L’union fait la force le rôle des stratégies d’alliance matrimoniale dans le processus d’intégration

Une minorité controversée : réévaluation du rôle des judeoconversos dans la société chrétienne

Une fois converti, l’individu et dans notre cas, l’ancien juif, est confronté à un problème d’assimilation au groupe dominant. Dans le cadre de ma recherche, il s’agit de comprendre les mécanismes qui ont permis à ces personnes de s’insérer de manière implicite ou explicite dans la société dominante. Les judeoconversos semblent à la fois admis et exclus. De manière générale, ils sont tolérés jusqu’à ce qu’ils deviennent une menace aux yeux des anciens chrétiens.
Àl’instar de la scission entre les vieux et les nouveaux chrétiens, l’étude de l’histoire des judeoconversosse fractionne en divers points de vues. Le débat oppose les historiens dits « progressistes » aux conservateurscatholiques espagnols. Les premiers prennent la défense des judeoconversos en mettant l’accent dans leurs recherches sur les outrages des communautés chrétiennes envers ces nouveaux chrétiens, ne leur facilitant ainsi pas la tâche pour s’intégrer dans la société dominante. La deuxième catégorie d’historiens, quant à elle, justifie ces exactions en s’appuyant sur le fait que les Rois Catholiques cherchent l’unité religieuse au sein de leur royaume. Ces minorités récemment converties font partie intégrante du paysage médiéval espagnol. Ainsi, il s’agit dans cette partie de traiter de la place des judeoconversosdans la querelle historiographique.
C’est avec Antonio Domínguez Ortíz et son ouvrage La clase social de los conversos en Edad Moderna, paru en 1958 qu’apparaît le concept de minorité judeoconverse dans l’historiographie espagnole. Toutefois, le terme de minorité renvoie à un ensemble cohérent.
Or, les judeoconversos se caractérisent par la diversité des méthodes qu’ils emploient pour s’intégrer, il n’y a donc pas de profil type. Ainsi, définir les judeoconversoscomme étant un groupe minimise la diversité des stratégies. Cette étude s’apparente à l’histoire sociale ainsi qu’à l’anthropologie. L’auteur cherche à décrypter l’identité sociale des judeoconversos à partir de la sphère économique.
Il est le premier sur ce sujet à s’interroger sur les rapports que peuvent entretenir la classe sociale et la religion – il parle d’ailleurs de religiosité. C’est un ouvrage novateur pour l’époque, car il n’est pas consacré à l’histoire des juifs, ni aux judaizantes mais aux judeoconversos. Au même moment, en France, Israël S. Revah (1917-1973) s’intéresse aux judeoconversos du Portugal et plus exactement aux marranes et à leur inscription dans la société portugaise.
En 1952, Eugenio Asensio dévoile plusieurs textes traitant des controverses autour du statut de « pureté de sang ». Albert Sicroff sans connaître les ouvrages d’E. Asensio et d’A. Domínguez Ortíz soutient sa thèse de doctorat à la Sorbonne intitulée Les statuts de pureté de sang en Espagne aux XVIe et XVIIe siècles, dans laquelle il apporte des précisions fondamentales sur la controverse juridique et théologique au sujet du statut de « pureté de sang » en Espagne. Cette thèse sera publiée en 1960 sous le titre Les controverses des statuts de « pureté de sang » en Espagne du XVeau XVIIe siècles.
Entre 1970 et 1980 est notable un engouement pour les études inquisitoriales. Le tribunal de l’inquisition fondé dès 1478 à Séville, et par la suite dans de nombreuses autres villes de la Péninsule ibérique est indissociable du devenir des populations judeoconversas.
Les recherches portent donc sur la répression voire l’exclusion de cette minorité par les instances politiques et religieuses. L’un des historiens reconnu sur la question inquisitoriale n’est autre que Jean-Pierre Dedieu. Ce dernier consacre notamment un ouvrage sur l’administration du tribunal du Saint-Office de Tolède.
L’intérêt est porté sur les crypto-juifs et non pas sur les judeoconversos devenus volontairement chrétiens, ni sur le soucis de ces nouveaux convertis d’être acceptés comme tel. Les historiens abordent l’étude de cette minorité par le prisme de la société dominante chrétienne et n’étudient donc pas l’identité ni l’intégration des judeoconversos. Cette approche est influencée par l’école anglo-saxonne et notamment Cecil Roth. L’historiographie juive quant à elle tend a faire un martyrologe de cette communauté brimée. Cette approche affective est sans nul doute en lien avec le climat d’après Seconde Guerre Mondiale. Àl’initiative de Jaime Contreras Contrerasest créée en 1985 une équipe de recherche pour l’étude de l’organisation économique, sociale et culturelle des crypto-juifs. Elle permet l’analyse des espaces de sociabilité et de solidarité conçus par les judeoconversos tels que l’environnement familial, les alliances matrimoniales et les réseaux de clientèle.
Dans la lignée de Jaime Contreras, Raphaël Carrasco s’oriente plus sur la période moderne. Selon ce dernier les judeoconversosne posent aucun problème jusqu’au XVIe siècle car ils sont parfaitement intégrés dans la société dominante vieille-chrétienne. Ils ne sont pas un problème religieux mais un problème social. Cette affirmation est similaire à celle que je compte démontrer. Petit à petit, et notamment à partir des années 1980, les historiens semblent porter de plus en plus d’intérêt aux principes et stratégies d’intégration de ce groupe. Maria Del Pilar Rabade Obrado par exemple, rédige une thèse sur les judeoconversoset leurs rôles en tant qu’élite de pouvoir au service de la cour des Rois Catholiques

Le converti : une identité en mutation ?

Les notions d’identité, d’acteur et d’intégration

Les judeoconversospour s’intégrer doivent imiter les pratiques de la société dominante .
Cette imitation passe notamment par des codes de conduite, d’habillement ou d’alimentation. Ils se représentent comme ses nouveaux semblables, en opposition à l’image que l’on se fait de l’Autre, de l’infidèle, du juif. Alors qu’à l’époque médiévale l’identité renvoie à la conformité à un groupe, au XVIIIe siècle cette même notion renvoie à la sphère individuelle. En 1813, le philosophe Hegel défini ce concept : l’identité est la reconnaissance réciproque du moi et de l’autre . Elle est individuelle mais n’existe que par le contact avec autrui. De ce contact naît un affrontement, et de cet affrontement la différence. Par le biais de thèmes comme celui de l’intégration et de l’identité ma recherche est intimement liée à la sociologie. La notion d’identité se développe dans les sciences sociales à partir des années 1950 aux États-Unis et est intimement liée à l’étude des minorités. L’auteur ayant contribué à la conceptualisation de ce thème n’est autre qu’E. Erikson.
De manière générale les stratégies d’intégration des judeoconversos en société chrétienne ont été étudiés pour le XVe siècle. Or mon sujet s’intéresse aussi aux XIIIe et XIVe siècles. Vincent Parello, dans son ouvrage consacré aux judeoconversosde Tolède étudie ce thème d’une manière opposée à ce que je compte démontrer. En effet, c’est avant tout leur intégration sous toutes les facettes que j’étudie. Je compte prouver que dans les premières décennies du « phénomène judeoconverso » – entre 1391 et 1449 – ces derniers ont pu s’intégrer pleinement dans la société dominante vieille-chrétienne et que l’exclusion se fait progressivement. Deux étapes peuvent être remarquables dans le processus d’exclusion dont les judeoconversos font l’objet : la création du statut de « pureté de sang » en 1449 et celle du tribunal de l’Inquisition par l’autorité royale en vue d’éradiquer le problème des nouveaux chrétiens renégats et 1478. Cela va à l’encontre des motivations de V. Parello dans la mesure où il étudie dans un premier temps l’exclusion puis l’intégration au XVI e siècle.
La métamorphose identitaire qu’implique la conversion est matérialisée par le changement de noms. Les apports de l’onomastique me seront en cela d’une grande aide, car je dois analyser les noms choisis par les judeoconversos afin de déceler les logiques d’intégration. Le nom pris après la conversion semble devenir un nouveau passeport, garant de l’intégration au sein d’une nouvelle communauté.
L’onomastique, en tant que science des noms propres, englobant l’anthroponymie et la toponymie est élaborée à partir du XIXe siècle. Aujourd’hui très ancrée dans les études médiévales, elle tarde à être intégrée dans les études relatives aux autres périodes historiques.
L’onomastique connaît une réelle expansion au sein des études médiévales, lorsque entre la fin des années 1980 et le début du 1990, Monique Bourin élabore un programme de recherche axé sur la « Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne » . Dès lors, l’onomastique s’insère en tant que science auxiliaire dans les sciences sociales. Elle permet d’entrevoir les logiques de nomination propres aux sociétés et d’en établir l’évolution.
Clientélisme, parenté et stratégies matrimoniales : l’apport de l’anthropologie et de la sociologie Ainsi, le nom fait naître aux regards de ses semblables l’individu. Àpremière vue, il est un marqueur social. Cependant lorsque l’on étudie davantage le système onomastique des judeoconversos, la nomination semble devenir une stratégie d’intégration : le sujet est incorporé dans un groupe selon le nom qu’il choisit. Cette incorporation s’accompagne de la création de réseaux sociaux. Au gré de l’étude du corpus de sources, ces réseaux tendent à rappeler le phénomène social du clientélisme.
L’importance de la clientèle en tant que structure sociale est évoquée à la fin du XIXe par Numa Denis Fustel de Coulanges. Ce concept appliquée à la société romaine à la fin de la République puis aux prémices de la société mérovingienne, est toutefois laissé de côté par les historiens et notamment les médiévistes. Présenté comme les origines de la féodalité par ce dernier, il en est aujourd’hui dissocié. Le clientélisme contrairement au système féodal, qui tend à devenir une institution durant l’époque médiévale, est un rapport social informel, sousjacent à la féodalité.
L’intérêt pour le clientélisme réapparaît dans les années 1950 avec la sociologie anglosaxonne puis dans les années 1970 en anthropologie. Àl’origine axées sur les communautés rurales méditerranéennes, mexicaines et asiatiques, les études sur le clientélisme se sont diversifiées à la fin des années 1990 . Intégré aux codes culturels d’une société donnée, le clientélisme devient un outil pour les anthropologues étudiant les organisations sociales. Les études sociologiques et anthropologiques ont permis aux historiens de réinvestir ce sujet. Ce sont d’abord les antiquisants, qui se sont intéressés à ce phénomène pour la Rome Antique. Le clientélisme joue un rôle prépondérant au sein de l’organisation sociale de la cité : elle est l’une des condition sine qua nonpour détenir de hautes charges.
Les études relatives au Bas Moyen Âge s’interrogent sur le lien entre le clientélisme et les luttes intestines pour le pouvoir : la clientèle devient un outil exhibés et utilisés par les nobles . Bien que le concept de clientélisme ne soit utilisés dans aucune source du corpus, il semble que les judeoconversos entretiennent ce type de relation avec des personnages influents tel que Álvaro de Luna.
Même si le clientélisme et la parenté ne sont pas des concepts transposables, ces derniers peuvent être utilisés conjointement. D’ailleurs, bien souvent les alliances matrimoniales cristallisent ce lien informel.
Dans le cadre de ce mémoire je dois également étudier la parenté, en observer les stratégies et les diverses expressions sociales et juridiques, car l’intégration des judeoconversos passe par leur fusion avec les vieux chrétiens. Le mariage devient un outil stratégique d’élévation sociale. Afin d’étudier les stratégies familiales, l’historien emprunte également à l’anthropologie ainsi qu’à la sociologie.
Entre 1960 et 1970, une nouvelle histoire naît, celle de la famille. Cette dernière est rapidement supplantée grâce aux apports de l’anthropologie pour devenir l’histoire de la parenté. La notion de parenté est théorisée par Lewis Henry Morgan au XIXe siècle. Le problème de cette alliance entre l’anthropologie et l’histoire est que longtemps la notion de famille allait de pair avec celle de la parenté. Or, ce n’est pas le cas. Dans les années 1970, la famille est étudiée de deux manières différentes : la première répond aux Études démographiques dont le chef de file est Peter Laslett, qui crée le Group For the History of Population and Social Structures ; la seconde manière d’appréhender l’étude de la famille se fait par le biais des études généalogiques issues de l’école historique allemande. Ces généalogies sont faites soit par les contemporains ou bien par les historiens.
Cette manière d’étudier la parenté est reprise en France par Georges Duby au milieu des années 1970 et s’inscrit dans une histoire française dynamique, avec l’essor de la nouvelle histoire et celle des mentalités. À la fin de années 1970 et durant les années 1980 l’anthropologie semble prendre le pied sur l’histoire de la parenté en France. Jacques Le Goff et G. Duby organisent en 1974 un colloque sur cette notion ambivalente de la famille dans l’Occident Médiéval, débat auquel sont invités des anthropologues . Malgré un fossé encore perceptible entre l’anthropologie et l’histoire, l’histoire médiévale tente de s’approprier ces concepts anthropologiques.

On ne choisit pas sa famille, mais on choisit ses amis

La société médiévale est une succession de couches sociales, dépendantes les unes des autres. Chaque individus est identifié selon divers marqueurs sociaux. L’identité se matérialise notamment par la famille ou le lignage, mais également par la seigneurie laïque ou ecclésiastique. De ces structures découlent des systèmes d’interrelations politique et sociale comme le clientélisme . Le terme de clientélisme n’est toutefois pas employé au Moyen Âge : il s’agit plutôt d’amitié. Cette dernière est fondée sur un rapport réciproque d’entraide et de bienveillance et s’applique principalement dans les milieux politique et urbain.
Le clientélisme s’appuie sur un rapport bilatéral d’inégalité et de dépendance entre deux protagonistes, le patron et le protégé . Les clients, ou protégés, donnent leur appui politique et le prouvent par divers signes de soumission tels que le respect ou encore l’offrande de cadeaux. En échange, le patron offre hospitalité, emplois et protections . Ce type de lien social et politique favorise l’accession des clients à certains offices publics, à une source de revenus ou à la protection en cas de poursuites judiciaires : les protégés profitent de la position privilégiée de leur « maître »
En outre, cette relation est particulariste car il s’agit d’une faveur faite et non d’un droit concédé . Elle implique la réciprocité des échanges , où chacun des acteurs trouve son compte.
Il est en cela possible de parler de « norme de réciprocité » : le rapport social s’articule autour de dons et de contre-dons . L’échange est « volontaire et obligatoire, gratuit et intéressé ».
Bien que réciproque, le don ne fait toutefois qu’accentuer la dépendance du protégé envers son patron. En effet, le don grandit le donateur et assouvit le donatair e, à savoir, celui qui reçoit. Il matérialise la supériorité hiérarchique du patron et maintient le caractère inégalitaire de la relation. Ce rapport social repose donc sur une structure verticale. En échange de la loyauté et du soutien du client, le patron garantit sécurité sociale et faveurs professionnelles à un individu de rang inférieur à lui, ce qui permet de maintenir une certaine dépendance . Il n’est pas rare que ce lien se concrétise par le jeu d’alliance matrimoniale.
Le clientélisme est un phénomène social informel qui se superpose aux structures institutionnelles, dans le cas présent la vassalité. Il ne peut être, en effet, confondu à la vassalité car il n’est pas établicomme un accord normatif. Aucun document ne stipulece lien.
C’est un contrat implicite, qui dépend de la volonté entre deux personnes ou plus de maintenir une forme de réciprocité. La loyauté rentre aussi en compte dans ce type de rapport, excepté qu’elle est imprégnée d’affectivité. En tant qu’organisation informelle, elle est difficile à étudier carelle ne laisse aucune trace matérielle, mais se manifeste par les allusions que l’on peut voir dans les textes.
À travers les documents du corpus, il est possible de voir que les judeoconversos bénéficient d’une protection particulière leur permettant de s’intégrer dans la société vieillechrétienne. Certains vieux chrétiens participent en effet à leur insertion sociale par le biais de ce type d’alliance. Ce rapport vertical liant les protégés à leurs protecteurs est notamment dénoncé dans la Sentencia-Estatuto et l’Apelación et suplicación du Marquillos. Les termes d’amitié ou de clientélisme ne sont pas prononcés. En revanche, il est clairement stipulé que les judeoconversos possèdent certains types de biens grâce à Álvaro de Luna.
Parce que le clientélisme est un lien social informel, il semble nécessaire d’expliquer son fonctionnement. Pour ce faire, il est importantde considérer l’environnement économique et social dans lequel ce type de relation se construit. Dans un premier temps, il s’agit de s’interroger sur les causes, les modalités et conséquences de ce type de lien. Au gré de l’étude des textes, il sembleque les judeoconversoset Álvaro de Luna pratiquent ce genre de relation politique et sociale : il convient donc d’en déceler les principaux rouages.
Ce clientélisme politique, où chaque individu trouve un intérêt certain pour s’élever socialement ou bien pour pérenniser son pouvoir semble trouver son illustration dans la place qu’occupent des judeoconversosauprès du roi : c’est l’objet de la seconde partie.

L’amitié entre Á. de Luna et les judeoconversos:un lien politique et social

Les judeoconversos mentionnés dans le corpus de texte se rattachent à une élite gouvernante soit parce qu’ils la côtoient dans l’entourage royal, soit parce qu’ils sont alliés avec certains lignages par le mariage. Face à l’élite dont la légitimité est accordée par la naissance, les judeoconversossont des hommes nouveaux sans bagage social leur permettant d’accéder aux charges publiques, ils trouvent donc un intérêt à favoriser les alliances formelles ou informelles pour y parvenir. Ce sont notamment les plus riches d’entre eux qui peuvent espérer faire partie de la sphère médiane ou supérieure de la hiérarchie sociale médiévale, au moyen d’une alliance privilégiée et tacite avec un individu de statut supérieur.

 

Enéchange de la sécurité sociale procurée, le soutien et les services des judeoconversos

Le système clientéliste se complexifie lorsque le patron à plusieurs clients : on parle dans ce cas de clientèle. Entre alors en jeu la notion de favoritisme car le patron ne peut donner à parts égales ses faveurs.
Encore faut-il comprendre pourquoi un homme puissant trouve un intérêt certain à avoir sous sa protection des individus aux statuts économique et social inférieurs. À l’inverse, il faut s’interroger sur le bénéfice d’un tel lien pour les judeoconversos. Álvaro de Luna est au XVe siècle un homme influent dans la société castillane. Si influent qu’il est qualifié de « mayor señor sin corona » . Cependant, le pouvoir est instable.
L’homme qui en dépend doit sans cesse renouveler et réactiver certaines stratégies afin de le garder et de l’entretenir. Bien que favori, la proximité qu’il entretient avec le roi est dès les années 1420 remise en cause par la faction aragonaise. Dès lors est engagé, durant une trentaine d’années, un conflit d’intérêt : qui d’entre le parti aragonais et le connétable sera le plus proche de Juan II ?
Exclu de la cour en 1439 et contraint de s’exiler dans ses terres par la parti aragonais, il revient toutefois auprès du roi en 1441. Ces derniers voient en cela un affront. Un dispositif de négociation s’engage entre les deux factions. Le 5 avril 1441, ce qui est jusqu’alors un conflit juridique devient un combat armé : le roi prend le parti de son favori . Mais en juin de cette même année, le connétable abandonne le roi lors du siège de Médina del Campo, dans la province de Valladolid.
Il parvient à regagner le cœur de son roi en 1445, à la suite de sa victoire à la bataille d’Olmedo. Le parti aragonais se trouveaffaibli,ce qui lui permet d’être nommé Grand Maître de l’ordre de Santiago par Juan II . Dans cette succession d’événements paradoxaux, l’année 1449 marque un nouveau tournant pour la stabilité de son pouvoir : une partie de Tolède se soulève contre sa « tyrannie » et ses alliés, les judeoconversos. Àcause des allers et retours politiques que Álvarode Luna connaît depuis les années 1420, son pouvoir est fortement fragilisé. Il perd par conséquent de nombreux alliés. De ce fait, les judeoconversos, sont un atout de choix. Novices pour la plupart en politique, ces derniers voient aussi en la possible alliance avec le connétable un moyen d’accéder aux hautes strates sociales de la société.Qu’il s’agisse du patron ou bien du client, tous deux représentent une forme de sécurité sociale : elle permet aussi bien la stabilité que l’ascension.
Le propre d’une relation clientéliste est l’échange mutuel de services. Les services rendus par les judeoconversosà Álvaro de Luna ne sont pas explicitement énoncés, car les textes étudiés veulent avant tout prouver que les biens et la condition sociale des judeoconversos sont détenus illégitimement. Cependant, le principal appui que ces derniers peuvent lui apporter est le soutien politique. Á. de Luna a en effet besoin de nouveaux alliés et d’appuis dans les classes dirigeantes castillanes. En aidant les judeoconversos à s’insérer dans de hautes charges, et ce, notamment auprès du roi, il peut espérer regagner du terrain sur celui des Aragonais.

La voie royale d’après les listes de personnages présents dansl’Instrucción del relatoret le traité Contra los çiçanadoresde Lope de Barrientos

Il convient à présent d’examiner le parcours de certains personnages mentionnés dans les sources. Les listes de noms présentes dans la Instrucción del relator et le traitéContra algunos çiçañadores de la nación de los convertidos del pueblo de Isreal de Lope de Barrientos, permettent de prendre connaissance de la position sociale de certains personnages conversos :ceux-ci se trouvent notamment dans l’entourage du roi. En partant des listes de noms présentes dans les œuvres du relator et de Lope de Barrientos, il est possible d’analyser l’intégration des judeoconversosdans la société vieillechrétienne. D’une part, les listes renseignent sur les alliances matrimoniales et la présence de ces derniers dans de nombreux grands lignages. D’autre part, pour certains, leur condition sociale est évoquée.
Cette liste fournie dans le cadre d’une argumentation pro-conversos, donne des informations sur la présence de certains judeoconversosdans la société vieille-chrétienne : ils sont dans toutes les couches sociales, les exclure c’est s’attaquer aux grandes familles car les alliances matrimoniales ont favorisé leurs mélanges. Les auteurs mettent avant les ascendances illustres de certains personnages afin de dénigrer le statut de limipeza de sangre théorisé par P. Sarmiento.
Parmi les nombreux exemples sont cités trois contadores mayores : Juan Sánchez de Sevilla, Francisco Fernández Marmolejo et Alonso Álvarez de Toledo. Leur charge consiste à prendre les comptes aux trésoriers et percepteurs, garder le trésor royal, le surveiller et veiller au recouvrement des dettes . Le premier cité, Juan Sánchez de Sevilla (1362-1421), est connu antérieurement sous le nom de Samuel Abravanel. Il débute à la cour des Trastamares sous le roi Enrique II. Sous Enrique III, il occupe conjointement les charges de tesorero mayor del rey en Andalucíaet tesorero de la reina. Enfin, sous Juan I, en 1380, il est nommé contador mayor et tesorerodu roi. La date précise de sa conversion est inconnue, mais elle semble être antérieure à 1391 . Le choix du baptême s’est imposé à lui afin depoursuivre sa carrière. Dès lors, il devient Juan Sánchez de Sevilla.

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Table des matières
Remerciements
Introduction
Au commencement
Être ou paraître, telle est la question
Les judeoconversos, un groupe homogène ?
Ô frère, suspends ton envol
Bilan historiographique
À la recherche de l’identité perdue : entre négation et acceptation de l’héritage musulman dans
l’historiographie espagnole
L’historiographie du judaïsme en Espagne, entre « convivencia » et dissension
D’une religion à l’autre : l’histoire des conversions et des convertis
Théorisation de la conversion : qui aura le dernier mot ?
Une minorité controversée : réévaluation du rôle des judeoconversos dans la société chrétienne
Le converti : une identité en mutation ?
Les notions d’identité, d’acteur et d’intégration
Clientélisme, parenté et stratégies matrimoniales : l’apport de l’anthropologie et de la sociologi
Sommaire
Chapitre I – Tolède entre 1391 et 1449 : la naissance d’un groupe social
Un carrefour de rencontres et d’échanges
Centre d’une rencontre inter-communautaire
La voie du pardon : la conversion des juifs en 1391
La place des judeoconversosdans la société vieille-chrétienne tolédane
Dis-moi où tu habites et je te dirai qui tu es
Une forte présence le commerce, la finance et l’appareil politique
Tolède en 1449 : le théâtre d’une rupture sociale et religieuse
Les ferments de la révolte vieille-chrétienne
Les « bêtes noires » : Álvaro de Luna et Alonso de Cota
Tolède insoumise : une année de désobéissance au roi
Conclusion. Les limites des stratégies d’intégration
Chapitre II – Genèse d’un débat doctrinal
L’élaboration de la théorie anti-conversos
Une étape sur la voie de l’intégration : la Sentencia-Estatuto de Pedro Sarmiento
La charte de Juan II : une satire de l’omniprésence conversa
L’appel de Marcos García de Mora à la rébellion contre le pouvoir judeoconverso
Une divergence de point de vue
La Instrucción del Relator : embryon de l’argumentaire pour la défense des judeoconversos
Le Sermon de la saint Augustin prononcé à la cour de Juan II
Lope de Barrientos et Juan de Torquemada : les portes-paroles de la causeconverse
La bulle Humani generis inimicus : la protection pontificale des judeoconversos
Chapitre III – Renaître et paraître. Le nom, un instrument d’uniformisation
Changer de religion, changer d’identité :
le rôle du système onomastique dans l’intégration des judeoconversos
L’évolution du système onomastique dans la Castille des XIV e et XVe siècles
Les nouveaux chrétiens : des migrants au sein de la communauté chrétienne
Le nom comme outil de représentation
Un choix symbolique et stratégique : les prénoms et noms de famille choisis par les nouveaux chrétiens
Un instrument de dissimulation selon la Carta de privilegio del rey Juan II a un hijodalgo
Conclusion. La stratégie du changement de noms, le premier marqueur d’intégration
Chapitre IV – On ne choisit pas sa famille, mais on choisit ses amis
L’amitié entre Á. de Luna et les judeoconversos: un lien politique et social
En échange de la sécurité sociale procurée, le soutien et les services des judeoconversos
L’appropriation des places fortes de Tolède par les conversos d’après la Sentencia-Estatuto et
l’Apelaçión y suplicación
« Tous pour un et un pour tous » : le processus d’intégration des judeoconversosinterrompu par la
chute d’Á. De Luna
Des atouts autour du roi
L’aveuglement et les faveurs du roi dénoncés dans la Sentencia-Estatutoet l’Apelación y suplicación
La voie royale d’après les listes de personnages présents dans l’Instrucción del relatoret le traité Contra los çiçanadoresde Lope de Barrientos
Conclusion
Chapitre V – L’union fait la force le rôle des stratégies d’alliance matrimoniale dans le processus d’intégration
Richesse, gloire et charité : les facteurs de l’intégration dans les familles vieilles-chrétiennes
Introduire les judeoconversos dans la grande famille chrétienne : l’argumentaire bienveillant des sources pro-conversos
Le porte-monnaie pour passeport
De la souche à la branche. La renommée des ancêtres comme passerelle pour l’intégration des
deuxième et troisième générations
Les alliances entre vieux et nouveaux chrétiens, l’alliage de l’or et de l’étain ?
Tisser des liens avec les grandes familles castillanes
Dérober et détruire les lignages vieux-chrétiens : la femme comme instrument d’intégration
Conclusion. Le dynamisme des stratégies matrimoniales au fil des générations
Conclusion
Annexes

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