de dessin et ses limites
V – Le développement de la créativité de l’âge préscolaire à l’adolescence
V.1. Du préscolaire au scolaire
V.2. La fin de la période élémentaire
V.3. Du collège au lycée
V.4. Des facteurs de développement multiples
CHAPITRE 3 – LES BASES EVOLUTIVES DE LA CREATIVITE : DE LA VARIATION A LA SELECTION
I – Le couplage variation-sélection dans l’évolution biologique
II – La créativité conçue comme un système de variation-sélection
II.1. Le modèle BVSR : un précurseur
II.2. Le couplage variation-sélection appliqué à la créativité selon le modèle de Dietrich et Haider (2015)
CHAPITRE 4 – LE SYSTEME PREDICTIF : DU CONTROLE SENSORIMOTEUR A LA CREATIVITE
I – La prédiction en tant que processus de l’évolution
II – Prédiction et modèles internes de l’action
II.1. Présentation des modèles internes
II.2. La prédiction, élément central des boucles de contrôle des modèles internes
II.3. L’émulation, générateur de prédiction sensorielle des modèles directs
II.4. Des connaissances implicites aux connaissances explicites
III – La simulation de l’action imaginée
IV – L’analogie des modèles internes
V – Relier la variation à la sélection
V.1. La sélection : un système de simulation explicite
V.2. La variation : un système d’émulation implicite
VI – Les afférences sensorielles, essence de créativité
CHAPITRE 5 – AGIR SUR L’AFFERENCE SENSORIELLE POUR MODULER LA CREATIVITE AU COURS DU DEVELOPPEMENT
CONCLUSION

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