L’orthodoxie chrétienne de Claudel et le syncrétisme religieux de Senghor

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L’ancrage dans la foi catholique

La Bonne Nouvelle se manifeste à travers la réception que le fidèle fait de la Parole de Dieu. Chez le Chrétien, cette parole est une nourriture qui réjouit le coeur du fidèle (Jr 15,16)27 et en même temps « l’arbre de la connaissance » permettant de faire la liaison entre le visible et l’invisible. Si « Au commencement était le Verbe » « Et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu »28, il apparaît chez le fidèle, dans le sillage de Jean, comme la lumière du monde, une sorte de flux lumineux qui éclaire les chemins obscurs de la vie. Le Verbe est la voix qui mène vers le salut. Thème central aussi bien chez Claudel que chez Senghor, le salut trouve son origine dans l’expérience indélébile de l’adolescent, Claudel, depuis sa rencontre avec le catholicisme et dans la formation catholique de Senghor pendant son enfance au séminaire de Ngasobil. Senghor, parlant de la parole dans ses Élégies Majeures, affirmait dans Dialogue sur la poésie francophone: «Et que chantons-nous sinon la Parole poétique, la parole féconde qui les [morts] transforment, en nous convertissant nous-mêmes les poètes, en des êtres divins ?… »29 La parole cautionne le rapprochement de la vision théologique et poétique vers une sorte de panthéisme où tous les éléments se confondent en Dieu. L’univers entier devient une sorte de temple, que Dieu habite en toutes ses formes. Les poètes voient partout «où [ils] tournent la tête,…l’immense octave de la création!» Pour Claudel, désormais «le monde s’ouvre et, si large qu’en soit l’empan, [leurs] regards le traverse[nt] d’un bout à l’autre»30, pour Senghor «de Kafountine à l’extrême Fongolimbi, sur l’empan du pays/ [il] entend au loin, de l’Orient au Ponant, la marée montante des ruts nocturnes»31. Les poètes démiurges commandent, à partir de là, les éléments du monde, transgressent les limites du réel et modulent la parole poétique, suivant les contextes d’énonciation. On relève ainsi, chez eux, une incarnation poétique et totale de l’Univers matérialisée par le terme empan. Ils revendiquent le monde comme leur, au nom de la «catholicité» de leur coeur. Mieux, Claudel a, dans ses Odes, rapproché sa parole avec le mouvement de la mer parce qu’elle est «la vie même sans laquelle tout est mort»32. La parole poétique transforme, pour ainsi dire, la mer en divinité et le poète n’a plus sa «place avec les choses créées, mais sa part avec ce qui les crée», c’est-à-dire la mer qui est «l’esprit liquide et lascif», la figure à la fois de l’infini de la création et de la liberté du langage. Le verset devient la transcription de la «dilatation de la houle»33 qui s’accorde avec l’harmonie divine car le poète, en bon catholique, «croit en un seul Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre»34. À partir de là, une brèche s’ouvre pour atteindre le Négro-africain chez qui la parole et l’Univers entretiennent un rapport de complexité et de complémentarité. La parole rythmée, dans les rites traditionnels Négro-africains et particulièrement sérères, participent à la création du monde en lui donnant sa plénitude. Cette brèche rapproche Senghor et Claudel dans la mesure où, comparant l’interprétation que Claudel donne de la création du monde et de l’homme et la création Négro-africaine, Senghor affirme:
Comme dans la doctrine catholique et son interprétation première par Claudel, on trouve la création, la faute et son châtiment. Mais on y trouve autre chose essentiellement, l’homme achevant, par la parole, la création du monde et s’accomplissant en même temps. (….) dans ces poèmes et à mesure qu’il avance en âge et en expérience, et, j’oserai dire, en génie, le poète forgera une interprétation plus dynamique, plus humaniste, proche de l’Afrique noire35.
En remontant ce schéma qui mène vers les profondeurs de cette Afrique, nous rencontrons en premier lieu le mythe, incarnation de la parole, qui est l’expression de la vision du monde traditionnel. Le mythe Dogon de la création explique comment la parole a fécondé le monde, les êtres et les choses. Par délégation de Dieu, l’homme-poète, à l’image de l’homme-Nommo dans ce mythe, armé de la parole, achève et féconde la création36. La poésie chez Senghor et Claudel, à l’instar de la vision mythique Négro-africaine, devient une vision totale du monde, une sorte d’ontologie. Ce pouvoir est attribué seulement au poète puisqu’il est «le créateur des paroles de vie»37 qui ose proclamer la résurrection des morts. Il y a donc chez les poètes une consécration, au sens catholique du terme, de l’univers à travers la parole qui transforme toute chose en sacralité. Dans Cinq grandes odes, le poète, à partir de la contemplation de la mer, franchit le temps, épouse l’éternité et garantit la victoire de la vie sur la mort. C’est dire que, pour le poète, «ce n’est point mort qui vainc la vie, mais vie qui détruit la mort et elle/ ne peut tenir contre elle»38. Dans les Élégies Majeures, la parole du poète catholique fonctionne comme une rédemption, une sanctification, elle, seule, à l’instar de celle de Claudel, peut vaincre la mort comme le prouve l’élégie consacrée à George Pompidou. Cette parole, dans «Élégie pour Philippe-Maguilène Senghor», immortalise les proches disparus car pour le poète «seuls vivent les morts dont on chante le nom»39 et ce sont eux seuls qui «…puisi[ent]/ de [leur] langue double tubuleuse/ le nectar, dans la corolle du Christ»40. Elle transforme les poètes en magicien, sinon en prophète ou en Dieu capable de secourir les morts, de vaincre la mort, comme Jésus après sa Ressuscitation. C’est ce pouvoir qui hante Claudel quand il affirme : «Écoutez le cri pitoyable des morts! J’entends la foule innombrable des défunts se pressant/ Autour de moi comme une mer qui demanderait pitié»41. En Chrétiens convaincus de la valeur de la parole, Claudel et Senghor, dépassent la ligne séparant le visible et l’invisible. Ils rompent les frontières du réel pour être en union spirituelle avec les êtres qui sont au-delà du monde sublunaire car le poème se fait vie et étant donné que «l’image de la mort produit la mort», «l’imitation de la vie/ La vie» la poésie qui est donc l’imitation de la vie «et la vision de Dieu, engendre la vie éternelle»42

Spiritualité et héritages culturels.

Les Cinq Grandes Odes et les Élégies Majeures traduisent la vacuité des êtres humains avant de les conduire vers la Vérité divine. Ils sont affirmation de la plénitude de l’Être, la récade121, bâton de commandement, portant le message sacré de Dieu. Ce Dieu est unique chez Claudel et s’oppose très radicalement aux idoles que le vingtième siècle a forgées. Cependant Senghor, quant à lui, est un poète sérère païen de tradition et catholique de formation, dont la spiritualité est partagée entre les dieux païens de son royaume d’enfance et celui chrétien du séminaire de Ngasobil. C’est pourquoi les idoles contre lesquelles Claudel s’insurgeait dans sa «Magnificat»122 prennent chez Senghor une forme divine conformément à ses réalités sociales. Les Odes et les Élégies sont de ce fait les témoignages les plus sincères de la nature des croyances des poètes. Le langage poétique, surtout lorsqu’il atteint la puissance d’évocation et d’invocation de Dieu, devient ainsi la manifestation la plus directe, la plus authentique de la croyance personnelle où le poète peut être saisi dans sa plus parfaite individualité qui trouve son expression dans sa culture religieuse et idéologique.

L’orthodoxie chrétienne de Claudel et le syncrétisme religieux de Senghor.

La foi entretient un rapport étroit avec la réalité sociale de l’individu. Il semble qu’elles ne soutiennent ensemble une société qu’à la suite de longues méditations en raison de leur caractère extrinsèque. L’homme, dès lors, ne peut que vivre suivant les fruits de sa culture, particulièrement de celle religieuse. Ainsi, les différentes opinions que les critiques ont sur la poétique de la spiritualité chez Claudel et chez Senghor ne manquent pas de manifester un penchant extrêmement orthodoxe dans les Odes et syncrétique dans les Élégies. C’est une orthodoxie catholique qui s’oppose d’une certaine mesure à la symbiose religieuse qu’on retrouve dans l’espace scriptural des Élégies. Toutefois, le traitement que le poète négro-africain fait de la Nature, qui est le symbole de l’Être, le conduit à naturaliser la transcendance et à sombrer plus ou moins dans une sorte de panthéisme. Aussi serait-il légal de parler du Dieu chrétien ? D’autant plus que Senghor, lui, n’oppose pas le Dieu chrétien aux dieux traditionnels de son terroir. En effet, Claudel éprouve une telle foi en Dieu que dans ses versets, ses propos n’admettent aucune réticence et aucune tiédeur. Certains de ses contemporains, dont Gide, l’ont même accusé d’être presque dogmatique en matière de foi. Il est tellement obnubilé par la supériorité de son Dieu qu’il l’étale avec ostentation dans ses poèmes. L’acte de foi est chez Claudel l’offrande totale qu’il fait à Dieu de son être. Ainsi toutes ses odes ont des titres où sont évoqués les noms qui font l’éloge de la divinité à la loi de laquelle se reconnaît le poète, l’ostension du mystère chrétien, l’épiphanie de ce qui est caché : « Soyez béni, mon Dieu, qui m’avez délivré des Idoles/ Et qui faites que je n’adore que vous seul (…) ». Ces bénédictions reviennent comme un leitmotiv chez Claudel. Elles sont tributaires de l’étymologie même de l’Ode qui, venant du grec Odé, signifie un chant qui consistait à célébrer des personnages héroïques. Le poète Pindare a ainsi composé des Odes123 à la gloire des athlètes victorieux aux Jeux Olympiques dans la Grèce antique. L’Ode acquiert cependant chez Claudel une signifiance religieuse ou l’inspiration poétique tend vers le panégyrique religieux, l’hagiographie portant allégeance à Jéhovah et revendiquant la «soli deo gloria»124 chère aux humanistes chrétiens. C’est d’ailleurs cette conviction du règne esseulé du Dieu chrétien qui le pousse à dire dans « Magnificat » : « Je préfère l’absolu. Ne me rendez pas à moi-même/ Voici le froid inexorable, voici Dieu seul »125. Il faut, en revanche, souligner que chez Senghor, le discours religieux, le panégyrique claudélien ne s’applique pas uniquement à la christologie. Il part au contraire « de la religion traditionnelle à la christologie »126 en les confondant et en les relayant de temps à autre. Ainsi la prière, sans se dénaturer, s’adresse soit au Christ soit aux Pangols ou les deux à la fois : « Et bas s’agenouillant, l’Ancien m’aurait donné à boire/ la lie des libations./ Mais qu’il ait pitié du pécheur, que le Seigneur ne/ mesure sa grâce à ses mérites »127. S’effectue alors chez Senghor un passage dans lequel le paysage de la civilisation chrétienne est intégré à une synthèse pancosmique. Les dieux anciens et le Seigneur entraînent des correspondances de solidarité, de communion. On remarquera ici l’utilisation de la majuscule dans l’évocation des divinités, païenne et chrétienne (Ancien et Seigneur). C’est d’ailleurs ce qui expliquerait la divinisation non pas de l’eau, symbole de l’Esprit du Dieu chrétien comme le fait Claudel dans «l’Esprit et l’Eau», mais du vent dont le mouvement « est un mouvement qui est vie et dont les changements ailés sont porteurs de pollen ». A partir de cet instant, le poète procède, selon Alioune-Badara Diané, « à ce que les tenants de l’orthodoxie chrétienne pourraient considérer comme des contre-vérités théologiques »128, un détournement blasphématoire qui traverse pratiquement toute l’oeuvre poétique de Léopold Sédar Senghor.

La sacralisation poétique et l’hétérodoxie des poètes

L’itinéraire politique, intellectuel et spirituel de Claudel et de Senghor a souffert et/ou s’est enrichi d’une différence car ayant été ballotté par des espaces intellectuels et culturels différents. Les modes d’appréhension du monde sont vécues comme symbiose enrichissante pour l’écriture poétique. Les textes, les cultures, les croyances et surtout la mythologie que convoquent et subsument leurs discours poétiques participent à l’altération d’une parole totalitaire ou surplombe une vision unilatérale et purement chrétienne. Cette altération relève, dans un sens, de l’hétérodoxie car sa présence annihile le projet spirituel aussi bien chez Claudel que chez Senghor. Composée de deux mots grecs hétéro, autre et doxa, doxe, hétérodoxie peut être appréhendée comme un autre regard sur un dogme établi et qu’on peut considérer selon la terminologie de Platon comme la doxa, c’est-à-dire exempt de la raison critique. Sur le plan spirituel, cet autre regard sur la doxa est très significatif car il met à nu la ferveur idéologique des poètes en révélant leur culture intellectuelle et mythologique, leur statut humaniste et si nécessaire leur enracinement culturel. L’engagement idéologique des poètes a, par ailleurs, occasionné une lecture anamorphosée des constantes religieuses « en déformant régulièrement – selon les règles – l’objet mimé »155, autrement dit l’enseignement chrétien. En sacralisant par exemple l’ensemble des valeurs du monde noir regroupées autour de la Négritude, Senghor définit une poésie au service de l’Afrique car sa « tâche, dit-il, est d’éveiller (son) peuple au futur flamboyant/ Sa joie de créer des images pour la nourrir » et il « chante l’oriflamme de l’Afrique aux forces essentielles. »156 De même que Claudel inconsciemment a réussi à trouver une voix, proche de celle du négro-africain et qui ferait de lui un défenseur par affinité du monde noir, bien vrai que son riche parcours diplomatique ne l’a jamais mené en Afrique. La poésie s’intègre chez lui profondément à la redécouverte des profondeurs de l’âme africaine. Les Cinq Grandes Odes font entrer la poésie française dans les mystères et les symboles des forêts noires grâce à la puissance de la raison intuitive du poète. Cette affinité avec les poètes populaires africains, Claudel a pu l’hériter chez son maître spirituel Arthur Rimbaud, celui qu’il appelait, « le mystique à l’état sauvage »157 qui proclamait d’ailleurs dans Une Saison en Enfer : « Je suis une bête un nègre. Mais je puis être sauvé. Vous êtes de faux nègres, vous maniaques, féroces, avares (…). J’entre au vrai royaume des enfants de Cham »158. Par le principe du greffage, on conçoit, à partir de là, la poésie claudélienne et rimbaldienne profondément rattachée à celle du pays noir, de l’Afrique-mère : par son style, par son rythme, par l’émotion communicative qui s’en dégage. Du moins, c’est ce que Senghor tente de nous expliquer dans sa communication : « La parole chez Paul Claudel et chez les Négro-africains »159. Puisque toute poétique est une ontologie comme nous l’avertissait Saint-John Perse, Claudel est alors comme certains artistes français de l’époque (Rimbaud, Apollinaire, Cendrars, Paul Éluard, Michel Leiris, André Breton…) l’un des pionniers du mouvement d’avant-garde qui a permis à Senghor de comprendre l’art nègre, de l’assimiler de le faire sien et de l’intégrer dans l’art du monde : Comme étudiant, comme professeur, surtout comme poète, j’ai analysé la poésie de Claudel. Mais, si j’ai cru la comprendre, si j’ai pu l’assimiler, c’est en me référent, essentiellement, à la parole négro-africaine, telle qu’elle s’exprime dans les poèmes160.
Pour le poète occidental néanmoins, nourri par la culture judéo-chrétienne, les actions de Dieu qui avaient pour cadre l’espace d’Israël : « Et vous n’avez point permis qu’Israël serve sous le joug des Efféminés »161 continue naturellement dans ce cadre religieux alors que chez celui qui est considéré comme le père d’une Négritude apaisée et chrétienne, Dieu est aussi présent au peuple d’Afrique comme il l’était au peuple d’Israël, c’est-à-dire au peuple élu. C’en est fini donc du monde nègre nié, rejeté hors de l’histoire : signe de la puissance de Dieu et élu par le poète, il devient lui aussi le monde des élus. Cette élection des Noirs est même visible dans le choix de la sacralisation de certains éléments de l’univers car elle est inhérente à des préoccupations idéologiques. Si une foule de textes de Claudel nous montrent la poétisation de la nuit162 où surgit la lumière, comme symbole de la foi, conformément au psalmiste qui profère : « C’est la nuit qui fait mes délices, c’est elle-même qui est mon illumination »163, dans «Élégie des Alizés » par exemple, la célébration de la « Nuit », avec tous les mystères qu’elle recèle, est liée à la vocation du poète de la négritude de célébrer l’Afrique en négrifiant la nature : Nuit d’Afrique ma Nuit ! / Tu le sais en cette saison des flamboyants, sous ces / prémices de l’été / Tu sais quel fut mon labeur sous la lampe, quelle ma peine /…. / Nuit alizéenne élyséenne Nuit joalienne, Nuit qui me / rend à la candeur de mon enfance / Nuit Nuit, tu as été en les nuits sombres l’Amie qui / cause avec l’Ami et peuple l’insomnie / Ö Nuit ma Nuit et Nuit non nuit164.
A partir de cette évocation, on peut comprendre combien Senghor manifeste l’Afrique dans son univers poétique car la nuit, c’est l’apanage du monde nègre parce qu’il est à la fois écarté de la lumière par le reste du monde, et parce que la couleur noire, c’est la marque de l’homme noir. En chantant donc la nuit noire, le poète de la négritude, dont la muse française s’inspire des mystères africains, valorise l’Afrique noire. « Élégie des Alizés » montre les fondements de la Négritude et de l’art nègre. Elle est d’ailleurs à rapprocher avec l’ « Élégie pour la reine de Saba » qui, elle aussi, a été moins funèbre car elle met en exergue l’ouverture de l’Afrique vers une nouvelle humanité. Elle libère l’Afrique jadis ternie par un opprobre, captive et crucifiée comme Jésus le fut au lieu appelé Calvaire 165. Dans cette quête du « graal Afrique »166, Senghor chante le triomphe de l ’Afrique vivante sur l’Afrique morte. Les plaies infligées à ce continent noir et ravivées dans l « Élégie pour Martin Luther King », l’oppression, la traite, le colonialisme, bref toute la violence dont la « Nigritie » (p. 311) a été victime, sont effacées par le verbe du poète. C’est un panorama historique qui aboutit à une vision poétique et chrétienne où prévaut la fraternité universelle qui fera dire à Raymond Darricau : « Cette fraternité universelle, aux résonnances religieuses profondes, transfigure l’ « Élégie pour Martin Luther King » « le roi de la paix ». A la haine des meurtriers de Martin Luther King, Léopold Sédar Senghor répond par des paroles d’amour »167. La figure christique de Martin Luther, le Messager noir, fait écho à celle de Jean-Marie, le Messager blanc, et à celle de Philippe-Maguilène, le Messager métis. Ils sont réunis par le verbe poétique dans la contemplation de Dieu et dans « la communion des hommes des âmes, des nations et des confessions. »168 Tel est le souhait cher à Senghor dont l’âme éprise de spiritualité aspire à une communion avec d’autres âmes puisqu’il a « rêvé d’un ciel d’amour où l’on vit deux fois en / une seule, éternelle / Où l’on vit d’aimer pour aimer. »169 L’esthétique et l’éthique claudélienne et senghorienne se rejoignent ainsi dans une attitude idéologique qui mène vers le retour aux sources vers l’érection d’une cité de fusion, une citée édulcorée, régénérée et re-naissante par le métissage que prône le poète des Élégies Majeures. Dans l’ « Élégie pour la reine de Saba », Senghor s’inspire des amours de la souveraine éthiopienne avec le Roi Salomon relatées par la Bible dans le premier Livre des Rois170. C’est dire donc combien l’entreprise poétique de Senghor célèbre le métissage culturel en transformant les données bibliques en données poétiques, en biaisant parfois le cadre de l’orthodoxie chrétienne, en fusionnant consciemment les contraires « pour que s’imprime une vision du monde. »171 On retrouve cette illustration dans ce large commentaire fait par le poète lui-même :
J’ai voulu, dans cette élégie, chanter, mieux que je ne l’avais fait dans « Femme noire », ce que représente, pour moi, la Femme noire. A travers cette femme, j’ai voulu chanter la dialectique négro-sémitique. Comme vous le savez, Moise avait épousé une kouchite, une Négresse, et, dit la Bible, Myriam, la soeur de Moise, se fâcha, et Dieu lui envoya la lèpre, et « Myriam devint blanche comme la lèpre ». Vous savez, également et surtout, que si Salomon n’épousa pas la reine de Saba, il fut lié d’amour avec elle. Enfin Mohamed El-Habib, émir du Trarza, en Mauritanie, épousa Diombeutt Mbodji, reine du Walo. J’ai voulu donc, par ces trois exemples, et surtout le premier, célébrer le métissage biologique et culturel négro-sémitique. J’ai voulu, en même temps, que la Reine de Saba symbolisât l’Afrique noire, l’Amour et la poésie.17

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Table des matières

PLAN DÉTAILLÉ
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE: Influence chrétienne et héritages culturels
CHAPITRE 1 : Le récit chrétien comme modèle poétique
1.1 L’ancrage dans la foi catholique
1.2 L’intertextualité biblique.
CHAPITRE 2 : Spiritualité et héritages culturels.
2-1 : L’orthodoxie chrétienne de Claudel et le syncrétisme religieux de Senghor
2-2 : La sacralisation poétique et l’hétérodoxie des poètes
DEUXIÈME PARTIE : Rhétorique et spiritualité
CHAPITRE 3 : La déconstruction poétique
3.1 La réadaptation du verset biblique
3.2 La réinterprétation prophétique
CHAPITRE 4 : le pouvoir poétique
4.1 L’esthétique mystique
4.2 Le rythme prosodique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES

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