Longueur fémorale et détection d’une maladie osseuse constitutionnelle

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Population et collecte des données

Le protocole de service des deux CPDPN du CHU indique la réalisation d’un examen tomodensitométrique du squelette foetal après découverte échographique d’os longs inférieurs au 1er percentile, ou os longs inférieurs aux 3e ou 5e percentiles associés à un périmètre crânien supérieur au 90e percentile ou une morphologie osseuse anormale. Après découverte d’un fémur <5e percentile, la réalisation d’une amniocentèse est proposée pour étude du caryotype ± Analyse Chromosomique sur Puce à ADN (ACPA) ± analyse du gène FGFR3, avec discussion de ces deux dernières analyses et de recherche de mutations ponctuelles en réunion pluridisciplinaire.
Les critères d’inclusion de notre population étaient : toute patiente enceinte ayant bénéficié d’un examen tomodensitométrique du squelette foetal entre le 01/01/2011 et le 31/12/2017 pour fémur <5e percentile, confirmé par une échographie référente au sein d’un CPDPN. Les différents paramètres biométriques échographiques et leurs percentiles de croissance étaient mesurés d’après les courbes de référence établies par le Comité Français d’Echographie Foetale (CFEF). Les examens tomodensitométriques de cette population ont été relus par un radiologue expert. Le consentement écrit des patientes a été recueilli auprès des CPDPN.
Les critères de non-inclusion étaient : l’absence d’échographie référente ou une longueur fémorale> 5e percentile mesurée par un échographiste référent. Les critères d’exclusion étaient les examens tomodensitométriques jugés ininterprétables après relecture.
Les caractéristiques biométriques des parents, comptes rendus échographiques, résultats d’amniocentèse et issues de grossesse étaient collectés à partir du logiciel ViewPoint. Le devenir des foetus et les issues de grossesse manquantes étaient recueillis par questionnaires informatisés, téléconsultations, ou à partir du dossier patient informatisé de l’établissement hospitalier. Le diagnostic final était posé après recueil des examens complémentaires (foetopathologique, génétique, clinique et radiographique) en période prénatale, néonatale ou dans la petite enfance, et confirmé ou infirmé le diagnostic de dysplasie osseuse. Les données médicales étaient anonymisées sur un fichier Excel crypté.
Le traitement des informations était en règle de déclaration vis-à-vis du Règlement Général sur la Protection des Données et était enregistré sous le numéro 2019-30 dans le fichier RGPD/AP-HM. Le protocole de recherche a été́ approuvé par le Comité d’Ethique de Aix- Marseille Université, sous la référence de dossier 2019-14-03-003.

Paramètres étudiés

Les signes échographiques de MOC étaient définis par un aspect anormal des os longs, du crâne, des côtes, des vertèbres, des extrémités ou de la face (17) (18). Les signes extra-osseux échographiques regroupaient toutes les anomalies ne touchant pas l’appareil squelettique foetal. Les signes de dysplasie osseuse à l’examen TDM étaient définis par une anomalie de forme ou d’aspect des os longs, de la cage thoracique et ceinture scapulaire, du bassin, du rachis, du crâne et massif facial, des extrémités, ou des calcifications anormales de la matrice cartilagineuse. Les signes osseux discrets à la TDM étaient définis par un défaut d’ossification des branches ilio-pubiennes, des fentes vertébrales coronales ou sagittales non étagées, un retard de maturation osseuse, une anomalie de numération de côtes, un défaut d’ossification du sacrum. L’association de plusieurs signes osseux discrets à la TDM faisait suspecter une MOC (17) (18).
Les appareils d’échographie utilisés au sein des CPDPN étaient des VOLUSON I General Electric. Les examens tomodensitométriques ont été réalisés sur plusieurs types d’appareillage : GE Medical Systems (Chicago, Illinois USA) modèle Revolution HD ou Optima CT 660 et Siemens (Erlangen, Allemagne) modèle Sensation Cardiac 64 ou modèle Definition. Les paramètres d’exposition variaient selon les sites, les modèles et le morphotype des patientes en accord avec les recommandations en cours.

Critères de jugement

Dans un premier temps, la sensibilité et la spécificité de la TDM du squelette foetal et de l’échographie diagnostique pour la détection d’une MOC établie au diagnostic final ont été évaluées (critère de jugement principal).
Secondairement, un seuil de Z-score fémoral échographique pertinent pour le dépistage d’une dysplasie osseuse a été déterminé, ainsi que son équivalent en semaines de décalage de longueur fémorale (premier critère de jugement secondaire). Ce seuil de Z-score fémoral échographique a également été calculé dans deux sous-groupes : les foetus présentant un périmètre crânien (PC) supérieur au 50ème percentile et ceux présentant un PC supérieur au 90ème percentile (deuxième critère de jugement secondaire). De plus, un seuil de Z-score fémoral échographique était calculé pour la détection d’une anomalie génétique à l’amniocentèse (troisième critère de jugement secondaire). Ces seuils apporteraient une aide pour l’indication d’une TDM et d’une amniocentèse après diagnostic échographique d’un fémur court in utéro.
La croissance et le suivi médical des enfants ont fait l’objet d’une analyse descriptive (quatrième critère de jugement secondaire).

Analyses statistiques

L’analyse statistique a été réalisée grâce au Logiciel R Studio Version 1.2.1335. Dans un premier temps, une analyse descriptive de la population globale a été réalisée. Les variables quantitatives continues étaient présentées en moyennes ± écart-types et les variables qualitatives par des effectifs et pourcentages. Dans un deuxième temps, nous avons évalué les caractéristiques diagnostiques assorties de leur intervalle de confiance à 95% (IC 95%) de l’examen TDM du squelette foetal et de l’échographie pour le diagnostic final de MOC posé par l’examen de référence composite pré ou post-natal (examens clinique et/ou génétique et/ou radiologique et/ou foetopathologique). Les caractéristiques intrinsèques de chaque examen ont été calculées (sensibilité et spécificité) ainsi que leurs caractéristiques extrinsèques (valeurs prédictives positive et négative). Dans un troisième temps, les seuils échographiques optimaux de Z-score fémoral et de nombre de semaines de décalage de longueur fémorale pour le diagnostic final de MOC ont été évalués, ainsi que pour la détection d’une anomalie génétique à l’amniocentèse, et une représentation graphique de ces caractéristiques présentée sous forme de courbes ROC (Receiving Operative Characteristic) grâce à la « library(pROC) ».

Population initiale

Cent quatre-vingt-quatorze examens TDM ont été réalisés pour fémur inférieur au 5e percentile entre le 01/01/2011 et le 31/12/2017. Dix examens tomodensitométriques étaient classés ininterprétables en raison des mouvements foetaux durant l’acquisition ou de paramètres d’exposition insuffisants.
La présence ou l’absence de MOC a été établi au diagnostic final chez 113 patientes (61,4%) parmi les 184 patientes incluses dans l’analyse descriptive de la population. Soixante-et-onze patientes présentant un diagnostic final incertain étaient classées en quatre groupes : perdues de vue et TDM n’apportant pas d’élément supplémentaire, perdues de vue et examen tomodensitométrique révélant un signe osseux discret, mort foetale in utéro sans diagnostic final établi et enfants suivis pour une taille inférieure à moins trois déviations standard. Au total, 113 patientes ont été retenues pour l’analyse du critère de jugement principal et des deux premiers critères de jugement secondaires. Cent-quinze patientes ont accepté de réaliser une amniocentèse dans ce contexte de fémur court, et ont été incluses pour l’analyse du seuil de Z-score fémoral échographique pertinent dans la détection d’une anomalie génétique (troisième critère de jugement secondaire). Enfin, le suivi des enfants à l’appel était disponible pour 81 enfants (quatrième critère de jugement secondaire) (Figure 1).
Les caractéristiques des patientes et les données relatives à l’amniocentèse, à l’échographie référente, à la TDM, aux issues de grossesse, aux données néonatales et au diagnostic final sont présentées dans le tableau 1.
L’échographie de référence était réalisée en moyenne à 30,7 ± 4,1 semaines d’aménorrhée (SA). La tomodensitométrie était effectuée en moyenne à 32 ± 3,6 SA, décelait des signes formels de MOC chez 50 foetus (27,2%) et des signes discrets osseux chez 35 foetus (19%) (Figure 2). Au total, 46 dysplasies osseuses ont été diagnostiquées après analyses complémentaires pré ou post-natales (examens clinique et/ou génétique et/ou radiologique et/ou foetopathologique), soit 25% des foetus. Nous avons rapporté 128 naissances vivantes, 28 interruptions médicales de grossesse, 5 morts foetales in utéro, 5 décès néonatals dans les trois jours suivants la naissance, 2 décès postnataux entre 3 et 6 mois de vie et 16 issues de grossesse inconnues. Le poids moyen de naissance était de 2522,3g (± 706,3) et la taille moyenne de 44,6cm (± 4,5). Vingt-cinq pour cent des foetus avaient un poids de naissance inférieur au 5e percentile.

Performances diagnostiques

Dans notre population retenue pour l’analyse du critère de jugement principal (n=113), l’échographie et la TDM présentaient respectivement une sensibilité de 76.1% (IC 95%, 63.8-88.4) et 95.7% (IC 95%, 89.8-101.5) et une spécificité de 91.0% (IC 95%, 84.2-97.9) et 94.0% (IC 95%, 88.4-99.7) dans la détection d’une MOC.
Les valeurs prédictives positive (VPP) et négative (VPN) de l’échographie étaient respectivement de 85.4% et 84.7%. La tomodensitométrie présentait une VPP de 91.7% et une VPN de 96.9% (Tableau 2).

Longueur fémorale et détection d’une maladie osseuse constitutionnelle

L’analyse des courbes ROC a permis d’identifier deux seuils discriminants dans la détection d’une pathologie osseuse chez un foetus présentant un fémur court : un Z-score fémoral à -3.83 à l’échographie était retenu comme seuil pertinent pour le diagnostic d’une MOC, avec une aire sous la courbe de 0.84 (0.76-0.92). De même, un décalage de 4.14 SA sur la longueur fémorale échographique était trouvé comme seuil pertinent pour le diagnostic d’une dysplasie osseuse, avec une aire sous la courbe de 0.70 (0.60-0.80) (figure 3).
Dans le sous-groupe des foetus avec un périmètre crânien supérieur au 90ème percentile (n=22), le seuil de Z-score fémoral échographique déterminant la présence d’une MOC ultérieure était de -2.99, avec une aire sous la courbe de 0.90 (0.76-1.03). Dans le sous-groupe des foetus avec un périmètre crânien supérieur au 50eme percentile (n=70), ce seuil était de -3.30 avec une aire sous la courbe de 0.86 (0.76-0.96).

Longueur fémorale et détection d’une anomalie à l’amniocentèse

Un Z-score fémoral à -3.90 était calculé comme seuil pertinent pour la détection d’une anomalie génétique à l’amniocentèse, avec une aire sous la courbe de 0.70 (0.52-0.88). Les anomalies génétiques décelées sont présentées dans le tableau 1.2.

Suivi des enfants

Nous avons pu collecter des renseignements sur le suivi médical de 81 enfants, avec un âge moyen au recueil des données de 57.6 ± 26.5 mois. Vingt-quatre enfants (29.6%) présentaient un suivi rapproché de leur croissance par un ou plusieurs professionnels de santé. Parmi les données disponibles sur la taille (n=71), 49 enfants (56%) présentaient une taille inférieure à 1 déviation standard (DS), parmi lesquels 8.1% avaient une taille inférieure à 3DS. Dans 88.5% des cas, les enfants avaient un niveau scolaire adapté à leur âge (n=78) (Tableau 3).

Discussion

Notre étude confirme que l’échographie diagnostique et la tomodensitométrie osseuse foetale sont des examens performants pour le diagnostic de maladie osseuse constitutionnel. Bien que la référence de notre essai soit le diagnostic final posé par des examens complémentaires, l’échographie et la TDM n’étant pas comparées l’une à l’autre, il semble que la TDM apporte une plus-value dans la détection d’une dysplasie osseuse après découverte d’un fémur inférieur au 5e percentile, conformément aux données de la littérature (10–14). Contrairement aux données publiées (7) (8), nous trouvons une meilleure sensibilité de l’échographie dans la détection d’une dysplasie osseuse (Se=60% dans la littérature). Cette différence pourrait être expliquée par la qualité des appareils d’échographie utilisés de nos jours.
La relecture des examens TDM par un radiologue expert et l’analyse de cent quatre-vingt-quatre examens TDM du squelette foetal constituent les points forts de notre étude. Dans la littérature, nous trouvons plusieurs essais sur le sujet, mais de faibles effectifs (19) (10) (13) (14). La mise en évidence de seuils de longueur fémorale échographiques pertinents dans la détection d’une MOC pourrait présenter une utilité dans notre pratique de surveillance obstétricale courante. Ainsi, ces seuils (Z-score fémoral à -3.83 et décalage de longueur fémorale de 4.14 semaines d’aménorrhée) pourraient jouer un rôle dans l’indication d’une TDM du squelette foetal après découverte d’un fémur court in utéro. Conformément à nos résultats, une étude de faibles effectifs fait état d’un taux de dysplasies osseuses plus important pour un Z-score <-3 sur le fémur (20).
Le seuil de Z-score fémoral à -3.90 déterminant la détection d’une anomalie génétique à l’amniocentèse pourrait être une aide à l’indication de cet examen après découverte d’un fémur court in utéro. Seize amniocentèses présentant des anomalies ont été retenues pour cette analyse. En effet, 17 anomalies génétiques étaient comptées dans notre population, dont une patiente présentant une mutation du gène FGFR3 et un caryotype 46XY/45X. Le faible effectif de cette analyse nous invite à interpréter ce seuil avec prudence. A ce jour, la littérature ne présente pas de donnée à ce sujet.
Le suivi des enfants à plus ou moins long terme (moyenne 57.6 mois ± 26.5) est aussi une force de notre essai. Plusieurs données sont disponibles sur les complications obstétricales et néonatales des foetus présentant un fémur court (1) (21–23), sans étude retrouvée sur le devenir à plus long terme de ces enfants. Ainsi, il semble important de proposer un suivi rapproché du développement staturo-pondéral de ces enfants. En revanche, 88.5% des enfants avaient un niveau scolaire adapté à leur âge, une surveillance renforcée de leur développement neurocomportemental apparaissant moins pertinente.
Les limites de notre analyse résident dans le nombre de diagnostics finaux non établis. Soixante-et-onze patientes (38.6%) ont été exclues pour l’analyse des performances diagnostiques de l’échographie et de la TDM, de même que pour le calcul du seuil de longueur fémoral discriminant dans la détection d’une MOC. Nous avons fait le choix de classer ces patientes en quatre groupes. Dans notre étude, la majorité des patientes pour lesquelles nous n’avons pas pu statuer formellement sur la présence ou l’absence de MOC par des examens complémentaires pré ou postnataux est représentée par le groupe des perdues de vue. Certaines patientes n’étaient pas joignables et d’autres refusaient de répondre à nos questions, un refus probablement expliqué par un vécu anxiogène de leur grossesse et de la prise en charge. Ainsi, cinquante patientes perdues de vue présentaient une TDM anténatale qualifiée de « normale », c’est-à-dire ne montrant pas de signe discret osseux ou de signe patent de MOC. Au vu des performances diagnostiques de la TDM du squelette foetal dans notre étude et des données de la littérature (10–15), nous pouvons supposer que la majorité de ces enfants perdus de vue ne présentent pas de dysplasie osseuse. A contrario, quinze patientes perdues de vue présentaient un examen tomodensitométrique révélant un signe osseux discret ; il est difficile d’émettre des hypothèses sur le devenir de ces enfants. Deux morts foetales in utéro sans diagnostic posé sont rapportées dans notre population. Enfin, quatre enfants au devenir connu présentaient une taille inférieure à moins trois déviations standard à l’appel téléphonique. Nous avons exclu ces enfants de l’analyse du critère de jugement principal. En effet, si l’on considère qu’un fémur court peut-être l’expression précoce et isolée d’une MOC (17), nous ne pouvons affirmer avec certitude que ces enfants de petite taille sans suivi spécialisé sont indemnes de toute dysplasie osseuse. Nous soulignons l’importance du suivi rapproché de ces enfants, et la problématique des diagnostics de MOC non établis pour cause de perdu de vue. Nous pouvons discuter certaines TDM réalisées en excès avec des médianes et écarts types respectifs de -3,06 [-10,7 ; -1,7] pour le Z-score fémoral et de 4 [1,4 ; 11,3] semaines de décalage de longueur fémoral. Ainsi, on peut supposer que les foetus ayant bénéficié d’une TDM pour un Z-score fémoral compris entre -1,7 et -3 présentaient d’autres signes de dysplasie osseuse à l’échographie, justifiant la réalisation d’une TDM.
La présence de quatre cas de trisomie 21 fait discuter la chronologie des examens et pose la problématique de l’attente systématique des résultats d’amniocentèse avant la réalisation d’une TDM foetale. Cette attente retarderait la TDM, dont l’âge de réalisation moyen dans notre population est de 32 SA ± 3,6, mais apparait nécessaire pour éviter un examen inutile et coûteux. Dans notre cohorte, dix examens TDM étaient classés ininterprétables et n’ont pas été inclus dans notre analyse. Il convient d’optimiser la dose de rayons X délivrée en fonction du morphotype maternel et d’assurer une parfaite préparation de la patiente afin de réduire les mouvements foetaux actifs et obtenir des images du squelette foetal analysables (14) (24). A venir, l’amélioration de la performance des appareils échographiques et le développement des techniques moléculaires pourraient supplanter l’examen tomodensitométrique (25–28).

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Table des matières

Résumé
Introduction
Matériels et méthodes
Modèle de l’étude
Population et collecte des données
Paramètres étudiés
Critères de jugement
Analyses statistiques
Résultats
Population initiale
Performances diagnostiques
Longueur fémorale et détection d’une maladie osseuse constitutionnelle
Longueur fémorale et détection d’une anomalie à l’amniocentèse
Suivi des enfants
Discussion
Conclusion
Références bibliographiques

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