Durant mes stages, les observations et mon vécu personnel, j’ai remarqué que les élèves éprouvaient des difficultés en étude de la langue. Les élèves réalisaient les exercices sans comprendre ce qu’on leur demandait. Certains ne les commençaient pas car ils étaient persuadés qu’ils n’allaient pas y arriver. Moimême, en tant qu’élève, je n’ai pas toujours compris ce que mon enseignant me demandait en grammaire. J’appliquais les règles de grammaire de manière très mécanique et j’apprenais par cœur les terminaisons des verbes. Puis s’est développé un certain blocage dans la suite de mon parcours. Si bien que le français était la discipline où j’éprouvais le plus de difficultés. Arrivée en master et surtout en lisant les programmes, je me suis rendue compte qu’il fallait permettre aux élèves de se poser des questions sur la langue. Par exemple, les programmes stipulent qu’un élève doit être capable de résoudre un problème orthographique seul. Je me suis demandée comment les savoirs grammaticaux se transposaient en classe. Je me suis surtout interrogée comment parvenir à donner du sens à ces notions grammaticales.
L’oral comme source d’apprentissage ?
La place/statut de l’oral à l’école
Aujourd’hui, la maitrise de l’oral est source d’ascension sociale et détermine la réussite scolaire des élèves. Dans la majorité des classes, l’oral est un support d’enseignement et sert uniquement à transmettre une information ou alors est un moyen de vérification des apprentissages. Il n’est donc pas un objet d’apprentissage prioritaire. L’oral est aussi un support pour l’écrit. L’écrit à l’école prend davantage de place dans l’emploi du temps des élèves. Toutefois, les opposer, ne permet à l’élève de tirer profit de ses modalités pourtant différentes. L’oral et l’écrit engagent un effort cognitif important, des acquisitions culturelles, une sensibilité à l’altérité et est un véritable instrument de la pensée et de la communication. Cependant, ils ne peuvent pas être abordés de la même manière en classe. L’oral a des codes bien spécifiques et à son tour l’écrit a des normes bien spécifiques.
La maitrise de l’oral est perçue comme spontanée, non comme un apprentissage à part entière. L’enfant, dès son plus jeune âge, est amené à parler et à s’exprimer à l’oral. Alors que, l’écrit est considéré comme une culture à part entière. L’écrit est doté de normes précises. C’est pourquoi les professeurs y accordent plus d’attention. De plus, la syntaxe orale est très différente de la syntaxe écrite. L’oral est éphémère et n’a pas de trace contrairement à l’écrit. L’enseignant parvient plus facilement à évaluer l’écrit car ce dernier peut être modifié, repris et surtout évalué. La maitrise de l’oral reste un marqueur social très important. Tous les enfants naissent dans un contexte familial précis. Lors de la socialisation primaire, l’enfant évolue dans son cocon familial et il acquiert sa propre culture de l’oral. Par conséquent, tous les élèves n’arrivent pas avec les mêmes acquis à l’école. Si bien que, la culture du langage est intériorisée de manière différente pour chaque enfant. A l’inverse de l’oral, l’écrit s’apprend à l’école. L’oral ne représente alors pas le même enjeu que l’écrit car l’école offre pleinement la culture de l’écrit aux élèves. A l’oral, l’élève développe des savoirs et des savoir-faire. L’élève ne peut pas s’exprimer sans ce savoir. Même si celui-ci est en réflexion et en cours d’apprentissage, l’élève puise dans ses pré-requis pour exprimer son idée. Il essaie alors de trouver les mots justes. Ensuite, l’élève développe des savoir-faire. Il est important que l’élève soit de plus en plus « à l’aise » à l’oral et qu’il sache davantage s’adapter à la situation. En effet, l’oral connait de multiples facteurs : contexte, lieu, situation de communication, etc. Par conséquent, l’élève s’ancre dans cette situation de communication. Pour cela, les élèves se perfectionnent grâce à l’analyse de l’enseignant mais aussi celle de ses camarades. Vygotsky souligne l’avantage des relations sociales dans les processus d’apprentissages. Bernard Schneuwly reprend les travaux de Vygotsky et explique que « le signe est toujours d’abord extérieur et préexiste à l’individu qui va l’utiliser et l’intégrer dans son propre fonctionnement. ». C’est-à-dire que l’élève se nourrit des comportements des autres élèves pour apprendre « Avec le temps, l’enfant établit un lien entre son mouvement et le comportement des autres et va interpréter ce mouvement comme « montrer » ».
De plus, les élèves apprendront à planifier leur discours et adopteront des automatismes propres à l’oral (Gaussel 2017) car ce dernier est un outil crucial aux apprentissages. Les élèves doivent savoir décrire, reformuler, expliquer et raconter. Par conséquent, cet apprentissage est long et s’acquiert avec le temps. Pour cela, l’enseignant met en place des dispositifs propices au développement du langage tels que les travaux de groupes afin de favoriser les échanges entre pairs. Ces échanges sont extrêmement importants. Néanmoins, avant de savoir parler à l’ensemble d’une classe, l’élève doit être capable d’échanger avec quelques camarades mais aussi les écouter.
Au sein des programmes scolaires, l’oral est un enjeu important. C’est la raison pour laquelle la place de l’oral est très présente au sein du bulletin officiel du 26 juillet 2018.
La place de l’oral dans les programmes
L’oral apparaît véritablement au cœur des programmes scolaires depuis 2001. Il est présenté comme un vecteur indispensable pour les apprentissages. A la maternelle, la priorité est mise sur le développement du langage. Les élèves apprennent à s’exprimer et à acquérir du vocabulaire pour mettre des mots sur leur pensée. C’est en 2018 que l’oral prend une place très importante dans les programmes de cycles 2 et 3. Un des attendus de fin de cycle 2 en langage oral est « participer avec pertinence à un échange (questionner, répondre à une interpellation, exprimer un accord ou un désaccord, apporter un complément, etc.). Les programmes stipulent que l’élève doit être capable de s’exprimer pour mettre au jour sa pensée par le biais de son questionnement, en donnant son avis, etc. Il se dissimule au sein de toutes les disciplines. Cependant en français, il fait l’objet d’un thème en particulier « Comprendre et s’exprimer à l’oral » où des compétences précises vont être évaluées. L’oral présente donc un enjeu au sein des programmes. Cependant, comment parvenir à faire réfléchir l’élève à l’oral ? Pourquoi est-il important de réfléchir à l’oral ?
L’oral réflexif
Bucheton et Chabanne ont étudié l’oral réflexif. Pour ces chercheurs, l’oral réflexif est à la fois un « moyen et un objet d’apprentissage » car lors des activités réflexives les élèves expliquent le cheminement de leur pensée et mettent au jour leurs stratégies qui leur ont permis de réaliser l’exercice. Jaubière et Rebière « voient en l’oral réflexif un formidable levier pour une réorganisation des pratiques qui permettrait aux élèves de construire des points de vue et réseaux conceptuels nouveaux ». L’oral permet à l’élève d’avoir des conseils, des retours sur sa pratique en analysant les productions, des observations lui permettant de s’améliorer. Cela est stipulé dans les programmes de 2018 où les élèves doivent « s’impliquer dans l’observation et l’évaluation des productions orales de leurs pairs, dans des situations variées (exposés, débats, échanges, etc.) ». Ces critiques aussi bien positives que négatives situent l’élève afin de s’évaluer. L’enseignant comme ses camarades réalisent ce travail d’analyse. Les élèves analysent la production d’un autre élève. Ils se décentrent et enrichissent leurs propres productions. Un conseil pour l’un est valable pour un autre élève. Ces travaux sont complémentaires. Cela fait entièrement partit de la formation de la personne et du citoyen. Avoir un regard critique et bienveillant est un véritable apprentissage .
« Elle (Mireille Brigaudiot) inscrit, en fait, les quelques tentatives langagières de l’enfant dans la cohérence de sa propre continuité discursive, leur donnant une intentionnalité qui permet à l’enfant de construire sa conduite comme intelligente et significative. Sur un arrière-fond d’attention conjointe et d’action partagée, elle fait confiance à l’enfant et lui donne à comprendre qu’elle sait qu’il est capable de résoudre ce problème. ». Mireille Brigaudiot explique que le professeur a pour mission d’instaurer un climat de confiance dans sa classe et d’encourager les élèves à s’exprimer. Les élèves s’expriment devant les autres et émettent des hypothèses. Contrairement à l’écrit, l’élève prend le risque de se tromper devant l’ensemble de ses camarades. Si un climat de confiance n’est pas instauré dans la classe, les élèves ne s’exprimeront pas et n’oseront pas. Alors que, si l’enseignant apprend à ses élèves que l’erreur est objet d’apprentissage, les élèves n’auront pas peur de se tromper.
L’entretien d’explicitation
L’oral réflexif est une technique d’explicitation. L’entretien d’explicitation a été développé par Vermersch. La technique d’explicitation « vise toujours l’explicitation c’est-à-dire la mise en mots, après coup du déroulement de sa propre action » . L’élève décrit son action pour la conscientiser. L’élève fait cet effort de verbalisation de ses actions car il a tendance à réaliser une activité sans savoir ce qu’il a fait pour y parvenir. Cet entretien a pour objectif d’accompagner l’élève à « la conceptualisation par le sujet de son action n’est pas automatique et l’entretien d’explicitation a pour but d’accompagner le sujet dans cette prise de conscience ». Cette prise de conscience des actions permet de passer d’un « plan implicite, préréfléchi à un plan explicite pour connaître les démarches précises et individuelles pour agir, apprendre, comprendre, résoudre, et effectuer une tâche professionnelle ». L’objectif final de l’entretien explicite est de comprendre comment l’élève a réalisé la tâche et qu’il devienne conscient de ses démarches. En soit, l’enseignant n’apporte pas une grande importance au produit fini mais bien à la démarche de l’élève. Si bien que l’enseignant sait pourquoi l’élève a réussi ou a échoué « Le critère de fin de type d’entretien correspond au moment où l’enseignant comprend ce qui fait la réussite ou l’erreur de l’apprenant ». Suite à l’entretien, l’élève repart avec des clefs pour s’améliorer. Il prend conscience de ce qu’il sait faire, de ses difficultés et de ce qu’il fait. Puis, un objectif important de cet entretien est le développement de l’autonomie « il s’agit de lui permettre de mettre en place, en autonomie, des contrôles métacognitifs et de développer des conduites métacognitives explicites afin de prendre du recul sur sa manière d’apprendre. ». L’élève saura développer des stratégies et des démarches d’apprentissages seul. Après avoir défini l’oral réflexif, nous pouvons nous poser la question si ce dernier permettrait de réfléchir sur la langue en particulier en grammaire.
L’oral réflexif comme moteur pour conceptualiser une règle de grammaire ?
La grammaire scolaire débute au XIXème siècle grâce à l’école gratuite, laïque et obligatoire suite aux lois de Jules Ferry. Ce courant traditionnel de la grammaire est une vision très utilitariste. Cette grammaire est très automatisée et les élèves apprennent par cœur les notions. A cette époque, la grammaire française est fortement influencée par le latin. Cependant, le français évolue et se détache du latin. En 1970, la grammaire scolaire est remise en cause car elle est jugée pas assez moderne. C’est alors que la « grammaire rénovée » fait son apparition. Ainsi, les écoliers français étudient « la composition formelle de la phrase » et ne traitent plus du sens. Cette grammaire est très mécanique et n’a plus de lien ni avec l’écriture ni avec la lecture. Depuis les années 70, le sens s’est peu à peu réinséré et tente de se concilier avec grammaire rénovée. Aujourd’hui, l’étude de la langue est au service de la lecture et de l’écriture alors qu’avant les années 70, ces deux disciplines étaient détachées. Des études menées en 1980 réalisées en France sont décevantes. Les compétences grammaticales des élèves restent faibles et ont peu de motivation face à l’apprentissage de la grammaire. Aujourd’hui, une nouvelle grammaire apparaît et s’étudie comme une science. L’élève va expérimenter, chercher, observer et beaucoup manipuler. C’est la raison pour laquelle, l’élève sera amené à se poser des questions sur la langue. L’orthographe est enseignée comme une situation problème à laquelle l’élève répond. Cette situation-problème n’a pas pour but d’être résolue parfaitement ni de manière mécanique par l’élève. Aujourd’hui, les programmes stipulent que l’enseignant doit parvenir à « faire réfléchir les élèves sur la langue ». Puis, « le professeur explicite la mise en application des règles apprises ».
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Table des matières
Introduction
1. Le cadre théorique
1.1 L’oral comme source d’apprentissage
1.1.1 La place/statut de l’oral à l’école
1.1.2 La place de l’oral dans les programmes scolaires
1.1.3 L’oral réflexif
1.2 L’oral réflexif comme moteur pour conceptualiser une règle de grammaire ?
1.2.1. Définition de la conceptualisation
1.2.2 La capacité d’abstraction
1.2.3 Les stratégies de questionnement favorisent-ils la conceptualisation ?
1.2.4 L’échange entre pairs favorisent-il l’acquisition d’un concept ?
1.3 L’oral réflexif : de la métacommunication au métalangage
1.3.1 La métacognition
1.3.2 Le métalangage
1.3.2 Entre métalangage et métacommunication
2. Hypothèses et méthodologie
2.1 Hypothèses
2.2 Méthodologie
2.3 Présentation de la séquence
3. Résultats
3.1 Ce dispositif a-t-il permis de conscientiser les démarches ?
3.1.1 Permet-il l’utilisation du métalangage ?
3.1.2 L’évolution des capacités d’abstraction
3.1.3 La différenciation : un besoin essentiel
3.1.4 Un dispositif long à mettre en place
3.2 Les travaux de groupe ont-ils permis de faire réfléchir les élèves sur la langue ?
3.2.1 L’aspect organisationnel prime sur le travail de recherche grammaticale
3.2.2 Mise en place de binômes
3.2.3 Un système de tutorat s’installe
3.3 L’importance des mises en commun
3.3.1 Une mise en commun pour partager son savoir
3.3.2 L’anticipation du climat de classe
3.3.3 Un temps d’institutionnalisation
3.4 Les manipulations ont-elles permis de faire réfléchir les élèves sur la langue ?
3.4.1 La matérialisation des constituants de la phrase
3.4.2 Une manipulation qui a permis les manipulations syntaxiques
3.4.3 La manipulation permet-elle l’abstraction ?
Conclusion
Bibliographie
Annexes