L’UTILISATION DES CÔNES D’EPINETTE NOIRE PAR L’ECUREUIL ROUX

 L’UTILISATION DES CÔNES D’EPINETTE NOIRE PAR L’ECUREUIL ROUX

RÉGION D’ÉTUDE

Cette étude a été réalisée dans la région de Radisson, dans la partie la plus nordique de la forêt boréale continue au Québec (Figure 1). Cette région se situe sur le Bouclier canadien constitué en grande partie de roche granitique et gneissique (Stockwell et al., 1968). Elle présente un climat caractérisé par de longs hivers froids et de courts étés chauds. Les données enregistrées à la station de la Grande A entre 1976 et 2000 montrent que les températures moyennes sont de -3, 1 oC, avec un maximum en juillet de 13,7°C et un minimum en janvier de -23 ,2°C. Les précipitations annuelles sont de 680 mm dont 39% sous forme de neige (Environnement Canada, 2007). Dans la forêt boréale, la structure et la composition des peuplements forestiers sont déterminées en grande partie par la fréquence et l’ intensité des feux (Heinselman, 1981 ; Payette et al., 1989). En éliminant partiellement ou totalement les végétaux et la matière organique recouvrant le sol, les feux initient la succession forestière et façonnent une mosaïque de forêts équiennes caractéristique du paysage boréal (Black et Bliss, 1978 ; Heinselman, 1981 ; Payette et al., 1989). Ainsi, dans la région de Radisson, la période de rotation de feux est estimée à environ 100 ans (Payette et al., 1989 ; Parisien et Sirois, 2003). Le couvert forestier est dominé principalement par l’épinette noire et le pin gris (Pinus banksiana Lamb.) (Parisien et Sirois, 2003). Dans cette région la quasi-totalité des épinettes noires présente une cime caractéristique en massue (voir annexe A, p 39). Ce paysage typique reflète le fort taux d’ utilisation des épinettes noires par l’écureuil roux possiblement associé à une forte densité d’ écureuil.

MÉTHODE

Des séries de photos aériennes de 1959 et 1984 ont permis de repérer une pessière noire âgée de plus de 100 ans. Ce peuplement est encore dominé par les tiges issues de la régénération sexuée après le dernier feu survenu vers 1880 plutôt que par des marcottes de seconde venue. Le site est situé sur une petite colline de quelques hectares, allongée dans l’ axe est-ouest et bien délimitée par des tourbières. Le drainage est mésique et homogène sur l’ensemble du site. Les photos aériennes de 1959 et des données sur l’histoire régionale des feux (non publiées) indiquent que les collines voisines vers le nord ont été incendiées en 1941. L’ échantillonnage a été réalisé, au cours de l’été 2004. Trois transects furent établis le long de la ligne de crête de la colline et au centre de chaque versant, au nord et au sud (Figure 2). Afin de limiter un éventuel effet de bordure, une zone tampon de 25 m a été laissée à la périphérie de la colline avant de commencer l’échantillonnage. Les épinettes ont été systématiquement sélectionnées à 100m d’ intervalle le long de chaque transect.

Les individus retenus devaient être vivant, issus du dernier feu (une taille comparable aux individus dominants) et présenter des cicatrices de prélèvement dues à l’écureuil. Si aucun arbre n’était présent au point d’échantillonnage, le choix se portait alors sur l’arbre le plus proche répondant aux critères de sélection. Au total treize épinettes ont ainsi été échantillonnées. Pour chacune d’elle, nous avons mesuré la hauteur totale et estimé son âge par une lecture des cernes annuels de croissance sur une section basale. Un schéma de ramification de la cime était réalisé et plusieurs photos ont été prises. L’ensemble des treize épinettes a été soumis à un premier type d’échantillonnage qui consistait à récolter toutes les branches présentant une cicatrice de prélèvement dans le prolongement immédiat d’ une partie vivante. Ces cicatrices étaient en majorité localisées dans la partie apicale des épinettes. La hauteur sur le tronc ainsi que la distance entre le tronc et chaque cicatrice considérée ont été notées (figure 3). Ainsi les cicatrices portées par des branches entièrement mortes n’ ont pas été considérées.

De l’ acétone a été utilisé pour dissoudre la résine qui recouvrait les cicatrices, afin de ne pas confondre les cicatrices imputables à l’ écureuil avec d’ autres types de cicatrices. Seules les cicatrices avec des traces de dents visibles ont été datées en laboratoire. Ces branches étaient coupées en biseau, ce qui est caractéristique des rongeurs et une conséquence de leur dentition particulière (Potvin, 1994) (voir annexe B, p 40). Le diamètre de chaque branche a été mesuré immédiatement sous les traces de dents, pour estimer la taille des branches coupées par l’écureuil (figure 3). La datation des cicatrices a été réalisée de deux façons différentes selon que le segment de croissance annuel portant la cicatrice était mort à cause de l’ élagage par l’ écureuil, ou que la branche était entièrement vivante (figure 4). Dans le premier cas, pour dater chaque attaque, un dénombrement des cernes de croissance a été réalisé juste en dessous de la cicatrice, puis un deuxième comptage des cernes a été effectué dans la partie vivante de la branche. Considérant que le dernier cerne complet de la partie vivante correspond à la saison de croissance de 2003 et sachant qu ‘à chaque nouvelle unité de croissance il y a une perte d’ un cerne, l’ année de l’ attaque (A) a été déterminée grâce à la formule suivante:

Les épinettes échantillonnées sont homogènes tant au niveau de leur hauteur que de leur âge. Les arbres ont en moyenne 107 +/- 7 ans (moyenne +/-Erreur Type), la plus jeune épinette était âgée de 94 ans et la plus ancienne de 119 ans (Tableau 1). La hauteur des arbres échantillonnés varie entre 933 et 1690 cm, pour une hauteur moyenne de 1209+/-195 cm. Ces arbres forment donc une population équienne régénérée après le feu survenu vers 1880. Le nombre total de cicatrices présumement dues à un prélèvement de cônes par l’écureuil varie beaucoup entre les épinettes, avec un minimum de 19 (épinette 06) et un maximum de 367 (épinette 17) (Tableau 1). Le pourcentage de cicatrices confirmées, varie entre 18,9% (épinette 01) et 100% (épinette 06). Le pourcentage de cicatrices présumées qui ont pu être datées s’échelonne entre 14,7% pour l’épinette 01 (beaucoup de cicatrices sur des branches mortes) 94,7% pour l’ épinette 06.

Le pourcentage de cicatrices confirmées datées au laboratoire varie entre 54,8% (épinette 21) et 94,7% (épinette 06) . Les plus anciennes datations relevées varient entre 1956 et 1996 selon les épinettes. Par contre toutes les épinettes portaient des cicatrices correspondant à l’année 2003 (Tableau 1). La répartition des branches présentant des cicatrices de prélèvement sur le tronc des deux épinettes décrites en détail est irrégulière (Figure 6). Les branches avec des cicatrices de prélèvement apparaissent vers 650 cm dans le cas de l’ épinette 17 et 750- 800 cm pour l’épinette 01. Les deux épinettes étudiées en détail montrent que les cicatrices de prélèvement augmentent en fonction de la hauteur sur le tronc . Pour l’ épinette 17, cette augmentation se fait sur une longueur de 600 cm, elle commence lentement, puis vers 1100 cm, elle est plus abrupte. Les dernières cicatrices de prélèvement ont été observées à 1297 cm de hauteur, soit 54 cm sous l’apex. Pour l’ épinette 01 , l’augmentation est plus rapide, elle a lieu sur 300 cm. Les dernières cicatrices ont été observées à 1124 cm de hauteur c’est-à-dire 45 cm sous l’apex de l’ arbre. Pour les 2 épinettes, la présence de branches porteuses de cicatrices de prélèvement n’ est pas constante sur la longueur de tronc considérée. Elle varie entre 5 et 95% pour l’ épinette 17 et entre 5 et 30% pour l’épinette 01.

Pour l’épinette 17, en deçà de 650 cm, le pourcentage des branches qui sont vivantes et sans cicatrices, varie de 20 à 65% avec un profil en dents de sCie relativement irrégulier. Avec l’ apparition des branches présentant des cicatrices de prélèvement (à 650 cm), le pourcentage de branches vivantes sans cicatrices, diminue à 5 et 25% avec un profil en dents de scie plus régulier. Sur les 150 derniers cm, une relation inverse forte est visible entre le pourcentage de branches qui sont mortes et sans cicatrices et le pourcentage de branches présentant des cicatrices. Dans le cas de l’épinette 01 , il est plus difficile de comparer le profil des branches vivantes ou mortes avant et après l’apparition des branches présentant des cicatrices de prélèvement, car l’ augmentation de celle-ci se fait sur une plus courte hauteur de tronc. La datation des cicatrices causées par l’écureuil indique une perte exponentielle d’ information à mesure que l’on remonte dans le temps (Figure 7). En effet, 55% des datations correspondent à l’ année 2003, contre seulement 9% à l’année 2002. Cette tendance reflète probablement une forte mortalité des branches attaquées l’année suivant le passage de l’écureuil. L’ année 2003 est en effet la seule pour laquelle toutes les branches attaquées étaient vivantes au moment de l’échantillonnage.

DISCUSSION

Plusieurs auteurs ont reconnu que la modification de l’ architecture de l’ épinette pour former une massue, est due à la perte importante des branches causée par les coupes des rameaux par l’ écureuil (Millar, 1936 ; Johnson, 1956 ; Lutz, 1958 ; Vincent, 1965 ; Frisque, 1977 ; Hosie, 1979 ; Prévost, 1986 ; Viereck et Johnston, 1990 ; Potvin, 1994). La coupe nette et en biseau des branches est caractéristique des rongeurs et les traces de dents très facilement observables permettent d’écarter l’ hypothèse de cassures dues à la neige et la glace (Lutz, 1958 ; Fish et Oimock, 1978 ; Halvorson, 1986 ; Snyder, 1992 ; Potvin, 1994). Il est possible que l’ action des écureuils soit combinée à d ‘ autres facteurs. La croissance lente des branches ou la réduction de croissance à l’ apex pourraient avoir un impact potentiel sur la formation de la massue (Fri sque, 1977 ; Hosie, 1979). Les insectes défoliateurs, comme la tordeuse des bourgeons de l’ épinette (Zeiraphera canadensis Mut. et Free. (Syn. de Chomistoneurafitmmiferana)) pourraient contribuer à la formation de la houppe en favorisant le développement des élongations latérales (Paradis, 1992; Gagnon et al., 1992, 1993), mais ils ne peuvent être responsables de la dénudation d ‘ une zone entière du tronc (Potvin, 1994). Cette forme particulière et caractéristique n’a pas été mise en évidence chez d ‘ autres espèces d ‘ épinettes. Chez les épinettes de Sitka (Picea sitchensis) et les épinettes blanches, qui sont des espèces non sérotineuses, les cônes femelles sont portées dans les branches supérieures des cimes (Eis, 1967 ; Eis et Inkster, 1972 ; Owens et Molder, 1976, 1977). Chez l’ épinette noire, les cônes sont confinés dans une zone étroite à l’apex (Heinselman, 1957 ; Vincent, 1965). Il est possible que ce confinement des cônes associé à leur sérotonie entraîne une concentration et une amplification des attaques dans une zone particulière pour aboutir finalement à la dénudation d’ une zone entière et à la formation de la massue.

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Table des matières

RESUME
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIERES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION
MÉTHODOLOGIE
1. R ÉG ION D’ÉTUDE .
I. M ÉTHODE
RESULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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