En France, le secteur du bâtiment est particulièrement concerné dans la transition énergétique et par conséquent impliqué dans la lutte contre le dérèglement climatique. Pour rendre le bâtiment plus économe en énergie, il est nécessaire de rénover massivement l’existant et de développer des normes plus strictes en termes de consommation d’énergie pour les bâtiments neufs (MTES 2018). Or, ces actions doivent s’inscrire dans une démarche durable et répondre aux attentes de la performance énergétique mais aussi de confort et de santé des occupants. Ainsi, une attention grandissante et portée à la question de la qualité de l’air intérieur dans les bâtiments depuis plusieurs années. En octobre 2013, les ministères chargés de l’écologie et de la santé ont lancé le Plan d’actions sur la qualité de l’air intérieur lors de deuxièmes assises nationales de la qualité de l’air. Ce plan prévoit des actions à court, moyen et long terme afin d’améliorer la qualité de l’air dans les espaces clos. Celles-ci ont été intégrées dans le troisième Plan National Sante Environnement (PNSE 3) (ANSES 2016).
Afin d’atteindre les objectifs de performance énergétique et de la qualité de l’air intérieur, l’utilisation de matériaux bio-sourcés se positionne comme une alternative intéressante notamment en raison de leur rôle pour diminuer la consommation de matières premières d’origine fossile et limiter les émissions de gaz à effet de serre (FFB 2015). En 2016, 60 % des matériaux bio-sourcés utilisés dans la construction ou la rénovation de bâtiments ont été destinés à l’isolation (laines de bois, ouate de cellulose, laines de chanvre et lin, coton recycle etc) (DGE et al. 2016). Ces isolants sont très bien adaptés aux bâtiments anciens parce qu’ils respectent une de leurs caractéristiques fondamentales qui est l’hygrométrie. Ils contribuent ainsi à la régulation de l’humidité grâce à leur capacité à accumuler ou relâcher de la vapeur d’eau en relation avec les conditions environnementales. Cependant, il est important d’éviter que l’humidité s’accumule au sein des parois car cela peut modifier considérablement les caractéristiques physiques, mécaniques et thermiques des matériaux. Pour ce faire, des précautions doivent être prises en phase chantier où il s’avère important de protéger les matériaux de toute source d’humidité lors du stockage et de la mise en œuvre, et pendant la durée de vie du bâtiment où il est important d’être vigilant aux dégâts d’eau (DREAL CentreVal de Loire 2017).
Cadre règlementaire – « Le Bâtiment responsable »
Le Grenelle de l’Environnement (GE) et la Loi Relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LRTECV)
Le GE (2007) est un ensemble de rencontres politiques et des débats organisés visant à établir des décisions sur le long terme en matière d’environnement et de développement durable. Les objectifs principaux concernent : la lutte contre le dérèglement climatique notamment en diminuant les émissions de gaz à effet de serre, et en améliorant l’efficience énergétique ; la création de modes de consommation durables pour les secteurs de l’alimentation, la pèche, l’agroalimentaire et la distribution ; et, l’instauration d’un environnement respectueux de la santé en ce qui concerne la qualité de l’alimentation, la pollution, la gestion des déchets et l’air (MEDDTL 2007 a ; b ; c ; d ; e ; f).
Le secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire) est le plus grand consommateur en énergie, responsable de 47 % de la consommation finale (corrigée des variations climatiques) en 2016 et de la génération de 123 millions de tonnes de CO2 par an (23 % des émissions nationales) (MEEM 2016; ADEME 2018; MTES 2018). C’est pourquoi une des résolutions majeures du GE vise à favoriser un urbanisme économe en ressources foncières et énergétiques et à mettre en œuvre une rupture technologique dans la construction neuve et la rénovation thermique accélérée du parc ancien. L’Etat s’est fixé comme objectif la rénovation complète de 500 000 logements chaque année depuis 2013 (article 5- Grenelle 1, 2009) afin de réduire la consommation en énergie des immeubles anciens de 38 % en 2020 par rapport au niveau de 2008. Cette rénovation thermique massive doit être conforme aux exigences de la réglementation thermique (RT) 2007-2008 (MCDT 2016). Pour les bâtiments neufs, une consommation énergétique de moins de 50 kWh/m2 /an est exigée (RT 2012) depuis le 1er janvier 2013 (Bâtiment Basse Consommation, BBC). Ce seuil peut être modulé en fonction de la localisation géographique, des caractéristiques et de l’usage des bâtiments. Et sur le long terme, tout bâtiment neuf devra être à énergie passive (BEPAS) à l’horizon 2020, et à énergie positive (BEPOS) à partir de 2050 (article 4 – Grenelle 1, 2009).
Avec l’adoption de la LTECV (publiée au Journal Officiel du 18 aout 2015) d’autres engagements ont été établis. Tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kWh/m2/an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique (article 5) avant 2025 (MTES et MCT, 2018). Cette rénovation devra prendre en considération l’impact environnemental complet du bâtiment, de sa construction à sa démolition. Dans l’article 14 de la loi, les pouvoir publics ont expressément invités à encourager l’utilisation de matériaux de construction bio-sourcés. L’utilisation de ce type de matériaux permet de réduire les consommations de matières premières d’origine fossile ainsi que de limiter les émissions à effet de serre (Cerema 2016).
Plan National Sante Environnement (PNSE)
Les trois PNSE (2004-2008, 2009-2013, 2015-2019) ont pour but la définition d’actions – en France – concernant la prévention des risques pour la santé liée à l’environnement. Les différentes thématiques des PNSE ont été abordées selon plusieurs axes : les milieux, les polluants, les pathologies et les types de population. Pour le milieu « environnement intérieur », la qualité de l’air est devenue un sujet de préoccupation grandissante principalement pour le nombre important de polluants retrouvés ainsi que le pourcentage de temps que les personnes passent dans des espaces clos (85 %, en moyenne). Afin d’élargir l’état de connaissance sur ce thème et d’apporter les éléments nécessaires aux pouvoir publics pour l’évaluation et gestion de risques, l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI) a été créé en 2001 dans le cadre du PNSE 2. Une série d’études de terrain a par la suite, été mise en place dans des bâtiments à usages différents : logements, établissements scolaires, bureaux, lieux de loisirs et bâtiments performants en énergie (PNSE2).
Ainsi, une campagne nationale pour évaluer l’état de la qualité de l’air dans les logements français a été menée sur la période 2003-2005 avec la mesure d’une trentaine de paramètres chimiques, physiques et biologiques dans l’intérieur, les garages et l’extérieur de 567 résidences principales. A partir de ce premier bilan, une règlementation nationale est devenue nécessaire puisqu’il n’existait pas de normes pour la plupart des composés retrouvés. Pour ce faire, une dizaine de polluants d’intérêt pour l’air intérieur (formaldéhyde, monoxyde de carbone, benzène, naphtalène, trichloréthylène, tétrachloroéthylène, particules, acide cyanhydrique, dioxyde d’azote, acroléine, acétaldéhyde, ethylbenzène et toluène) ont fait l’objet d’une expertise de l’Anses pour établir des valeurs réglementaires de surveillance de la qualité de l’air intérieur (ANSES 2018).
Une autre des principales actions importantes issues du PNSE 2 concerne l’étiquetage obligatoire relatif aux émissions de composés organiques volatiles (COV) de tous les produits de construction et décoration. Cette étiquette présente un pictogramme et une lettre en grand format indiquant aux acheteurs le niveau des émissions qui va de A+ (très faibles émissions) à C (fortes émissions) .
Les matériaux bio-sourcés dans le bâtiment
Les matériaux bio-sourcés sont définis comme des matériaux dont la matière première est issue de la biomasse végétale ou animale (arrêté du 19 décembre 2013) (MEDM 2016). De ce fait, ils concourent significativement au stockage de carbone atmosphérique et à la préservation des ressources naturelles, ce qui les rend plus sobres en énergie et plus respectueux de l’environnement (Nomadéis 2012). Ces matériaux sont utilisés dans l’habitat depuis longtemps, mais leur usage a diminué significativement au 20eme siècle en profit de l’utilisation du béton, des polymères et des laines minérales. C’est vers les années 70, suite aux crises de l’énergie survenues au cours de cette décennie et à l’urgence d’une réduction des déchets issus de l’industrie du bâtiment, qu’ils commencent à réapparaitre sur le marché notamment dans le secteur de l’isolation (Degrange 2012 ; CeseR 2017).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1. L’utilisation des isolants bio-sourcés dans la construction et la rénovation thermique de bâtiments
I.1. Introduction
I.2. Cadre règlementaire – « Le Bâtiment responsable »
I.2.1. Le Grenelle de l’Environnement (GE) et la Loi Relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LRTECV)
I.2.2 Plan National Sante Environnement (PNSE)
I.3. Les matériaux bio-sourcés dans le bâtiment
I.3.1 Principaux matériaux bio-sourcés et principales applications
I.3.2 Les isolants bio-sourcés
I.3.2.1 Performances thermiques des isolants bio-sourcés
I. 3.2.2 Comportement hygrothermiques des isolants bio-sourcés
I.4. Isolants bio-sourcés, humidité et moisissures
I.4.1 Dégradation des performances thermiques
I.4.2 Développement des moisissures
I.4.2.1 Cycle de vie et paramètres environnementaux déterminant la croissance de moisissures
I.4.2.2 Moisissures sur les isolants bio-sourcés
I.4.2.3 Méthodes d’essai pour évaluer la résistance des isolants bio-sourcés au développement de moisissures
I.4.2.4. Evaluation de la résistance des produits isolants thermiques vis-à-vis des moisissures dans le cadre d’un Avis Technique (ATec)
I.4.2.5 Norme NF EN 15101-1+A1 (avril 2019)
I.4.2.6 Biocides dans les isolants bio-sourcés
I.5. Qualité de l’air intérieur (QAI)
I.5.1 Composés organiques volatils (COV)
I.5.1.1 Emissions en COV des matériaux- méthodes de mesure
I.5.1.2. Emissions en COV des isolants bio-sourcés
I.5.1.3 Influence des paramètres environnementaux sur les émissions en COV
I.5.2. Composés organiques volatiles microbiens (COVm) associés aux moisissures
I.5.2.1 Indice de développement fongique
I.5.2.2 Effets sur la santé humaine
I.6. Conclusion
I.7. Présentation du travail de thèse
I.8. Démarche scientifique
I.9. Références
Chapitre 2. Matériels et méthodes
II.1. Introduction
II.2. Matériaux étudiés
II.2.1 Isolant bio-sourcé A : composé principalement de fibres de bois
II.2.2 Isolant bio-sourcé B : composé de fibres de bois et laine de verre
II.2.3 Isolant C : Laine de verre
II.2.4 Caractérisation des matériaux : surface spécifique BET
II .3. Evaluation de la résistance des matériaux au développement des moisissures
II.3.1. Préparation des échantillons
II.3.2 Sélection et culture de la souche fongique
II.3.3. Technique d’inoculation
II.3.4 Période d’incubation
II.3.5 Evaluation des échantillons
II.3.6 Mesure de la teneur en eau des matériaux
II.4. Caractérisation des COV émis par les matériaux
II.4.1 Chambre d’émission et préparation des échantillons
II.4.2. Choix des temps de prélèvement
II.4.3. Mesure des concentrations en chambre d’émission CLIMPAQ
II.4.3.1. Prélèvement et analyse de COV
II.4.3.2. Calcul de la limite de détection (LD)
II.4.3.3. Etalonnage des COV
II.4.3.4. Résultat des essais – calcul des concentrations dans la chambre d’essai et des taux d’émission
II.4.4 Suivi de la cinétique des émissions
II.5. Caractérisation des COV d’origine fongique
II. 6. Conclusion
II. 7. Références
Chapitre 3. Potentialité des matériaux bio-sourcés au développement de moisissures
III.1. Introduction
III.2. Evaluation de la résistance des isolants de l’étude à la croissance d’Aspergillus niger par la mise en œuvre de la méthode d’essai de Le Bayon et al. (2015)
III.3. Développement d’une méthode d’essai pour évaluer la résistance de matériaux biosourcés au regard des moisissures
III.3.1. Description du système expérimental
III.3.2. Culture de la souche
III. 3.3. Technique d’inoculation
III.3.3.1 Aérosolisation des spores
III.3.3.2. Déposition des spores
III.4. Résistance des isolants de l’étude à la croissance d’Aspergillus niger évaluée par la « nouvelle » méthode
III.5. Conclusion
III.6. References
Chapitre 4. Caractérisation des émissions de COV des matériaux natifs en absence de moisissures
IV.1. Introduction
IV.2. Evaluation des émissions en COV des isolants de l’étude au regard de l’étiquetage des matériaux et produits de construction en France
IV.2.1. Comparaison des matériaux vis-à-vis des COVT
IV.2.2 Comparaison des matériaux vis-à-vis des 10 COV réglementaires
IV.2.3 Variabilité des essais
IV.3. Caractérisation des COV majoritaires et d’autres COV d’intérêt émis par les matériaux
IV.4. Effet de la variation d’HR sur les émissions en COV majoritaires
IV.4.1. Variation des taux d’émission des COV lors de l’évolution de l’humidité relative de 50% à 85 %
IV.4.2. Comportements des taux d’émission des COV durant 28 jours à 85 % d’HR
IV.4.3. Suivi des cinétiques d’émissions de 3 COV
IV.5. Conclusions
IV.6. Références
Conclusion générale