L’OXYGÈNE ET SES PROPRIÉTÉS OXYDANTES
Présentation des NAD(P)H Oxydases
Les NAD(P)H oxydases sont des complexes multimériques exprimés de façon constitutionnelle dans la majorité des types cellulaires (phagocytes, cellules endothéliales, épithélaiales, musculaires lisses etc…). La dénomination « NAD(P)H Oxydases » contient en fait sept enzymes : Nox 1 à 5 (pour NAD(P)H Oxydase) et Duox 1 et 2 (pour Dual Oxidase). Comme le rappellent Maghzal et al. (2012), Nox 2 (présente dans les cellules phagocytaires notamment) fut la première NAD(P)H oxydase découverte et est, à ce jour, la mieux décrite. Elle sert donc de référence pour la description de cette famille enzymatique. La plupart des cellules sont capables de produire des anions superoxydes via l’activité de leur NOX membranaire. Les centres oxydo-réducteurs sont conservés au sein de la famille et sont tous similaires. Toutes les NAD(P)H oxydases sont capables de produire de l’anion superoxyde selon le mécanisme décrit pour Nox 2 (Maghzal et al., 2012). Cette dernière catalyse la réduction mono électrique du dioxygène en utilisant le NADPH ou le NADH comme donneur d’électrons selon la réaction suivante : NAD(P)H + 2O2 NAD(P)+ + H+ + 2O2°-
D’abord étudiée dans les cellules phagocytaires, la NAD(P)H oxydase y joue un rôle primordial dans la défense contre les pathogènes. Dans les autres cellules, elle participe à la signalisation cellulaire. Présente dans la membrane cytoplasmique, on la trouve également dans certains granules neutrophiliques. En fonction de la cellule dans laquelle elle se trouve, la NAD(P)H Oxydase libère des anions superoxydes vers l’extérieur (pour les cellules phagocytaires) ou vers l’intérieur (cellules non phagocytaires) du milieu cellulaire. Comme expliqué précédemment, la NAD(P)H Oxydase existe sous plusieurs isoformes, présentées dans la Figure 10 ci-dessous.
L’activation des NOX Comme le montre la Figure 11 ci-dessous, l’enzyme NOX n’est active que lorsqu’elle est assemblée. En effet, des protéines régulatrices cytosoliques (p47phox, p40phox et p67phox) migrent vers la membrane et s’associent au flavocytochrome b558 pour former une Nox2 active (Nauseef, 2008). de la NOX phagocytaire se produit après une cascade de phosphorylation (Figure 12). Comme nous l’enseignent Maghzal et al. (2012), Nox 1, Nox 2 et Nox 3 s’activent suite à la fixation de facteurs cytosoliques (comme le fragment C5a du complément, TNFα, IL-8, lipopolysaccharide bactérien etc…) alors que Nox 4 génère de façon constitutive des anions superoxydes et que Nox 5, Duox 1 et 2 nécessitent une élévation de la concentration cellulaire en Ca2+. Comme l’illustre la Figure 12 ci-dessus, la fixation d’un ligand (fragment C5a du complément, TNFα, IL-8, lipopolysaccharide bactérien …) sur le récepteur membranaire aboutit à une cascade de réactions ayant pour messagers des protéines G. Ainsi, la PLC active la transformation du PIP2 en DAG et IP3. Ces deux composés activent (directement pour le DAG, via une augmentation de la concentration intracytosolique en Ca2+ pour IP3) la PKC qui va 29 phosphoryler sept ou huit sites sur l’extrémité C-terminale de p47.
Les autres sous-unités gp91phox, p22phox, p67phox et p40phox sont également phosphorylées mais les kinases ainsi que les sites de phosphorylation ne sont pas clairement identifiés. Ces phosphorylations entrainent une transition allostérique et un changement de conformation des sous-unités qui deviennent plus affines pour la Nox 2. La fixation des sous-unités à la Nox 2 entraîne l’activation de cette dernière. L’activation est cependant complète seulement si la protéine Rac activée par du GTP est fixée à Nox 2. Le mécanisme est mal connu mais la protéine Rac-GDP est fixée à une protéine inhibitrice GDI. L’intervention de l’IP3 qui activerait une protéine P-rex1, responsable de la dissociation de GDI et Rac-GDP, permettrait le remplacement du GDP par du GTP et ainsi, la fixation de la protéine Rac aux sous unités gp91phox et p67phox de la Nox 2. Cette étape finale déclencherait le transfert d’électrons du NADPH à l’oxygène et serait à l’origine de la production d’O2°- (Jungbluth, 2008).
La flambée respiratoire
Dans les années 1960, il était évident qu’une augmentation de l’activité métabolique accompagnait le procédé de phagocytose. C’est ainsi que, selon Babior (1984), la flambée respiratoire a été décrite premièrement en 1932 puis fut explorée dans les années 1960 par d’autres auteurs qui ont alors découvert que la flambée respiratoire était associée à la formation de peroxyde d’hydrogène et que ce dernier ou un des composés produits avait une activité antimicrobienne. Lorsqu’une réaction inflammatoire se produit, il y a ensuite déclenchement de la phagocytose et on observe une surconsommation d’oxygène. Babior (1984) explique dans un article qui lui est dédié que lors de la flambée respiratoire, la consommation d’oxygène peut parfois être multipliée par cinquante. La flambée respiratoire (ou burst respiratoire ou burst oxydatif) se définit comme une production massive d’ERO dans un contexte inflammatoire (Valko et al., 2007).
Dans ce contexte, les neutrophiles activés et les macrophages produisent de grande quantités d’ERO (la concentration en H2O2 par exemple est multipliée par dix) et notamment d’anion superoxyde suite à l’activation de la NADPH oxydase par les protéines rac (rac 2 dans les neutrophiles et rac 1 dans les macrophages) comme vu au 5 1.1 b iv. L’implication de la NADPH oxydase est démontré dans l’étude d’une maladie particulière : la maladie granulomateuse chonique (ou CGD pour chronic granulomatous disease en anglais). Comme nous l’explique Loffredo (2011), nous n’observons pas de flambée respiratoire chez les patients atteints de CGD qui sont, en outre, sujets à de nombreuses infections. Ce sont des individus chez lesquels la NADPH oxydase est non fonctionnelle (immunodéficience primaire). L’anion superoxyde est ainsi la première ERO à être produite lors de phénomène de stress oxydant. Il est le point de départ des réactions aboutissant à la formation des autres ERO. Intéressons nous maintenant aux propriétés de l’anion superoxyde.
Les propriétés de l’anion superoxyde
La demi-vie de l’anion superoxyde est plutôt longue : elle est mille fois supérieure à celle du radical hydroxyle par exemple, selon Palmieri et Sblendorio (2007) ce qui nous amène à penser, comme le soulignent Gardes-Albert et al. (2003) que l’anion superoxyde peut diffuser loin de son lieu de production. Cependant, les membranes biologiques lui étant relativement peu perméables, sa diffusion et donc, sa dangerosité, sont limitées (Lenzi, 2011)). Comme nous l’explique Jungbluth (2008), la réaction de formation de l’anion superoxyde a une constante de vitesse faible (inférieure à 102 mol-1.L.s-1) comme toutes les réactions dans lesquelles l’anion superoxyde est impliqué. En effet, il s’agit du radical le moins réactif vis-à-vis des substrats organiques. Cependant, il possède une affinité particulière pour certains substrats : le cytochrome c (plus précisément l’ion Fe3+), la vitamine C et la Super Oxyde Dismutase (SOD). Ainsi, il présente une toxicité indirecte (Migdal et Serres, 2011) qui s’exerce par les dérivés qui sont produits. En effet, ces derniers présentés ci-après sont plus réactifs. De plus, la toxicité de l’anion superoxyde réside surtout dans sa capacité à entretenir les réactions radicalaires en chaîne comme la lipoperoxydation vue au 5 4.4 . En revanche, il existe une forme protonée : le radical hydroperoxyle HO2° qui est plus réactif et plus dangereux que l’anion superoxyde. Il traverse les membranes biologiques et s’attaque aux acides gras polyinsaturés (Tissier, 2011).
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Table des matières
TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
LISTE DES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
QUAND L’OXYGÈNE DEVIENT TOXIQUE : LE STRESS OXYDANT
1.L’OXYGÈNE ET SES PROPRIÉTÉS OXYDANTES
1.1 Notions de chimie radicalaire : Appariement des électrons
1.2 Interactions entre l’oxygène et la matière organique
Présentation des interdictions quantiques
Conséquences des interdictions quantiques sur l’oxygène
DÉFINITION DU STRESS OXYDANT À L’ÉCHELLE D’UN ORGANISME
LES ESPÈCES RÉACTIVES DE L’OXYGÈNE
LA TOXICITÉ DE L’OXYGÈNE
LES SITUATIONS DE STRESS OXYDANT
LE CHIEN EST UN BON MODÈLE D’ÉTUDE POUR LE STRESS OXYDANT
LE STRESS OXYDANT : AMI OU ENNEMI ?
1.L’ANION SUPEROXYDE EST À LA BASE DU PROCESSUS DE STRESS OXYDANT
1.1 Production de l’anion superoxyde
Production d’anion superoxyde par le métabolisme cellulaire
Fuite d’électrons dans la chaine respiratoire mitochondriale
Le catabolisme des bases puriques
Les cytochromes P450
Production d’anion superoxyde par les NAD(P)H Oxydases
Présentation des NAD(P)H Oxydases
La NAD(P)H Oxydase des phagocytes : Nox 2
Gp91phox : La sous-unité catalytique
L’activation des NOX
La flambée respiratoire
1.2 Les propriétés de l’anion superoxyde
1.3 La production d’anion superoxyde est finement modulée par la cellule (Carriere et al., 2006)
1.4 Présentation des dérivés de l’anion superoxyde
LES DÉRIVÉS AZOTÉS DE L’ANION SUPEROXYDE
2.1 Formation du monoxyde d’azote par la NO synthase
Les trois isoformes de la NO synthase
Structure des NO synthases
Cycles réactionnels
2.2 Les effets bénéfiques et délétères du monoxyde d’azote
Propriétés du monoxyde d’azote
Inactivation des protéines par le monoxyde d’azote
Fixation des métaux de transition par le monoxyde d’azote et activation de la guanylate cyclase
Oxydation de l’hémoglobine par le monoxyde d’azote
2.3 Réactions possibles du monoxyde d’azote
Réaction entre le monoxyde d’azote et l’oxygène : formation de dioxyde d’azote
Réaction entre le monoxyde d’azote et l’anion superoxyde : formation de peroxynitrite
LE PEROXYDE D’HYDROGÈNE
3.1 Formation du peroxyde d’hydrogène H2O2
Réactions de dismutation de l’anion superoxyde
Catalyse des réactions de formation du peroxyde d’hydrogène par les enzymes mitochondriales
3.2 Les superoxyde dismutases
SOD 1 ou CuZn-SOD
SOD 2 ou Mn-SOD
SOD 3 ou EC-SOD
3.3 Quelques actions physiologiques du peroxyde d’hydrogène
3.4 Les dérivés formés à partir du peroxyde d’hydrogène sont responsables de sa toxicité
La réaction d’Haber-Weiss et formation de radical hydroxyle
Réaction avec les peroxydases
LE RADICAL HYDROXYLE : LE PLUS REDOUTÉ DES RADICAUX LIBRES
4.1 Propriétés physico-chimiques du radical hydroxyle
4.2 Mode d’action du radical hydroxyle
Arrachement d’électrons
Arrachement d’un atome d’hydrogène sur un substrat organique
Addition sur une double liaison
4.3 Production de radical carbonate
4.4 La lipoperoxydation par le radical hydroxyle
Phase d’initiation de la lipoperoxydation
Phase de propagation de la lipoperoxydation
Réactivation du cycle de lipoperoxydation
Phase de terminaison de la lipoperoxydation
4.5 Dommages moléculaires liés au radical hydroxyle
Altérations lipidiques majeures
Dommages sur l’ADN
LA FORMATION D’ACIDE HYPOCHLOREUX : INTERVENTION DE LA MYÉLOPEROXYDASE (MPO)
5.1 Introduction et contexte d’action de la MPO
5.2 Historique
Découverte de la MPO
Découverte du lieu de stockage de la MPO
5.3 Stockage de la myéloperoxydase
Synthèse de la MPO lors de l’hématopoïèse
Les neutrophiles et leur migration jusqu’au site inflammatoire
Les granules des neutrophiles
Présentation
Intervention des différents granules
Libération de MPO : la dégranulation des neutrophiles
5.4 Éléments structuraux et synthèse de la MPO
Structure générale de la MPO
Codage génétique pour la MPO
Synthèse de la MPO humaine
Les liaisons
5.5 Activité enzymatique de la MPO
Activité de chloration
Activité de peroxydase
Réactions annexes
Régulations de l’activité enzymatique de la MPO
5.6 Espèces produites dérivées de l’acide hypochloreux
Oxydation des thiols et du glutathion
Réaction avec les amines
Autres réactions
5.7 Rôles de la MPO au sein du neutrophile
L’action bénéfique principale : la MPO, une enzyme antimicrobienne
Des preuves de son action antimicrobienne
Mécanisme de l’action antimicrobienne
Substituts à l’ion Cl-
Les systèmes antimicrobiens en absence de MPO
La composante anti-oxydante de la MPO
Autres actions bénéfiques de la MPO
L’action délétère : La MPO peut se révéler cytotoxique
Les déficits en MPO
5.8 La MPO : un marqueur de l’inflammation ?
LE STRESS OXYDANT ET QUELQUES PATHOLOGIES ASSOCIÉES
1.LE STRESS OXYDANT AU CENTRE DE NOMBREUSES PATHOLOGIES
1.1 Notion de dose de stress oxydant
1.2 Les lésions moléculaires et cellulaires du stress oxydant
Lésions sur l’ADN
Altérations des lipides
Lésions des protéines
Les cibles glucidiques du stress oxydant
1.3 Stress oxydant et pathologies chez les animaux de rente
L’ÉVALUATION DU STRESS OXYDANT
2.1 L’exploration du stress oxydant est intéressante mais difficile
2.2 Présentation des différentes méthodes d’évaluation
Les ERO sont des marqueurs directs du stress oxydant
Les produits d’oxydation sont des marqueurs indirects du stress oxydant
Marqueurs de l’oxydation des lipides
Marqueurs de l’oxydation des protéines
iii. Marqueurs de l’oxydation de l’ADN
Les antioxydants sont des marqueurs indirects du stress oxydant
Réalisation du profil de stress oxydant : Oxidative Stress Profiling
Mesure de l’activation des neutrophiles
2.3 Les limites des techniques d’évaluation du stress oxydant
DÉTAILS SUR QUELQUES PATHOLOGIES EN RELATION AVEC LE STRESS OXYDANT
3.1 Mutagénèse et cancérogénèse
3.2 Le vieillissement cellulaire
Théorie radicalaire
La restriction calorique
3.3 Sénescence et sénilité – affections neurodégénératives
3.4 Le diabète et l’hyperglycémie
Généralités
Liens entre hyperglycémie et production d’ERO
3.5 Cataractes
3.6 Maladies inflammatoires
Stress oxydant et inflammation
Maladies inflammatoires chroniques
Maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI)
Maladies rénales (implication de la MPO)
L’arthrose
Maladies inflammatoires aigues
3.7 Les pathologies vasculaires et cardiaques
L’insuffisance cardiaque
Pathologies vasculaires
L’athérosclérose
Ischémie-reperfusion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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