L’OURS BRUN EUROPEEN

L’OURS BRUN EUROPEEN

1979 : une date clé dans l’histoire de la protection de l’ours brun

En 1979, en vertu de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, l’ours brun est inscrit sur la liste des espèces protégées. Malgré tout il faut attendre 1984 pour voir le lancement du premier « plan ours » par le gouvernement, qui par là s’engage financièrement dans la bataille. En juin 1993, la signature de la charte de renforcement de la population d’ours bruns sur le territoire des communes de Melles, Fos, Arlos et Boutx constitue le point de départ du programme de réintroduction, qui débutera réellement en 1996 avec le lâcher de « Melba », une ourse slovène bientôt suivie de « Ziva » et « Pyros ».Ces ours sont étroitement surveillés par une équipe de suivi. Malgré tout, cela n’empêchera pas la mort de Melba en septembre 1997. La présence des ours, que ce soit dans les Pyrénées centrales ou occidentales, est depuis toujours objet de querelles; les évènements récents comme l’adoption, l’espace de quelques jours, de l’amendement Bonrepaux (avril 2000) préconisant la capture et le retrait des ours réintroduits, prouvent bien que le sort des ours est loin d’être définitif et que leur survie est plus qu’incertaine.

 Le mode de locomotion

Un lien certain a été établi entre le mode de locomotion des Carnivores (conséquence des particularités de leur appareil musculo-squelettique) et leur type de régime alimentaire. Ainsi les espèces les plus franchement carnivores sont-elles typiquement digitigrades, alors que chez les espèces ayant un régime végétarien marqué la plantigradie prédomine (GINSBURG 1961). L’ours brun ayant un régime omnivore à forte tendance phytophage n’est pas soumis aux impératifs de poursuite des proies tant et si bien qu’il a conservé un type plantigrade prononcé.Toutefois ceci n’est qu’en partie vrai puisque le membre thoracique a en fait un mode de fonctionnement typiquement digitigrade, et lors des déplacements de l’animal le membre postérieur voit son talon relevé au dessus du sol, tant et si bien que son image est alors absente des traces retrouvées au sol. Cela combiné à une importante musculature confère à l’ours la capacité d’effectuer des pointes de vitesse de l’ordre de 50 à 60 km/h, et donc de pouvoir se comporter à l’occasion en prédateur actif. L’ours, par ses caractéristiques musculo-squelettiques, s’éloigne du type des prédateurs carnivores. Ses caractéristiques actuelles font de lui un animal ayant la possibilité d’exprimer de nombreux comportements alimentaires différents, de la prédation active à la cueillette, en passant par le fouissage…Cela fait de lui un animal ayant de grandes capacités d’adaptation à un nouveau milieu.

 Décongélation et relevé des caractéristiques des laissées

Les échantillons étant conservés au congélateur (- 18°C), il est dans un premier temps nécessaire de laisser le lot à traiter près de 24 heures à température ambiante. Bien que longue, cette technique de décongélation réduit au maximum les éventuelles altérations que pourrait causer un choc thermique trop important sur les tissus végétaux congelés. Les données rapportées par les prospecteurs sont alors relevées. Elles se sont malheureusement montrées d’une qualité très irrégulière. Nous avons toutefois obtenu dans la majorité des cas la date du prélèvement et le nom de l’ours à qui il pouvait être attribué, ainsi qu’une localisation plus ou moins précise du site.L’étape suivante consiste en un relevé des caractéristiques générales de l’échantillon : Les laissées étant souvent écrasées dans les sacs au cours des prospections, ou entassées dans les congélateurs, leurs formes ou leurs dimensions (non relevées sur place) sont des données qu’il est à ce stade inutile de noter au vu de leur manque de signification. Par contre, chaque excrément est pesé soigneusement avant son exploitation. Cette masse peut s’avérer intéressant dans la mesure ou elle semble corrélée à la taille de l’individu (CAMARRA, 1980) ; cela peut donc être utile dans certains cas où l’étiquetage de l’échantillon a été altéré.Enfin pour finir l’échantillon est coupé en deux afin de pouvoir apprécier sa couleur et sa consistance en son centre, l’apparence externe étant trompeuse ; en effet la périphérie de l’excrément étant au contact de l’air elle a subit une oxydation ainsi qu’une dessiccation importante qui ont modifié radicalement son aspect premier.

Limites de cette technique

Cette technique de diagnose nécessite de retrouver dans un échantillon des fragments d’épidermes inférieurs. Elle permet donc d’identifier avec précision les végétaux dont les parties aériennes sont consommées. Dans les rares cas où les fragments végétaux présents sont très altérés par la digestion, il est en général au moins possible d’identifier le genre ou la famille en question. Le problème se pose pour les végétaux dont les parties souterraines (bulbes, tubercules, rhizomes) sont préférentiellement consommées par l’ours. La présence d’amidon en grande quantité, de tissus constitués de cellules parenchymateuses de grande taille permet d’affirmer qu’une partie souterraine a été consommée, cependant aucun critère anatomique n’est spécifique ne serait-ce que de la famille rencontrée. La seule issue possible est alors de rechercher dans l’échantillon un fragment d’épiderme foliaire d’une plante comportant des parties souterraines développées.On peut supposer que c’est de ces dernières que proviennent les bulbes consommés. L’utilisation systématique de la microscopie comme méthode de détermination des espèces végétales, associée à une observation minutieuse du refus du tamis de 2,5 mm s’est avérée une bonne méthode pour la diagnose des éléments d’origine végétale rencontrés dans les laissées. Il paraît alors peu concevable de se limiter à la seule utilisation de la loupe binoculaire comme outil diagnostique.

Aliments d’origine animale

Même si son importance est vraisemblablement encore sous-estimée, la majorité du régime alimentaire de l’ours (56,3 %) est constituée de matière animale. Cela contredit la majorité des études coproscopiques menées avant l’introduction des EDC par HEWITT et al. (1996), mais des auteurs plus récents, comme DAHLE et al. (1998) sur les populations scandinaves d’ours brun, soulignent également cette tendance. Les ongulés sauvages s’avèrent être les éléments les plus importants du régime alimentaire de l’ours (22,7 %). Même si l’espèce retrouvée n’a malheureusement pas été identifiée de façon systématique, la majorité des poils proviennent d’Isard (Rupicapra pyrenaica) ou de Chevreuil (Capreolus capreolus).Rien ne nous permet de préciser si ces animaux ont été tués par l’ours ou si ce sont des cadavres trouvés. L’image de l’ours charognard souvent décrite (COUTURIER, 1954) est restée très présente dans les esprits. Cela est vraisemblablement dû au fait que l’ours s’avère être un chasseur peu performant par rapport à d’autres carnivores plus spécialisés (HERRERO, 1985). Seulement l’importance du comportement de chasse active chez l’ours semble à l’heure actuelle remise à l’ordre du jour (MERTZANIS, 1992). Seules des observations régulières de l’ours permettraient de conclure, mais cela ne paraît pas réalisable dans les conditions de terrain de cette étude. Troisième par ordre décroissant d’importance, l’ensemble des rongeurs constitue 12,1 % du régime global de l’ours. Nous n’avons pas identifié les différentes espèces consommées, toutefois des poils de campagnol (Microtus sp.) ont été plusieurs fois retrouvés. Les insectes occupent quant à eux la quatrième place avec 12 % des EDC.Ce sont uniquement dans notre étude des insectes sociaux de type Formicidés. Consommés fréquemment (F(i) = 33 %), ils constituent un des aliments de base du régime alimentaire de l’ours pyrénéen. Les seuls ongulés domestiques représentés dans notre étude sont des moutons (Ovis aries). Ils constituent 9,5 % des EDC. Ici également il est impossible de savoir si ces animaux consommés ont été tués par l’ours lui-même, ou si ce sont des cadavres trouvés.L’ours est en effet capable, guidé par son sens de l’odorat particulièrement développé de retrouver un cadavre si situant à plusieurs kilomètres de lui. Il est également difficile de se rendre compte de l’importance réelle que cela représente. BERDUCOU et al. (1982) estime que l’ours consomme en moyenne 1 % de son poids vif en matière sèche. Pyros pesant près de 235 kg, sur les 240 jours que représentent la période d’activité annuelle moyenne de l’ours, il consommerait près de 52 kg de brebis en matière sèche. En estimant à partir des données fournies par le logiciel ZOOTRITION (W.C.S., 1999) le taux de matière sèche de la brebis à 30 %, cela représente une consommation annuelle de près de 170 kg de brebis (en poids vif). En 1997, un total de 40 brebis soi-disant tuées par Pyros ont été indemnisées, soit un poids total d’environ 1800 kg !

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Table des matières

CHAPITRE UN: GENERALITES SUR L’OURS BRUN EUROPEEN APPLIQUEES A L’ETUDE DU REGIME ALIMENTAIRE
1 Origines de l’ours brun
1.1 Rappels de systématique
1.2 Eléments de phylogénie des Ursidés et évolution du régime alimentaire
1.2.1 Des ancêtres typiquement carnivores : Les Créodontes
1.2.2 Les premiers Ursidés : l’ébauche d’un changement de régime alimentaire
1.2.3 Les premiers Ursus et la lignée des ours européens : Une tendance phytophage
2 Distribution des populations européennes d’ours bruns
2.1 Europe
2.1.1 Europe occidentale et septentrionale
2.1.2 Europe centrale et Europe de l’Est
2.1.3 Europe du Sud et du Sud-Est
2.2 Pyrénées françaises
2.2.1 Histoire de la présence de l’ours dans les Pyrénées françaises
2.2.2 La situation actuelle
3 Adaptations anatomiques relatives au régime alimentaire
3.1 Particularités de l’appareil musculo-squelettique et conséquences
3.1.1 La tête
3.1.2 La région cervicale
3.1.3 Les membres
3.1.4 Le mode de locomotion
3.2 Particularités des appareils sensoriels
3.2.1 La vue
3.2.2 L’ouie
3.2.3 L’odorat
3.3 Particularités de l’appareil digestif
3.3.1 La denture
3.3.2 Le tube digestif et ses annexes
4 Particularités physiologiques et comportementales à prendre en considération lors de l’étude du régime alimentaire
4.1 L’hibernation
4.1.1 Définition
4.1.2 Déroulement
4.1.3 Particularités de la physiologie de l’ours hibernant
4.2 Le domaine vital
4.2.1 Définition
4.2.2 Structure du domaine vital
4.2.3 Eléments de variation
CHAPITRE DEUX: ETUDE DU REGIME ALIMENTAIRE DE L’OURS BRUN REINTRODUIT: MATERIEL ET METHODE
1 Zone d’étude
2 Echantillonnage
2.1 Collecte des échantillons
2.2 Analyse et distribution de l’échantillonnage
2.2.1 Nombre d’échantillons et taux d’échantillonnage
2.2.2 Distribution annuelle et saisonnière de l’échantillonnage
2.2.3 Autres facteurs induisant un biais au niveau de l’échantillonnage
3 Méthode d’analyse du contenu des laissées
3.1 Principe général
3.1.1 Décongélation et relevé des caractéristiques des laissées
3.1.2 Lavage et tamisage des laissées
3.1.3 Conservation des produits du tamisage
3.1.4 Exploitation des produits du tamisage
3.2 Détermination qualitative des éléments figurés
3.2.1 D’origine végétale
3.2.2 D’origine animale
3.3 Détermination quantitative et mode d’expression des résultats
CHAPITRE TROIS: ETUDE DU REGIME ALIMENTAIRE DE L’OURS BRUN REINTRODUIT : RESULTATS ET DISCUSSION
1 Indices utilisés pour le traitement des données
1.1 Les premiers indices utilisés
1.2 Une première étape dans la recherche d’indices plus performants
1.3 Premiers indices prenant en compte les différences de digestibilité des aliments
2 Composition des laissées
2.1 Diversité des éléments figurés et composition globale des laissées
2.2 Variations saisonnières dans la composition globale des laissées
3 Régime alimentaire de l’ours brun
3.1 Estimation globale
3.1.1 Aliments d’origine animale
3.1.2 Aliments d’origine végétale
3.2 Variations saisonnières
3.2.1 Influence de la saison sur l’importance respective de la part animale et de la part végétale dans le régime alimentaire
3.2.2 Influence des saisons sur l’utilisation des différents aliments d’origine animale
3.2.3 Influence des saisons sur l’utilisation des différents aliments d’origine végétale
3.3 Conclusions sur le comportement alimentaire de l’ours brun

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