L’ORTHOGRAPHE GRAMMATICALE
la question du transfert et du réinvestissement des apprentissages
La question du transfert n’est pas nouvelle puisqu’elle constitue un objet de recherche depuis plus d’un siècle. Cependant, si la constatation de départ reste inchangée, les différentes orientations qu’ont choisies les chercheurs n’ont jamais amené de réels changements dans la situation, ni les changements parfois radicaux apportés aux méthodes d’enseignement ou aux moyens d’enseignements (Tardif, 1999, pp.23-24). Si nous entendons souvent dire que l’orthographe s’est dégradée et que les élèves ne savent plus écrire, nous ne pensons pas que ce soit réellement le cas, car le problème du transfert des compétences orthographiques est un problème ancien. Il est probable que, de nos jours, ce problème soit davantage mis en évidence par les échanges plus fréquents de messages écrits, de par la rapidité et la facilité apportées par les nouvelles technologies – email, SMS, réseaux sociaux. Il est plus fréquent, finalement, de lire des textes rédigés par n’importe qui aujourd’hui, alors qu’auparavant, il y avait bien plus d’écrits provenant des milieux professionnels et bien moins d’échanges écrits entre les personnes dans un cadre social et privé. De plus, les échanges actuels se font bien plus souvent par des courriers informatiques que par lettres, ce qui implique une vitesse bien plus grande dans la rédaction et l’envoi et, probablement, une baisse de qualité de la relecture due à la volonté d’être rapide
L’orthographe grammaticale
L’usage dans l’enseignement du français veut que nous distinguions deux types d’orthographe, l’orthographe lexicale d’une part et l’orthographe grammaticale d’autre part. Nous prenons, pour la première, la définition donnée par Gauvin (2011) :
l’orthographe lexicale relève essentiellement de la correspondance entre les phonèmes et les graphèmes qui les représentent, indépendamment de leur contexte d’apparition dans la phrase : il s’agit de l’orthographe d’un mot pris isolément, telle qu’elle apparaît par exemple dans le dictionnaire (p.55). (cité par Duchesne, 2012, p.22).
Ainsi, l’orthographe lexicale recouvre tous les apprentissages en lien avec la graphie des mots sans qu’ils ne soient contextualisés. Il s’agit de connaître les règles d’orthographes liées aux phonèmes et graphèmes de la langue française, les lettres liées à l’étymologie de la langue, etc. Nous comprenons donc dans l’orthographe lexicale certaines règles orthographiques que les élèves peuvent apprendre, telles que l’inflexion du n en m devant un b ou un p, mais pas les modifications des mots liées à leurs accords.
Ainsi, l’orthographe grammaticale s’oppose surtout à l’orthographe lexicale par son usage.
En effet, contrairement à l’orthographe lexicale, elle n’implique pas une étude systématique et par cœur de chaque élément en vue d’acquérir une connaissance déclarative. Au contraire, c’est une différence importante, elle demande l’acquisition de savoirs procéduraux et conditionnels pour être efficace. Bien que les définitions de l’orthographe grammaticale diffèrent entre les auteurs, nous comprendrons ici par cette appellation toutes les règles d’accord de même que toutes les marques morphologiques. Ainsi, nous comprendrons dans cette catégorie non seulement l’application des règles d’accord des mots entre eux, mais également les inflexions marquant les féminins et les pluriels, par exemple le choix de la marque du pluriel pour les mots en –al.
La recherche-action
La recherche-action est issue du domaine des sciences sociales et son origine est attribuée à Lewin. L’idée de base est de passer d’un moment de réflexion vers un moment de mise en action du plan élaboré, puis de revenir ensuite sur la théorie en analysant la correction des hypothèses et en élaborant de nouvelles hypothèses, et ainsi de suite. Goyette et Lessard Hébert (1987, p.26) expliquent que la recherche-action fait interagir l’explication (sur les acteurs), l’application (pour l’action et ses acteurs) et l’implication (par l’action et ses acteurs).
La recherche action permet de rendre les acteurs observés véritables auteurs de la recherche et source de réflexions et d’hypothèses. C’est justement ce que nous attendons dans un travail tel que celui-ci, principalement axé sur la pratique et faisant suite à une formation mixte, théorique et pratique : en effet, nous trouvons essentiel, dans chaque aspect de notre profession, de mettre l’accent sur les élèves et leurs activités. En effet, notre objectif en tant qu’enseignant est de permettre aux élèves d’acquérir de nouveaux savoirs et savoir-faire et de leur donner le plus de chance possible d’y arriver. C’est donc d’eux que va dépendre la réussite de cette transmission et ils sont bien évidemment la première chose à prendre en compte lors de la planification d’une séquence d’enseignement.
Lorsqu’il s’agit d’éducation, Charlier (2005) explique que l’action précède toujours la recherche. Or, la recherche régule l’action, permet d’ouvrir de nouvelles pistes et de conserver une distance permettant de se montrer objectif dans des situations qui pourraient nous entraîner vers la subjectivité. L’auteure parle de « recherches-action-formation ». La pratique dans l’enseignement va soulever de nombreuses questions. Il s’agit d’en choisir une à développer, choisissant par la même occasion un point de vue. Il faut parvenir à prendre suffisamment de distance pour traiter la question de manière objective, ce qui n’est pas toujours évident. Après cela, la recherche va permettre de poser un cadre et d’orienter davantage la question. La réflexion va ensuite venir poser les bases du changement qui va enfin pouvoir être appliqué.
Description des intentions en vue de l’expérimentation
L’objectif est de mettre sur pied deux séquences d’enseignement portant sur les mêmes objectifs (en lien avec l’orthographe grammaticale). Une des séquences sera « traditionnelle », basée sur des exercices et des règles à retenir. L’autre tiendra compte au maximum des conditions décrites dans la partie précédente pour permettre au mieux le transfert des apprentissages. En particulier, l’accent sera porté sur les représentations des élèves quant à la tâche cible : en essayant de comprendre leurs représentations, nous ferons en sorte de les faire évoluer pour leur faire saisir l’importance de l’orthographe dans la vie « réelle », c’est-à-dire en dehors de l’école et du cours de français.
Ces deux séquences seront dispensées parallèlement dans deux classes de même année et de même niveau, au sein du même établissement, afin de limiter au maximum les biais. Une fois les séquences terminées dans les deux classes, une tâche d’écriture, séparée de la séquence, sera mise en place dans chacune des deux classes et les productions seront observées afin de se rendre compte si la différence dans la planification des séquences permet d’accroître le transfert des apprentissages. Cette observation sera accompagnée d’un questionnaire, distribué après coup aux élèves, qui aura pour objectif de faire réfléchir les élèves sur leur apprentissage et son réinvestissement.
Comme objet d’enseignement pour l’observation, nous avons choisi un des objectifs décrits dans le PER L1 36 « Fonctionnement de la langue » : il s’agit de l’application de l’accord du participe passé employé seul, avec être, avec avoir (accord avec le complément de verbe direct). Cet objet d’enseignement me semble particulièrement adapté car, contrairement à de nombreux autres objectifs dans l’orthographe grammaticale, il n’a été que très peu abordé jusque-là. En effet, au cycle 2, les élèves n’ont pas encore eu à maîtriser ces règles en situation de communication et n’en ont donc qu’un début de connaissance déclarative. Tout ou presque est encore à mettre en place et cela va limiter au maximum le potentiel biais dû aux connaissances préalables sur le sujet
Planification des séquences d’enseignement
Objectif général : A la fin de la séquence d’enseignement, l’élève est capable d’accorder le participe passé employé seul, employé avec l’auxiliaire être et employé avec l’auxiliaire avoir
Objectifs spécifiques :
– Connaître les règles d’accord en fonction de l’auxiliaire
– Identifier l’auxiliaire ou l’absence d’auxiliaire
– Identifier le CVD (participe passé avec « avoir »)
– Reconnaître un participe passé dans une phrase ou un texte
– Appliquer les règles en fonction de l’auxiliaire
– Appliquer les règles d’accord en fonction de la situation d’énonciation
Prérequis:
L’élève doit être capable d’identifier le genre et le nombre d’un nom ou pronom. Ce prérequis ne devrait pas poser de difficultés ; en effet, il a déjà été observé durant des séquences précédentes liées à l’accord des adjectifs que les élèves sont parfaitement capables de repérer le genre et le nombre d’un nom ou d’un pronom ainsi que d’effectuer les accords (en genre ou/et en nombre) nécessaires.
L’élève doit encore être capable de repérer le sujet du verbe ainsi que le CVD, dans le cas où l’auxiliaire est le verbe « avoir », et ne pas confondre ce CVD avec le CVI. Cette compétence a déjà été travaillée dans une séquence précédente durant l’année scolaire écoulée et est en général bien maîtrisée par les élèves.
L’élève doit également savoir ce qu’est un participe passé et savoir former le participe passé des verbes étudiés jusqu’ici. Pour éviter des difficultés liées à ces prérequis, les élèves auront accès, durant toute la séquence, au Bescherelle de la conjugaison française.
Contexte des classes:
Les deux classes dans lesquelles seront dispensées respectivement la séquence « traditionnelle » et la séquence « construite selon les concepts retenus pour favoriser le transfert » sont deux classes de 9CO de niveau 1.
La première classe, dans laquelle enseigne une de nos collègues, est composée de 20 élèves. Aucun élève n’est diagnostiqué d’un quelconque problème lié à l’expression écrite. Les élèves ont globalement un bon niveau en français et travaille régulièrement. Notre collègue, bien plus expérimentée que nous, a souligné que ses élèves lui paraissent meilleurs que les années précédentes, se posant beaucoup de questions pertinentes et comprenant rapidement les savoirs enseignés. C’est dans cette classe que sera dispensée la séquence « traditionnelle ».
La seconde classe, dans laquelle nous enseignons, est composée de 21 élèves. Elle ne compte pas non plus d’élève avec des problèmes diagnostiqués et les conditions de travail sont similaires à celles de l’autre classe. C’est dans cette classe que sera dispensée la séquence « construite selon les concepts retenus pour favoriser le transfert ».
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Table des matières
1) CONTEXTE DECLENCHEUR DE L’ANALYSE
2) CADRE CONCEPTUEL ET METHODE D’ANALYSE
2.1 LA QUESTION DU TRANSFERT ET DU RÉINVESTISSEMENT DES APPRENTISSAGES
2.2 L’ORTHOGRAPHE GRAMMATICALE
2.3 LA RECHERCHE-ACTION
3) DÉFINITION DE L’OBJET DU MÉMOIRE, QUESTION DE RECHERCHE ET HYPOTHÈSES INTERPRÉTATIVES
4) DESCRIPTION DE L’EXPÉRIMENTATION ET DE SA MISE EN PLACE
4.1 DESCRIPTION DES INTENTIONS EN VUE DE L’EXPÉRIMENTATION
4.2 PLANIFICATION DES SÉQUENCES D’ENSEIGNEMENT
4.3 PRÉPARATION DU QUESTIONNAIRE
5) OBSERVATION
6) EXPOSÉ DES RÉSULTATS ET CONCLUSIONS
6.1 LES RESULTATS
6.2 CONCLUSIONS
7) PRISE DE CONSCIENCE DES DÉVELOPPEMENTS PROFESSIONNELS
8) BIBLIOGRAPHIE
9) ANNEXES
9.1 ANNEXE 1 : MATERIEL POUR LA PLANIFICATION « TRADITIONNELLE »
9.2 MATERIEL POUR LA PLANIFICATION TENANT COMPTE DES ELEMENTS DU CADRE
CONCEPTUEL
ANNEXE 3 : MATERIEL POUR LA PRODUCTION ECRITE DE FIN DE SEQUENCE
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