L’origine des modèles d’évaluation de situations

Les travaux présentés dans cette thèse s’intéressent à de nombreux domaines transverses rassemblés autour d’un champ de recherche qui est l’évaluation de situations. Avec les progrès de l’informatique et de l’intelligence artificielle, l’univers scientifique se penche depuis plusieurs décennies sur l’évaluation de situations. Cette tâche, souvent réservée à l’homme dans le monde applicatif, nécessite la capacité de représenter et comprendre un très grand nombre d’informations. Certaines sont simples et directement observables, mais d’autres sont complexes et composées de plusieurs autres informations nécessitant d’inférer leur état. Cette complexité est de plus en plus grandissante du fait que les capteurs permettant de récupérer ces informations sur une situation à évaluer sont de plus en plus nombreux et divers. Et l’analyse des informations brutes est souvent complexe pour être gérée par l’homme en un temps satisfaisant. D’où le besoin de réussir à automatiser le plus possible certaines tâches afin d’agglomérer ces informations et d’en permettre une représentation lisible et analysable humainement tout en étant cependant le plus proche possible de la réalité. En effet, les informations sont souvent bruitées et peuvent parfois être inexactes. C’est d’autant plus vrai pour des informations inférées à partir de plusieurs autres. L’enjeu est donc de permettre d’avoir une représentation la plus exhaustive possible de la situation à évaluer, tout en étant le plus proche possible de l’état actuel de la situation.

Évaluation de situations 

L’évaluation de situation (Situation Awareness ou Situational Awareness qui sera notée SA à l’avenir) est un domaine de recherche qui ne cesse d’attiser de plus en plus l’intérêt depuis ces quatre dernières décennies. L’idée derrière ce concept est d’être en mesure de décrire les états d’une situation réelle de la façon la plus précise et complète possible au vu des informations à disposition pour un utilisateur humain. Un tel outil a pour but d’aider ces opérateurs à prendre une décision dans des problèmes où la complexité de la situation rend son analyse difficile.

Le besoin d’être en mesure de connaître et comprendre une situation afin d’anticiper ses conséquences et ne pas se faire surprendre s’exprime dans de nombreux domaines.

À titre d’exemple, dans le domaine des secours en cas de catastrophe naturelle, il est indispensable d’évaluer les risques d’une réplique d’un tremblement de terre pendant un sauvetage et de connaître les zones les plus à risque. Tout comme il est nécessaire de savoir combien et où se trouvent les personnes à secourir afin de savoir comment répartir les différentes équipes et de prioriser les zones. Dans le domaine militaire, l’intérêt de comprendre qui est l’ennemi, les troupes engagées et leurs intentions précises sont des facteurs vitaux pour mettre en place une contre-mesure efficace et planifier les actions de leurs unités. La difficulté devant l’évaluation de situations tient autant de la capacité à représenter et modéliser les problèmes et les concepts définissant une situation que dans l’automatisation de l’aide à la décision via des systèmes afin de répondre à cette situation.

L’origine des modèles d’évaluation de situations

L’intuition des modèles d’évaluation de situations à travers l’histoire

L’évaluation de situations prend ses racines dans l’histoire de la théorie militaire. Le terme SA est relativement récent et a été défini au cours des quarante dernières années dans la communauté scientifique. Il est possible de remonter tôt dans l’histoire sur les premières nécessités d’évaluer des situations dans le domaine militaire avec notamment l’œuvre de Sun Tzu l’art de la guerre [Tzu, 2019], rédigée vers 512 avant notre ère, où la formalisation du conflit militaire prenait en compte le contexte d’un conflit autrement que par la simple quantité de troupes à affronter. Le résultat de l’évaluation de situation aide à prendre une décision pour réagir à cette dernière. Plus récemment, la première utilisation du terme SA a pris place dans la formalisation d’une mesure de l’évaluation d’une situation dans le domaine de recherche des facteurs humains. Plusieurs travaux se sont concentrés sur l’étude des phénomènes contingents dans le domaine de l’aéronautique [Dawson and Biferno, 1973] [Biferno and Dawson, 1977]. Cependant, le domaine du SA prend réellement pied dans les années 90 où les recherches ont commencé à proliférer dans de nombreux domaines (militaires, aéronautiques, sécurité civile, services de secours, catastrophes naturelles…). La formalisation de ces problématiques, bien que dans des contextes différents, cherche à définir les étapes nécessaires à la résolution pour y adapter la modélisation adéquate.

Les modèles mentaux

Les modèles de SA se sont inspirés des modèles mentaux qui décrivent la façon de penser d’une personne à travers un processus afin de comprendre comment le monde réel fonctionne. Formellement, un modèle mental est définit tel que [Forrester, 1971] :

Définition 1. L’image du monde autour de nous, que nous construisons mentalement, est juste un modèle. Personne dans sa tête n’imagine tous les mondes, gouvernements ou pays. On ne sélectionne que des concepts, des relations entre eux et on les utilise pour représenter le système réel.

On comprend suite à cette définition qu’il n’est pas nécessaire de représenter toutes les informations d’un environnement, mais seulement les concepts, objets et relations nécessaires à comprendre le système qui nous intéresse. L’intérêt ici est de pouvoir monitorer uniquement les éléments nécessaires à la compréhension d’une situation afin de gagner en clarté et en efficacité. Cette représentation de l’environnement permet ensuite de définir des algorithmes pour comprendre un comportement (d’une personne ou d’un objet) au sein de ce dernier. Les relations entre concepts ou leurs actions dans l’environnement permettent de comprendre leurs buts ou leur stratégie au sein d’un système fermé et défini pour répondre à une problématique spécifique. L’idée est d’imiter l’intuition d’un opérateur humain qui observe une situation afin d’en dresser une image et de comprendre quels sont les enjeux en cours. Les modèles mentaux se décrivent par une série d’axiomes et de règles pour comprendre et décrire un environnement. Chaque modèle décrit une possibilité d’évolution d’un environnement avec l’évolution de ses concepts ou objets le composant ainsi que leurs relations. Les modèles sont basés sur le principe de vérité, ce qui implique qu’ils décrivent uniquement ce qui est vrai dans la possibilité de la situation présentée par rapport aux choses observées et les axiomes du système [Johnson-Laird, 2006]. Les opérateurs considèrent qu’une situation est plausible lorsqu’elle est valide dans tous les modèles décrivant la situation. Le principe est d’utiliser le contre-exemple comme moyen d’invalider une inférence d’un modèle [Schroyens et al., 2003]. Les environnements opérationnels, à décrire, étant complexes et nécessitant l’observation de nombreux éléments, il est difficile de prendre une décision sur les mesures à percevoir. Les modèles mentaux correspondent à la perception et à la compréhension de l’environnement, puis l’opérateur doit en inférer les états possibles et futurs pour comprendre ce qu’il va se passer afin d’être en mesure de prendre une décision [Serfaty et al., 1997]. Cependant, les modèles mentaux ne permettent pas une formalisation suffisamment complète pour permettre de définir un modèle d’aide à la décision pour l’évaluation de situations.

Cycle OODA et cycle du renseignement

Le domaine de l’évaluation de situations a trouvé ses premiers cas d’application dans le domaine militaire et celui du renseignement. Les premières formalisations de modèles ont donc cherché à décrire les besoins et les étapes nécessaires à l’évaluation de situations dans des processus d’analyse, de planification et d’action sur l’environnement.

Cycle du renseignement

Dans les années 80, le concept du cycle de renseignement a été mis en avant dans des problématiques de fusion d’informations pour l’aide à la décision.

• Planification et direction : Compréhension de ce qui doit être achevé dans le cadre de la mission et sur comment parvenir à la prise d’informations pour être en mesure de prendre les bonnes décisions. Cette première étape est la plus cruciale dans le cycle du renseignement. Une fois cette étape réalisée, les équipes de renseignement comprennent le problème et savent quoi et où chercher pour le résoudre. C’est notamment durant cette étape que les sources d’informations sont définies pour permettre une collecte efficace et pertinente.
• Collecte d’informations : Déploiement de moyens tels que des capteurs physiques ou des sources humaines pour obtenir des informations brutes généralement présentées sous forme de rapport de renseignements avec un haut niveau d’abstraction.
• Évaluation des données : Analyse, comparaison et corrélation des rapports générés par l’étape précédente. Les données collectées sont ainsi évaluées afin de vérifier leur utilité et leur pertinence.
• Analyse et production de rapports : Fusion des informations collectées et analysées lors de la phase précédente. Cette fusion permet la génération de rapports de renseignements complets de façon lisible et synthétique par un opérateur humain. Le but est de rapporter les informations pertinentes de la façon la plus complète et précise possible.
• Dissémination et retours : Distributions de ces informations fusionnées aux opérateurs humains en mesure d’utiliser ces informations pour la prise de décision. Une fois le retour de ces opérateurs effectué, la tâche est considérée comme complétée et la prise de décision sur la mission est alors rendue possible.

Le cycle du renseignement, même si conçu initialement pour le domaine militaire et de la défense, est aussi employé dans de nombreux autres domaines comme celui de l’entreprise, du management ou de l’étude de projet et client par exemple.

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Table des matières

1 Introduction
I État de l’art
2 Évaluation de situations
2.1 L’origine des modèles d’évaluation de situations
2.1.1 L’intuition des modèles d’évaluation de situations à travers l’histoire
2.1.2 Les modèles mentaux
2.2 Cycle OODA et cycle du renseignement
2.2.1 Cycle du renseignement
2.2.2 Le cycle OODA et ses évolutions
2.3 Définition de l’évaluation de situations
2.3.1 Le modèle d’Ensley
2.3.2 Un modèle holistique de SA
2.4 Évolution des modèles d’évaluation de situation
2.4.1 Modèle de Fusion d’Informations JDL DF
2.4.2 Exemple de modélisation de SA pour le C2
2.4.3 Révision du modèle JDL DF par DFIG
2.5 La Fusion d’Informations Haut-Niveau
2.5.1 La Fusion d’Informations
2.5.2 La Fusion d’Informations Haut-Niveau
2.6 La Perception Active
2.6.1 Les problématiques de la Perception Active
2.6.2 La perception active dans les systèmes multi-agents
2.7 Conclusion
3 La représentation de la connaissance
3.1 Qu’est-ce que la représentation de connaissances ?
3.1.1 La représentation de connaissances
3.1.2 Le triangle sémiotique
3.1.3 Données, informations et connaissances
3.1.4 Premières applications
3.1.5 Les ontologies
3.2 La représentation de l’incertitude
3.2.1 Représenter l’incertitude
3.2.2 Les mesures de probabilités
3.2.3 Réseaux bayésiens dynamiques
3.2.4 La théorie Dempster-Shafer
3.3 La théorie de l’information de Shannon
3.3.1 La théorie de l’information
3.3.2 L’entropie de Shannon
3.4 Conclusion
4 L’évaluation de la menace
4.1 L’évaluation de menace
4.1.1 Les principes de l’évaluation de menace
4.1.2 Une tâche de prédiction
4.2 Le modèle COI pour la menace
4.3 La propagation de la menace
4.3.1 La menace, une propagation incertaine
4.3.2 La propagation de croyances de Pearl
4.3.3 Propagation de croyances et complexité
4.4 Considération de la menace selon la doctrine militaire
4.4.1 Définition de l’environnement et de la menace
4.4.2 L’UBR, une unité multicapteurs
4.4.3 Fiabilité et véracité de l’information
4.5 Conclusion
II Contributions théoriques
5 Un nouveau système d’évaluation de situations
5.1 Le système ASAAP
5.1.1 Brique de Fusion d’Informations
5.1.2 Brique d’analyses des variables
5.1.3 Brique d’optimisation des capteurs
5.2 Conclusion
6 L’analyse des variables utiles
6.1 La fusion d’informations avec les Réseaux Bayésiens Dynamiques
6.2 Modélisation de l’environnement via les DBN
6.3 L’analyse des variables les plus utiles
6.3.1 Une variable utile
6.3.2 Processus d’analyse au sein d’un DBN
6.4 Conclusion
7 Propagation de menace
7.1 Introduction
7.2 Modélisation du problème à travers un graphe topologique
7.2.1 Définition de l’environnement
7.2.2 Définition de la menace
7.3 Un système de propagation de menace automatisé
7.3.1 Une approche pessimiste
7.3.2 Définition formelle du modèle
7.3.3 Processus algorithmiques
7.4 La menace à horizon défini
7.5 Généralisation
7.6 Conclusion
8 Optimisation association capteurs / variables via le Scored Maximum Flow
8.1 Introduction
8.2 Modélisation de l’environnement via un graphe biparti
8.3 Notations
8.4 Poids et capacité
8.4.1 Le problème du Flot Maximal
8.4.2 Score
8.5 Processus de perception active
8.5.1 Première étape : variables utiles
8.5.2 Deuxième étape : ensemble des variables observables
8.5.3 Conclusion
III Évaluation du système
9 Cas d’usage maritime
9.1 Définition du cas d’usage
9.1.1 Les capteurs
9.1.2 Les hypothèses à monitorer
9.2 Résultats des expérimentations
9.2.1 Contraintes de l’expérimentation
9.2.2 Déroulement du scénario
9.3 Conclusion
10 Cas d’usage OPEX
10.1 Modélisation de l’environnement
10.2 Présentation des trois scénarios
10.2.1 Premier scénario – preuve du concept
10.2.2 Second scénario – l’attaque multi-objectifs
10.2.3 Troisième scénario – une stratégie de feinte
10.3 Conclusion
11 Résultats préliminaire sur l’optimisation des capteurs
11.1 Un problème de complexité combinatoire
11.2 Exemple scénario
11.2.1 Première étape
11.2.2 Deuxième étape
11.3 Premières expérimentations
11.3.1 Test sur le premier scénario
11.3.2 Test sur le second scénario
11.4 Conclusion
IV Conclusion

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