Pourquoi choisir le support cinématographique ?
Cette réflexion a pour origine une constatation faite ces dernières années. Si l’on s’intéresse de plus près aux derniers longs métrages nominés et récompensés par des académies cinématographiques, telles que les Oscars aux Etats-Unis ou les BAFTA (British Academy of Films and Television Arts) en Grande-Bretagne, ou bien si l’on étudie la grille de programmes proposée par des chaînes de télévisions telles que la BBC ou ITV, les biopics et costume dramas sont de plus en plus populaires. Un biopic est un film dont le scénario s’inspire d’un personnage célèbre. Les costume dramas, quant à eux, font référence à un genre cinématographique particulier : les films historiques en costumes d’époque.
Pour n’en citer que quelques uns, évoquons le triomphe de la série télévisée Downton Abbey, qui vient surfer sur le succès de sa grande sœur de quelques décennies, Upstairs Downstairs, ou encore le biopic retraçant la vie politique de Margaret Thatcher, La Dame de fer, et 12 Years a Slave, film historique à costumes narrant l’histoire d’un Noir Américain kidnappé et vendu comme esclave dans une Amérique d’avant la Guerre de Sécession. J. David Slocum rappelle que les films traitant de la Seconde Guerre mondiale ont connu un vif succès à partir des années 1990 et 2000, notamment avec les films Saving Private Ryan, The Thin Red Line, Hart’s War, Pearl Harbor et Band of Brothers : “The WW2 combat film enjoyed a revival in the late 1990s and early 2000s”.
Dans son article, Debarchana Baryah constate lui aussi l’apparition récente de ce nouveau genre : “the past two decades saw an unprecedented rise in television and cinema productions that are set in the past” . Cependant, Baryah n’impute pas cette nouvelle pratique à un sentiment nostalgique. Selon lui, les spectateurs parviennent à s’identifier aux personnages appartenant à des générations antérieures. Il évoque par exemple la génération du baby-boom qui s’identifie aux personnages de la série télévisée Mad Men car ils appartiennent à la génération de leurs parents. L’autre explication consiste à dire que les productions cinématographiques et télévisées à costumes permettent au spectateur de voyager toute en restant bien installé chez soi.
Par ailleurs, il faut noter que les adaptations cinématographiques sont aujourd’hui au programme des concours de recrutement, comme celui de l’agrégation, qui propose chaque année d’étudier au moins une œuvre littéraire et l’une de ses adaptations filmiques. Le cinéma est aussi devenu un domaine de recherche dans l’enseignement supérieur. Enfin, les supports filmiques sont conformes à la politique d’approche actionnelle, retenue dans l’enseignement des langues étrangères au sein de l’Union Européenne, que nous avons évoqué précédemment. En effet, il s’agit d’une approche privilégiant la progression de l’élève grâce à des tâches qui mettent en avant le contenu. Les films répondent à cette démarche dans la mesure où il s’agit de déchiffrer la langue non pas pour apprendre cette langue, mais pour intégrer le contenu du film, pour répondre à des obstacles d’assimilation culturelle. Ce support s’est développé dès les années 1980 et est devenu aujourd’hui une pratique courante, à la fois un véritable outil dans l’apprentissage mais aussi un élément facilitateur pour les élèves.
Les films historiques paraissent ainsi être un support tout à fait pertinent pour étudier le fait culturel en classe. Non seulement ils illustrent le fait culturel en question, mais lesupport cinématographique est en lui-même un support dont les élèves sont habitués, surtout en dehors de l’établissement scolaire. Le film peut presque être considéré comme un prolongement de la vie sociale. Regarder un film ou une série télévisée est perçu comme une activité agréable. Le support en devient presque ludique ; il peut même devenir un élément de motivation pour l’élève.
En effet, les films aident sans nul doute les élèves à mieux connaître une culture et à s’en approprier les coutumes. Par ailleurs, Elissa Tognozzi soutient que les images mobiles facilitent le travail de mémoire : “Watching films ‘create enduring memories’” . Il semblerait que le cinéma agisse comme un intermédiaire, transférant la culture d’un pays au spectateur qui « s’imprègn[e] alors [des] rituels d’une société à travers l’image, le son et les personnages » . Le cinéma devient alors un outil à visée éducative, un « agent de ‘l’approfondissement de la compétence culturelle des apprenants’ ».
Si le cinéma est un moyen utile pour assimiler les spécificités des cultures étrangères, c’est aussi parce que ce support original motive les élèves. L’une des principales questions que se posent les enseignants lorsqu’ils préparent leurs séquences pédagogiques est la suivante : comment donner aux élèves l’envie d’apprendre ? Les productions cinématographiques répondent à ces exigences car elles ne sont pas seulement considérées comme des supports d’apprentissage mais comme des divertissements. Ainsi, les films deviennent un « objet d’intérêt et un déclencheur de motivation pour l’acquisition des langues ».
Enfin, il convient de signaler que l’exploitation d’un document cinématographique est vaste et son analyse est une véritable source d’enrichissement linguistique. A titre d’exemple, l’élève devra travailler et maîtriser le vocabulaire spécifique à l’étude filmique. L’élève pourra aussi s’appuyer sur les images, bruitages et autres sons et musiques pour comprendre l’extrait. Ainsi, non seulement le support motive les élèves mais il aide également ceux en difficulté qui se retrouvent armés d’outils contextuels pour déchiffrer la langue. C’est ce que Cristelle Maury souligne en évoquant le fait que les « formes portent le sens » (Maury, 2012, p.5). L’image mobile est un facteur clé dans la compréhension d’une langue.
Cependant, bien que cet outil se soit révélé plus pédagogique qu’on ne l’aurait cru, il faut aussi mettre en garde contre son utilisation excessive. Le « témoignage culturel », comme le nomme Josiane Hamonet-Babonneau, est empreint de subjectivité. Et c’est ainsi que le regard « peut être déformé par le temps, les convictions, la technique filmique » (HamonetBabonneau, 1996, p.118). En effet, outil de communication, le film est une marque personnelle, un regard intérieur sur un pan de la société. Il faut donc faire preuve de critique et de distance face à ce support. La vision du réalisateur peut d’ailleurs elle aussi être un objet d’étude au même titre que l’œuvre de ce dernier.
Quelle utilisation du film en anglais
Quelques sites rassemblent des pistes d’exploitation proposées pour l’étude de films en classe. A titre d’exemple, le site www.teachwithmovies.org offre des ébauches de séquences pédagogiques et propose d’étudier le film Little Women dans le but d’en apprendre davantage sur le rôle de la femme et l’éducation des enfants au 19ème siècle, ainsi que sur la Guerre de Sécession américaine. Les professeurs peuvent donc s’appuyer sur des sites internet proposant l’analyse de films spécifiques ou de faits culturels adaptés à l’écran. Verreman a également dressé un tableau des traits dominants dans l’exploitation de la vidéo en cours de langue, que Dominique Macaire a examiné dans son article . Cet inventaire peut également orienter l’étude des extraits afin qu’ils répondent aux objectifs de la séquence. Verremon liste ainsi cinq dominantes. La dominante culturelle vise à enrichir les connaissances civilisationnelles (qui nous intéressent particulièrement dans cette étude réflexive), artistiques (film à étudier en tant qu’œuvre artistique), littéraires (s’il s’agit d’une adaptation) et communicationnelles. Les autres dominantes comprennent les caractéristiques filmique, linguistique, de « type psychopédagogique » (c’est-à-dire les éléments de motivation et techniques d’apprentissage) et la dominante de « formation générale » (ce qui correspond à la formation à l’image et à l’analyse filmique selon Verreman (Macaire, 2011, p.3).
Le choix de l’extrait est absolument vital dans l’utilisation du support cinématographique en cours d’anglais. Josiane Hamonet-Babonneau liste les principaux éléments à prendre en compte pour bien savoir sélectionner le passage idéal. Tout d’abord, ce dernier doit être court. Un extrait bref peut être visionné plusieurs fois et analysé en profondeur. De plus, il doit être plus ou moins représentatif du film entier mais il peut tout aussi bien être tiré du début, du milieu ou de la fin du long-métrage. Hamonet-Babonneau préconise de travailler sur des extraits du début car ils sont, selon elle, suffisamment confus mais aussi suffisamment riches symboliquement pour déclencher la prise de parole chez l’élève. Celui-ci serait très vite amené à se poser des questions, à formuler des hypothèses qui pourront ensuite être vérifiées plus tard. Il faut également proposer un extrait qui soit en adéquation avec les objectifs visés par le professeur et choisir un fragment polysémique, c’est-à-dire suscitant diverses interprétations pour faciliter l’échange.
D’après une étude réalisée par l’université de Cambridge en Angleterre (CLIL – Content and Language Integrated Learning approach), pour enseigner l’histoire en cours d’anglais, il est utile de commencer par définir pour quelles raisons les apprenants connaissent déjà un tel événement historique. Or, bien souvent, c’est grâce à des supports cinématographiques que certaines bases sont déjà acquises. Aussi, il s’agit en premier lieu de considérer le film comment étant à la fois un matériel historique et un support cinématographique sans oublier de prendre en compte le contexte. Mike Kirkup a souligné l’importance de ces trois champs dans le but de lister et de différencier les composés filmiques : l’exactitude et la source d’un côté, la forme et la technique de production d’un autre côté, et le contexte. Ce découpage me semble judicieux dans la mesure où il nous permet de porter un regard critique sur toute production à visée historique. Il répond ainsi à l’un des obstacles relevés dans la partie précédente, celui de l’incertitude sur l’exactitude des faits mis en images.
Quant à l’étude concrète d’un extrait vidéo, les critiques relèvent trois pratiques principales. Il est possible de montrer le document dans sa totalité pour une compréhension orale globale, puis de visionner l’extrait par fragment en proposant des arrêts sur image. Une seconde façon de proposer une étude filmique serait de regarder l’extrait sans la bande son.
L’attention est alors portée sur l’image et les élèves sont amenés à formuler des hypothèses quant au contenu. Enfin, la dernière option serait de visionner l’extrait sans l’image.
Cependant, l’analyse de la vidéo doit pour chaque modèle être précédée d’un travail d’anticipation.
Un travail sur l’affiche des films est préconisé pour anticiper l’histoire (personnages principaux, époque, action, accessoires…). A partir de ce travail d’anticipation, on peut dresser une liste des mots, des adjectifs, des verbes et autres objets qu’on pourrait voir ou entendre. Ainsi, le barrage d’un vocabulaire précis est levé.
Méthode
Afin de répondre à ces interrogations, j’ai proposé à l’une de mes classes de travailler sur une séquence retraçant les grands moments de la civilisation américaine en intégrant des projections cinématographiques. Les thèmes de cette séquence se rattachaient à l’entrée culturelle de cycle de seconde intitulée « Mémoire : héritage et rupture ». La séquence avait pour titre American History through a lens, et s’intéressait à trois grands épisodes de l’Histoire des Etats-Unis : l’époque coloniale, la révolution américaine et l’œuvre d’Abraham Lincoln (fin de l’esclavage et guerre de Sécession).
Participants
Ce projet de séquence a eu lieu au lycée du Granier à La Ravoire (73), un établissement proposant des formations d’enseignement général et technique (bac et BTS) à 1500 élèves environ. La séquence a été proposée à un groupe classe de seconde générale de vingt-trois élèves. L’une d’entre elles a rejoint la classe peu avant les vacances de Noël après une réorientation professionnelle. Il s’agissait donc de la première séquence complète à laquelle elle assistait.
Le groupe est hétérogène avec cependant une très bonne tête de classe qui pousse la classe vers le haut (graphiques 1 et 2). De nombreux élèves sont moteurs et la plupart des élèves en difficulté cherchent à vaincre leurs difficultés. Ils se montrent tous très volontaires et travaillent en petits groupes avec plaisir. Ils ont à titre d’exemple rendu plusieurs fois des travaux qu’ils ont pu préparer en petits groupes de trois à quatre élèves. C’est d’ailleurs sur cet aspect du travail, la collaboration, que je vais m’appuyer pour tenter d’acquérir une masse importante de connaissances sans que la séquence ne soit trop longue.
Matériel
En ce qui concerne le matériel, les objectifs de cette séquence étaient de favoriser le travail individuel, en autonomie, ou en groupe de trois environ. Le professeur était plus enretrait que d’habitude. Afin d’introduire la nouvelle séquence, une séance a eu lieu en salleinformatique. Cette activité avait deux objectifs. Tout d’abord, je voulais que les élèves apprennent à aller chercher l’information par eux-mêmes, qu’ils comprennent qu’ils détenaient la clé pour comprendre les éléments de la séquence. Un travail en binôme sur les ordinateurs leur donnait suffisamment d’autonomie pour qu’ils trouvent les données recherchées. De plus, ce travail me permettait de fixer les grands moments de l’Histoire des Etats-Unis qui allaient être l’objet de notre étude.
La problématique de cet écrit réflexif portant sur l’utilisation du cinéma en cours de langue, la séquence a par conséquent intégré des études filmiques. Les œuvres étudiées étaient les suivantes : un extrait de la bande annonce de l’œuvre de Disney Pocahontas de Mike Gabriel et Eric Goldberg (1995), et de Abraham Lincoln Vampire Hunter (Timur Bekmambetov, 2012) ainsi que des extraits des films National Treasure (Jon Turteltaub, 2004), Django Unchained (Quentin Tarantino, 2012) et 12 Years a Slave (Steve McQueen, 2013). Ainsi, chaque séance portant sur un personnage historique ou un événement de l’Histoire américaine était introduite par une activité portant sur l’extrait cinématographique.
Cette activité introduisait une réflexion liée aux manipulations cinématographiques.
Après avoir travaillé sur une séquence vidéo qui introduisait la thématique et permettait en même temps d’émettre déjà quelques critiques et remarques, l’événement historique a été ensuite étudié plus précisément pour déceler le fait historique avéré de l’invention cinématographique. Les élèves ont alors été amenés à travailler en petits groupes (cinq groupes de trois élèves, deux groupes de quatre élèves, mixtes), étudiant un document (ou corpus de documents) précis qu’ils avaient ensuite à rapporter à la classe. Ces documents avaient pour but, soit de clarifier les faits historiques traités dans l’extrait filmique, soit de démontrer les incohérences entre version romancée et faits avérés.
Pour cela, les supports mis à disposition étaient variés. Pour étudier l’époque coloniale et le personnage quasi mythique de Powhatani (Pocahontas), le document 1 proposait un court texte rappelant ce que l’on sait aujourd’hui de la vie de la princesse Powhatani, une capture du film, une gravure de la rencontre entre Powhatani et les colons, ainsi qu’une photographie de la statue de Pocahontas érigée près de l’église St George, Gravesend, Kent (RoyaumeUni). Ces trois derniers éléments illustraient certains extraits du texte. Le document 2 contenait des extraits de deux chansons du film ainsi que deux captures d’écran du film correspondant aux moments où les chansons ont été interprétées à l’écran. Le document 3 était une reproduction d’une gravure datant de 1607 qui racontait l’histoire de John Smith et de sa rencontre avec les peuples indiens. Enfin, le document 4 était un extrait d’une interview d’une professeure d’histoire à l’université de St Francis, Illinois, illustrée par deux captures d’écran du film (annexe n°1).
Réutiliser des images du film était utiles dans la mesure où elle facilitait la compréhension des documents écrits pour les élèves et maintenaient leur motivation.
En ce qui concerne la révolution américaine, les groupes d’élèves ont également étudié divers supports. Le document 1 reproduisait le tableau de Trumbull The Declaration of Independence (1819) accompagné d’un court article intitulé “What’s wrong with the picture?” par Gil Klein et expliquant les dissimilitudes entre le fait avéré, la signature de la Déclaration d’indépendance, et le tableau peint par Trumbull. Le document 2 était composé d’un poème de Genie Keller, I am the Declaration of Independence (Juillet 2003) et de deux caricatures visant à souligner les points de tension dans la déclaration (quels hommes sont considérés comme étant égaux selon la Déclaration ? Les femmes ? Les Noirs esclaves ?).
Enfin, le document 3 était la Déclaration elle-même (reproduction) ainsi qu’un texte expliquant le document historique (annexe n°2).
Le dernier objet d’étude était l’héritage du président Lincoln. C’est pour cette raison qu’un premier corpus de documents offrait plusieurs œuvres iconographiques sur sa grandeur et sa contribution (photographies d’un billet de cinq dollars, de sa statue au centre du Lincoln Memorial à Washington, D.C., et du bâtiment lui-même, ainsi que la reproduction d’une lithographie illustrant l’assassinat de Lincoln). Ces éléments étaient indispensables pour comprendre les raisons pour lesquelles Lincoln est devenu ces dernières décennies un personnage de film si populaire. Il y avait également deux poèmes, l’un de Jesse Hutchinson, Jr, The Liberty Ball; l’autre était un chant de guerre utilisé pendant la Guerre de Sécession, Union Dixie. Tous deux portaient sur la guerre civile américaine et le rôle qu’a joué Lincoln dans cette guerre. Enfin, certains élèves ont également eu à étudier le discours de Gettysburg(Gettysburg Address annexe n°3).
Résultats
Je m’intéresserai ici au travail fourni par les élèves ainsi qu’à leur implication lors de cette séquence. Ces résultats me seront utiles pour répondre à ma problématique, en dresser les limites, et si besoin proposer des améliorations.
Juste avant d’entamer la séquence portant sur les grands moments de l’Histoire américaine à travers l’image mobile, j’ai donné aux élèves un questionnaire visant à déterminer leurs affinités avec le cinéma. Par ailleurs, nous venions de terminer une séquence portant sur la fiction dystopique ; ils avaient ainsi eu la possibilité de travailler à la fois sur des extraits littéraires et sur des productions filmiques. Ce questionnaire est disponible dans la section annexe (annexe n°4).
Seize élèves ont accepté de donner leur avis. Sur ces seize questionnaires rendus, dix élèves avouent préférer les extraits cinématographiques aux extraits littéraires, deux choisissent la littérature, et quatre d’entre eux n’ont pas de préférence. Voici un graphique récapitulant ces informations (graphique 3).
Il semblerait donc qu’une majorité des élèves soit enclin à travailler avec des supports filmiques. Selon eux, les films sont « plus simples à comprendre » et « plus captivants » que les extraits littéraires. C’est d’ailleurs ce qui avait été noté par des critiques : l’image mobile est clairement un atout à la compréhension d’un extrait. Leur étude permet de « découvrir » des productions qu’ils n’auraient peut-être jamais regardées, ou de discuter sur des productions qu’ils ont vues et appréciées : “It’s more fun when it’s animated”.
Par ailleurs, d’autres réponses corroborent ce résultat. A titre d’exemple, quinze élèves sur seize aiment étudier des films en classe d’anglais. Les raisons sont variées : les élèves peuvent ainsi « s’améliorer en anglais » notamment en « prononciation », ils « comprennent mieux » ce qui facilitent l’écoute et l’attention ; c’est « plus intéressant » mais aussi « différent » et « original ». C’est un univers familier et la plupart des élèves peuvent alors s’appuyer sur leurs connaissances personnelles, des connaissances qui n’étaient pas forcément destinées à être réutilisées en classe, mais qui les mettent néanmoins à l’aise. L’élève ayant répondu par la négative ajoute que les films sont parfois trop « compliqués ». Cependant, la tendance montre bien que l’utilisation de films en classe est un atout.
Neuf élèves sont certains que l’étude de films les aide à progresser en anglais.
Seulement une élève n’est pas d’accord, et cinq autres ne sauraient dire si l’image mobile est véritablement une ressource en cours d’anglais. Cependant, la plupart notent l’importance de l’image pour comprendre des extraits lorsque la langue est une barrière.
Afin d’anticiper la séquence sur les grands moments de l’Histoire des Etats-Unis, j’ai voulu savoir s’ils connaissaient déjà des films historiques en costumes d’époque. Après un temps d’hésitation où certains élèves n’ont pas compris à quel genre de films je faisais allusion, les réponses ont très vite fusé. Les films suivants ont été cités par les élèves euxmêmes : Pearl Harbor (Michael Bay, 2001, cité deux fois), Titanic (James Cameron, 1998, cité quatre fois), La Rafle (Rose Bosch, 2010), Case départ (Thomas Ngijol et Fabrice Eboué, 2011), Django Unchained (Quentin Tarantino, 2013), Schindler’s List (Steven Spielberg, 1994), Saving Private Ryan (Steven Spielberg, 1998), Les Visiteurs (Jean-Marie Poiré, 1993), Gladiator (Ridley Scott, 2000), Spartacus (Steven S. DeKnight, 2010), Pocahontas (Mike Gabriel et Eric Goldberg, 1995), L’Enfant de Buchenwald (Philipp Kadelbach, 2015) et Marie Antoinette (Sofia Coppola, 2006). Les réponses sont tout à fait pertinentes dans la mesure où deux d’entre elles ont été les objets de notre étude : Pocahontas et Django Unchained. J’ai donc fait l’hypothèse que l’étude de ces deux supports allait être facilitée. Je me suis donc appuyée sur ces résultats afin de mettre en œuvre ma séquence.
Au cours de cette séquence, à chaque fois que nous entamions un nouvel objet d’étude (époque coloniale, révolution américaine, esclavage et guerre de Sécession), j’ai organisé une rapide enquête pour déterminer quels élèves connaissaient tel personnage historique ou tel événement et comment ils le connaissaient. Cette expérience reprenait l’étude réalisée par l’université de Cambridge, évoquée plus haut, qui montrait que si les élèves ont connaissance de certains événements historiques, c’est grâce au cinéma. En voici un résumé schématisé des résultats (graphique 4).
Discussion et conclusion
A l’origine de cette étude sur l’utilisation du cinéma au lycée, mon objectif principal était de prouver qu’il est possible, voire profitable, d’utiliser des ressources cinématographiques pour enseigner le fait culturel.
Les dernières réformes dans l’enseignement des langues étrangères soulignent l’importance de ne pas séparer langue et culture. Aujourd’hui, on apprend une langue étrangère avec un contexte. Mais le fait culturel a encore du mal à intégrer le corpus des savoirs enseignés au cours de langue. Les programmes étant larges, l’apprentissage de la culture anglophone n’y a pas toujours sa place. C’est en tout cas au professeur de choisir ses propres sujets d’étude. A titre d’exemple, le programme du palier seconde est le suivant : sentiment d’appartenance, singularités et solidarités; visions d’avenir, créations et adaptations; mémoire, héritages et ruptures. La dernière grande thématique va pouvoir entraîner l’intégration du culturel en anglais. Ma première séquence de l’année portait par ailleurs sur les mémoires des enfants pendant le Blitz. Je n’avais pas utilisé de supports cinématographiques; cependant, la Seconde Guerre mondiale étant au programme d’histoire de 3ème, les élèves avaient su réutiliser leurs connaissances. De plus, l’une des tâches intermédiaires consistait à créer un « poster souvenir » d’un enfant pendant le Blitz. Ces éléments avaient motivé les élèves, et ont pu remplacer l’utilisation de supports cinématographiques.
Ceci étant dit, après avoir pu observer mes élèves tout au long de cette séquence visant à intégrer les arts pour comprendre l’histoire des Etats-Unis, il me semble qu’il s’agit là d’un outil judicieux qui, à dose mesurée, motive les élèves et les aide à progresser. Beaucoup d’élèves faibles se servent de l’image pour comprendre et tenter de participer en classe. La vidéo est donc clairement un outil. Mais le film apporte un plus dans la mesure où les élèves sont captivés par l’histoire et l’intrigue, ce qui les pousse à suivre, à participer, …
En ce qui concerne la méthodologie mise en place, j’ai voulu utiliser le cinéma pour faire découvrir des grands moments de l’Histoire américaine aux élèves, tout en cherchant à affiner leur esprit critique. En effet, on ne peut pas seulement s’appuyer sur des créations fictionnelles pour s’instruire. Il m’était indispensable d’utiliser aussi des outils papier, des documents authentiques. Les élèves sont ainsi devenus chercheurs, décryptant des textes pour affiner leurs connaissances. Une partie des activités concernant les œuvres cinématographiques consistait aussi à prendre en compte à quel point les œuvres peuvent être romancées. Il fallait faire la différence entre l’Histoire, et l’histoire. Cette subtilité était au cœur de la séquence. Les œuvres cinématographiques, en particulier Pocahontas et Abraham Lincoln Vampire Hunter, m’ont servi de tremplin pour évoquer la manipulation artistique mise en œuvre pour attirer un public plus large. Mais le cinéma n’est pas la seule forme d’art qui m’a permis de former les élèves à avoir un esprit plus critique par rapport à l’image. A titre d’exemple, la peinture de Trumbull, The Declaration of Independence, montre elle aussi les possibilités infinies qu’a l’image pour manipuler les regards. D’autres formes artistiques ont été explorées au cours de la séquence, comme la sculpture (celle de Pocahontas, qui montre qu’on a cherché à immortaliser une version presque légendaire du personnage historique ; celle de Lincoln, dont le but était tout aussi similaire). Ces particularités ont été bien perçues par les élèves grâce à un travail approfondi de compréhension et de comparaison des différents supports.
Quant à nos hypothèses de départ, elles étaient diverses :
– Le cinéma peut-il aider l’apprentissage du fait culturel en lycée ?
– Le cinéma est-il un facteur de motivation chez l’élève ?
– Le fait culturel peut-il être facilement intégré en classe de langue ?
A moindre dose, le cinéma va sans aucun doute attirer l’attention des élèves et leur enseigner quelques faits historiques sans que le cours devienne excessivement magistral. Les élèves ont par ailleurs été plus bien réceptifs aux objectifs de la séquence : l’Histoire américaine et la critique des supports fictionnels. Ceci me pousse à valider l’assertion que le fait culturel a bien sa place en cours de langue.
Cependant, comme les critiques l’ont souligné, l’utilisation du support cinématographique doit être travaillée et répond à des règles d’utilisation strictes pour un résultat entièrement satisfaisant.
En somme, certains objectifs semblent avoir été atteints lors de l’expérimentation. Mes recherches de départ m’ont été précieuses pour maîtriser le support cinématographique et pour savoir m’en servir à bon escient en classe. Pour étayer mes propos et conclure sur l’efficacité de la séquence, j’ai utilisé les résultats au test de fin de séquence, qui avait pour format la rédaction d’un essay en réponse à la problématique suivante : “cinema is useful to know more about history. Do you agree?”
|
Table des matières
1. Partie théorique
1.1 Introduction
1.2 Etat de l’art
1.2.1. L’importance du fait culturel en cours d’anglais
1.2.2. L’utilisation de la vidéo en cours de langue
1.2.3. Pourquoi choisir le support cinématographique ?
1.2.4. Quelle utilisation du film en anglais ?
1.3 Formulation de la problématique
2. Méthode
2.1 Participants
2.2 Matériel
2.3 Procédure
3. Résultats
4. Discussion et conclusion
5. Bibliographie
5.1 Sources secondaires
5.2 Articles académiques
5.3 Sites internet
6. Annexes
Télécharger le rapport complet