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DES CITOYENS DÉCONSIDÉRÉS
Laisser une personne dormir dans la rue, c’est déconsidérer son statut de citoyen car c’est s’attaquer à ses droits civils et politiques.
Puisqu’on est lancé dans les définitions, c’est peut-être l’occasion de rappeler d’où proviennent ces droits et de quelle manière on les utilise en France. 4
Plusieurs règles ont, au cours de l’Histoire, permis d’élaborer des règles de vie communes. Le dernier en date a été adopté par les Nations Unies en 1948. Il s’agit de la fameuse Déclaration universelle des droits de l’homme. Élaborée par la communauté internationale au lendemain de la seconde guerre mondiale, ce texte comprend 30 articles qui permettent d’assurer la protection fondamentale de la personne et de sa dignité. Dans ces articles , ce sont les Droits de 2ème génération qui vont nous intéresser dans le cadre de ce mémoire. Ces droits économiques sociaux et culturelles ont pour objectif d’assurer, à chacune et chacun, la satisfaction de ses besoins de base et des conditions favorables de son épanouissement personnel. D’après les grands principes, leur caractère interdépendants, indivisibles et intimement liés appuie le fait que la violation d’un droit entraine celle de nombreux autres droits.
La crise de l’hébergement en France a pour conséquence la violation du droit au logement qui entraine celle du droit au repos, aux soins, à l’éducation et bien d’autres encore. De plus, de par leur caractère inaliénable, la situation d’urgence ne peut excuser leur violation.
Comment se servir de ce texte pour faire valoir ses droits et pour avoir l’accès à un logement ? C’est à cet instant que l’Etat va jouer un rôle indispensable pour traduire l’idéal de la Déclaration en texte de loi et ainsi faire valoir ces Droits humains en justice. Le terme de citoyen est d’ailleurs bien restrictifs puisque beaucoup n’ont pas de papiers. Pour reconsidérer ces humains donc, la conscience collective et l’action de chacun d’entre nous sont essentiels dans la lutte contre les lieux précaires, mal adaptés, voir inexistants pour dormir décemment.
DES CAUSES VARIÉES
Le sans-abrisme, bien qu’il ait toujours existé, devient aujourd’hui un phénomène de masse qui ne cesse de croître et qui marque une crise difficilement croyable dans un pays que l’on pense riche et développé. Les causes sont multiples et la difficulté est de les expliquer brièvement de manière non spécialisé. Dans chaque domaine, de nombreux spécialistes ont leur explication de la crise avec des données et des notions qui leur sont propres. L’intérêt ici est surtout de lier ces notions à leur conséquence directe sur l’architecture et l’urbanisme.
LA NOTION DE PROPRIÉTÉ ET D’HABITAT
Le droit naturel veut que l’homme soit propriétaire. Au XVIIe s, le philosophe anglais, Locke, distingua deux types de propriété. La première, mobilière et immobilière, qui par son caractéristique physique peut être ôtée à un individu. La seconde, qu’il qualifia de propriété privée originaire, est au contraire celle que chacun garde de sa propre personne, soit son corps et son esprit. Dans le cas des sans-abris, l’accès à la propriété est bafoué puisque tout ce qui lui permet de vivre et de constituer son espace vital lui est retiré comme dans le cas de Mickael.
Parfois mêle la violation du droit fondamental au logement altère l’intégrité physique et mentale de l’individu, si bien que même la propriété privée originaire est attaquée. L’habitat, lui, a une symbolique bien plus forte qui en fait le bien de la société consumériste le plus désiré par les plus pauvres.
« L’habitat, la maison, comme chacun l’expérimente dans sa vie, constitue la forme la plus élémentaire d’exister en propre, et de se situer dans le monde. »
De cette citation de Jean-Paul Dollé et de toute l’explication qu’il en donne dans le reste de l’article1, on comprend qu’être propriétaire d’une maison permet d’accueillir la propriété de soi-même.
L’habitat représente une protection de son soi par rapport au monde extérieur. On choisit qui en franchira le seuil et quelles en seront les règles à l’intérieur. Ne plus avoir d’habitat revient alors à ne plus avoir de protection, à s’exposer directement au monde extérieur. Plus de dehors, ni de dedans. Plus d’extérieur, ni d’intérieur. Plus de choix possible.
Je pense qu’il est important de distinguer deux manières distinctes de se retrouver sans-abri. La première se caractérise sur un temps plus long qui varie selon les cas, phénomènes de causes à effets, relevant de l’ordre de la vie privée, qui vont avoir pour conséquence la rue. Cela correspond aux causes les plus courantes définies par la Commission Européenne : chômage et pauvreté, problèmes de santé, rupture d’une relation, soutien insuffisant accordé aux personnes sortant d’un centre de soin, de l’hôpital, de prison ou d’autres établissements publics. La seconde est plus brutale, l’abandon ou la perte de l’habitat est lié à un évènement extérieur. On pense alors à une autre cause : les migrations.
LE CHÔMAGE
Le travail d’André Gueslin, et notamment son analyse rédigé par Frédéric Viguier1, va nous permettre d’en comprendre l’évolution depuis ,le XIXè siècle. Une partie des études d’André Gueslin a consisté en, l’exploration de l’histoire des strates inférieures de la société française, la diversité du monde de la grande pauvreté, ses expériences et ses sous-cultures spécifiques, la fluctuation de ses rapports avec la société entre protection sociale et pénalisation. Pour lui l’augmentation récurrente de la pauvreté et de l’errance s’explique à cette époque par une temporalité saisonnière du travail qui contraint à compléter les revenus par une mendicité occasionnelle.
« Pour les ruraux sur les chemins en raison de l’alternance des saisons dans les métiers de la terre, pour les travailleurs en mouvement de l’artisanat urbain ou de l’industrie, pour les Gitans du Midi et les Tsiganes orientaux, et pour bien d’autres populations encore.»
Personnages prisées dans la littérature de l’époque, certains vagabonds se reconsidèrent alors plutôt comme des gens qui font la route pour revendiquer leur liberté et affirmer une critique sociale. Au XXè siècle, cette figure va peu à peu laisser sa place au SDF. Parmi eux, on distingue alors les clochards qui vont suivre le déplacement de la vie du pays des campagnes vers la ville. Assez logiquement, l’errance pauvre va suivre les fluctuations du marché du travail français. Après une courte période de stabilisation, le chômage de masse des années 1970 va alors avoir des conséquences désastreuses. La centralité du travail et de la production prend une part importante dans les conflits sociaux qui surgirent alors. La division sociale du travail et l’accès différencié aux ressources matérielles et symboliques vont également prendre part dans les inégalités.
Toute cette Histoire permet de comprendre la concentration de la précarité et du sans-abrisme dans les métropoles par la suite logique du phénomène de métropolisation.
Ces différents graphiques confirment l’hypothèse du chômage comme cause indéniable du sans-abrisme. Le pic de chômage en conséquence de la crise de 2008 est particulièrement flagrant. De plus comme le montrent les deux graphiques ci-dessus, la condition de sansabris sème d’embûches le retour à l’emploi et à l’activé et cela s’accroit avec l’âge…
DÉPLACEMENT DES POPULATIONS À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE
Le thème des déplacements de population est vaste et remonte à un passé très lointain. Pour ne pas s’égarer, l’idée est ici de dresser un constat de la situation actuelle le plus simplement possible basé sur «La question migratoire au XXIe siècle: Migrants, réfugiés et relations internationales » de Wihtol de Wenden1. La liste des causes est longue dans les pays de départ. Les pays du Sud se développent à travers une urbanisation fulgurante et une révolution démographique significative en Afrique et en Asie (chute de la mortalité mais taux de natalité qui reste élevé). Si ce développement profite à certains, nombreux en sont les grands perdants pour qui le fossé des inégalités ne semble franchissable qu’en-dehors de leurs frontières. En quelques chiffres, ce sont, en 2010, 854 millions de personnes recensées comme étant sous-alimentés au monde et 17% de la planète qui manque d’eau potable et d’électricité.
D’autres facteurs sont les guerres civiles à répétition, la corruption et le clientélisme politique. Ils se rapportent à l’instabilité et l’insécurité rendant les perspectives d’avenir impossible par la menace directe à la vie des population. Le roman de Gaël Faye, «Petit pays», raconte à travers les yeux d’un enfant la vie de toute une population qui bascule du jour au lendemain. Si dans ce cas, l’histoire et le personnage principal restent de fiction, cela illustre la réalité de la migration et sa dimension humaine dramatique.
Un autre facteur qui puisent les ressources de territoire et en obligent les habitants à partir est le réchauffement climatique entrainant la montée des eaux et la sécheresse. Les migrations existent depuis toujours et s’accentuent dans un monde où le droit à la mobilité tend à s’affirmer. Socialement, des dynamiques d’appartenance et d’exclusion apparaissent et se traduisent spatialement à travers des banlieues, des murs, des camps, des centres de rétention, des jungles, des squats, etc … L’ethnicisation de la pauvreté s’exprime alors dans ces lieux de l’exclusion et du transitoire. Paradoxalement, malgré ce rejet apparent des pays d’accueil, le vieillissement de la population, les pénuries de main-d’oeuvre, la demande de regroupement familial, le droit d’asile expliquent la poursuite de l’immigration.
LE RÔLE DU CAPITALISME SUR L’IMMOBILIER
Une autre cause abordée par la Commission Européenne est le manque de logements abordables à louer et à vendre. Jean Paul Dollé, explique à travers la crise des subprimes aux États-Unis une possible explication à cela et ce que cela révèle2. Historiquement, l’Etat a eu son rôle dans la perte de la propriété de l’habitat ou des terres par l’expropriation réalisées dans divers objectifs dont la production capitaliste. Le cas évoqué dans « La crise est là » est concentré sur l’Angleterre avec Londres, Manchester et Liverpool. On pense également à de multiples autres nations qui ont pratiqué la même politique comme le Brésil avec pour conséquence les sans-terre. Ces 4 à 5 millions de petits paysans qui n’ont ni titre de propriété, ni autorisation de travailler sur une terre particulière. Tous ces individus brutalement dépossédés descendent à la rude classe des prolétaires dont il est alors bien difficile de s’extirper.
On en revient à l’idée qu’être dépossédé revient alors à être déconsidérés en tant qu’homme, à être accusé comme de trop et victime de tous les maux de la société par la majorité écrasante que forment les classes supérieures.
Sans aller jusqu’au parti extrêmement fort de Jean-Paul Dollé contre le capitalisme, je me retrouve dans sa vision d’un monde où tout devient marchandise. Par conséquence, il semble alors que tout doit avoir un propriétaire qui peut être exproprié. L’espace même n’est alors pas acquis puisqu’il se mérite et se monnaie. Par conséquence, l’immobilier qualifié ici d’activité essentielle du capitalisme contemporain et l’accès à celui-ci justifie la place dans l’urbain et le droit à la ville. En conséquence, la Fondation Abbé Pierre décrit aujourd’hui une crise du logement qui se décline sous trois formes3:
la crise de l’accès au logement
– la crise du maintien dans le logement
– la crise de la mobilité résidentielle
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Table des matières
PROBLÉMATIQUE
EN QUOI LES NOUVELLES PRATIQUES ARCHITECTURALES ET URBAINES NE PEUVENT-ELLES RÉPONDRE SEULS AU PROCESSUS D’HABITAT DIGNE POUR TOUS?
DÉFINITION ET CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE DU « SANS-ABRISME »
LUTTE DE L’ETAT CONTRE
L’HABITAT PRÉCAIRE
DOCUMENT SOUMIS AU DROIT D’AUTEUR
L’URBANISME COMME ROUAGE VERS L’HABITAT DIGNE
L’HORIZON DES POSSIBLES
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXES
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