Comment utiliser l’opéra en classe ?
Définition
Un opéra est un drame théâtral mis en musique et chanté par des solistes, un chœur et un orchestre. Sylvie Saint-Cyr (2005) le définit comme l’art du temps et de l’espace, de l’ouïe et de la vue soit un art de la continuité et de la rupture.
Les programmes
L’opéra n’est pas inscrit textuellement dans les programmes officiels du Ministère de l’Education Nationale. Dans le préambule du Bulletin officiel n° 32 du 28 août 2008, on apprend que « l’enseignement de l’histoire des arts est un enseignement de culture artistique partagée. Il concerne tous les élèves. Il est porté par tous les enseignants. Il convoque tous les arts. Son objectif est de donner à chacun une conscience commune : celle d’appartenir à l’histoire des cultures et des civilisations, à l’histoire du monde.
Cette histoire du monde s’inscrit dans des traces indiscutables : les œuvres d’art de l’humanité. L’enseignement de l’histoire des arts est là pour en donner les clés, en révéler le sens, la beauté, la diversité et l’universalité. »
L’enseignement de l’histoire des arts doit être connecté à toutes les autres disciplines et doit répondre à quelques objectifs précis dont : « – susciter la curiosité de l’élève, développer son désir d’apprendre, stimuler sa créativité, notamment en lien avec une pratique sensible ;
– développer chez lui l’aptitude à voir et regarder, à entendre et écouter, observer, décrire et comprendre;
– enrichir sa mémoire de quelques exemples diversifiés et précis d’œuvres constituant autant de repères historiques ;
– mettre en évidence l’importance des arts dans l’histoire de la France et de l’Europe»
A la lecture des objectifs et des compétences visées par le Ministère, il devient possible de relier les exigences professionnelles et pédagogiques à l’étude d’un opéra en classe, notamment par la pluridisciplinarité qu’il suscite.
Cependant, des références à l’opéra sont évoquées dans le document d’application des nouveaux programmes et la liste d’œuvres des références pour les arts visuels et l’écoute musicale . Deux d’entre elles sont privilégiées : la Flûte enchantée de Mozart et L’enfant et les sortilèges de Maurice Ravel. Les opéras sont proposés à titre indicatif et sont classés sous l’appellation de « musiques savantes à dominante européenne ». Ce document stipule également, que ces deux œuvres, celle de Mozart notamment, peuvent faire l’objet d’une étude sur l’ensemble du cursus, comme le propose le document d’application, p.4 : « cet opéra de Mozart se prête tout particulièrement à un parcours de la petite section jusqu’au cycle 3 et bien au-delà. ».
Dans la dernière partie du document d’application, repris ici sur le seul exemple de la Flûte enchantée, on remarque que des pistes pédagogiques pour chacun des 3 cycles sont données pour répondre à un objectif simple : Rentrer dans l’opéra dès le plus jeune âge. Ce document d’application suggère qu’étudier un opéra en classe est possible, voire conseillé. Il propose également différentes pistes « concentriques » selon le niveau des élèves, d’une approche ludique et sonore en cycle 1, d’une écoute comparative de plusieurs extraits et une amorce du narratif en cycle 2, et enfin d’une étude sur la caractérisation des personnages et aux symétries des couples pour le cycle 3. L’opéra de Mozart est donc vu ici comme une démarche d’approches successives complémentaires.
Dans le Bulletin officiel n° 32 du 28 août 2008 l’organisation de l’histoire des arts à l’école on apprend qu’au cycle 3, l’enseignement de la pratique des arts et de l’histoire des arts se fonde sur trois piliers : les périodes historiques, les six grands domaines artistiques et la liste de référence.
L’enseignement de l’histoire des Arts est fondé sur la pluridisciplinarité et la transversalité des œuvres. En étudiant plus attentivement les 3 piliers, on s’aperçoit que l’opéra trouve sa place au sein de l’enseignement de l’histoire des arts. Il est aussi bien évoqué dans le pilier période historique que dans la liste énonçant les 6 domaines artistiques du programme. Il figure dans deux domaines artistiques : « l’Art du son vocal » et « les Arts du spectacle vivant. »
L’éducation musicale
Selon le Bulletin Officiel n°3 du 19 Juin 2008, « L’éducation musicale au cycle 3 s’appuie sur des pratiques concernant la voix à l’école jeux vocaux, chant divers, en canon, à deux voix, en petits groupes ou en chorale […] Grâce à des activités d’écoute, les élèves s’exercent à comparer des œuvres musicales, découvrent la variété des genres et des styles selon les époques et les cultures. La perception et l’identification d’éléments musicaux caractéristiques de la musique écoutée prolongent le travail engagé au CP-CE1. »
La musique fait appel à la sensibilité et l’ouverture d’esprit des élèves. Ils appréhendent ainsi le monde de façon plus riche et plus sensible. L’éducation musicale est constituée de cinq domaines d’activités qui amènent l’enfant à s’épanouir tout au long de sa scolarité par la voix, le corps, les codages, le jeu instrumental et l’écoute.
Selon Georges Snydders , « L’enseignement de la musique est destiné à ce que les élèves retirent de la joie face à l’écoute. Il se justifie pleinement dans le sens où il existe des œuvres tellement plus riches, musicalement, que ce qu’on entend habituellement, seuls les élèves avertis parviendront à les connaître et surtout à les apprécier. »
Selon Sylvie Saint-Cyr , le monde scolaire jouerait un rôle essentiel dans la démocratisation de l’opéra, le rendant ainsi plus accessible et donc plus égalitaire.
L’école permet de sensibiliser les populations les plus timorées à décoder, à comprendre et à apprécier les représentations lyriques.
L’ « Ecoute élaborée » dont parle Georges Snyders est nécessaire afin que l’enfant soit présent à l’œuvre, prêt à l’accueillir. Cette écoute doit être vue comme une activité à part entière surtout lorsqu’on étudie un opéra. L’écoute se travaille et se perfectionne.
Elle peut être une compétence ou une attitude à travailler dès le CP.
En effet, il existe plusieurs manières d’écouter la musique : celle qu’on entend sans écouter, c’est souvent le cas des musiques dites de « fond » et celle qu’on écoute.
Ecouter une œuvre lyrique impose une écoute attentive puisque la manière de chanter diffère du quotidien. La couleur, la tessiture, le contrôle de la respiration nécessite une connaissance approfondie à l’école afin que l’appréciation dépasse l’émotion. En revanche, il n’est pas impossible que l’émotion passe sans préparation au préalable.
Ainsi, cet enseignement se mène principalement dans l’écoute et le chant. Selon Claude-Henry Joubert dans Enseigner la musique, l’état, l’élan, l’écho, l’éternité, écouter c’est apprendre à saisir, à capturer, à percevoir les caractéristiques d’une musique.
L’écoute musicale à l’école primaire représente une part importante de l’éducation musicale. Il serait également bienvenu, dans une étude complète et intelligente d’une œuvre lyrique, d’emmener des élèves en fin de séquence par exemple (quand les moyens financiers de l’école le permettent) dans ce lieu imposant qu’est l’opéra.
L’écoute des élèves peut devenir active et ils pourront ressentir plus physiquement toute l’intensité et la puissance de la musique.
Aller à l’opéra demeure une écoute idéale puisque tous les sens sont évoqués et invoqués par les décors, les costumes, la mise en scène qui habillent les voix comme le musique. Daphné Migrenne énonce dans son mémoire de recherche qu’il y a deux types d’écoute : l’écoute active et l’écoute passive. L’écoute passive servirait au plaisir, à la détente tandis que l’écoute active serait plus analytique.
L’écoute peut être intégrale via des enregistrements, des livres de jeunesse ou par extraits en alternance d’écoute passive et active. Dans le cadre de cette dernière, l’explication de l’histoire sera la bienvenue.
L’idéal serait de travailler la voix et l’écoute pour appliquer les exigences des programmes, en étudiant par exemple « la garde montante », le chœur des gamins dans l’opéra Carmen de Georges Bizet (ainsi que le propose la liste de référence.)
L’expérimentation
Aborder Carmenau CP
Retour d’expérience avec la mise en place d’une séquence de « Carmen » dans une classe de CP anglophone au Québec par Daphné Migrenne , étudiante à l’IUFM du Val de Loire. La thématique de son mémoire « Peut-on étudier un opéra à l’école primaire » est très proche de la mienne. Elle se questionne sur les modalités de mise en place d’une séquence d’opéra en classe et développe sa problématique autour d’une expérimentation en classe.
Son mémoire s’achève sur la conviction qu’un opéra peut s’étudier à l’école. Toutefois, plusieurs paramètres sont à prendre en compte, en premier lieu, le choix de l’opéra. D.Migrenne pense qu’il faut que l’œuvre choisie plaise aux enfants, que l’histoire soit agréable et légère, facilement compréhensible. Cette idée est également partagée par Karen Finch . Elle préconise quelques opéras dont ceux de Mozart, particulièrement bien perçus par les enfants, pour leur côté féerique. Les personnages sont fantaisistes avec des costumes improbables, colorés. Il y a de la magie dans les opéras de Mozart, malgré la barrière de la langue.
Ensuite Daphné Migrenne évoque l’histoire de l’opéra en question. Dans sa séquence elle explique qu’elle a simplifié l’histoire afin que les élèves en comprennent l’essentiel et qu’il n’y ait pas d’obstacle à leur compréhension par des détails superflus.
L’important, selon D.Migrenne, concerne la contextualisation des écoutes c’est-à-dire de replacer l’extrait écouté dans l’histoire. Elle avance aussi l’idée de définir aussi précisément que possible ce qu’est un opéra, ses spécificités, l’architecture des bâtiments, la structure d’un opéra (actes, ouverture, intermèdes) et de faire chanter les airs connus par les élèves, de battre le rythme et le tempo. Elle suggère ensuite d’amener les élèves à reconnaitre les différentes voix puis le chœur…. Elle clôt son propos en parlant de la transdisciplinarité. En effet, l’étude d’un opéra permet de toucher à différents volets pédagogiques. Dans le cas de D.Migrenne, l’étude de Carmenlui a permis d’ouvrir ses séances vers l’enseignement d’une langue étrangère, puisque les élèves étaient anglophones. Le cycle 2 ne permet pas autant de possibilités d’études transversales qu’un cycle 3. Les possibilités d’ouverture vers la géographie, la sociologie, l’art, la littérature sont plus limitées.
Le second point positif de son bilan de fin de séquence est le changement d’attitude et d’opinions des enseignantes vis à vis de l’opéra. Elle note une évolution des attitudes en classe et un intérêt des élèves toujours croissant. En effet, D.Migrenne a observé que les deux enseignantes, n’étaient pas particulièrement enthousiastes car « cet art est si riche et si inconnu des enfants qu’elles ne l’étudieraient pas en classe de primaire parce que les élèves risqueraient de se déconcentrer rapidement vu la difficulté que présente cet art. Elles ne sentaient donc pas leurs élèves prêts à travailler sur des écoutes musicales et des chants d’opéra » écrit D.Migrenne. Il s’avère, cependant, que les enseignantes furent enchantées par l’engouement des élèves pour l’opéra, « En fin de séquence, les élèves de première année, ont tenu à chanter et à fredonner des extraits de Carmen dans toute l’école. Ils ont également présenté l’opéra avec leurs mots dans la classe de la deuxième enseignante qui participait à l’entretien. J’ai eu enfin l’occasion de discuter avec ces deux enseignantes en fin de stage, et elles m’ont tout simplement remerciée. »
La séquence de D.Migrenne a bien fonctionné, parce qu’elle a dans un premier temps présenté l’œuvre de Carmenau travers d’images , que les élèves devaient décrire. Cela leur a permis d’imaginer les personnages, les lieux de l’action. Elle leur a ensuite dévoilé l’histoire de manière concise, décodant avec eux le lieu, les relations entre les personnages et l’intrigue. Pour des élèves de cycle 2, c’est suffisant. L’histoire est légère, les élèves peuvent facilement adhérer, voire s’identifier aux personnages.
5 extraits musicaux ont été diffusés : la garde montante, la habanera, la séguedille, la chanson du toréador, ainsi que l’extrait final de l’opéra qui sont les airs mythiques. Le choix de D.Migrenne a été de simplifier, d’aller à l’essentiel, d’apporter les codes : il y a une histoire composée de plusieurs actions, chaque action est liée à un acte. Chaque changement de lieu est aussi lié à un acte ou à une scène, chaque air chanté dévoile une description, une narration, une « réplique », un sentiment. Les élèves dans un second temps ont cherché à analyser le caractère de l’air chanté : est-ce triste ? Est-ce jovial ? Est-ce une chanson d’amour ?
Les parcours scolaires de l’opéra de Lille
L’Opéra de Lille, en partenariat avec le Rectorat de l’Académie de Lille, propose aux enseignants d’élaborer des parcours pédagogiques adaptés à leurs projets de classe ou d’école.
La préparation au spectacle peut être envisagée par des interventions en classe, des visites de l’Opéra, des rencontres avec les artistes ou des professionnels du spectacle, des ateliers de pratique (chant ou danse) et même une formation spécifique pour les enseignants. L’opéra met à la disposition des enseignants, des outils pédagogiques téléchargeables sur leur site internet et des formations.
Les classes peuvent assister à tous les spectacles de la saison, dans les conditions habituelles de représentations publiquestout en bénéficiant d’un tarif préférentiel et d’un accompagnement ou d’assister aux spectacles organisés en temps scolaires, ce qui est particulièrement adaptés aux classes les plus jeunes. Pour les collèges et lycées les parcours pédagogiques peuvent être organisés sur mesure avec l’enseignant selon la discipline dispensée (langues, art, littérature, danse…) en classe.
Un service « accueil du public scolaire » est mis en place depuis une quinzaine d’année pour répondre, comme l’explicite Sylvie Saint Cyr , à une démocratisation de la culture. En 1993, sous l’impulsion de Jack Lang, le gouvernement a souhaité démocratiser la culture par le biais d’actions culturelles au sein des structures.
L’objectif étant à posteriori de former un « public citoyen » aux arts et à la culture.
Ainsi dès le début des années 90, sous l’influence des théâtres, des musées, des centres d’art, l’Opéra traite une nouvelle demande de pédagogie autour des arts et réfléchit à de nouvelles propositions en direction de la jeunesse, pour répondre au souhait gouvernemental de sensibiliser le public à l’échelle de toute une génération, c’est dans ce but précis que sont mis en place des services dans toutes les structures culturelles.
L’Opéra de Lille propose donc aux classes qui participent à un projet un parcours de sensibilisation permettant de préparer au mieux la venue des élèves, de leur faire comprendre le processus de création artistique lié au spectacle et de développer leur sens de l’analyse critique.
Le parcours intègre dans la mesure du possible : une séance de préparation ou une rencontre/débat dans la classe, une visite de l’Opéra, une rencontre avec un membre de l’équipe artistique, et parfois même un atelier de pratique .Des parcours thématiques sur une saison peuvent être envisagés pour un travail plus approfondi entre l’Opéra et un établissement. Une même classe a alors l’opportunité de découvrir diverses formes d’expression artistique (opéra, danse, concert/récital) à travers une thématique choisie avec l’enseignant.
La sensibilisation artistique ne peut se faire par la simple venue à un spectacle. Elle nécessite un travail de préparation et une implication forte de l’enseignant. Aussi, l’Opéra de Lille donnera-t-il priorité aux élèves préparés et suivis, aux enseignants qui ont construit un projet pédagogique, si possible en transdisciplinarité.
La formation pour les enseignants
L’Opéra de Lille propose aux enseignants des rencontres préalables pour mettre au point leur projet et définir un calendrier. La structure met en place une documentation pédagogique sur les productions lyriques ou de danse en cours ainsi que des exercices.
Des réunions préparatoires ou rencontres avec les équipes artistiques des spectacles en création à l’Opéra.
Enfin, l’opéra de Lille met en place des sessions de formation organisées en collaboration avec le Rectorat, la DAFOP , la DRAC , le SCEREN/CRDP et le PREAC Musique et Voix.
Découverte de l’opéra par les métiers : « Dix mois d’école et d’opéra »
L’expérience obtenue après 20 ans d’opération sera relatée par Danièle Fouache « 10 mois d’école et d’opéra est un formidable partenariat qui existe depuis 1991 entre l’opéra de Paris et l’Education nationale sur 3 académies : Versailles, Créteil et Paris »
L’idée initiale était de rassembler dans ce lieu, estimé comme l’un des plus élitiste de France, les jeunes qui en sont le plus éloignés, de redonner confiance à ces jeunes élèves, d’adopter une stratégie de valorisation de l’enseignement technique, de tenter de redonner du sens à l’acquisition des apprentissages pour aider chaque élève.
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Table des matières
Introduction
Comment utiliser l’opéra en classe ?
1.1 : Définition
1.2 : les programmes
1.3 : l’éducation musicale
1.4 : l’opéra dans la littérature de jeunesse
1.5 : les opéras pour enfants
I. Les expérimentations
2.1 : « Carmen » au CP
2.2 : Découverte de l’opéra par ses métiers autour de l’opération « 10 mois d’école et d’opéra » à Paris
2.3 : Parcours scolaire, l’exemple de l’Opéra de Lille
2.4 : Quelques exemples en Europe et à new York
2.5 : Le questionnaire aux enseignants
II. L’opéra, un support précieux
3.1 : Un art à décoder pour mieux le transmettre aux élèves
3.2 : Le livret
3.3 : Musique et voix
3.4 : Le protocole de l’opéra
Conclusion
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