L’origine linguistique des phytonymes

Analyse morphologique

Le phytonyme est un mot comme les autres, puisque il est « formé, comme tous les autres, de voyelles et de consonnes, de phonèmes articulés par les organes de la parole et transmis par l’oreille au cerveau. Il ne saurait donc être étudié autrement qu’un autre mot quelconque, en dehors de la langue dont il fait partie et dont il porte l’empreinte.» (Muret cité par Rostaing, 1965, p.09). Donc nous devons le décrire et l’analyser comme toutes unités de la langue. Notre étude qui porte sur les noms des plantes médicinales, impose en premier lieu une analyse propre à la morphologie qui est une branche de la linguistique, étudiant les types et les formes de mots. Ainsi il est question dans le présent chapitre de relever l’origine linguistique des phytonymes dans un premier temps puis classer, décrire et analyser les cent soixante (160) phytonymes de notre corpus sur le plan de la forme et de la structure (en noms simples et noms composés) en considérant leurs genres, nombres et catégories grammaticales. Par ailleurs, la transcription constitue une part très importante dans l’interprétation et la recherche du sens exact des phytonymes.

En ce qui concerne les phytonymes de la région Béjaia, nous sommes confrontés à des formes francisées et à d’autres arabisées. A ce propos, Chériguen (1993, p.29) affirme que «la transcription française et / ou, francisée est souvent source de confusions qui, parfois, peuvent avoir un impact déterminant sur les interprétations. Il convient donc de transcrire de façon à rétablir au mieux la prononciation convenable ». Il signale aussi que le français ne transcrit pas correctement certains phonèmes propres à l’arabe et au berbère, ce qui est sans doute dus à la non-correspondance du système phonétique de l’arabe et du berbère au système phonétique de la langue française en ajoutant que ce dernier ne dispose pas de tous les sons du système phonétique berbère et arabe. Donc, il est très important d’être très vigilant en ce qui concerne la transcription des noms des plantes médicinales du parc national de Gouraya. Ainsi pour éviter de commettre des erreurs dans la transcription, nous avons choisi de suivre la transcription proposée par DALLET J. M., Dictionnaire Kabyle – Français, éd. SELAF, Paris, 1982 qui est une source très fiable et reconnue dans ce domaine.

L’origine linguistique des phytonymes

Avant d’effectuer le classement des phytonymes selon l’origine linguistique, il serait important de mettre l’accent sur la situation linguistique de notre terrain d’étude à savoir la région de Béjaia qui se caractérise par une situation de plurilinguisme où coexistent trois différentes langues (le berbère, l’arabe et le français). Ainsi ce plurilinguisme transparait aussi dans la dénomination des plantes médicinales qui composent notre corpus (le berbère et l’arabe avec un degré plus élevé que le français) de ce fait, ce dernier comporte des noms qui trouvent leur origine dans l’arabe et le berbère, ces deux langues ne cessent d’être en contact, et qui par conséquent s’influencent l’une sur l’autre, cette influence se manifeste tant au niveau morphologique, syntaxique et phonétique où nous avons trouvé quelques difficultés pour préciser l’origine linguistique des phytonymes étudiés . Trabut (2006, p.10) précise à ce sujet que « les dénominations berbères sont souvent traduites en arabe ou soumises à la syntaxe arabe. Nous avons ainsi des noms berbères arabisés et aussi des noms arabes berbèrisés». Pour établir l’origine linguistique des phytonymes de notre corpus nous nous sommes principalement basés sur deux ouvrages : AIT YOUSSEF M ., Plantes Médicinales de Kabylie, Ibis Press, Paris, 2006 et Beloued, Etymologie des noms de plantes du bassin méditérranéen, Office des publications universitaires, Alger, 1989. Ces derniers nous ont permis de classer les phytonymes dans le tableau ci –dessous.

Après avoir effectué cette partie d’analyse morphologique qui se résume en origine linguistique des phytonymes, nous pouvons tirer ces quelques remarques : Parmi les cent soixante (160) phytonymes analysés dans le tableau ci-dessus, nous avons relevé quatre-vingt (80) noms qui ont pour origine la langue berbère, soit 50% de la totalité du corpus, ce qui constitue la moyenne. A ce propos, Laoust (1920, p.504) affirme que « les termes désignant les diverses espèces végétales sont généralement restés berbères». Ceux-ci témoignent de la résistance du berbère aux pressions extrêmement fortes qu’ont pu exercer certaines langues comme le latin, l’arabe et le français sur elle à travers une domination politique, culturelle…etc. souvent très longue. En revanche, nous constatons aussi dans la dénomination des plantes médicinales du parc national de Gouraya , en plus du berbère , la présence de plusieurs autres langues , ce qui peut s’expliquer d’un coté par le facteur historique avec les multiples colonisations qu’a connu la région du Maghreb depuis plusieurs siècles, mais aussi par la position géographique de cette région qui a favorisé le contact avec plusieurs langues du bassin méditerranéen, à savoir (le latin , le grec, l’arabe et le français). En deuxième position, nous avons un taux élevé de noms d’origine arabe avec quarante-neuf phytonymes (49), ce qui représente 30,63% des noms étudiés. Ainsi, on constate que cette langue qui n’est pas originaire de la région a pourtant une grande influence et manifestation, ceci est expliqué par Chaker (1984, p.216) par le fait que « le cas des contacts linguistiques arabo-berbères est très particulier : l’arabe est la seule langue non autochtone qui se soit solidement et définitivement implanté au Maghreb. En outre, l’influence unificatrice de la religion, dure depuis plus d’un millénaire ».

En troisième position, nous constatons dans notre corpus la présence d’un nombre restreint de phytonymes ayant pour origine le latin avec treize (13) noms, soit un pourcentage de 8,13 % qui peut s’expliquer par la colonisation romaine en Afrique du nord. Laoust (1920, p.506) en traitant de ces emprunts anciens dans le domaine de la botanique précise que « les noms de végétaux d’origine latine sont en moins grand nombre que ceux empruntés à l’arabe ». En quatrième position, les noms hybrides avec onze (11) phytonymes, ce qui représente 6 ,87% de la totalité du corpus, sont composés d’un mélange de langues : berbère / arabe, arabe/ français, grec/ berbère et français / berbère. Ces combinaisons ont donné naissance à ces phytonymes : Lberqouq n taghat , Lberqouq n wouchen , Akermous iroumyen , Bou tqendourt , Abelout n yilef , Lebsel n wouchen , Akheroub n wouchen , Argaz iaalleq , Izram n wefroukh , Ibawen n wouchen et Chaar n yilef. En cinquième position , on retrouve les noms ayant pour origine la langue française, avec seulement cinq (5) phytonymes, soit 3,12% des noms étudiés, cela montre que la langue française qui occupe une place très importante dans l’ Algérie en général et dans la région de Béjaia en particulier et cela dans plusieurs domaines que ce soit dans les pratiques quotidiennes des locuteurs ou encore dans le milieu professionnel, n’a pas eu une grande influence sur la nomination des plantes médicinales à Béjaia. Enfin, arrivent les phytonymes d’origine grecque : Abelout et Kalitous qui représentent la minorité avec seulement 1,25 %. Pour mieux synthétiser notre travail, nous allons dresser un diagramme qui illustre les données du tableau.

Les noms composés

Avant de procéder au classement des phytonymes en noms composés, il est important de citer et de définir quelques notions essentielles à l’instar de la composition qui est définie par Dubois (1999, p.106) comme « la formation d’une unité sémantique à partir d’éléments lexicaux susceptibles d’avoir par eux-mêmes une autonomie dans la langue », à partir de cette citation on comprend que La composition est le procédé qui consiste à former un mot en assemblant deux ou plusieurs mots. Comme il est important aussi de mettre l’accent sur un autre concept très important à savoir le nom composé qui est perçu par le même auteur (ibid., p.105) comme étant « un mot contenant deux, ou plus de deux, morphèmes lexicaux et correspondant à une unité significative » ceci signifie que les noms composés sont des mots complexes dans lesquels on peut identifier au moins deux morphèmes lexicaux. Dans notre présent corpus, nous avons trente (30) noms composés que nous avons regroupés et analysés dans le tableau ci-dessous : A partir de l’analyse du tableau ci-dessus, on constate que tous nos phytonymes composés (qui constitue un nombre restreint de la totalité du corpus avec seulement trente (30) noms, soit un pourcentage de 18,75%) comportent seulement deux unités, appartenant presque tous à la catégorie grammaticale des noms sauf (Chejrat meryem) , (Ben naaman) qui comportent un (nom+nom propre), (Hebet hlawa ) qui se compose d’un (nom + adjectif) , et (Argaz iaaleq) constitué d’un (nom+verbe) .

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Table des matières

Introduction
1) Présentation du sujet
2) Motivations du choix du sujet
3) Problématique
4) Hypothèses
5) Méthodologie
6) Présentation et description du corpus
7) Plan et organisation du travail
Chapitre I : Analyse morphologique
I – L’origine linguistique des phytonymes
II- La morphologie des phytonymes
Chapitre II : Analyse sémantique
I- Catégorisation des phytonymes
II- Statistiques et thèmes
Conclusion
Références bibliographiques
Annexe

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