L’utilisation d’Adobe Photoshop comme simulation de la peinture hollandaise du XVIIème siècle

L’utilisation du numérique dans la photographie : les logiciels programmés

De la création d’une scène à l’échelle 1 à la retouche photographique

Lorsqu’un peintre construit une nature morte, il construit une composition. Chaque objet a son importance, son placement, une réception précise à la lumière qui fait qu’il ne peut être placé ailleurs. Les ombres et les lumières créent des lignes directionnelles, des chemins de déambulation pour l’oeil du spectateur. Il y a donc une logique de mouvement afin que le regard puisse se balader dans l’oeuvre et ainsi donner du plaisir à celui qui la regarde.
Cette idée de construction n’est pas à négliger dans tout le travail de Numerica. En considérant que la majeure partie de l’oeuvre est numérique, de l’utilisation de l’appareil photographique, d’Adobe Photoshop à la réalité virtuelle, je me devais de garder une place importante au travail manuel, à la création physique de l’oeuvre. C’est pourquoi j’ai mis en place toute la nature morte au préalable, construit la pièce et les meubles la composant. Cette Nature morte aux cinq sens n’est pas la reprise d’un tableau hollandais, mais bien une création entière inspirée d’oeuvres importantes du XVIIème. Le thème se réfère à la série de toiles faite par Pierre Paul Rubens et Jan Brueghel l’Ancien, un polyptyque réalisé entre 1617 et 1618.
Chaque toile est une allégorie à un sens et permet une démonstration du savoir-faire complet et des découvertes du pays. Dans cette Allégorie de la vue, réalisée en 1617, on voit bien l’abondance, peut-être même la surcharge d’objets appelant à stimuler le regard. Que ce soient des fleurs, des tableaux, des bustes, de l’or ou du verre, on découvrira toujours dans un coin ou un autre des éléments appelant à déambuler dans la toile entière. Comme la peinture hollandaise montrait les avancées technologiques de l’époque, on remarque la présence dans la toile d’une lunette astronomique, d’éléments de calcul et de navigation. D’ailleurs, ces éléments se trouvent de manière évidente au premier plan de l’oeuvre, comme si l’artiste avait voulu insister sur leur présence.
De même, la composition sur trois niveaux de tables fait penser aux natures mortes de l’artiste espagnol Juan van der Hamen y León, comme sa Nature morte aux friandises et poteries, peinte en 1627.
On peut constater que mon traitement de la lumière dans la Nature morte aux cinq sens de Numerica rappelle fortement celui des espagnols du XVIIème siècle. Cependant, ce sont bien les hollandais qui m’ont principalement inspiré et intéressé concernant leur théorie de la peinture.
Afin de continuer dans la lignée du pictorialisme et donc de l’intervention de l’artiste dans le processus de création machinal, il m’était indispensable de recourir à la création matérielle à un moment donné. Dans l’un de ses ouvrages, Edmond Couchot dit ceci : « Pour d’autres photographes, le moment décisif est la préparation de la scène à composer ; il se prolonge éventuellement jusqu’au tirage au cours duquel de nombreuses manipulations peuvent intervenir. ». Cela résume assez clairement mon positionnement quant à l’utilisation de l’appareil photographique. Il y a cette idée de création de décors de théâtre ou de cinéma. C’est-à-dire que je mets en place toute une scène, une pièce entière afin de la capturer avec le médium photographique. Tout est créé, peint, placé, travaillé avec la lumière naturelle avant le grand moment de capture, de représentation (si l’ont fait une comparaison avec le monde du théâtre). Chaque objet serait alors un comédien, connaissant sa place, son rôle, sa fonction et attendant la levée de rideau pour se montrer tel qu’il doit être. L’idée de levée de rideau est d’ailleurs amusante puisqu’on la retrouve dans l’espace virtuel de Numerica, lorsqu’on appréhende l’espace pour la première fois. Le spectateur est plongé dans une pièce noire avec un rideau rouge face à lui et lorsqu’il est prêt, le rideau s’ouvre et dévoile alors la nature morte. On reviendra dans le prochain chapitre plus en détail sur ce moment.
On ne peut pas parler de dualité entre l’analogique et le numérique, entre la création manuelle et la création informatisée, mais plutôt une succession d’étapes permettant de créer de différentes manières un même sujet de base, le trompe-l’oeil. Il faudrait donc concevoir l’oeuvre finale comme un ensemble, une uniformité composée de plusieurs cellules, toutes reliées les unes aux autres par la théorie de la tromperie. La composition et la création sont donc deux sujets étroitement liés. On construit en composant et composer permet de construire. Les deux permettent de mettre en évidence le travail préparatoire, les études, les essais et donc l’oeuvre finale.
Enfin, on peut dire que l’intervention de la main de l’artiste se situe bien avant l’acte machinal de la prise de vue, mais aussi après la capture du moment en utilisant la retouche numérique par logiciel.

L’utilisation d’Adobe Photoshop comme simulation de la peinture hollandaise du XVIIème siècle

« Enregistrée numériquement, pouvant être transmise immédiatement par le truchement des réseaux, retouchable à volonté, la photographie numérique est une « matière » malléable, pastique, fluide. ». On comprend donc bien que les enjeux actuels de la photographie ne sont plus les mêmes que ceux du XIXème et du début XXème siècle. Pour les artistes numériques, dans la continuité des pictorialistes, la photo est une surface modifiable, comme une nouvelle toile (ré)interprétable. C’est à la fois le support qui est interrogé, c’est-à-dire le code binaire, l’intangible, l’immatériel de la photographie – il faudra cependant passer par des interfaces bien réelles et des supports physiques pour y accéder, à savoir des ordinateurs, des écrans ou autres – mais aussi le sujet, ce qui est capturé et ce qui va pouvoir être retravaillé, recréé.
Le logiciel Adobe Photoshop, généralement qualifié de logiciel de retouche d’image, est une interface extrêmement large et complexe permettant une utilisation propre à chacun. Entre la retouche photographique, la peinture numérique, la réalisation de textures pour modélisation ou encore d’éléments 3D, ou bien le collage, chacun est libre de l’utiliser pour soi, avec son propre fonctionnement. Ainsi, je me permets de l’utiliser non pas pour retoucher une photographie (utilisation standard du logiciel) mais bien pour repeindre dessus. Ma technique se base donc ici entre la retouche et la peinture numérique. De même, je produis comme avec de la peinture à l’huile, à savoir par couches successives de calques apportant chacun de la lumière, de la couleur, de l’intensité. Au final, je me suis rendu compte que je traitais aussi mon travail comme un artiste pictorialiste, c’est-à-dire que je pars de mon support photographique afin de lui donner les codes d’une peinture avec une gomme.
Voilà comment le processus de création se présente : Je commence par insérer un calque assombrissant à la photographie. Avec l’outil de la gomme, je viens supprimer les parties du calque où la lumière doit rester intacte. En accumulant successivement les calques, je me retrouve avec une photographie fortement contrastée, travaillée comme une peinture.
On peut considérer le processus de création similaire aux grands maîtres de la Renaissance et aux artistes ayant conservé cette méthode d’exécution. Effectivement, on part d’une photographie de base, qu’on pourrait comparer aux croquis préparatoires d’une toile. On vient ensuite appliquer des couches successives de calques, de filtres et de matière afin de créer son oeuvre finale. Chaque couche a sa part de transparence, permettant de laisser apparaître la base du travail artistique. Chaque filtre, chaque calque est redessiné avec une gomme, tel un pinceau, afin de n’être appliqué que sur les parties concernées. C’est donc ainsi que l’on peut redonner l’apparence d’une peinture à une photographie, à savoir en exagérant les lumières, les rehauts, les contrastes et donc en créant un clair-obscur.
La peinture à l’huile, telle que l’utilisaient Léonard de Vinci, Rubens ou bien Dalí par exemple, consistait à mettre de la matière grasse sur du maigre. On entend par là commencer par des couches de peinture très diluées sur lesquelles on appliquera d’autres couches de plus en plus chargées en matière. Ainsi, chaque épaisseur, qu’elle soit fine ou épaisse, est liée avec les autres, apportant une profondeur dans le résultat final. Dans les cas de Léonard de Vinci et parfois de Dalí, les couches peuvent rester diluées du début à la fin et donc rester transparentes. C’est ce qui s’appelle peindre en glacis, comme dans les aquarelles. Cela permet de donner un aspect transparent, léger à la partie peinte, amenant une légèreté et une douceur des tons. On peut retrouver cette technique dans mon traitement de la photographie par Photoshop grâce à des calques non retravaillés, s’appliquant sur l’entièreté de la photo mais avec une faible opacité.
Il est important aussi de jouer sur la netteté des bords de la gomme. J’entends par là que gommer un calque avec un outil dont les bords sont flous entraînera un flou général sur toute la photographie. A l’inverse, en rendant nets les bords de la gomme, créant ainsi une pointe d’outil parfaitement ronde, la photographie gardera sa netteté. Toute la maîtrise de cette technique est importante par ce jeu de netteté, de flou et de travail des ombres.
De même, il détaillait avec une forte précision les éléments importants de la toile tels que le visage, les mains ou la richesse des tissus. Le reste n’était que grossièrement travaillé afin de ne pas y perdre l’attention du spectateur. Il s’agit bien ici de l’amener à des endroits spécifiques et faire en sorte qu’il comprenne directement le thème de la toile, l’histoire qu’elle raconte et le message que l’artiste veut faire passer. Il est évident que l’un des savoir-faire du peintre réside dans cette capacité à diriger l’attention et le regard du spectateur. Car cela veut dire qu’il faut maîtriser toutes ces questions de création, de composition, amenant le mouvement et le rapport entre le détaillé et les éléments à peine travaillés, la gestion des couleurs et leur concordance les unes avec les autres.
Il faut cependant constater un fait important dans tout ce travail logiciel de superposition des calques. Chez un peintre, cette accumulation de couches se verra lors de l’observation du tableau puisque le vernis permet de faire pénétrer la lumière dans les parties inférieures de la peinture. C’est d’ailleurs tout l’intérêt pour une peinture de Léonard de Vinci de voir cette profondeur d’exécution. Dans mon processus de travail, les différentes couches se voient lorsqu’on est sur le logiciel même. Néanmoins, lors de l’impression sur feuille, l’imprimante n’applique qu’un jet d’encre et non une accumulation. C’est donc à ce moment précis que l’on perd l’idée de profondeur des différentes épaisseurs. Il faut bien préciser que cette idée de perte n’est pas importante pour le résultat final car c’est le médium de la photographie qui provoque cette couche unique. Ce qui m’intéresse est bien le processus de création, cette volonté de procéder de manière similaire à la peinture à l’huile et non la volonté de créer une transparence des différentes couches.
Enfin, on se doit de rappeler un fait important de cette recherche, déjà évoqué dans la partie précédente. Le numérique et l’analogique – ou du moins la peinture – sont au même niveau, il n’y a pas de préférence pour l’un ou pour l’autre, ni de point plus important que l’autre. Le passage de la peinture à la prise de vue (on notera d’ailleurs que l’appareil photographique utilisé a un fonctionnement de cellules numériques et non argentiques) puis à la réalité virtuelle (et donc à une création par langage informatique) est une seule et même continuité, comme une retranscription de l’évolution historique. Numerica fonctionnerait donc comme un livre, un roman parcouru d’une ligne directive, montrant les différents processus de création à différentes époques, tous traitant le même sujet, la tromperie.

Vers une peinture de chevalet interrogée par la réalité virtuelle

Pour reprendre la définition d’Omar Calabrese, « Le trompe-l’oeil est un artifice consistant à faire croire à l’existence tridimensionnelle d’une réalité matérielle qui, elle, est représentée en deux dimensions. Ainsi, cette volonté de réduire la distance entre l’oeuvre et le spectateur est permise par différents éléments faisant croire à un relief. ». Il est alors intéressant d’imaginer cette définition poussée à son extrême, c’est-à-dire imaginer le spectateur dans l’espace d’une oeuvre, au sein de la toile même. Il est bien sûr évident qu’il est impossible de rentrer un corps en trois dimensions dans une surface plane,bidimensionnelle. Cependant, il est possible de faire croire au spectateur qu’il se trouve dans la toile grâce à la réalité virtuelle.
On donnera une définition et des précisions importantes afin de comprendre les enjeux de cette technologie et sa place par rapport à cette idée de faire croire.
Tout d’abord, dans le Tome 1 du Traité de la réalité virtuelle1, on trouvera cette description : « La finalité de la réalité virtuelle est de permettre à une personne (ou à plusieurs) une activité sensori-motrice et cognitive dans un monde artificiel, créé numériquement, qui peut être imaginaire, symbolique, ou une simulation de certains aspects du monde réel. ». On comprend bien qu’il est impossible d’opposer virtuel et réel puisque le virtuel se base sur du réel. Il est conçu avec du réel et réagit avec du réel. Cependant, il permet d’entrer dans des mondes virtuels, d’interagir « de manière surréaliste » et de vivre des expériences extraordinaires. Le but de l’utilisation de la réalité virtuelle dans les arts plastiques est donc de dépasser l’utilisation de la technologie, de se l’approprier, de pousser ses limites et de proposer de l’irrationnel, des espaces non-cartésiens.
De même, on ne propose pas au spectateur d’entrer dans la toile mais dans une virtualisation, une modélisation d’un espace pouvant être celui de la toile. On pourra toujours reproduire le plus fidèlement La Joconde, le paysage qui l’entoure et la position de ses mains, on ne saura jamais à quoi ressemble ce qu’on ne voit pas. On donnera l’impression au spectateur d’être dans la toile, aux côtés de Mona Lisa, avec un paysage ressemblant fortement au tableau initial, cela restera toujours une interprétation du programmeur, un point de vue personnel, une suggestion d’un terrain inconnu.
Le spectateur est encore une fois amené à voler, déambuler, parcourir la toile sans avoir le contrôle sur ce qu’il voit. Son unique interactivité est la possibilité de tourner la tête afin d’observer l’ensemble de l’espace. Il ne peut ni se déplacer seul, ni toucher les objets. Il y a là encore cette sensation de passivité, de non contrôle de l’espace. Il est intéressant de souligner que ce genre de phénomène ne permet pas de projeter entièrement le spectateur dans un espace virtuel. C’est-à-dire que plus il se sentira passif, moins il se sentira concerné et donc immergé. Il aura toujours la sensation d’être dans une réalité virtuelle mais ne pourra la vivre pleinement et décupler ses émotions. A l’inverse, plus il est actif dans le programme, plus il peut utiliser son corps afin de réagir, échanger avec le système et moins il se dira qu’il porte des lunettes immersives. C’est cet oublie qu’il est important de viser lorsqu’on crée une oeuvre immersive. Cette sensation d’avoir donné son corps entier à l’oeuvre, d’avoir échangé « comme on discuterait avec un être humain » permet de mieux apprécier le moment présent puis le souvenir qu’on s’en fait. Dans la mesure où l’art numérique se base sur du ressenti, sur du sensible et non plus sur du concept comme beaucoup de formes artistiques actuelles, il est indispensable de garder en mémoire cette volonté de faire oublier son environnement réel au spectateur.
Ce sont donc tous ces points négatifs, ces utilisations basiques de la réalité virtuelle que j’ai cherché à éviter pour Numerica. Ici, je propose au spectateur de découvrir l’espace de la toile qu’il voyait frontalement avant d’enfiler le casque immersif. Aussi, je lui propose de toucher les objets naturellement grâce à un Leap Motion1 capturant l’emplacement en temps réel des mains afin de les retranscrire dans le casque. Le spectateur aura vraiment l’impression de toucher de ses propres doigts les objets de la nature morte. Il va donc manipuler l’espace et créer une musique car chaque objet touché génère un son. De la phase passive d’observation, il entre donc dans une phase active de création. Création d’une musique mais aussi d’un paysage. En effet, toucher un objet provoque aussi l’apparition d’un élément de paysage ou d’une couleur. Enfin, je l’invite à entrer dans une dernière phase de contemplation, tout comme le propose Dreams of Dalí, l’oeuvre interprétée de Dalí, afin que le spectateur découvre son propre paysage et prenne plaisir à observer ce qu’il a lui-même créé, ou du moins ce qu’il pense avoir créé.

L’immersion du spectateur dans un espace virtuel

Il y a une citation d’Edmond Couchot qui pourrait correspondre parfaitement bien à l’utilité de la réalité virtuelle dans le cas de Numerica. Je reprends donc ses termes dans l’ouvrage L’art Numérique, coécrit avec Norbert Hillaire :
« Renouveler les techniques traditionnelles ou prolonger le vaste mouvement de dé-spécification de l’art suffirait-il cependant à faire de l’art numérique un art à part entière ? Quel serait donc le propre de cet art ? […] L’art numérique est un art de l’hybridation. Renouant ici avec la tradition, la prolongeant et la consolidant, rompant radicalement ailleurs, il occupe dans l’ensemble du champ artistique une place singulière1. ».
Ainsi, le numérique est une manière de renouer avec l’histoire de l’art, de revoir la peinture, les techniques anciennes (voire ancestrales), tous ces apprentissages des Beaux-Arts fortement oubliés à la fin du XXème siècle notamment. Cette notion d’hybridation est d’une grande importance car elle aurait deux fonctions. Premièrement, revenir sur des savoirs anciens permet de donner un sens et d’ancrer l’utilisation du numérique dans la continuité de l’histoire de l’art. Les artistes ne travaillent pas uniquement sur ordinateur, ils l’utilisent et le déforment afin de faire valoir de l’esthétique, de la plasticité. En deuxième lieu, elle permet l’aboutissement de techniques ou concepts impossibles à réaliser jusqu’alors.
Dans l’article Les promesses de l’hybridation numérique. Prolongement et renouvellement des arts figuratifs, Couchot explique.

Création d’un espace virtuel

Travail collaboratif

Au XVIème et XVIIème siècle hollandais, il était commun, avec les nouvelles technologies de l’époque, que les artistes travaillent avec les scientifiques. Avec l’invention de la lentille grossissante par exemple, les artistes réalisaient des dessins anatomiques d’insectes, d’animaux, de plantes… Cela permettait donc à la science d’avancer tout en ouvrant de nouvelles possibilités de créations aux artistes. On ne fera pas une rétrospective de tous les liens entre la science et les arts mais cela permet de positionner la collaboration scientifique réalisée pour Numerica.
N’ayant pas les connaissances ni les moyens techniques en Arts Plastiques à l’Université de Rennes 2, il me semblait intéressant de demander une aide à Rennes 1, Université concentrant une grande partie des écoles scientifiques et technologiques de Rennes. Ainsi, un échange a été réalisé avec Marc Christie, Professeur associé à l’Université de Rennes 1 et Responsable du Master2 spécialité MITIC1. A la suite de cela, il propose une collaboration avec ses étudiants de Master 2 dans le cadre d’un cours spécifique. Chaque élève de la promotion est par binôme et doit réaliser un espace virtuel pour une entreprise. Ainsi, Numerica est une oeuvre collaborative entre un étudiant d’arts plastiques et deux étudiants de l’Istic. L’idée n’était pas de délocaliser le travail ou d’être directeur de projet, mais bien que les propositions et la création se fassent par chacun. Chaque participant au projet était égal aux autres, malgré un cahier des charges déterminé, chacun agençait et avançait des idées afin de faire vivre l’oeuvre. L’idée de la collaboration pourrait se définir par cette phrase d’Alain Renaud.Sans volonté de généralité, avec l’échange entre la technicité et les arts plastiques, il y a bien cette volonté de casser les barrières, d’amener les arts dans les sciences dures et en échange, d’apporter la technicité nécessaire au développement des arts numériques. Intelligibiliser le sensible et sensibiliser l’intelligible correspondent donc à cette idée de technicité informatique dans les arts et d’esthétique dans les programmations numériques.
La collaboration s’est donc faite sur plusieurs étapes. Premièrement, une étape de modélisation. Cette partie a été réalisé en grande partie par Alexandra Brun, étudiante en Master 2 Recherche en Arts Plastiques à l’Université de Rennes 2. Sa formation à l’ESRA2 lui a permis de maîtriser avec beaucoup d’habiliter les logiciels de création 3D comme Maya. Ainsi, je lui ai proposé de modéliser l’ensemble du tableau, des objets au cadre fictif. Il était important pour moi qu’elle garde son statut d’artiste avant tout, qu’elle ne soit pas simplement modélisatrice, d’où ma volonté qu’elle interprète la pièce à sa façon. C’est pourquoi certains objets peuvent paraître disproportionnés ou mal placés ou encore différents de la Nature morte aux cinq sens.

Une volonté de transparence, arrivée dans l’espace virtuel

Afin que l’environnement virtuel reste dans le champ des arts plastiques et que le spectateur le vive le plus intensément possible, il est important de respecter la place du corps, ses fonctions et donc éviter la trop grande utilisation d’interfaces technologiques. La proprioception devient alors le sens humain le plus intéressant à mettre en scène. Le fait qu’il puisse voir ses mains, se déplacer, observer, découvrir comme dans un espace réel alors qu’il est dans un monde virtuel permet l’illusion.
Il y a deux raisons à la volonté de transparence des interfaces inhérente à Numerica. Comme énoncé juste avant, il est important que cette technologie démocratisée, grandement utilisée par les entreprises, les sociétés de jeux vidéo et autres, reste dans le domaine de l’oeuvre d’art. Utiliser trop de machinerie casse sa sobriété, la beauté qui peut s’en dégager. De même, Numerica se compose d’un tableau-photographique tout autant que de la réalité virtuelle. En accumulant les dispositifs informatiques, la technologie prendrait une plus grande part sur le trompe-l’oeil.
Le deuxième enjeu est purement destiné à l’immersion. En utilisant ses propres mains, le spectateur vivra plus naturellement l’expérience. Il est d’autant plus ludique, amusant, surprenant, peut-être même jouissif, d’utiliser ses propres doigts afin d’interagir, plutôt qu’une manette ou autre interface. Une immersion totale dépend donc de l’absence de rappel au monde réel. Moins le spectateur possède d’accroche avec l’espace réel, plus il pourra se sentir immergé dans le monde virtuel. Ainsi, Edmond Couchot, lorsqu’il décrit les sciences cognitives, explique : « La cognition dépendrait au contraire, non pas de représentations mentales préexistantes mais des expériences multiples découlant du fait d’avoir un corps doté de capacités sensorimotrices plongé dans un milieu avec lequel il interagit. ». L’impact qu’a le monde virtuel sur le cerveau est donc provoqué par l’utilisation du corps dans l’espace. Si, pendant cette route entre l’oeuvre et le spectateur, se trouvait un barrage provoqué par des interfaces physiques comme des manettes par exemple, l’immersion serait beaucoup moins efficace et donc l’expérience se vivrait moins intensément. Aussi, l’illusion de la proprioception permet l’illusion des autres sens. Plus naturelle sera l’immersion d’un spectateur dans un espace virtuel, plus importante sera la tromperie des sens.
L’homme et sa place dans l’oeuvre est donc la question centrale à laquelle doit répondre l’artiste. Comment évolue le spectateur ? Comment dialogue-t-il avec la machine ? L’oeuvre ne peut exister sans son « spectacteur ». Et de même, le programme se doit d’être compris, analysé et exploré par l’homme. François Soulages éclaire ce rapport en disant : « Le virtuel est certes une donnée technologique nouvelle, mais c’est avant tout une potentialité anthropologique essentielle : l’homme est l’être par lequel le virtuel entre dans le monde, et d’abord dans son monde3. ». Une oeuvre virtuelle place l’homme au centre de son existence. Une photographie, une sculpture, une peinture peuvent vivre sans être regardées. Leur apparence ne changera pas, seule leur interprétation en est indépendante. Une oeuvre interactive par contre se doit d’être vécue dans son entièreté, d’être performée, parce qu’elle est interactive et donc dialogique (c’est-à-dire qu’elle est un dialogue entre un système informatique et son utilisateur). Sans son activation et son exploitation, elle n’est pas, ou en tout cas elle n’est qu’apparence. Sans son activation, elle n’est qu’une machinerie, un programme, un écran, des câbles, une coquille vide.

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Table des matières

Préface
Introduction 
I – L’ambiguïté peinture-photographie : du trompe-l’oeil Hollandais du XVIIème aux techniques numériques 
A – Une composition basée sur la peinture hollandaise
1/ Utilisation de la chambre noire dans la peinture hollandaise du XVIIème
2/ Le trompe-l’oeil : différents éléments trompant le spectateur
3/ Du pictorialisme à aujourd’hui, apparition du tableau photographique
B – L’utilisation du numérique dans la photographie : les logiciels programmés
1/ De la création d’une scène à l’échelle 1 à la retouche photographique
2/ L’utilisation d’Adobe Photoshop comme simulation de la peinture hollandaise du XVIIème siècle
3/ Vers une peinture de chevalet interrogée par la réalité virtuelle
II – L’immersion du spectateur dans un espace virtuel 
A – Création d’un espace virtuel
1/ Travail collaboratif
2/ Une volonté de transparence, arrivée dans l’espace virtuel
3/ Une oeuvre autonome, un dialogue entre l’homme et la machine
B – L’illusion du spectateur-acteur
1/ « Auteur-amont » et « auteur-aval » : vers une recréation de l’espace de la toile
2/ Composition musicale et composition du paysage
3/ Vertige
C – Une oeuvre multimédia
1/ Différentes notions de temps
Le temps de la nature morte
Le temps photographique
Le temps virtuel
Le temps musical
2/ Aura de l’oeuvre
3/ Perception, perspective, simulacre
III – Mise en exposition de Numerica
A – Scénographie
B – Différents cas de figure
C – Les limites de Numerica
Conclusion 
Bibliographie
Index des illustrations
Index des noms
Annexes papier
Annexes numériques

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