Stress oxydatif et régulateurs cellulaires
Dans les conditions physiologiques, un équilibre existe entre la génération d’espèces réactives de l’oxygène (ERO) et les systèmes de défense antioxydants. Cependant, de nombreuses causes peuvent rompre cet équilibre et être à l’origine d’une augmentation du taux d’ERO dans la cellule. Ce processus est appelé « stress oxydatif » ou encore « stress oxydant ».
Les ERO sont de puissants oxydants qui vont induire dans la cellule des dommages au niveau des macromolécules, être responsables de la peroxydation lipidique, de l’apparition d’une porosité membranaire et de la cytolyse cellulaire, ainsi que d’une diminution du métabolisme protéique et de l’oxydation des nucléotides.
La persistance du stress oxydant peut être liée à l’apparition de maladies de vieillissement telles que les maladies neurodégénératives et certains cancers. Selon le niveau des dommages générés, la cellule peut s’engager soit vers un processus de réparation soit vers la mort cellulaire. Nous présenterons successivement l’oxygène et ses dérivés réactifs puis leurs effets physiopathologiques. Nous étudierons les régulateurs cellulaires du stress oxydatif et une attention particulière sera portée à une enzyme majeure du maintien de l’homéostasie cellulaire : la superoxyde dismutase (SOD).
L’oxygène et les radicaux libres
Les organismes eucaryotes sont, pour la plupart, aérobies : ils produisent leur énergie grâce à la phosphorylation oxydative dont le siège est la mitochondrie. Leur survie dépend de la présence d’oxygène. Ceci les expose nécessairement à de fortes concentrations d’oxygène et donc à la production d’espèces réactives de l’oxygène telles que le peroxyde d’hydrogène (H2O2), l’anion superoxyde (O2.-), le radical hydroxyl (OH.), le peroxynitrite (ONOO-), l’oxyde nitrique (NO.)..: 3 à 10% de l’oxygène moléculaire se transforme en ERO. Ils sont majoritairement produits dans la mitochondrie, lieu de la respiration cellulaire.
L’oxygène
L’oxygène est le 16e élément de la classification périodique. Dans son état fondamental, l’3O2 à l’état triplet est paramagnétique. Il ne peut donc pas réagir avec des espèces diamagnétiques sans que soit levée l’interdiction de spin. En revanche, il est admis que ses dérivés qui le peuvent. In vivo, cette barrière est levée grâce à des enzymes telles que les oxydases ou les oxygénases. Toxique à des concentrations de 40% (Joenje 1989), l’3O2 n’est cependant pas délétère aux concentrations physiologiques. Sa toxicité est liée à sa capacité à générer, après réduction, des espèces radicalaires ainsi que des espèces actives ne possédant pas d’électron non apparié mais au fort pouvoir oxydant .
On estime que 1 à 2% de l’oxygène est converti en anion superoxyde.(Joenje 1989), (Kowald, Lehrach, and Klipp 2006).
Des espèces réactives de l’oxygène peuvent se former à partir d’hétéroatomes comme l’azote ou de chaines carbonées pour former respectivement le monoxyde d’azote (NO.), le peroxynitrite (ONOO-), les radicaux peroxydes (ROO•), ou les radicaux alkoxyles (RO•)). Les produits issus directement de la réduction de l’oxygène, ou secondairement après réaction de ces premières molécules radicalaires de l’oxygène sur des macromolécules biologiques, sont appelés radicaux libres. Cependant la réduction de l’oxygène peut conduire à la formation de molécules non radicalaires à très haut pouvoir oxydant qui seront ensuite à l’origine de radicaux libres.
L’anion superoxyde : O2.-
L’anion superoxyde, O2•- , est la principale espèce radicalaire de l’oxygène. Il a été mis en évidence en 1969 par Fridovich et Mc Cord (Joe M. McCord and Fridovich 1969).
Dans les milieux biologiques, lors de la formation de l’O2•- , l’oxygène passe d’un état fondamental triplet à un état doublet. Cette réaction est à la fois endothermique et monoélectronique. In vivo, elle est donc thermodynamiquement impossible et ne peut se faire que grâce à l’intervention d’enzymes, les oxydases.
Lieu de production de l’anion superoxyde
L’anion superoxyde O2.- est produit majoritairement par les enzymes de la chaîne respiratoire mitochondriale et du réticulum endoplasmique (détoxification de xénobiotiques par le cytochrome P450), et de façon plus marginale, par de nombreuses autres enzymes, comme la xanthine oxydase, l’indoléamine dioxygénase, la tryptophane dioxygénase et l’aldéhyde oxydase (Halliwell 2006), NADPH oxydases (Maghazl et al Free rad Biol med 2012, 53, 1903-1918).
Dans la mitochondrie, il est un sous-produit de la phosphorylation oxidative (Cadenas and Davies 2000a). La chaîne respiratoire mitochondriale est composée d’une série de catalyseurs rédox localisés dans la membrane interne de la mitochondrie. Leurs potentiels rédox va de -320 mV à +380 mV. Cependant au cours des différentes réactions d’oxydo-réduction, qui ont lieu au niveau des crêtes mitochondriales, 2 à 5% d’électrons s’échappent à différents niveaux de la chaine respiratoire conduisant à la formation d’ERO et d’anion superoxyde.
Les propriétés de l’anion superoxyde
L’anion superoxyde est extrêmement instable. Il se dismute, en effet, en peroxyde d’hydrogène avec une vitesse de k=10⁵ M-1s-1 . Cette dismutation peut aussi être effectuée par les superoxydes dismutases présentes dans l’espace inter membranaire de la mitochondrie, accélérant la réaction d’un facteur 1000. Bien que peu réactif par lui-même (k= 10² mol-1 .L.s-1), l’anion superoxyde peut cependant former, lors de sa rencontre avec une molécule de monoxyde d’azote, le peroxynitrite et, par cette voie le radical hydroxyle. Ce dernier est un très puissant initiateur de la lipoperoxydation lipidique.
Sous sa forme protonée, l’anion superoxyde, est plus réactif et donc plus dangereux. Il s’agit du radical hydroperoxyl : HOO. . Il peut être formé à partir de l’oxygène soit par addition de 3 électrons, soit par réaction avec une molécule d’eau. Il est connu, tout comme le peroxynitrite, pour initier la lipoperoxydation de façon très violente. Le peroxynitrite peut aussi réagir avec l’anion superoxyde pour former une molécule d’H2O2 .
Le peroxyde d’hydrogène (H2O2)
Formation du peroxyde d’hydrogène
La formation de peroxyde d’hydrogène correspond majoritairement à une réduction de l’anion superoxyde. Il est produit par dismutation de l’anion superoxyde.
S’agissant d’une réaction endothermique, elle est thermodynamiquement impossible et la formation du peroxyde d’hydrogène résulte de réaction enzymatique grâce aux différentes SOD.
Cette molécule peut aussi être produite directement à partir de l’oxygène, par réduction bi-électronique et grâce à des enzymes telles que les oxydases, dans le peroxysome par exemple, ou encore via la monoamine oxydase de la membrane externe mitochondriale (Cadenas and Davies 2000a). Enfin, elle peut dériver du radical hydroperoxyl suite à l’addition d’un électron. Cette réaction peut se faire in vivo.
Actions du peroxyde d’hydrogène, toxicité et détoxification
Dans le foie et les bactéries, la concentration du peroxyde d’hydrogène est d’environ 10⁻⁸ M dans les conditions normales (Chance, Sies, and Boveris 1979). Le rapport [H2O2]/ [O2.-] dans une cellule normale est de 10³ .
L’H2O2 est une espèce non radicalaire, peu réactive, mais qui diffuse très bien à travers les membranes (Nordberg and Arnér 2001). Il peut donc, à distance de son lieu de production, former via la réaction de Fenton et en présence de métaux, en particulier l’ion ferreux, le radical hydroxyle (OH.).
Le fer étant abondant dans l’organisme et pouvant provenir de diverses sources (ion ferreux, fer complexé, hème), un arsenal enzymatique est capable de détoxifier l’H2O2 : il s’agit en premier lieu de la catalase , mais aussi de la glutathion peroxydase, de la thioréductase-2, ou encore de la peroxyrédoxine-3. Il faut aussi citer les peroxydases, ces enzymes hémiques qui, bien que d’origines polygéniques, ont en commun la même activité enzymatique vis-à-vis de l’H2O2 (Furtmüller et al. 2006).
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I : RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
IV. Stress oxydatif et régulateurs cellulaires
V. L’oxygène et les radicaux libres
V.1 L’oxygène
V.2 L’anion superoxyde : O2.-
V.2.1 Lieu de production de l’anion superoxyde
V.2.2 Les propriétés de l’anion superoxyde
V.3 Le peroxyde d’hydrogène (H2O2)
V.3.1 Formation du peroxyde d’hydrogène
V.3.2 Actions du peroxyde d’hydrogène, toxicité et détoxification
V.4 Le radical hydroxyle (OH.)
V.4.1 Formation du radical hydroxyle
V.4.2 Mode d’action du radical hydroxyle
V.5 Les dérivés azotés de l’oxygène
VI. Rôles physiologiques du stress oxydant
VI.1 Rôles physiologiques
VI.2 Causes du stress oxydant
VI.2.1 Causes physiopathologiques
VI.3 Les effets du stress oxydant sur les macromolécules biologiques
VI.3.1 Peroxydation lipidique
VI.3.2 Oxydation des protéines
VI.3.3 Oxydation de la molécule d’ADN
VI.3.4 Conséquences physiopathologiques des dommages sur les cibles biologiques
VII. Les régulateurs cellulaires du stress oxydant
VII.1 Systèmes enzymatiques
VII.1.1 Les glutathion peroxydases (GPX)
VII.1.2 La catalase
VII.1.3 Les thiorédoxines
VII.2 Le système antioxydant non enzymatique
VII.2.1 La vitamine E
VII.2.2 La vitamine C
VIII. Molécules antioxydantes exogènes
VIII.1 Tanins et flavonoïdes
VIII.2 β-carotène
IX. Les superoxydes dismutases
IX.1 Introduction
X. La SOD 1 ou CuZnSOD
X.1 Généralités
X.2 Localisation cellulaire
X.3 Structure générale
X.3.1 Structure du site actif
X.3.2 Mécanisme réactionnel
X.4 La SOD 2 ou MnSOD
X.5 La SOD 3 ou FeSOD
XI. SOD1 et pathologie
XI.1 Cancer et SOD 1
XI.1.1 La SOD 1 : une cible pour le traitement du cancer
XI.1.2 Genèse du cancer
XI.1.3 Résistance au Cisplatine
XI.2 Sur-expression de la SOD 1
XI.3 SOD et maladie d’Alzheimer
XI.4 SOD et syndrome de Down
XI.5 SOD et Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA)
XII. Pourquoi développer des inhibiteurs de la SOD ?
XIII. Les inhibiteurs de la SOD
XIII.1 Les inhibiteurs synthétiques
XIII.1.1 Inhibiteur synthétique sélectif
XIII.1.2 Inhibiteurs synthétiques non sélectifs
XIII.2 Les inhibiteurs naturels
XIII.2.1 Les furocoumarines
XIII.2.2 Acide aristolochique
XIII.2.3 Flavonoïdes
XIII.2.4 Azoture, Cyanure, H2O2
XIV. Conclusion
Chapitre II : EXTRAITS D’ENDOPHYTES ÉTUDIÉS
I. Généralités sur les endophytes
I.1 Mode de colonisation
I.2 Interaction hôte-endophyte
I.3 Production de molécules bioactives
II. Etude des extraits
II.1 Caractérisation spectrale des extraits
II.1.1 Chromatographie sur couche mince des 197 souches
II.1.2 Spectre UV-Visible
II.2 Variabilité des cultures
III. Conclusion
Chapitre III : ETUDE DES EXTRAITS EN LC-HRMS
I. Introduction
II. Analyse en masse
III. Résultats : identification de molécules d’intérêt
III.1 Recherche de furocoumarines par leur fragmentation MSE, obtenue par le QTOF
III.1.1 Alignement des pics obtenus
III.1.2 Vérification des identifications grâce à la fragmentation MSE
III.1.3 Conclusion
III.2 Vérification des identifications grâce aux spectres UV, obtenue par l’OrbiTrap
III.2.1 Alignement des pics et identifications potentielles
III.2.2 Vérification des identifications par profils UV
III.3 Réseaux moléculaires : identification potentielle de nouvelles furocoumarines
IV. Conclusion et perspectives
Chapitre IV : MISE AU POINT D’UN TEST ENZYMATIQUE DE DÉTECTION DE L’ACTIVITÉ DE LA SOD
I. Introduction
II. Mise au point des tests
II.1 Test au Cytochrome C
II.1.1 Principe et mise au point du test
II.2 Test au WST-1
II.2.1 Principe du test au WST-1
II.2.2 Problèmes rencontrés avec le test au WST
II.3 Test au Mito SOX™ Red
II.3.1 Principe et mise au point du test au Mito SOX™ Red
II.3.2 Problèmes rencontrés avec le test au MitoSOX™ Red
II.4 Test au pyrogallol
II.4.1 Principe du test
II.4.2 Mise au point du test au pyrogallol
II.4.3 Obtention des résultats au pyrogallol
III. Activités biologiques des extraits
CONCLUSION