Madagascar est un centre de diversité culturelle et de traditions comme le Alamahady be, Fitampoha ou Fanompoa be, Sambatra, Famadihana, Fandroana, etc. Ces rites, encore pratiqués, méritent d’être analysés sociologiquement. Nous avons comme thème de recherche « Le Fanompoa be et le Famadihana ». Le peuplement de Madagascar remonterait au premier millénaire de notre ère. Les ancêtres malgaches seraient à la fois d’origine malayo-indonésienne et d’Afrique orientale (des bantous originaires de la Tanzanie et du Mozambique actuel).
L’UNIVERS TRADITIONNEL ET LE CHRISTIANISME
Les gens habitant dans les coins les plus reculés de la campagne et aux confins de la brousse, préfèrent garder leur religion traditionnelle plutôt que de se convertir au christianisme qui condamne cette religion et ses pratiques. Les traditionalistes croient aux vertus de leurs ancêtres comme les chrétiens à leur Dieu. Religions et croyances ont un lien étroit avec la vie au quotidien. L’analyse des pratiques religieuses, l’étude des rapports entre le christianisme et les traditions permettent de souligner l’importance de cette première partie, surtout en ce qui concerne la conception de la mort et de la vie après la mort.
Rites et croyances religieuses
Sikidy et Fanandroana
A) LE SIKIDY
La vie dans la campagne sakalava est profondément conditionnée par les esprits, et par leur représentants terrestres, les sorciers (les moasy) qui utilisent des intermédiaires végétaux afin de pouvoir communiquer avec eux. Les Sakalava ont beaucoup de respect pour les grands arbres parce qu’ils pensent qu’en offrant de l’ombre, ils sont dotés naturellement de pouvoirs protecteurs. Certains, presque toujours loin des autres, sont l’objet d’une vénération particulière puisque, ils sont sensés être la demeure des esprits ; ils acquièrent une considérable importance sacrée jusqu’à être utilisés comme autel sur lequel des offrandes sont déposées.
Dans la campagne sakalava, le tamarin (madiro ou kily) est vénéré en tant qu’arbre sacré. Le rôle de médiateur entre l’homme et le monde surnaturel est valorisé dans toutes les régions sakalava par l’emploi du sikidy ou la divination par les graines ou les cartes. Cette pratique est réputée pouvoir répondre à toutes les questions et résoudre tous les problèmes, notamment, ceux concernant les maladies qui seront soignées, ensuite par le respect des fady (tabous et interdits). Le mot « sikidy » trouve son origine dans la langue arabe, « chickel » qui signifie figure, du fait que la divination est faite par l’interprétation des figures créées par disposition des graines jetées sur une natte, lesquelles graines sont réparties en cinq principales variétés :
– fano (piptadenia chrysostack) ;
– tsiafakomby (coesalphina separia) ;
– haricot noir ;
– madiro ou kily (tamarin) ;
– maïs.
Le sikidy présente des formes plus ou moins élaborées de consultation de la volonté des ancêtres. Les sages qui interprètent le sikidy sont appelés « mpisikidy» et sont réputés bienfaisants, par contre les sorciers ou mpamosavy ne font que jeter des mauvais sorts et des maléfices. Ces derniers sont tant redoutés comme apporteurs de chagrins et de malheurs. Le futur sage est admis à la consultation et à la divination seulement après un long stage d’apprentissage (on parle de 20 à 30 ans) et lorsque ses cheveux deviennent blancs. Avant l’admission à la consultation des graines chez un devin guérisseur, il faut se renseigner sur les fady existants sur la maison et sur les lieux de la consultation pour mieux les observer.
Lors d’une consultation, après échange de politesse, le sage prend une position tournée vers l’Est, le point cardinal le plus favorable, place devant lui une pierre bleue claire appelée « vatomahita », c’est-à-dire pierre qui voit, et pose des graines de madiro ou kily sur une petite natte. Ces préparatifs terminés, il commence alors à les déplacer en prononçant des formules, des incantations aptes à réveiller les divinités et esprits. Ces incantations terminées, le mpisikidy révèle aux esprits le motif de la consultation indiquée par le requérant qu’il soit sakalava ou non. Il lance alors les graines sur la natte, les remue, les soulève plusieurs fois avec quatre doigts. Après avoir proposé aux divinités les questions du requérant, le mpisikidy ou le moasy prend les graines, en lance une poignée sur la natte et commence à les ranger suivant différentes méthodes de sikidy choisies ; avec la main gauche, il forme quatre tas, et de chaque tas, il enlève les graines deux à deux suivant les règles du chickisme jusqu’à former 16 colonnes dont chacune a un nom bien spécifique.
B) LE FANANDROANA
Le fanandroana est l’un des éléments d’astrologie malgache ; c’est la science des mpanandro qui sont, en quelque sorte, les prêtres du rituel des famadihana (retournement des morts). Par ailleurs, les habitants des Hautes Terres centraux ont l’habitude d’aller consulter les mpanandro pour déterminer les jours favorables et fastes pour réaliser, organiser ou débuter un événement dans leur vie tels la circoncision, la première coupe de cheveux pour un bébé, un mariage, la construction d’une maison, les achats et ventes de marchandises, l’ouverture et la fermeture des tombeaux lors d’un enterrement, etc.
La plupart des mpanandro ne révèle pas tout le secret du fanandroana . leurs réponses reposent toujours sur l’héritage des ancêtres lorsqu’on leur demande l’origine et le pourquoi de leur savoir. Les mpanandro n’ont pas la faculté d’interpréter les règles, ils sont tout juste les dépositaires de ces interprétations anciennes. Le fanandroana trouve son origine dans la civilisation et la culture arabe car les mpanandro se servent du calendrier lunaire pour exercer leur science par le biais des éléments principaux du système du fanandroana qui sont présents dans les douze mois lunaires arabes.
Les destins des malgaches sont au nombre de 28 . Chaque mois avec ses 28 destins, est une lunaison : espace de temps qui s’écoule entre deux nouvelles lunes consécutives. Les noms des douze mois se trouvent déjà cités plus haut. Quatre de ces mois, à savoir, Alahamady, Asorontany, Adimizana, et Adijady, ont chacun 3 destins.
Alahamady, qui est placé au coin Nord-Est et les autres, à la suite, aux autres coins. Les huit (8) mois restant, qui ne comprennent chacun que 2 destins, sont placés sur les murs, 2 sur chaque mur . Dans certaines régions où l’on construit des cases en bois, la charpente est faite de 28 poteaux, un poteau pour chaque destin. Dans chaque coin sont placés 3 poteaux et quatre sur chaque côté. On a ainsi son almanach et son livre de destins à l’intérieur de la case, toujours bien en vue.
Fady, taha, fatidrà
Entreprendre une action importante un jour néfaste entraîne des châtiments sur son auteur et même sur tout son clan chez les malgaches.
A) LE FADY
Le fady est l’interdiction magique et religieuse appliquée aux personnes, aux lieux, aux choses, aux temps et à la sexualité. Pour les Malgaches, les morts participent à la vie divine, ils sont les protecteurs naturels de leurs propres descendants.
La mort, purificatrice de toutes les fautes commises sur terre, ramène tout le monde directement à Zanahary (Dieu) , et on dit de celui qui est mort qu’il est lasa-razana, c’est-à-dire qu’il est devenu ancêtre. Le fady est créé par les ancêtres pour éloigner les descendants d’un mal ou pour perpétuer le souvenir d’un bénéfice. La transgression d’un fady est jugée comme une faute devant les ancêtres et non devant Dieu. Ainsi la rémission de la faute est demandée au représentant le plus qualifié des ancêtres. Quand il est question de la notion malgache du péché, de la culpabilité des actes et des châtiments qui doivent s’en suivre, il ne faut pas oublier leurs fady ou tabous. Il nous est impossible de faire un long exposé sur les tabous malgaches, car cela exigerait un développement plus important. Nous nous contenterons de mentionner seulement les tabous qui peuvent être regroupés en trois catégories :
– Le tabou qui repose sur le « serment des ancêtres ». Autrefois, lorsqu’ un clan se réunissait pour faire un serment quelconque, le doyen posait ses mains sur les épaules du deuxième en âge, et ainsi de suite jusqu’au plus jeune de l’assemblée ; tous juraient alors que ce qu’ils s’étaient promis de s’interdire de faire, serait tabou dans le clan.
– Un usage qui, au cours du temps est devenu tabou. Ici, il est difficle de distinguer entre « fomba » (usage) et « fady » (tabou). Agir à l’encontre de ce qui est d’usage, déshonore ; pécher en bravant un tabou, entraîne toujours un châtiment.
– Le tabou qui a une relation avec les « ody » (ou charmes). A chaque charme sont attachées plusieurs choses qui sont tabous. Les malgaches ont un nombre élevé de tabous. Et ils prennent au sérieux le respect des tabous. Pécher contre un tabou est puni par une maladie, un accident corporel dont la gravité dépend de la gravité du péché accompli, et même la mort. Un péché à l’encontre d’un tabou rattaché à un charme, enlève à ce dernier le pouvoir de protéger celui qui le détient ou l’adore.
Ces trois catégories de tabous nous permettent de faire appel à Auguste COMTE, le père du positivisme. A l’origine, il s’agit pour lui d’apporter des solutions à ce qui lui semble être une grande crise de société que traverse le monde occidental au début du XIXème siècle. Il propose pour cela d’instituer un nouvel ordre social fondé, non sur des croyances d’ordre théologique, mais sur les acquis de la philosophie positive. Selon A. COMTE, le positivisme peut être appréhendé à partir de deux règles élémentaires : « observer les faits à l’écart de tout jugement de valeur et énoncer des lois », et c’est le cas de ces tabous (interdits).
« Le caractère fondamental de la philosophie positive est de regarder tous les phénomènes comme assujettis à des lois naturelles invariables, dont la découverte précise et la réduction au moindre nombre possible sont les buts de tous nos efforts, en considérant comme absolument inaccessible et vide de sens la recherche de ce qu’on appelle les causes soit premières, soit finales ». Les changements survenus dans les coutumes ont fait que les jeunes se posent des questions sur la valeur des fady en révélant une défaillance dans les idées vis-à-vis de certains fady dont le respect et l’obéissance présentent des inconvénients indéniables.
B) LE TAHA
Taha vient du mot sakalava mitaha qui veut dire soigner. C’est un sacrifice de sang fait pour sauver la vie d’un malade grave suivant le principe : « le sang remplace la vie », c’est-à-dire que la victime prendra la place du malade. Puisque l’on sacrifie quelque chose de très précieux, Zanahary ou Andriananahary s’apaisera et il se montrera clément envers le malade.
C) LE FATIDRA
Le fatidra utilise plusieurs objets tels que morceaux de bois, terre, brins d’herbe, pierres et animaux. L’astrologue révèle au cas par les choses qu’il faut utiliser. Il existe une loi du fatidra ou fatodra pour signaler ce qui est nécessaire pour le sacrifice : dessins primitifs représentant « les gardiens du ciel et de la terre » et esquisses des choses à utiliser. Quelque fois le sorcier reste assis pendant plusieurs jours sur le tombeau des ancêtres pour communiquer avec eux et absorber leur science. L’objet utilisé pour le fatidra a pour tâche d’absorber le mal ou le chagrin, il faut le jeter au Sud de la maison après utilisation, alors que l’animal est laissé en liberté. L’idée est de transférer le mal sur un objet ou un animal, toutefois aucun sacrifice ne peut être utilisé pour se procurer du bonheur pour l’avenir. Les Sakalava suivent le principe que « la vie doit être protégée à tout prix et par tous les moyens » pour pouvoir en jouir le plus longtemps possible.
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Table des matières
INTRODUCTION
METHODOLOGIE
Partie I : L’UNIVERS TRADITIONNEL ET LE CHRISTIANISME
Chapitre I : Rites et croyances religieuses
Section 1 : Sikidy et Fanandroana
Section 2 : Fady, taha, fatidrà
Section 3 : Le Tromba
Chapitre II : La Conception de la mort chez les malgaches
Section 1 : La mort et le mort
Section 2 : Les secondes funérailles et la terre ancestrale
Section 3 : Le culte des ancêtres
Chapitre III : Le Christianisme
Section 1 : Origine du christianisme
Section 2 : Les rites chrétiens
Section 3 : D’Andriamanitra à Dieu – vers un Christianisme à la malgache
Partie II : EXEMPLES DE COUTUMES FUNERAIRES
Chapitre I : Présentation du fanompoa be et du famadihana
Section 1 : Description
Section 2 : Motivations
Section 3 : Dépenses
Chapitre II : Ressemblances et Similitudes
Section 1 : Relations avec les morts (coutumes funéraires)
Section 2 : Respect de l’origine et demande de bénédiction
Section 3 : Solidarisme familial
Chapitre III : Discordances
Section 1 : Nominations
Section 2 : Déroulement
Section 3 : Les formes
Partie III : ANALYSES ET SUGGESTIONS
Chapitre I : Analyses et précisions
Section 1 : Fanompoa be
Section 2 : Famadihana
II.Le jour du Famadihana
Section 3 : La reconstruction du lien avec les ancêtres
Chapitre II : Fonctions sociales
Section 1 : Compréhension et analyse du rituel
Section 2 : Régulation sociale et ordre social
Section 3 : Principe de réciprocité et les trois types de légitimité de la domination
Chapitre III : Impacts sur le développement et suggestions
Section 1 : Impacts sur le développement de la région
Section 2 : Suggestions
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE